Depuis la déconnection du dollar de l’or par Nixon le 15 août 1971 alors que toutes les monnaies étaient connectées au dollar selon les accords de Bretton Woods, l’ensemble de l’économie mondiale est partie à la dérive sans que les puissants ne réalisent le drame puisque cela faisait si longtemps que l’on avait oublié le sens et le but de la monnaie.
L’or à l’époque était un élément de référence intéressant puisque l’augmentation mondiale d’or par son extraction annuelle correspondait fortuitement mais à peu près en pourcentage, à l’augmentation de la population active dans les pays monétarisés. Sans s’en rendre compte et sans le vouloir, les économistes avaient redonné son sens d’énergie humaine stockée aux monnaies.
Mais aujourd’hui nos intellectuels, dont les politiques et les journalistes qui se voient tous intellectuels, font croire aux peuples qui sont très heureux d’y croire, que le « développement économique » leur apportent des richesses comme les galions espagnols apportaient de l’or. C’était le développement économique de l’époque. L’expérience du XVIème siècle n’a servi à rien puisque la France n’existe parait-il que depuis 1789. Jean Bodin écrivait pourtant « L’Espagnol qui ne tient vie que de France est contraint, par force inévitable, de prendre ici les blés, les toiles, les draps, le pastel, le papier, les livres, voire la menuiserie et tous les ouvrages de main, et nous va chercher au bout du monde l’or, l’argent et les épiceries. ». L’Espagne vivait dans les fastes et dans l’indolence en appauvrissant le reste de l’Europe par une forte hausse des prix généralisée. Le blé, base alimentaire de l’Europe de l’époque, voyait son prix tripler car il fallait nourrir les Espagnols qui ne pouvaient manger leur or. Mais encore aujourd’hui Guy Sorman qui a « enseigné l’économie » à Sciences Po, fait des éditoriaux faussement alarmistes où il déclare « Chaque nation, chaque province sera tentée de se replier sur elle-même, oubliant que l’échange est le fondement de la prospérité« . Comment peut-on faire croire que l’échange apporte la prospérité sans le faire précéder par le travail de production que nous avons abandonné ?
Le « développement économique » actuel devient complètement ridicule en se limitant de plus en plus à une production mécanisée effrénée et à une création monétaire toute aussi effrénée. La création monétaire est d’ailleurs encore plus importante que la production mécanisée car il faut donner de l’argent d’abord à la publicité, c’est-à-dire aux agences, au sport et aux médias, qui doivent tous faire croire que les productions sont toutes des richesses, ensuite à l’achat de machines de plus en plus sophistiquées et donc de plus en plus chères et enfin à l’entretien des consommateurs dont le système n’a plus besoin en tant que travailleurs puisque les machines font beaucoup mieux le travail mais en tant que consommateurs à qui il faut donner de quoi acheter.
A Davos où les intellectuels se retrouvent chaque année en janvier lorsqu’ils sont assez riches, l’année 2016 a accouché dans la fierté de leur « quatrième révolution industrielle » faite de numérisation et de robotique où l’on peut enfin supprimer en Europe 5 millions d’emplois d’ici à 2020. Heureusement Mario Draghi à la Banque Centrale Européenne prête maintenant à 0%, « sans limites » dit-il, la fausse monnaie qu’il fabrique et rachète cash aux banques toutes leurs créances pourries sur les Etats qui ne peuvent rembourser qu’en réempruntant davantage. Plus personne ne se demande « Qui paye ou qui va payer au bout du compte ? » puisque l’argent coule à flots. Les banques prêtent à tout va à quiconque veut consommer ou acheter de la pierre mais elles ne prêtent à la production que si l’on va produire ailleurs.
Certaines personnes disent « Et alors ? Quelle importance si ça marche et si ça dure ? ». Cela ne peut pas durer car nos intellectuels n’ont comme seule solution pour inverser les montées liées de la dette et du chômage, que de tenter de faire payer les autres peuples comme le font les Allemands et comme la morale de la Charte de La Havane le réprouve. Mais nous n’y sommes globalement pas bons et chez nous c’est le déficit du commerce extérieur qui monte avec le chômage et la dette. Tout le monde s’en moque puisque la question « Qui paye ? » est devenue ringarde.
Tout cela ne tiendra que tant que nos intellectuels croiront qu’il est moins coûteux de fabriquer un robot que de faire un enfant et tant qu’ils feront payer au peuple leur incapacité à se remettre en question. Il faut leur dire le plus gentiment possible que se croire plus doué que Dieu reste probablement une erreur.