Vœux 2019

A l’aube de cette nouvelle année nappée d’incertitudes, de craintes voire de peurs, je voudrais émettre le vœu que nous réussissions ensemble à réconcilier le bon sens et l’intelligence.

La tâche n’est pas aisée car si le bon sens crée le lien social, l’intelligence le segmente tout en l’enrichissant. Pendant des millénaires, ce que l’intelligence inventait, le bon sens le comprenait et ce que le bon sens ne comprenait pas n’était pas reconnu comme intelligent. Ainsi de la roue à l’avion, en passant par la machine à vapeur, le moteur à explosion et l’électricité, le bon sens comprenait et admirait ce que l’intelligence lui apportait.

Mais au XXe siècle, d’Einstein à l’intelligence artificielle, du voyage vers la lune au transfert par des ondes, de sons puis d’images, l’intelligence a exigé du bon sens qu’il accueille sans comprendre, qu’il se reconnaisse accessoire et qu’il juge normal d’être méprisé.

Le bon sens avait toujours su que l’espace était réversible et que le temps ne l’était pas. L’intelligence a voulu lui imposer que ce n’était pas forcément vrai. Le bon sens avait toujours su que, s’il était imaginable que le hasard et la nécessité aient pu fabriquer ensemble une fois, la perfection d’un animal ou d’une plante, il était inimaginable qu’ils aient réellement fabriqué, simultanément et séparément, des milliards d’animaux et de plantes, tous plus harmonieux les uns que les autres. L’intelligence a voulu imposer au bon sens une création sans origine et une énergie sans source.

L’intelligence a voulu museler le bon sens qui s’est apparemment laissé faire tout en rongeant son frein.

L’intelligence s’est enfermée dans ses écoles, dans son monde d’un peu de réalité et de beaucoup d’apparence. Elle s’est tellement répétée à elle-même qu’elle était intelligente que ses éléments les plus excentrés lui ont même trouvé comme seul défaut d’être « trop intelligente ». Refusant le contact dégradant avec le bon sens d’humains de second ordre, elle a redécouvert la nature et a même décidé de la rendre intelligente en faisant suer le bon sens. Elle a renoncé au bonheur qu’elle n’a jamais su expliquer et a voulu que le bon sens se contente comme elle du plaisir et surtout, qu’il l’achète ! Elle a pris le pouvoir sans avouer qu’elle ne sait pas quoi en faire.

Mais le bon sens a mis des gilets pour faire savoir par leur couleur qu’il se sentait cocu. L’intelligence lui avait dit qu’elle créait des richesses. Le bon sens respectueux l’avait crue mais lui demande sa part qu’elle ne peut lui donner.

L’intelligence n’a pas le courage d’avouer qu’elle a été bête et le bon sens sait qu’il a manqué de discernement en se laissant faire.

Demandons à 2019 de les réconcilier. Cela va être extrêmement difficile mais à l’avenir rien d’impossible. Il faut que le bon sens se contente d’être le filtre de l’intelligence sans penser avoir réponse à tout. Il faut aussi que l’intelligence renonce à s’auto-admirer et accepte que le bon sens la canalise et l’épure. Il faut que nous redécouvrions avec lui et avec elle que pour être fécond, un couple doit reconnaître et sa différence et sa complémentarité.

Vaste programme !

Sommes-nous vraiment un pays riche ?

En ces temps compliqués où nous ne savons plus trop si l’on fête la naissance du Christ ou de la nouvelle année, si l’on attend tout du lendemain qui chante avec l’innovation ou de la sagesse du passé avec la spiritualité, arrêtons-nous un instant sur notre satisfaction d’être un pays riche. Sur l’ensemble de l’échiquier politique, il y a en effet unanimité pour parler des pays riches dont nous ferions partie.

Ai-je le droit de soutenir contre tous les médias qu’il est stupide ou enfantin de parler de pays riches et de pays pauvres, comme de richesse nationale, son inverse la pauvreté nationale semblant être délaissée par les commentateurs ?

Comme toujours, et le GIEC pour ne prendre que lui nous en donne un exemple concret permanent avec le climat, c’est en quantifiant ce que l’on a du mal à définir, qu’on le rend apparemment concret, palpable et réel. Comme la qualification est un exercice périlleux qui nécessite le doute, la modestie et une capacité d’observation aiguë, il est très tentant de contourner l’obstacle en quantifiant ce que l’on a du mal à définir pour rendre sa réalité incontournable. C’est tellement vrai que tous les totalitarismes quantifient ce qu’ils ont du mal à imposer. Le régime national-socialiste comptait les juifs, les tziganes et les communistes et de même les fausses démocraties interdisent de quantifier les réalités qui les gênent comme les statistiques ethniques.

Qualifier la richesse n’est pas simple et les dictionnaires sont incapables de la définir simplement. Elle est en fait une approche à tâtons par un groupe donné du beau et du bien vus par lui, comme la justice est une approche du bien et du vrai, toujours vus par le groupe considéré. Son étymologie, le mot franc riki qui veut dire pouvoir et qui a donné reich en allemand, indique la tendance naturelle de tout groupe à donner le pouvoir à ce qu’il trouve beau, bon et bien.

Comme la richesse est très difficile à définir et que certains viennent même tout compliquer comme cet ancien président du Mali qui disait « Nous sommes riches de la famille », le capitalisme et ses intellectuels ont décidé de la quantifier pour qu’elle soit réelle, non discutable et universelle. Faire croire à l’universalité de la richesse, négation de la réalité, nouveau colonialisme et même nouvel esclavagisme, est la mission que se sont donnés l’ONU et l’OMC en se laissant totalement pervertir.

Et c’est là où le ridicule le dispute à l’absurde. Il a été décidé arbitrairement que les entreprises créaient la richesse et que cette richesse pouvait se chiffrer en monnaie. A commencé alors une longue descente aux enfers où l’intelligence s’est surpassée dans la manipulation du faire croire.

On a commencé par confondre la richesse avec la production pour lui donner une réalité concrète et on a éliminé dans la production, les notions mêmes de déchets et d’encombrants pour que la confusion soit vraiment totale. Il a fallu ensuite nommer cette richesse soi-disant créée par l’entreprise et on lui a donné le nom sympathique et très parlant de valeur ajoutée. On cherchera pourtant vainement un quelconque ajout de valeur puisqu’il ne s’agit que de la dépense des clients diminuée de ce que l’entreprise a préalablement dépensé chez ses fournisseurs. On commence déjà à prendre la dépense pour une valeur, pour une richesse. La valeur ajoutée d’une entreprise n’est pourtant que la partie de l’argent de ses clients qui n’a pas été donnée à ses fournisseurs et qui sera totalement distribuée à ses salariés, à ses actionnaires et à l’État. L’entreprise est essentielle pour faire circuler la monnaie grâce à sa production mais elle ne fait que cela. Si sa production ne trouve pas preneur, l’entreprise meurt et parler production sans parler clients, créer le désir sans savoir comment le satisfaire comme le fait la publicité, est indigne et générateur de malheur. Laissons l’entreprise à sa place: Elle permet à la monnaie, en répartissant l’argent de ses clients, de remplir son rôle de titre de créance sur le groupe. Il est manipulateur, en feignant d’ignorer l’argent dépensé par les clients pour fabriquer la valeur ajoutée, de faire croire que l’entreprise crée des richesses.

La valeur ajoutée n’existe donc que par la dépense des clients. Mais par un tour de passe-passe, l’INSEE vient nous expliquer finement, sans jamais mentir ouvertement mais en faisant tout pour que l’on comprenne de travers, que la somme des valeurs ajoutées est la richesse annuelle produite alors qu’elle n’est que la somme des dépenses qu’elles soient publiques ou privées, intelligentes ou stupides, à consommer tout de suite quand on l’appelle consommation, ou à consommer plus tard quand on l’appelle investissement. Pour bien nous tromper on appellera cette somme de dépenses, Produit National ou Intérieur Brut, PNB ou PIB. Cela permettra à tous les « experts » de présenter le PIB qui n’est qu’une dépense comme une création de richesse.

Faut-il à nouveau rappeler que le PIB mesure dans un espace-temps donné toutes les activités d’achat et de vente ? Il peut donc se calculer de trois façons : par l’argent dépensé, par la valorisation des marchandises vendues et par la somme des transactions. C’est ce que fait l’INSEE dans un langage abscons sur son site. Un observateur attentif remarquera l’imbécillité de mettre l’import-export dans le calcul de la seconde définition sans le mettre dans la première et dans la troisième, tout en aboutissant prétendument au même résultat. Puisque nous sommes dans l’imbécillité, observons que les fameux critères de Maastricht, pas plus de 3% de déficit budgétaire et pas plus de 60% d’emprunt, sont exprimés en pourcentages du PIB, donc de la somme des dépenses publiques et privées. En clair il est sage d’après l’Union européenne de dépenser jusqu’à 103% de ce que l’on a déjà dépensé et, plus l’on dépense, plus il est judicieux d’emprunter. Que personne ne s’étonne de la montée de la dette ! Et ayons tous la charité de comprendre pourquoi Juncker se réfugie dans l’alcool.

Après avoir bien expliqué en lui donnant un nom que dépenser c’est s’enrichir, arrive alors le dernier maillon du faire-croire, maillon indispensable pour que la dépense soit vraiment considérée comme une création de richesse. Les banques créent la monnaie pour que les clients puissent la dépenser et transformer la production des entreprises en richesses. Dans une économie cohérente c’est l’État qui crée l’argent en reconnaissance de sa dette, en reconnaissance d’une énergie intelligemment et préalablement dépensée pour la collectivité. Dans l’économie capitaliste les banques inversent le temps et créent l’argent en prétendant le récupérer plus tard, ce qui enlève à la monnaie son rôle essentiel de régulation puisque c’est le futur qui équilibrera tout. Le futur a toujours bon dos ! Les banques inondent le marché d’argent en faisant monter la dette pour équilibrer leur fausse générosité exclusivement fondée sur l’intérêt qu’elles en retirent. Et comme la richesse est vue comme une capacité à dépenser, le magma politico-médiatico-publicito-universitaire constate avec une fausse tristesse la montée continue de la dette tout en se félicitant de la baisse de la pauvreté grâce à la croissance qui est la croissance des dépenses mais qu’il présente comme une croissance de la richesse.

Mais ce magma vend tellement bien l’illusion de la richesse créée que cela lui revient en boomerang dans la figure par les Gilets jaunes qui ne comprennent évidemment pas pourquoi ils n’auraient pas leur part.

« En même temps » on voit une mignonne secrétaire dite d’État, venir pérorer dans les médias pour dire qu’elle a « déclenché des cellules de crise » et qu’elle est « sur le pont » (BFM TV 22 décembre 2018). Rassurons-nous. La Macronie va nous sauver à force d’être « trop intelligente » comme dit l’ineffable Gilles Le Gendre.

Plus sérieusement l’État ne pourrait-il pas enfin rendre utile tous nos concitoyens sans se décharger de ses devoirs sur les entreprises ? Dès qu’on s’est réveillé de la fausse création de richesses par les entreprises, on s’aperçoit avec tristesse que l’État ne fait qu’habiller Paul en déshabillant Pierre, activement et passivement. Activement en tentant d’acheter le peuple avec une apparente générosité et avec un argent qu’il n’a pas et qu’il est obligé d’aller chercher. Passivement en laissant la gestion monétaire aux banques qui ne crée l’argent à dépenser tout de suite qu’avec une créance à récupérer plus tard grâce à une création de richesses qui n’existe pas. Chacun observe la dette monter inexorablement sans s’en laisser déranger.

Il est intéressant d’observer comment la seule expérience importante d’État de ces deux derniers siècles a été dévoyée, rabaissée à la charité publique, conspuée et immédiatement interrompue. Il s’agit des ateliers nationaux de la IIe république qui n’ont duré que 4 mois du 27 février au 21 juin 1848. L’État fournissait du travail aux chômeurs, l’organisait et le payait. L’idée extrêmement intéressante s’est instantanément heurtée au fait que l’État connait très mal les vrais besoins du peuple, qu’il a une très faible capacité d’organisation et qu’il n’est pas maître de la monnaie. Le résultat en a été ce que l’État sait admirablement faire aujourd’hui avec le RSA et les subventions: payer les gens à ne rien faire en prenant l’argent chez ceux qui travaillent. Mais à l’époque il y avait encore des députés dignes de ce nom qui, comme Victor Hugo, rejetaient cette facilité. Voilà ce qu’il disait à la Chambre le 20 juin 1848:

« Les ateliers nationaux sont un expédient fatal. Vous avez abâtardi les vigoureux enfants du travail ; vous avez ôté à une partie du peuple le goût du labeur, goût salutaire qui contient la dignité, la fierté, le respect de soi-même et la santé de la conscience. À ceux qui n’avaient connu jusqu’alors que la force généreuse du bras qui travaille, vous avez appris la honteuse puissance de la main tendue ; vous avez déshabitué les épaules de porter le poids glorieux du travail honnête, et vous avez accoutumé les consciences à porter le fardeau humiliant de l’aumône. Nous connaissions déjà le désœuvré de l’opulence, vous avez créé le désœuvré de la misère, cent fois plus dangereux pour lui-même et pour autrui. La monarchie avait les oisifs, la République aura les fainéants (…).
Cette fainéantise fatale à la civilisation est possible en Turquie, en Turquie et non pas en France. Paris ne copiera pas Naples ; mais, jamais Paris ne copiera Constantinople »
.

Victor Hugo pourrait nous redire cela aujourd’hui mais cette piste est pourtant la seule à creuser si nous voulons réellement nous convaincre que nous créons de la richesse. Mais la mauvaise expérience des ateliers nationaux nous a appris que le travail utile à effectuer comme son organisation doivent être laissés à l’initiative privée. La force de l’État, s’il reprend enfin son rôle de créer la monnaie, est de gérer cette création en vérifiant que ce qu’il achète avec cette nouvelle monnaie est vraiment considéré comme un enrichissement de la nation. S’il en crée trop, il dévalue la monnaie et appauvrit son peuple. S’il n’en crée pas assez, il se désintéresse de l’énergie de son peuple en faisant perdre à la monnaie son rôle de créance sur la collectivité.

Le nœud de notre problème est bien le rapport compliqué entre le travail, la richesse et la monnaie. Ce n’est pas parce que l’État a raté l’expérience des ateliers nationaux et que le capitalisme nous a apporté la cacophonie incompréhensible et prétentieuse des économistes, que nous ne devons pas nous contraindre à inventer une nouvelle harmonie entre le dynamisme de l’initiative privée et la force de la puissance publique.

N’oublions pas notre Constitution qui dit avec grand bon sens: « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Que les fêtes qui ne sont plus la joie partagée après l’effort commun mais qui sont achetées pour faire de la croissance, ne nous le fassent pas oublier trop vite !

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme

Il y a un peu plus d’un an, en octobre 2017, j’écrivais Lorsque l’orage menace… qui était introduit par ce chapeau qui annonçait les Gilets jaunes:

Lorsque l’orage menace, le troupeau se rassemble. Le problème n’est pas alors de savoir quoi faire mais de le faire ensemble, de savoir avec qui le faire, de ne plus être seul à ne pas savoir quoi faire. Partager son angoisse avec ses congénères est l’instinct grégaire habituel des mammifères dont les humains.

Aujourd’hui la question se pose de comprendre cette angoisse ou de la laisser ravager les êtres de l’intérieur jusqu’à ce qu’elle nous submerge tous par la guerre dont les protagonistes aléatoires se choisissent au dernier moment sous n’importe quel prétexte tellement ils ont peu d’importance. L’important est de s’entretuer pour trouver un coupable à l’aveuglement collectif. La guerre est abominable pour ceux qui la vivent mais elle a l’immense avantage de remettre à plat tout ce que les dirigeants ont été incapables de faire par refus de regarder la réalité du problème. Elle peut être civile entre citoyens ou militaire entre soldats mais elle fait toujours son travail. Elle seule a généré les républiques depuis que nous avons réduit ce mot à l’une de ses formes en lui retirant son sens simple de « chose publique » admirablement décrit  au règne d’Henri III, le dernier des Valois, par Jean Bodin en 1578 dans Les six livres de la république classés en monarchie, aristocratie et démocratie. La première république française est née de la révolution, la deuxième, des émeutes parisiennes de 1848, la troisième, de la guerre de 70, la quatrième, de la seconde guerre mondiale et la cinquième, de la guerre d’Algérie.

L’angoisse actuelle qui construit si l’on n’y prend garde la prochaine guerre, vient d’une prise de conscience intuitive du peuple que, s’il n’a pas la solution, ses élites autoproclamées ne l’ont pas non plus. La classe qui dirige le pays n’a rigoureusement rien compris à l’économie tout en s’entêtant à se croire seule depuis deux siècles à la comprendre. Ce magma informe et sans cesse en croissance, mélange politico-médiatico-publicito-universitaire de plus en plus coûteux, improductif et citadin, continue à croire et à faire croire que nous créons chaque année des richesses et que la seule question est d’en produire davantage et de mieux les partager. Pour s’occuper et pour ne pas regarder la réalité en face, elle se divise entre ceux qui accusent l’État d’être obèse et ceux qui accusent « les riches » de tout accaparer. Comme évidemment personne n’accapare ce qui n’existe pas, les deux parties se sont artificiellement  et mutuellement montés en mayonnaise pour tenter de prouver toutes les deux que l’on a créé beaucoup de richesses, que l’on va en créer encore davantage et que Lavoisier avait tort de dire « Rien ne se perd rien ne se crée, tout se transforme« .

L’État avec son administration de plus en plus nombreuse tellement la tâche est ardue, a comme activité quasiment unique de reprendre au peuple les richesses imaginaires qu’il a annoncé lui avoir procurées et que le peuple a cru avoir gagnées. Il le fait par la montée sans fin des normes, des obligations et des interdictions qui rendent tout plus coûteux et par la montée tout aussi illimitée du jeu subtil entre les taxes identiques pour tous et les impôts plus individualisés. Tout naturellement, étant tellement absorbé par cette tâche qui coûte très cher, il ferme les postes, les hôpitaux, les gares, les gendarmeries, les commissariats, les tribunaux et les casernes.

De leur côté « les riches » se rachètent mutuellement entre eux à des prix de plus en plus délirants les parts qu’ils détiennent sur ce qu’ils affirment être leur richesse, en actions, en immobilier, en médias et en œuvres d’art. Cela permet de rendre jaloux le bon peuple à qui l’on fait croire que très peu de personnes détiennent la quasi totalité des richesses mondiales mais cela permet surtout à ces riches de dépenser ostensiblement l’argent créé par les banques pour bien prouver qu’ils sont riches.

C’est là où les banques et les universitaires sont mis a contribution. Les banques fabriquent de la monnaie en faisant monter sans fin la dette et les universitaires, suivis par leurs étudiants et par les médias, expliquent sans rire que dépenser c’est s’enrichir. Le PIB, somme annuelle de toutes les dépenses publiques et privées est présenté doctement comme une création annuelle de richesse et sert de référence à une flopée de schémas ineptes qui tournent en boucle. Les imbéciles qui, lorsqu’on leur montre la lune regardent le doigt, répètent que si le PIB n’est pas parfait c’est au moins un indicateur.

Regardons de plus près ce fleuron du magma qu’est Emmanuel Macron. Quand, du sommet de son Olympe, il disait à Davos le 24 janvier 2018 « La situation est très claire: il faut rendre la France plus compétitive, plus novatrice pour pouvoir financer justement un système juste », il condensait en une courte phrase toutes ses erreurs d’analyse. Sa seule excuse était d’avoir un but assez sympathique, un système juste qui est un but final louable. Encore eut-il fallu qu’il dise ce qu’est pour lui un système juste et si l’intention est louable, la voie choisie est aussi stupide que les moyens pour y arriver. Il est navrant d’avoir à l’expliquer.

D’abord regardons son but, financer. Financer c’est normalement simplement mener à bonne fin. Mener à bonne fin c’est se servir de l’énergie de tous nos compatriotes en les sortant du chômage pour utiliser leurs capacités telles qu’elles sont et nous enrichir de ce qu’ils savent faire, comme le fait n’importe quelle famille. Mais financer est devenu dans la tête et la parole du magma, mener à bonne fin non pas grâce à l’énergie des Français mais uniquement grâce à l’énergie monétaire depuis que cette énergie n’a plus de source. Chacun peut observer que les banques fabriquent de l’argent sans vergogne pour répondre aux demandes de moyens venues de toutes parts et que cette avalanche de monnaie ne fait que faire monter la dette et les prix en dévaluant la monnaie dont l’énergie se disperse. Financer tel que les composants du magma le comprenne c’est appauvrir le peuple et lui vendre en même temps tout plus cher. C’est une double peine.

Ensuite regardons ses moyens pour avoir cet argent qui lui est si précieux. Rendre la France... Il ne dit pas « les Français » mais « la France ». Comment parler de la France quand on la découpe en macro-régions arbitraires à l’allemande, soumises à la nouvelle Sainte Trinité, Bruxelles Strasbourg Luxembourg, sous l’égide d’un quelconque poivrot de service que de braves âmes sont obligées de soutenir quand il est de sortie ? Sa France à lui est destinée à mourir pour que son rêve s’accomplisse et les Français ne peuvent pas bien le vivre.

Continuons. Rendre la France plus compétitive est la première ânerie martelée par le magma qui ne veut pas voir l’incohérence globale de son système et rêve de le financer en faisant payer les autres par une balance commerciale excédentaire non rééquilibrée normalement par un réajustement des monnaies. Son idée est qu’il faut faire mourir les entreprises des autres pays pour que les autres achètent enfin nos produits et finance notre système. Il n’ose pas vraiment le dire comme ça car tous ceux qui se retrouvent à Davos disent la même chose à leurs peuples. Il claironne qu’il faut rendre la France plus compétitive alors qu’il faut d’abord utiliser toutes ses énergies par une collaboration interne intelligente au travers peut-être de sociétés d’économie mixte embauchant tous les sans-emplois de France pour leur faire faire ce qu’ils savent déjà faire. C’est le principe de l’avantage comparatif de Ricardo que le magma impose bêtement à l’extérieur en oubliant aussi bêtement de l’appliquer à l’intérieur. Il faut évidemment abandonner le long formatage à grand frais de notre système éducatif destiné principalement à une utilisation à peu de frais de matériau humain indifférencié par les entreprises. Il faut en revanche reconnaître en espèces sonnantes et trébuchantes l’utilité de tous les Français et c’est le premier rôle d’un gouvernement qui n’y est qu’aidé par les entreprises dont ce n’est pas la vocation première alors que c’est la sienne. La lâcheté du magma à se décharger de l’emploi sur les entreprises en profitant du formatage général à l’aveuglement, est aussi stupéfiante qu’inacceptable.

Continuons. Rendre la France plus novatrice est la seconde ânerie qu’utilisent tous les charlatans pour décrire sans risque, et en se faisant payer très cher, des lendemains qui chantent. J’ai un problème? Demain le résoudra ! Nous avons des chômeurs ? Vous n’imaginez pas les nouveaux emplois que l’innovation va créer ! Vous êtes malade ? Ma potion est miraculeuse !

Henri Queuille qui a été ministre un nombre incalculable de fois et trois fois chef du gouvernement, a prédit Emmanuel Macron et ses prédécesseurs 60 ans à l’avance en expliquant parfaitement la politique du magma qui était pourtant à l’époque encore très minoritaire:

« Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout ».

« La politique ne consiste pas à faire taire les problèmes mais à faire taire ceux qui les posent ».

« Toute réforme fiscale consiste à supprimer des impôts sur des choses qui étaient taxées depuis longtemps pour les remplacer par des nouveaux plus lourds, sur des choses qui ne l’étaient pas ».

« Quand vous êtes embêtés embrouillez tout ».

Tant que le magma continuera à croire et à faire croire que les entreprises créent des richesses parce que les banques fabriquent de la fausse monnaie pour transformer leurs productions en richesses en faisant monter la dette, tant que les gouvernements n’auront pas envie de créer des structures permettant à tous les chômeurs d’enrichir la France par leur savoir-faire, tant que, nous croyant riches, nous alimenterons l’immense armée d’inutiles qui ne vivent que sur le petit nombre qui travaille encore et qui succombe, l’angoisse se diffusera, la violence prospérera et le ridicule se montrera chaque jour davantage.

L’homme, la richesse et l’argent

Toute civilisation est fondée sur une approche personnelle du beau, du bien et du vrai. Il en découle sa notion de la justice, combinaison du bien et du vrai, sa notion de la clarté, réunion du vrai et du beau, et sa notion de la richesse, alliance du beau et du bien. Toutes les civilisations cherchent à harmoniser ces trois notions, a rendre vraie la richesse, à rendre belle la justice et à rendre bonne la clarté. Elles appellent toutes cela la prospérité du mot prosper qui veut dire en latin heureux.

Tout groupe, famille association oïkos, se fonde sur le donner-recevoir-rendre qui est, comme le disait Mauss, un « fait social total » juridique, économique, culturel, symbolique et religieux. Ce fait social est au service du groupe et le nourrit. L’échange se fait naturellement, la vérification ne se faisant que par la mémoire et la bonne volonté de tous. La mémoire permet de maîtriser la réalité de l’échange dans le temps et la bonne volonté garantit l’action de chacun.

Lorsque le groupe devient trop important, la mémoire devient inefficace et la bonne volonté incertaine. Le groupe devient société et invente la monnaie qui remplace le donner-recevoir-rendre en étant à son tour le « fait social total » de Marcel Mauss, juridique, économique, culturel, symbolique et religieux.

La monnaie (venant de moneo forme causative de la racine men de la mémoire) a l’immense avantage d’être un titre de créance sur le groupe, titre transmissible et reconnu par tous les membres du groupe mais elle a un immense inconvénient : étant un titre de créance elle doit avoir une raison d’être et cette raison d’être est laissée à l’appréciation des fabricants de la monnaie.

Quand ils sont honnêtes intellectuellement ils ne créent de la monnaie qu’après que des membres du groupe soient devenus créanciers du groupe par leur travail. Quand ils le sont moins ils créent la monnaie avant que quiconque ait travaillé pour le groupe et en soit créancier. Dans ce cas ils ne créent pas de la monnaie pour reconnaître une dette déjà existante mais ils inscrivent une nouvelle créance de même montant à récupérer plus tard.

Dans une société cohérente le groupe, par l’intermédiaire de l’État, introduit la monnaie en distribuant à chacun une même quantité de monnaie en reconnaissance de ce que chacun a déjà apporté au groupe. Ensuite il crée de la monnaie chaque fois qu’il reconnait qu’un individu lui a apporté quelque chose. Il crée donc de la monnaie pour payer ses fonctionnaires comme ses fournisseurs. S’il a trop de fonctionnaires ou s’il dépense trop, il crée trop de monnaie qui ne correspond plus à un vrai travail effectué. La monnaie se dévalorise et le groupe entier en pâtit. Si en revanche l’État limite ses fonctionnaires et ses dépenses au strict minimum et à la réalité de l’apport réel au groupe, la masse monétaire n’augmente que très progressivement et la monnaie peut même se revaloriser au bénéfice de tous. L’État est responsable devant son peuple de sa gestion.

Dans une société incohérente la monnaie n’est plus créée pour reconnaître une dette pour un travail utile déjà effectué mais elle est un prêt, donc accompagnée d’une créance de même montant sur celui à qui le groupe a fait ce prêt. On va inventer, pour justifier cette création monétaire non causée par un travail utile déjà effectué, l’idée de travail utile à effectuer. La création monétaire n’a plus de frein naturel puisqu’elle n’est plus qu’un prêt. On la justifie par les notions fumeuses de création de richesses et d’investissement et dans la réalité elle ne fait que dévaloriser la monnaie et entraîner une hausse permanente des prix. L’État se désengage de sa gestion, laisse aux banques la création de la monnaie et aux entreprises l’exclusivité de l’utilisation des énergies individuelles. Il ne sert plus à rien si ce n’est à faire le beau et à utiliser à mauvais escient la violence légitime qui lui a été confiée. Ainsi naissent les révolutions.

Dans l’attente de cette révolution et l’incohérence régnant, l’État va nier les races, les différentes civilisations, les différences entre l’homme et la femme avec leur complémentarité. Il va faire de la morale pour exister et se donner une raison d’être puisqu’il a abandonné la sienne. Il va à l’extérieur essayer de faire payer sa propre incurie aux autres civilisations en inventant et en sacralisant le commerce international et les causeries entre soi. Il va à l’intérieur tel Don Quichotte attaquer le tabac, l’alcool, la vitesse, la fessée et toutes les formes de violence sauf la sienne. Il va survaloriser les entreprises pour que, par leurs productions elles fassent circuler l’argent en distribuant l’argent de leurs clients à leurs fournisseurs, à leurs salariés, à leurs actionnaires et à l’État, tout en les accusant de laisser des gens au chômage comme si leurs rôles étaient celui de l’État de veiller à ce que chacun soit utile au groupe. Il va faire croire que dépenser de l’argent créé par les banques, c’est créer des richesses. Bref il va tout faire pour engendrer cette révolution qu’il redoute et qui naît de sa propre incohérence.

A propos sommes-nous plutôt dans une société cohérente ou incohérente ?

Le boomerang

Richard Nixon a été obligé de reconnaître en 1971 que les accords de Bretton Woods étaient inapplicables et que les monnaies liées au dollar, lui-même lié à l’or, ne faisaient que faire fondre l’or de Fort Knox en l’absence de source énergétique de la monnaie.

Depuis, sans rien résoudre ni même poser correctement le problème, nous avons inventé une usine à gaz où les banques, centrales et commerciales ne font que reporter le problème en mettant à disposition de l’argent qu’elles créent et en mettant le même montant en créance à recouvrer sur les bénéficiaires des richesses futures que cet argent « investi » aura prétendument créées. Les banques centrales détiennent des créances sur les peuples dont on ne parle jamais et les banques commerciales sur des entités dénommées qui remboursent quand elles le peuvent.

Pendant que les banques sont au plus mal et attendent l’hallali, les peuples que l’on a formatés pendant un tiers de leur vie dans les écoles et les universités à croire à la réalité des richesses créées, l’ont cru et mettent des gilets jaunes pour dire qu’ils veulent leur part de la richesse créée.

Les cornichons qui ont tellement bien vendu l’idée de création de richesses au point qu’ils y croient eux-mêmes, n’ont fait que réinventer pour la énième fois le boomerang car avec quoi vont-ils partager une richesse qui n’existe pas, qui n’est qu’un regard créé à grand frais par la publicité, ventilé à grand frais sur toute la Terre par les médias et rendu crédible par une toute petite minorité qui se pavane en dépensant publiquement sa fausse monnaie ?

Bon courage !

La fausse intelligence du Pouvoir

Un article du 29 novembre du site libéral Contrepoints peu avare de ses contradictions, lui qui veut toujours moins d’État, cherche à ridiculiser les Gilets Jaunes par ce simple croquis traduit de l’anglais et dont l’apparent bon sens recouvre une fausse intelligence redoutable :

Ce croquis est accompagné de citations à la gloire posthume de la République en Marche.

Emmanuel Macron, président de la République, a déclaré « On ne peut pas avoir dans un même slogan « baissez les taxes » et « créez des crèches » ».  

Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, a déclaré : « Les Gilets Jaunes sont un mouvement un peu contradictoire qui veut à la fois moins d’impôts et plus de services publics.»

François Patriat, Sénateur LREM (ex PS), a déclaré : « On ne peut pas demander moins de taxes et plus de services publics, c’est une demande contradictoire ».

Bizarrement l’article reprend aussi les citations plus célèbres de Twain et de Schopenhauer qui commencent à expliquer l’erreur de son auteur et à réduire son article à ce qu’il est, un article statique, une photo qui n’a pas encore compris le cinéma:

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait »  – Mark Twain 

« Tout homme prend les limites de son champs de vision pour les limites du monde »  – Arthur Schopenhauer


Un article statique car il n’est vrai que dans la classe politico-médiatico-publicitaire qui ne fait rien, qui ne sert à rien et qui prend son champ de vision pour la vision de la réalité. Il suffit de voir fonctionner une famille ou une association pour constater que l’on peut parfaitement ne pas diminuer les services sans appauvrir la famille ou l’association en demandant simplement à chacun de s’y mettre. Pour ces messieurs et pour ces dames qui sont avec eux en oubliant de faire des enfants, parité oblige, il faut soit acheter à l’extérieur en augmentant les impôts ou en empruntant aux banques, soit diminuer les services rendus. Il ne leur vient pas à l’idée que la solution pourrait être de mettre tout le monde au travail pour à la fois diminuer la pression fiscale comme le déficit, tout en augmentant les services publics.

Mais pour cela il faudrait qu’ils prennent la peine de comprendre ce qu’est la monnaie, qui peut la créer et comment la créer. Il faut aussi qu’ils arrêtent de pleurnicher sur les entreprises qui n’embauchent pas assez et qu’ils apprennent à envisager de respecter la Constitution qui dit que « chacun à le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».

Actuellement et depuis les lois imbéciles des années 70 générées par Giscard et reprises par ses successeurs et par l’Union européenne, les banques centrales ou commerciales créent arbitrairement de la monnaie en ne se justifiant qu’en disant  benoîtement qu’elles détruisent cette fausse monnaie quand on la leur rembourse. Personne ne se demande avec quoi les banques vont être remboursées. Il serait d’ailleurs assez amusant de voir les banques être remboursées par une accumulation à la porte de leur siège social des produits fabriqués grâce à l’argent qu’elles ont fabriqué puis prêté. Elles pourraient nettoyer leur parvis et détruire toutes ces fabrications qui ne sont qu’une autre forme de la monnaie qu’elles ont crée et qu’elles affirment détruire. La réalité est qu’elles sont remboursés par de nouveaux emprunts faits par ceux qui viennent acheter les productions générés par les machines payées par les premiers emprunts. La machine tourne inexorablement avec une montée permanente de l’emprunt tant public que privé, générant à la fois le chômage, la baisse des services publics, et les montées de la ponction fiscale et du déficit.

Les entreprises embauchent quand elles en ont besoin et l’État a le devoir de respecter sa Constitution et de rendre utiles en les rémunérant tous ceux dont les entreprises n’ont pas besoin. Il faut pour cela que l’URSSAF ne poursuive pas comme « travail dissimulé » tout travail qui ne lui rapporte pas mais aussi que l’on décharge l’URSSAF d’obligations toujours croissantes dues à une recherche médicale effrénée toujours financée par l’emprunt et à une immigration venant travailler et faire les enfants que les Français ne veulent plus faire. Il faut encore donner la possibilité aux Français de faire des enfants en les payant davantage, en retrouvant la possibilité de faire vivre décemment une famille avec un seul salaire et en abaissant les prix, ce qui est parfaitement possible si on arrête de payer à ne rien faire tous les défenseurs du système impossible dans lequel nous sommes englués.

Les Gilets Jaunes l’ont tous instinctivement compris mais la classe politico-médiatico-publicitaire préfère lutter contre ce qu’elle appelle le racisme des Français alors que nous avons eu un Noir Président du Sénat et un Arabe Vice-Président de l’Assemblée Nationale sans que cela ne pose le moindre problème. Il est vrai que Gaston Monnerville et le Bachaga Boulalam aimaient la France comme Ali Mimoun qui a voulu qu’on l’appelle Alain. La classe politico-médiatico-publicitaire lutte aussi contre ce qu’elle appelle l’homophobie sans jamais prendre le temps de réfléchir à la différence entre une paire et un couple et sans jamais se demander si l’homosexualité est innée, acquise ou un passage comme le pensaient les Grecs. Elle va jusqu’à confondre la gifle qui peut être éventuellement dangereuse avec la fessée qui ne l’est pas et qu’elle veut interdire pour croire à un monde sans punitions ou avec des punitions vicieuses qui durent dans le temps.

La multiplicité croissante des inutiles de la classe politico-médiatico-publicitaire s’opposent à la multiplicité décroissante des Gilets Jaunes qui ont eu le génie bien français de retourner une obligation payante et stupide en un symbole du refus de la veulerie inepte du Pouvoir tellement bien incarnée par Castaner issu de la gauche, Darmanin issu de la droite ou Rugy issu de nulle part.

L’enrichissement… et les gilets jaunes

François Guizot, Président du Conseil de Louis-Philippe est célèbre pour sa phrase «  Enrichissez-vous » dont il ne faut pas oublier la suite « par le travail, par l’épargne et la probité ». Mais à une époque où la cohérence était encore obligatoire nous n’avons pas envie de nous souvenir que le même a répondu à la Chambre, au Docteur Villermé qui avait publié un « Rapport sur la santé des ouvriers des manufactures » et qui demandait, que le travail des enfants de moins de 8 ans soit limité à 15 heures par jour, « Monsieur, vous voulez nous faire une génération de paresseux !».

Aujourd’hui nous avons sacrifié la cohérence sur l’autel de notre intelligence et nous croyons possible de nous enrichir en prenant entre 25 et 60 ans notre juste part des richesses créées et en mettant nos gouvernants successifs dans l’obligation de résoudre la quadrature du cercle : réaliser leur promesse de campagne de rendre possible ce qui ne l‘est rigoureusement pas. Il est triste de les voir s’effondrer les uns après les autres en se cassant les dents sans même réaliser qu’ils deviennent eux-mêmes les « sans-dents » de l’esprit.

La richesse n’est qu’un regard sur ce qui est désirable et chaque civilisation la concrétise à sa manière. Amadou Toumani Touré, l’ancien Président du Mali, disait de son pays que nous disons pauvre « Nous sommes riches de la famille ». Ce qui est désirable est ce qui est, soit beau, soit bon, soit les deux, et chacun sait que « des goûts et des couleurs, on ne discute pas ». Chaque civilisation définit sa richesse et c’est la différence des regards qui peut engendrer le troc, ancêtre encore équilibré du commerce extérieur.

Nous oublions trop facilement  qu’une civilisation n’existe au départ que par son approche de ce qu’elle voit comme beau, ce qu’elle voit comme bien et ce qu’elle voit comme vrai. Elle se construit sur les trois critères fondamentaux de justice, de richesse et de pureté, critères que chaque civilisation voit comme universels, ce qui est à la fois indispensable pour qu’elle puisse se construire et évidemment faux car irrespectueux du regard des autres. Les médias mondialisés sont incapables de gérer cette contradiction et de comprendre l’intérêt du mythe de la tour de Babel où Dieu sépare les civilisations. La justice d’une civilisation est sa recherche conjointe de sa vérité et de ce qui est conforme à ses mœurs du moment. Sa pureté ou sa clarté, souvent sous-traitée à sa religion, est la sacralisation de ses critères avec souvent le désir dangereux de les imposer au monde tellement elle les voit comme évidents.

Mais par un aveuglement collectif fascinant, alors que personne ne va imaginer fabriquer de la justice ou construire de la pureté, nous avons décidé que nous pouvions créer de la richesse et que c’était ce que faisaient les entreprises. Le seul sujet devient le partage de la richesse créée, avec les deux tendances étouffantes de ceux qui disent que la lourdeur de l’État freine cette création imaginaire, et de ceux qui hurlent à l’accaparement par des canailles de cette richesse toujours aussi imaginaire. Cette création de richesse devient le but et le sens de la vie, rendant sans utilité les religions sauf dans le cas où elles sont conquérantes ou utiles au bien-être individuel du moment comme l’est parait-il le jogging.

Comment cela est-il possible ? Deux voies sont utilisées, l’une intellectuelle, l’autre pragmatique.

La voie intellectuelle est de raisonner juste sur la base fausse de la valeur ajoutée des entreprises. Ces raisonnements refusent obstinément l’évidence qu’une entreprise ne fait de la valeur ajoutée qu’en retranchant une valeur plus importante dans le portefeuille de ses clients. C’est l’appauvrissement volontaire du client en monnaie qui donne sa valeur à la production de l’entreprise.

La voie pragmatique est de constater que nous vivons plus agréablement que les générations précédentes et de se contenter d’en voir tout simplement la cause dans le progrès, la recherche et l’innovation alors que la cause première en est la montée exponentielle de la dette, tant pour payer la recherche et les innovations que pour faire croire en les achetant que ce sont des richesses.

Dans une même civilisation il est impossible de s’enrichir sans appauvrir quelqu’un d’autre et la seule question est de savoir si l’appauvrissement nécessaire est volontaire ou discrètement imposé. Il est évidemment imposé par une longue chaine quand un jeune énarque s’enrichit de millions d’euros dans une banque et inconsciemment tout le monde le sait. Et même quand l’appauvrissement est évidemment volontaire comme lorsque nous achetons un livre, un billet pour un match ou un concert, il faut se demander si l’argent dépensé n’est pas de la fausse monnaie trop facilement acquise.

Nous constatons que les impôts montent, que les gens utiles perdent du pouvoir d’achat, ce qui les force à faire travailler leurs femmes qui n’ont plus le temps de faire des enfants que nous faisons faire par l’immigration. Tout est lié. Ceux qui produisent vraiment ce qui est utile devraient être beaucoup mieux payés, chaque Français devrait être utilisé pour le bien commun par ce qu’il sait faire. La notion même de chômage est un aveu de l’incompétence de la collectivité à utiliser ceux dont les entreprises n’ont pas besoin. Mais l’immense cohorte devenue majoritaire est constituée des chômeurs, des étudiants, des retraités et de ceux de plus en plus nombreux qui sont payés à trouver sans espoir une solution à la quadrature du cercle via la parité, la recherche, les politiques, les médias, les luttes contre tous ceux qui freineraient la solution miracle et qui sont bien souvent les derniers détenteurs du bon sens. Cette immense cohorte coûte tellement cher qu’il faut ponctionner par tous les bouts les malheureux qui sont encore efficaces, moins les payer, leur vendre plus cher et comme ils râlent, créer toujours plus de monnaie pour qu’ils disparaissent un tout petit peu moins vite.

Quelle que soit la voie c’est la monnaie qui fausse tout et qui permet à la cohérence de ne plus être obligatoire. Avoir perdu la conscience que la monnaie n’est qu’une créance sur le groupe qui utilise cette monnaie et que cette créance doit avoir une raison d’être, une vraie cause, permet de croire à la création de richesse puisqu’il suffit de fabriquer de la monnaie pour permettre aux entreprises de faire de la valeur ajoutée et aux citoyens de vivre mieux que leurs grands-parents.

En attendant l’explosion inéluctable, observons la combustion de ce système, l’échappement indispensable sous forme d’épanchement que les gilets jaunes expriment aujourd’hui et la compression que l’État envisage aujourd’hui sous forme de répression. Le moteur à quatre temps fonctionne bien.

 

Les échanges

Le 11 novembre 1918 n’a pas marqué que la fin de la guerre. C’est le groupe qui a gagné et pas les individus. La victoire sacralise à la fois le groupe et la réaction au libéralisme individualiste effréné du XIXe siècle. L’Europe va rentrer dans un siècle de socialisme collectif effréné sous toutes ses formes. Lénine, Hitler, Mussolini, Atatürk ont tous été marqués dans leur jeunesse au XIXe siècle par les excès du libéralisme et ont tous été socialistes. N’est-il pas temps, au bout d’un siècle de regarder calmement comment, de tous ces excès, nous pouvons construire une harmonie ? Il y a un siècle nous arrêtions d’échanger des obus, des gaz et des balles. Pour nous mettre à échanger quoi ? La vie c’est le mouvement et le mouvement n’est qu’une suite de changements et d’échanges. Or il y a deux types d’échange qui n’ont rien à voir.

Un premier type d’échange est celui qui se fait à  l’intérieur d’un espace cohérent que nous appellerons un oïkos, une maisonnée, ce mot grec qui a donné son préfixe à l’économie, à l’écologie, à l’écosophie et à l’œcuménisme. Dans un oïkos où règne la confiance, l’échange se fait par le donner-recevoir-rendre comme l’appelait l’anthropologue et professeur au Collège de France Marcel Mauss et qu’il résumait par le don et le contredon. Pour lui, le donner-recevoir-rendre est non seulement au service du lien social en le nourrissant mais il est ce qu’il a appelé un « fait social total » à dimensions culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique, ne pouvant être réduit à l’une ou à l’autre de ses dimensions. C’est encore ce qui se passe heureusement dans la plupart des familles et dans certaines associations dont le but soude suffisamment les membres. Ce type d’échange promeut l’égalité dans l’interdépendance en opposition à la similitude et institue la coopération qui n’a rien à voir avec la compétition.

L’autre type d’échange complètement différent est celui qui se pratique à l’extérieur de l’oïkos, à l’extérieur de l’espace cohérent. L’échange s’y fait sans confiance et par le troc. Le troc est l’échange simultané de deux ensembles de biens et de services entre des gens qui ne se connaissent pas et qui considèrent de part et d’autre avec leurs propres critères qu’ils sortent gagnants de l’échange, ce que certains appellent un double enrichissement ou gagnant-gagnant. C’est ce qui s’est passé lorsque les premiers Européens ont abordé le Nouveau Monde et rencontré ceux qu’ils croyaient être des habitants des Indes. Ce type d’échange promeut la liberté et la concurrence.

La différence fondamentale entre les deux échanges, c’est l’harmonie entre l’individuel et le collectif. A l’intérieur de l’oïkos cette harmonie est essentielle, elle y est culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique ; économique et juridique par la recherche permanente de sa souveraineté alimentaire et énergétique ; culturelle par la définition de sa taille et par son fonctionnement ; religieuse et symbolique par sa monnaie. Le collectif y est donc partie prenante dans les échanges entre les individus. A l’inverse, à l’extérieur de l’oïkos, cette harmonie entre l’individuel et le collectif n’est pas recherchée, ni même digne d’intérêt. L’échange y est totalement égocentrique, soit pratique, concret et matériel par le troc qui n’existe que si les deux parties se sentent gagnantes, soit simplement enrichissant pour l’esprit par la curiosité du voyageur.

Les monnaies servent aujourd’hui d’intermédiaires aux deux échanges.

A l’intérieur de l’oïkos la monnaie a remplacé le donner-recevoir-rendre et est donc à dimensions culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique, ne pouvant être réduite à l’une ou à l’autre de ses dimensions. Elle est une créance sur le groupe qui utilise cette monnaie, et cette créance doit être causée lors de sa création. La cause de cette créance ne se posait pas lorsque la monnaie était en elle-même une richesse comme la monnaie métallique or ou argent, la seule existence du louis d’or montrait sa valeur. En revanche depuis que la monnaie est « fiduciaire » c’est-à-dire uniquement fondée sur la foi comme son nom l’indique, les aspects religieux et symbolique deviennent primordiaux pour comprendre pourquoi ce bout de papier est une créance.

A l’extérieur au contraire, la monnaie se compare aux monnaies des autres oïkos avec lesquels elle fait du troc. Cette comparaison intéresse peu les membres de chaque oïkos car normalement cela ne change guère leurs vies s’ils ont conservé leur souveraineté mais elle permet aux observateurs de fixer le taux de change entre les monnaies. Chacun ne connaissant bien que la monnaie de son propre oïkos, les deux parties chiffrent avec leur propre monnaie les deux tas dont elles font le troc et qu’elles considèrent toutes deux de même valeur. Elles rapprochent leurs résultats et les deux chiffrages étant réputés égaux, donnent le taux de change entre les deux monnaies. A titre d’exemple nous ne connaissons rien à la valeur du riyal saoudien mais nous faisons un troc entre du pétrole saoudien et un lot français de poulets, d’avions et de bombes. Chaque partie chiffre ce qu’elle livre avec sa propre monnaie et, puisque chacun est content du troc, le chiffrage en est fait en euro en France et en riyal saoudien en Arabie. Cette égalité donne le vrai taux de change entre le riyal saoudien et l’euro.

A l’extérieur la monnaie ne sert normalement qu’à un regard intellectuel sur les autres oïkos et sur la valeur qu’ont leurs monnaies chez eux. Elle n’est a priori ni culturelle ni religieuse ni symbolique, elle n’est que le support commode de la connaissance économique et juridique des autres  qui permet de faire du troc avec eux. Elle est aussi un regard sur soi-même car si le troc se fait difficilement, il faut en analyser les causes chez soi car on ne peut pas changer les autres.

Dans notre exemple, si nous voulons le même pétrole et que nous n’avons plus que des poulets à proposer en échange, de trois choses l’une pour que les deux parties soient d’accord sur ce troc : soit nous augmentons en poulets ou en n’importe quoi ce qui part en Arabie Saoudite, soit l’Arabie nous livre moins de pétrole, soit elle accepte ce nouveau troc désavantageux pour elle et le riyal saoudien est dévalué par rapport à l’euro puisque le même chiffrage du pétrole en riyals devient égal à un chiffrage moins important en euro ne chiffrant plus que les poulets. En revanche s’il faut toujours plus de fabrications françaises pour le même pétrole, c’est l’euro qui se dévalue mais ça donne de l’emploi en France.

Le fait que les mêmes monnaies concrétisent deux types d’échanges qui sont fondamentalement différents a entrainé une terrible confusion. Nous avons allègrement confondu dans une boulangerie de village, le Parisien qui y fait du troc, avec le cafetier ou le paysan qui avec le même billet et le même achat conforte le lien social dans son village.

Par facilité nous avons lentement tout inversé et glissé vers des monnaies qui ne font presque plus que du troc à l’intérieur et qui voudraient faire du lien social à l’extérieur en réduisant la richesse à la capacité à dépenser et la pauvreté à son incapacité à le faire. Et la facilité se heurte comme toujours à la réalité des faits.

En ce centenaire du basculement de l’excès du libéralisme du XIXe siècle à l’excès de socialisme du XXe siècle, ne serait-il pas temps de chercher enfin pour nous une harmonie en cessant de vouloir imposer une harmonie imaginaire à toute la Terre ?

L’énergie monétaire

Sujet explosif tellement les positions sont tranchées et apparemment contradictoires. La monnaie est neutre, elle n’est qu’un voile, disent les uns. Elle est d’une puissance folle et elle permet tout, disent les autres. Est-il possible et crédible que chacun ait raison et tort à la fois ?

L’énergie électrique existe à n’en pas douter, chacun le vérifie chez lui tous les jours. Elle fait fonctionner à la maison une multitude d’appareils, du réfrigérateur à la télévision en passant par l’éclairage, voire même le chauffage. Et pourtant si la centrale s’arrête ou si l’alimentation est coupée, c’est la panne! L’énergie électrique n’est en fait que l’énergie utilisée par une centrale électrique qui l’a transformée pour la véhiculer. Elle est neutre en elle-même puisqu’elle ne rajoute rien. Mais qui pourtant peut dire que l’énergie électrique n’existe pas ?

C’est exactement la même chose pour la monnaie. La monnaie est simultanément, à sa création, une créance et une dette, un actif et un passif. C’est la double écriture des banques qui créent l’argent en le mettant simultanément à leur passif à disposition immédiate de leur client et à leur actif, en créance différée sur ce même client. Il n’y a évidemment aucune création d’énergie dans l’écriture simultanée d’une dette et d’une créance et pourtant personne ne peut  nier que l’argent loge, nourrit, habille, transporte, soigne et la liste est sans fin. Il y a une énergie monétaire créée par une action apparemment totalement neutre.

Cela est possible car l’action neutre de la création monétaire n’est neutre que par l’addition de deux actions inverses de même force, une dette et une créance, qui ne sont pas neutres du tout quand elles sont prises isolément. Une dette est une reconnaissance d’avoir reçu quelque chose, un bien, un service, de l’énergie qu’elle qu’en soit la forme si elle est reconnue comme positive. Une créance est le constat d’avoir fourni cette énergie.

La monnaie permet que les échanges d’énergie positive à l’intérieur d’un  groupe ne soient pas forcément simultanés. C’est le « donner-recevoir-rendre » de Marcel Mauss, si évident en famille et dans une association, si fragile sans argent quand le groupe est important et si idéologique et irrationnel quand on veut imposer le même au monde entier. La monnaie permet de stocker l’énergie d’un individu en reconnaissant la dette qu’à le groupe à son égard, en en faisant une créance transmissible à tout porteur, créance échangeable avec tout bien ou service apprécié par le groupe. La monnaie n’est pas une reconnaissance de dette, c’est un constat de créance sur le groupe qui ne peut exister que si le groupe se reconnait débiteur.

La monnaie transfère dans le temps et dans l’espace par une sorte de vecteur spatio-temporel l’énergie humaine quand elle a été reconnue comme positive par le groupe utilisateur de cette monnaie. La création de monnaie saine se fait donc par l’obtention par un individu d’une créance sur le groupe. Le groupe constate que cette personne lui apporte plus qu’elle ne reçoit de lui et il officialise cette créance en créant de la monnaie qu’il lui donne. La monnaie est une créance que le porteur détient sur le groupe qui utilise cette monnaie, ce qui la rend énergétique dans l’ensemble du groupe.

Une économie saine vient du nombre le plus important possible de personnes qui apportent plus à la collectivité qu’elles n’en reçoivent. C’est ce déséquilibre vertueux que l’État doit équilibrer par la création de monnaie qu’il distribue à ses créanciers sans jamais être un État providence.

Dans une société vivante, les individus contribuent à l’édification et au fonctionnement de la société, soit seuls soit en se regroupant pour être plus efficaces. Naissent ainsi les artisans, les entreprises et les services qui les aident à produire en les soignant, en les défendant, en donnant un sens tant au groupe qu’à l’action de chacun. Une gestion saine de l’énergie monétaire par l’État permet d’équilibrer la production et la consommation, en laissant toute leur place aux seules questions difficiles, la raison d’être du groupe et la raison d’être de chacun de ses membres.

Une société meurt brutalement par la guerre ou insidieusement quand les commentateurs deviennent plus nombreux que les acteurs et que l’on interdit, d’abord par la manipulation médiatique puis par la loi, de regarder la vérité en face.

Là s’arrête la réflexion et commence la simple observation des dérives, toutes fondées sur la survalorisation du groupe ou sur la survalorisation de l’individu, toutes deux vantées par des gens qui se survalorisent eux-mêmes.

Le XXe siècle a éradiqué deux dérives totalitaires qui mettaient le groupe au-dessus de tout et qui n’avaient pas de respect pour ceux qui ne rentraient pas dans leur idéologie. Cette dérive nous menace encore aujourd’hui chez ceux qui, pour construire leur Union européenne ou leur gouvernance mondiale, ont un total mépris pour l’opinion des peuples, pour leur existence même, et voudraient les faire voter et revoter jusqu’à ce qu’ils votent à la convenance de leur idéologie prétendument universelle, fut-elle difficilement défendable si on respecte vraiment les individus, et dans leur diversité, et dans leur similitude.

Mais cette dérive idéologique ne doit pas cacher l’autre dérive inverse qui survalorise l’individu au détriment de la collectivité sans voir que seul l’État peut détenir la violence légitime (armée, justice, police) et l’émission de la monnaie, constat de l’énergie de son peuple. Cette dérive, en laissant aux banques privées l’émission de la monnaie, fait perdre à la monnaie son rôle régulateur qui est de plus en plus laissé à la violence sans que notre prétendue élite autoproclamée ne se rende même compte qu’elle ridiculise son armée, sa justice et sa police qui doivent se singulariser pour exister et se féminiser pour être dans le vent. Le matraquage de la violence faite aux femmes n’est-il pas là pour faire oublier que l’on confie de plus en plus aux femmes la violence légitime avec un succès à vérifier ?

La société de l’apparence dans laquelle nous vivons aujourd’hui et que nous fabrique la classe politico-médiatique, voit apparemment s’affronter ces deux dérives pour ne pas voir qu’en fait elles s’additionnent.

Ces deux dérives se sont habillées de fausses querelles pour se donner une impression de sérieux: divergence droite-gauche, discorde socialistes-libéraux, opposition nationalistes-mondialistes. Cela occupe l’affect et endort la raison. Nous ne voyons même plus qu’au lieu d’additionner chaque fois les qualités de ces deux parties de nous-mêmes que sont le mouvement et l’harmonie, nous en additionnons les défauts qui sont le désordre et l’immobilisme, deux prémices du chaos.

Tant que nous ne retrouverons pas l’évidence que la vie matérielle n’est que transformation et échange dans un donner-recevoir-rendre harmonieux, tant que nous croirons à la création et au partage des richesses, tant que nous croirons possible de libérer une énergie qui n’a pas été préalablement enfermée et que le crédit peut être sur richesses futures alors qu’il ne peut être que sur gage comme il a toujours été ou sur l’aval collectif que seul l’État peut donner, tant que nous croirons pouvoir utiliser aujourd’hui l’électricité que la centrale produira demain, tant que l’énergie monétaire ne sera ni comprise ni gérée, nous resterons par notre passivité, complices de ce qui nous arrive.

 

Renvoyer dos à dos libéraux et socialistes

Depuis deux siècles, libéraux et socialistes s’affrontent pour le résultat que nous connaissons. Ils ne manquent d’intelligence et de subtilité ni d’un côté ni de l’autre et pourtant, ils n’arrêtent pas de se refiler la patate chaude après avoir vérifié douloureusement qu’ils n’arrivaient pas à appliquer leurs théories. Les libéraux l’expliquent par un manque de libéralisme pendant que les socialistes l’expliquent par un manque de socialisme. Ne serait-il pas temps de comprendre pourquoi leurs théories sont fausses toutes les deux ?

Comme Emmanuel Macron l’a fort bien expliqué à son parterre de jardin d’enfants, les libéraux sont vigilants sur la liberté et les socialistes sont les messagers de l’égalité. Comment ne pas les approuver tous les deux dans une Europe de racine chrétienne où vigilants et messagers sont les caractéristiques des anges. Ne serait-ce pas manquer de fraternité que de reprocher aux uns de vanter la liberté et aux autres de promouvoir l’égalité ? Ils ont sur ce point tous absolument raison et leur querelle est byzantine puisqu’ils ont raison tous les deux.

Mais la difficulté c’est qu’ils ont aussi tort tous les deux en stigmatisant ceux qui dilapident ou accaparent une richesse qui n’est produite que dans leurs têtes.

Chez les libéraux on va avoir des raisonnements débouchant sur l’obésité d’un État qui dilapide la richesse soi-disant produite.

Exemple de pensée libérale, ce twit reproduit sur Contrepoints :

Quand @briceculturier montre l’absurdité de l’intox que Polony répète en boucle sur notre soi-disant modèle « néo-libéral » en la confrontant à la réalité des faits: « on ne peut pas être libéral quand l’Etat dépense 57% de la richesse produite dans un pays ».

18:29 – 1 sept. 2018

Les libéraux construisent leurs raisonnements  sur leur illusion que de la richesse est créée. Ils en oublient que dans le beau mot de libre-échange il y a échange qui est antinomique avec la concurrence. Entre nations le libre-échange ne peut être que du troc. Et à l’intérieur de la nation le libre échange est le donner-recevoir-rendre que nous avons complètement perdu depuis que la monnaie l’a substitué  Le résultat de cet aveuglement ne peut être que boiteux. Les libéraux transforment un fait (l’État dépense 57 % de la dépense générale) en  une ânerie (l’État dépense 57% de la richesse produite). Leur démarche, intéressante dans sa logique très bien exprimée par Bastiat, ne débouche que sur de la  logorrhée par absence de fondations.

Chez les socialistes on va avoir un discours moralisateur se scandalisant de la richesse possédée. Cet extrait du discours de Bastien Lachaud à l’Assemblée Nationale pour la France Insoumise est révélateur.

Et c’est le bon jour pour parler des riches ! Le magazine Challenges publie aujourd’hui même son classement annuel des fortunes. Le patrimoine des 500 premières fortunes françaises s’approche de 650 milliards d’euros, soit 30 % du PIB de la France, un pognon de dingue comme diraient certains. Depuis 2008, la fortune des plus riches a triplé et augmenté bien plus que la production nationale, qui n’a crû que de 12 %.

Les socialistes appuient leurs raisonnements généreux sur leur illusion que la richesse existe objectivement alors que ce n’est qu’un regard. Entendre Mélenchon dire que la France n’a jamais été aussi riche fait évidemment craindre toutes les conséquences aberrantes qu’il peut tirer de cette erreur de jugement. La logorrhée socialiste larmoyante qui en découle peut être illustrée par le « sociologue et philosophe » Geoffroy de Lagasnerie, bel exemple du jeune universitaire contemporain qui « réinvente la culture » d’après le magazine Les Inrockuptibles. Il a donné une interview écrite au Nouveau Magazine Littéraire le 3 octobre 2018 en différenciant inconsciemment autant les noirs et les Noirs que les femmes et les handicapés et en mettant les gays au premier rang :

Si vous construisez un mouvement politique en invoquant le concept de « citoyen », vous attirez toujours ceux qui se pensent comme universels – la classe moyenne blanche. Les gays, les femmes, les noirs, les musulmans, les Noirs, les juifs, les handicapés, etc. se subjectivent dans leur singularité, en regard des oppressions qu’ils subissent et la gauche doit s’articuler à cette multiplicité. Mais cela demande en effet de casser tout fantasme d’une cohérence… 

Les discours fumeux qui fleurissent de toutes part ne sont rendus possibles que par le rêve d’une corne d’abondance déversant en continu de la richesse. C’est comme cela que la plupart des gens voient le PIB comme une production alors qu’il faut qu’elle soit vendue pour que la production contribue au PIB. Trop peu de gens acceptent de voir le PIB comme la dépense globale annuelle d’un groupe donné sur un espace donné. Il est présenté selon l’humeur du moment comme une richesse produite, fantasme des libéraux qui peuvent tout construire sur la concurrence et l’innovation ou comme une richesse possédée, fantasme des socialistes qui peuvent tout construire sur une morale réprobatrice de non redistribution. Les médias qui se veulent de plus en plus socialistes depuis qu’ils appartiennent tous à des libéraux, en remettent des couches comme entendu sur Europe 1 :

Selon le nouveau mode de calcul de l’Insee, la dette publique de la France a dépassé le total de la richesse nationale au deuxième trimestre 2017, atteignant 100,9% du produit intérieur brut (PIB), avant de commencer à décroître à 99,8% au 3trimestre 2017, puis à 98,5% au 4e.

Ou lu comme titre dans le Figaro du 29 septembre :

La dette française frôle les 100% de la richesse nationale

Et Désintox fait de l’intox ;

27 janvier 2018 dans #Desintox

Un nouveau rapport de l’ONG Oxfam « Partager la richesse avec celles et ceux qui la créent », pointe le niveau délirant et néfaste atteint par les inégalités dans le monde. 2017 fut une fois de plus l’année de tous les records. Le 1% des plus riches au niveau mondial se sont accaparés 82% des richesses produites. Les 2043 milliardaires ont vu leur fortune s’accroître de 762 milliards de dollars. Soit 7 fois le montant nécessaire à l’élimination de l’extrême pauvreté dans le monde.

Comme personne ne comprend, cela a au moins l’avantage de dissimuler la vérité dans tous les cas. Cette dissimulation vient-elle d’une incompétence ou d’une manipulation ? La question reste ouverte.

Tout est fondé partout et tout le temps sur le sort de la richesse produite alors que l’on ne parle que de la dépense effectuée. On martèle les esprits pour leur faire croire que la croissance économique est une augmentation de richesse alors que ce n’est que l’augmentation des dépenses qui serait  en effet preuve de prospérité si ce n’était pas avec de la fausse monnaie créée par la machine bancaire qu’il faut rembourser.

La réalité est bien plus grave que ce que disent les socialistes. Les fortunes que se constituent le clergé du système, libéraux et socialistes confondus, se constituent de deux parties : une partie complètement farfelue qui est le regard qu’ils portent eux-mêmes sur la valeur de leurs actions en bourse et qui explose les plafonds. Cette partie relève du plaisir solitaire mais crée à tort des envieux. Les bourses sont comme l’immobilier et les œuvres d’art, des éponges à monnaie qui enrichissent tous ceux qui font monter les cours en faisant tout perdre a celui qui a le mistigri en sa possession le jour du krach. Mais il y a malheureusement une autre partie qui est un enrichissement bien réel payé par l’appauvrissement du peuple au travers de la montée des prix venant de la dépréciation énergétique de la monnaie étant donnée la masse de fausse monnaie avec laquelle on la mélange.

La réalité est aussi bien plus grave que ce que disent les libéraux. Si l’État dépense en effet à tout va pour que personne ne prenne conscience de l’impasse dans laquelle nous sommes, il ne peut le faire qu’en augmentant systématiquement ses deux seules sources d’argent, l’impôt qui appauvrit directement le peuple et l’emprunt de fausse monnaie aux banques qui dévalorise la monnaie et fait payer indirectement le peuple par la hausse des prix.

Le fantasme de la transformation de la dépense effectuée en richesse produite ou possédée, aussi bien chez les libéraux que chez les socialistes, fait que les discussions économiques ne sont quasiment toujours que pugilats ou logorrhées et que les braves gens pensent souvent qu’ils ne sont pas assez intelligents pour comprendre. Qu’ils se rassurent en lisant Molière qui a déjà étudié chez les médecins de son époque, la dérive psychiatrique collective qui affecte aujourd’hui les économistes de notre époque. « Et voilà pourquoi votre fille est muette » est devenu « Et voilà pourquoi il faut faire des réformes ».

C’est soit la faute de l’État pour les libéraux qui ne rechignent pourtant jamais à être ses représentants, soit la faute des riches pour les socialistes qui n’ont aucun scrupule à le devenir eux-mêmes discrètement. Personne n’envisage que la production de richesse soit un mythe soigneusement entretenu par la fausse monnaie créée par les banques. Accuser quelqu’un de la disparition de quelque chose qui n’existe pas, relève d’une malhonnêteté intellectuelle qui peut même être inconsciente. Et quand la malhonnêteté intellectuelle est inconsciente, cela s’appelle de la bêtise.

Cette inconscience est d’autant plus l’apanage des Politiques qu’elle est très largement partagée dans la population qui n’a pas très envie d’accueillir la vérité, à savoir que pour s’enrichir il faut en appauvrir d’autres. Ce serait tellement agréable si l’on pouvait juste avoir une part de ce gâteau que l’on ne veut pas voir imaginaire et qui se fabriquerait, nous dit-on, tout seul sous nos yeux.

Et pourtant !

Combien de fois faudra-t-il répéter qu’une production ne devient richesse que si un acheteur vient s’appauvrir en monnaie pour l’acquérir. On peut stocker la production en espérant qu’un acheteur viendra la transformer en richesse. On peut jeter l’éponge en reconnaissant que l’on n’a fabriqué que des déchets comme le boulanger le fait de son pain invendu en le donnant aux oiseaux ou à la poubelle. Il n’y a pas de cas de figure où le producteur produit une richesse sans qu’un acheteur ne se soit appauvri en monnaie de la valeur de cette richesse.

Certains objecteront qu’un individu qui se construit une cabane, une maison, un igloo ou un sifflet, crée une richesse. C’est vrai. C’est aussi vrai que l’enfant qui se fait un dessin se crée une richesse. Mais ces richesses ne sont que les leurs et elles ne deviendront des richesses reconnues par le groupe et ne rentreront dans l’économie que si quelqu’un s’appauvrit en les achetant. Sans cela la maison deviendra ruine et le dessin comme le sifflet sera délaissé puis abandonné. La richesse aura fait long feu.

La vraie richesse reconnue par le groupe est celle échangée avec de la monnaie. Si elle n’est qu’échangeable, elle n’est qu’espoir de richesse comme l’est le matin, le pain du boulanger. Le soir sa production aura été richesse si échangée contre de l’argent, ou elle sera déchet. Le bon boulanger prévoit ses ventes, ne fait pas plus de pains qu’il ne sait pouvoir en vendre et à une certaine heure, il n’en a plus. Mais le bon boulanger n’a pas une machine qui sort en continu des pains qu’il va falloir vendre par n’importe quel moyen pour pouvoir rembourser à la banque la fausse monnaie qu’elle a avancé pour acheter la machine et qu’elle doit détruire. Smith et Ricardo n’avait jamais imaginé que nous tomberions si bas.

Combien de fois faudra-t-il en effet répéter que la monnaie est un véhicule d’énergie humaine et que les seuls capables de créer de la bonne monnaie, sont les chômeurs si la collectivité sait les rendre utiles, reconnaître et payer leur utilité en créant la monnaie nécessaire. Mais pour cela il faut que les banques arrêtent de produire de la fausse monnaie et que l’État ne plombe pas par des charges sociales ahurissantes le démarrage d’une économie saine où chacun apporte ce qu’il est capable d’apporter. Il faut aussi que chacun reconnaisse que le pays de Cocagne où l’on se régale sans travailler n’existe pas et que nous devons tous retrouver un équilibre perdu entre travail et satisfaction de nos désirs. Retrouver la cohérence est le but et reconnaître l’incohérence actuelle, le passage obligé.

Mais une fois de plus se vérifie la phrase de Schopenhauer : « Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence. »

Nous en sommes à la première étape et, pour pouvoir ridiculiser la vérité en ne la regardant surtout pas, le monde politico-médiatique s’invente de fausses querelles qui occupent l’espace et le temps. Après avoir quasiment épuisé la querelle droite-gauche, après avoir tenté de distraire le peuple avec la querelle socialistes-libéraux, il crée une nouvelle fausse querelle sur le choix du ring, de l’arène, de l’espace de combat. On se cherche et on se positionne entre souverainistes, régionalistes, européanistes et mondialistes sans jamais s’interroger sur le problème à résoudre quel qu’en soit le lieu. Il vaut mieux se dire en marche que de chercher qui a été appauvri, au bout d’une longue chaîne, des millions d’euros reçus par un énarque à la banque Rothschild. Ne serait-il pas temps de s’occuper du seul vrai problème : une production n’est richesse que si on l’échange contre du bon argent. Et l’argent n’est bon que si son énergie provient réellement de l’énergie humaine. Créer une fausse monnaie pour faire croire que toute production est richesse ne marche dans aucun espace. C’est pourtant ce que fait actuellement, en se suicidant, la Terre entière par la montée de l’emprunt d’une monnaie créée sans aucun fondement par les banques. Le réveil est inéluctable. Se fera-t-il par l’émergence d’une intelligence collective ou par la violence ? L’avenir nous le dira et il nous appartient. Et c’est l’espace du « nous » qu’il faut définir. La nation semble être l’espace qu’il sera sans doute le moins difficile à rendre à nouveau cohérent. Et quand elle aura retrouvé sa cohérence, elle fera du troc avec la Terre entière dans un libre-échange qui méritera enfin son nom.