Dans ce monde si perdu que chacun propose sa solution sans y croire, il y a un mot reconnu par tous comme utile au lendemain, c’est le mot sagesse. L’aimer c’est en grec faire de la philosophie. La difficulté est de savoir ce que l’on y met.
Ne serait-ce pas l’harmonie entre trois voies complémentaires que nous avons du mal à emprunter et à concilier ?
– Une voie personnelle que l’on peut appeler la voie initiatique. Elle est renaître de soi-même après s’être nettoyé de ce qui n’est pas soi. Mahomet dit dans un hadith célèbre « Mourez avant de mourir »; le Talmud dit qu’un converti est comme un nouveau-né ; Jésus dit à Nicodème que pour être heureux, pour vivre hors le temps, pour avoir « la vie éternelle » comme dit Jean, il faut qu’il naisse de nouveau. Toutes les initiations font mourir pour renaître. Le faire n’est pas facile et le calvaire du Christ est pour cela exemplaire. Louis-Vincent Thomas nous rappelait dans La mort africaine qu’ « il y a 3 moments importants dans la vie : la naissance, l’initiation et la mort. Des trois le plus important est sans conteste le second qui donne sens au premier et enlève tout pouvoir destructeur au troisième ».
– Une voie horizontale qui est la voie politique, celle du rapport aux autres et à la cité. C’est probablement la voie la plus négligée actuellement même si elle est la plus courtisée. Tous les groupes se lézardent, les référents s’estompent et les quotidiens s’en ressentent en partant dans tous les sens pour aboutir souvent à l’autodestruction. La peur du lendemain se traduit en mensonges et la tentation de se satisfaire de l’apparence est omniprésente. La difficulté est de ne pas se contenter de superposer l’absence de groupe, l’individualisme, et le groupe général, l’humanité pour laquelle on ne nous propose guère que de nous nourrir, de trier nos poubelles et de faire du vélo. L’honneur de la voie politique est de se souvenir que polis, la cité, avait sa limite, que cette limite était aussi essentielle que difficile à cerner. La facilité de refuser les limites ou de vouloir les abolir se retourne toujours contre ceux qui préfèrent le rêve à la réalité.
– Une voie verticale que l’on peut appeler la voie hermétique qui regroupe d’une façon très composite les gnoses, les mystiques, les religions et le logos d’Héraclite. Elle est l’intelligence et le mystère, la quête éternelle de la bonne gestion de nos contradictions. Elle commence par l’humilité, l’accueil du fait que l’humus, fruit de morts et source de vies, a la même racine que l’homme ; l’humilité de sortir du « yes we can » pour admettre le « we cannot » en reconnaissant que nous ne sommes pas des dieux. Elle se poursuit par le travail du socratique « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux ». Elle s’épanouit dans la tradition qui est la transmission par le dire. La voie verticale renaît après un siècle d’essoufflement.
Il suffit d’approcher la sagesse par cette harmonie pour prendre conscience de la distance qui nous en sépare. Mais si nous voulons nous en rapprocher, il est nécessaire, là comme ailleurs, de bien poser le problème pour envisager sa solution.