En ces moments très particuliers où un prétexte sanitaire met au jour les maux profonds de notre société en fabriquant des peurs pour des raisons provisoirement mal connues, il est encore trop tôt pour analyser le pourquoi de cette pandémie de la peur, quels qu’en soient ses créateurs et quelles qu’en soient leurs motivations. Tester la passivité des peuples est une hypothèse désagréable parmi d’autres. Mais c’est sans doute le moment de se reposer les questions fondamentales dont les réponses seront nécessaires à la construction de demain. Chacun en effet s’accorde à dire une fois de plus que rien ne sera plus comme avant et il n’est pas exclu que cette fois-ci soit la bonne. L’une des questions les plus importantes est de solidifier ou d’invalider la croyance bien installée que ce sont les entreprises qui créent les richesses.
Pour y répondre il faut dans un premier temps cerner la notion de richesse que tout le monde croit connaître et qui n’est pas si simple. La richesse est ce qui plait et qui est reconnu par d’autres comme plaisant. C’est le beau, vu par l’œil ou entendu par l’oreille, c’est le bon, senti par le nez ou goûté par la bouche, c’est l’agréable ressenti par la main et c’est le bien désiré par l’esprit. C’est tout ce que nous aimons collectivement sans savoir si cette attirance est objectivement raisonnable. Cette notion de collectif est essentielle dans l’approche de la richesse et le « nous » était important quand le président du Mali Amadou Toumani Touré disait « On nous dit pauvres, nous sommes riches de la famille ». La richesse n’est qu’un regard collectif positif sur un objet, une idée ou une réalité. Etant un regard, la richesse est subjective mais devient presque objective lorsqu’il y a accumulation de regards identiques. L’aspect collectif de la richesse se retrouve dans son étymologie, le mot franc riki qui veut dire puissant et qui a donné le mot français agréable riche et le mot allemand moins agréable en France, reich.
Il est indéniable que les entreprises produisent des biens ou des services mais qu’est-ce qui fait que leurs productions soient des richesses et non des déchets ? Quelle différence y a-t-il entre une bouse et du lait, tous deux productions de la vache ? Une vache qui ne créerait que des bouses serait-elle une entreprise qui crée de la richesse ? Assurément non. Ce qui transforme la production en richesse, c’est le client et c’est le jardinier qui peut transformer le crottin en richesse. C’est uniquement si un client achète la production qu’elle devient richesse. Sans cet achat, sans cette dépense, pas de richesse, pas de valeur ajoutée, pas de chiffre d’affaires, pas de PIB.
Certes il y a des richesses qui existent sans que leurs clients ne payent avec de la monnaie officielle. Une mère achète avec des bisous, sa monnaie très personnelle, le dessin de son bambin qu’elle voit évidemment comme une richesse. Mais si le dit bambin produit sans arrêt des dessins, sa mère cessera sans doute de n’y voir que de la richesse et cessera de distribuer autant de bisous. Les dessins du bambin cesseront d’être une richesse, y compris pour lui-même avec l’âge.
C’est pour éviter cette dévalorisation de bon sens de la production qui s’est emballée avec l’introduction des machines, que la troïka politique université médias a depuis 50 ans inventé un véritable truc pour valoriser artificiellement la production des entreprises et faire croire que ce sont systématiquement des richesses. Alors qu’il était imprimé sur les billets de banque que la fausse monnaie emmenait encore au bagne à perpétuité après avoir emmené longtemps à la mort par ébouillantage puis à la guillotine, les Politiques ont légalisé la fausse monnaie quand elle était fabriquée par les banques et ils ont donc donné aux banques le pouvoir de décider que les entreprises créent des richesses puisqu’elles vendent leurs productions grâce à la fausse monnaie créée. La fausse monnaie permet d’investir pour produire, et de vendre pour faire croire que la production est une richesse. Le futur paiera. Les universitaires ont inventé pour ce faire une monnaie qu’ils ont appelée fiduciaire, fondée sur la confiance dans l’avenir et plus sur des réalisations du passé comme l’avaient été toutes les monnaies jusqu’alors. Les médias se sont chargés de convaincre le peuple que la vie était facile grâce à la fausse monnaie.
La fausse monnaie ne coûtant quasiment rien (quelques clics d’ordinateur), elle a tout faussé partout. Elle a permis d’acheter des machines de plus en plus sophistiquées qui produisent de plus en plus et vont demander encore plus de fausse monnaie pour que leurs productions soient toujours considérées comme des richesses. La fausse monnaie à fait s’épanouir le monde de la publicité qui a abandonné la réclame qui était une réponse à un désir préexistant pour s’engouffrer dans la création artificielle culpabilisante du désir de consommer. Les médias ne vivent aujourd’hui quasiment que de la fausse monnaie que les publicitaires leur donnent après l’avoir pris aux entreprises, pour qu’ils créent des désirs de consommation. Ces désirs sont satisfaits par un peu de bonne monnaie venant du travail dans les entreprises, et par beaucoup de fausse monnaie, récupérée sur les entreprises ou distribuée avec intérêt par les banques.
Comme le système est par définition imbécile et intenable, ceux qui ont le pouvoir (le riki, les riches, le reich) ont abandonné l’idée fondamentale depuis toujours qu’une monnaie doit être adossée à une richesse préexistante depuis la plume d’oiseau rare, le grain de sel ou de blé, l’argent ou l’or. Ils ont inventé la monnaie fiduciaire adossée à la confiance, disent-ils, et en fait à la croyance en des lendemains qui chantent tous seuls.
Le résultat est évidemment catastrophique et le pouvoir (le riki, les riches, le reich) est obligé de faire le grand écart entre la fuite en avant de toujours plus de fausse monnaie pour ne pas prendre conscience de l’impasse dans laquelle il s’est mis, et une récupération par tous moyens sur les entreprises et sur les peuples d’un argent qui a déjà été dépensé pour faire du PIB mais que l’on va considérer comme un produit que l’on peut utiliser une deuxième fois. C’est comme si le maire d’un village constatait d’abord qu’au marché du dimanche sur la place, il avait été vendu pour 10.000 € de marchandises (son PIB), puis mettait tranquillement ces 10.000 € comme ressources de son prochain budget. C’est exactement ce que la troïka fait en faisant des ratios sur PIB et en créant évidemment des myriades de réactions naturelles, toutes appelées dédaigneusement populismes.
Le fossé se creuse entre le pouvoir (le riki, les riches, le reich) qui est totalement perdu et qui s’affiche de plus en plus ridicule en faisant semblant de tout maîtriser et les peuples qui subissent leur morgue et leur incompétence. Tout ce que le pouvoir sait faire c’est tenter de recréer l’esclavage en créant « en même temps » une journée de l’abolition de l’esclavage. Il recrée l’esclavage dans l’espace qu’est le mondialisme, l’esclavage dans le temps qu’est la dette et il tente de créer l’esclavage ici et maintenant par l’immigration, le chômage et la paupérisation des classes moyennes. Les seuls qui ne s’en tirent pas trop mal, hors la troïka, sont les kapos du système que sont l’administration et les artistes quand ils sont suffisamment louangeurs par leur silence.
Détruire d’un coup l’économie par un confinement irresponsable, ne pourrait-il pas être la façon la plus discrète d’affronter enfin la réalité qui nous rattrape grâce à un bouc émissaire inespéré ?
Le contrat social du capitalisme néolibéral et machiniste est basé sur la consommation des masses. Si à l’expérience de la « confination », les masses décident que la consommation du nécessaire et suffisant est probante et qu’il vaut mieux économiser, alors les capitaines d’industrie par leurs valets les politiques, seront obligés de négocier. Sinon on va direct vers un guerre armée sino-américaine.
« Ce qui transforme la production en richesse, c’est le client (…). C’est uniquement si un client achète la production qu’elle devient richesse ».
A nouveau se présente la confusion entre richesse et valeur d’échange, du fait de la non-compréhension de la différence entre valeur d’usage et valeur d’échange. Et ce n’est pas qu’une question de regard ; échanger, utiliser sont des actes différents, voire incompatibles. La production, agricole par ex, est une richesse quand elle est utilisée, et non pas quand elle est échangée : alors elle devient une marchandise, un simple support de la valeur marchande. Relire Marx qui explique cela après Aristote.