Depuis deux siècles, libéraux et socialistes s’affrontent pour le résultat que nous connaissons. Ils ne manquent d’intelligence et de subtilité ni d’un côté ni de l’autre et pourtant, ils n’arrêtent pas de se refiler la patate chaude après avoir vérifié douloureusement qu’ils n’arrivaient pas à appliquer leurs théories. Les libéraux l’expliquent par un manque de libéralisme pendant que les socialistes l’expliquent par un manque de socialisme. Ne serait-il pas temps de comprendre pourquoi leurs théories sont fausses toutes les deux ?
Comme Emmanuel Macron l’a fort bien expliqué à son parterre de jardin d’enfants, les libéraux sont vigilants sur la liberté et les socialistes sont les messagers de l’égalité. Comment ne pas les approuver tous les deux dans une Europe de racine chrétienne où vigilants et messagers sont les caractéristiques des anges. Ne serait-ce pas manquer de fraternité que de reprocher aux uns de vanter la liberté et aux autres de promouvoir l’égalité ? Ils ont sur ce point tous absolument raison et leur querelle est byzantine puisqu’ils ont raison tous les deux.
Mais la difficulté c’est qu’ils ont aussi tort tous les deux en stigmatisant ceux qui dilapident ou accaparent une richesse qui n’est produite que dans leurs têtes.
Chez les libéraux on va avoir des raisonnements débouchant sur l’obésité d’un État qui dilapide la richesse soi-disant produite.
Exemple de pensée libérale, ce twit reproduit sur Contrepoints :
Quand @briceculturier montre l’absurdité de l’intox que Polony répète en boucle sur notre soi-disant modèle « néo-libéral » en la confrontant à la réalité des faits: « on ne peut pas être libéral quand l’Etat dépense 57% de la richesse produite dans un pays ».
18:29 – 1 sept. 2018
Les libéraux construisent leurs raisonnements sur leur illusion que de la richesse est créée. Ils en oublient que dans le beau mot de libre-échange il y a échange qui est antinomique avec la concurrence. Entre nations le libre-échange ne peut être que du troc. Et à l’intérieur de la nation le libre échange est le donner-recevoir-rendre que nous avons complètement perdu depuis que la monnaie l’a substitué Le résultat de cet aveuglement ne peut être que boiteux. Les libéraux transforment un fait (l’État dépense 57 % de la dépense générale) en une ânerie (l’État dépense 57% de la richesse produite). Leur démarche, intéressante dans sa logique très bien exprimée par Bastiat, ne débouche que sur de la logorrhée par absence de fondations.
Chez les socialistes on va avoir un discours moralisateur se scandalisant de la richesse possédée. Cet extrait du discours de Bastien Lachaud à l’Assemblée Nationale pour la France Insoumise est révélateur.
Et c’est le bon jour pour parler des riches ! Le magazine Challenges publie aujourd’hui même son classement annuel des fortunes. Le patrimoine des 500 premières fortunes françaises s’approche de 650 milliards d’euros, soit 30 % du PIB de la France, un pognon de dingue comme diraient certains. Depuis 2008, la fortune des plus riches a triplé et augmenté bien plus que la production nationale, qui n’a crû que de 12 %.
Les socialistes appuient leurs raisonnements généreux sur leur illusion que la richesse existe objectivement alors que ce n’est qu’un regard. Entendre Mélenchon dire que la France n’a jamais été aussi riche fait évidemment craindre toutes les conséquences aberrantes qu’il peut tirer de cette erreur de jugement. La logorrhée socialiste larmoyante qui en découle peut être illustrée par le « sociologue et philosophe » Geoffroy de Lagasnerie, bel exemple du jeune universitaire contemporain qui « réinvente la culture » d’après le magazine Les Inrockuptibles. Il a donné une interview écrite au Nouveau Magazine Littéraire le 3 octobre 2018 en différenciant inconsciemment autant les noirs et les Noirs que les femmes et les handicapés et en mettant les gays au premier rang :
Si vous construisez un mouvement politique en invoquant le concept de « citoyen », vous attirez toujours ceux qui se pensent comme universels – la classe moyenne blanche. Les gays, les femmes, les noirs, les musulmans, les Noirs, les juifs, les handicapés, etc. se subjectivent dans leur singularité, en regard des oppressions qu’ils subissent et la gauche doit s’articuler à cette multiplicité. Mais cela demande en effet de casser tout fantasme d’une cohérence…
Les discours fumeux qui fleurissent de toutes part ne sont rendus possibles que par le rêve d’une corne d’abondance déversant en continu de la richesse. C’est comme cela que la plupart des gens voient le PIB comme une production alors qu’il faut qu’elle soit vendue pour que la production contribue au PIB. Trop peu de gens acceptent de voir le PIB comme la dépense globale annuelle d’un groupe donné sur un espace donné. Il est présenté selon l’humeur du moment comme une richesse produite, fantasme des libéraux qui peuvent tout construire sur la concurrence et l’innovation ou comme une richesse possédée, fantasme des socialistes qui peuvent tout construire sur une morale réprobatrice de non redistribution. Les médias qui se veulent de plus en plus socialistes depuis qu’ils appartiennent tous à des libéraux, en remettent des couches comme entendu sur Europe 1 :
Selon le nouveau mode de calcul de l’Insee, la dette publique de la France a dépassé le total de la richesse nationale au deuxième trimestre 2017, atteignant 100,9% du produit intérieur brut (PIB), avant de commencer à décroître à 99,8% au 3e trimestre 2017, puis à 98,5% au 4e.
Ou lu comme titre dans le Figaro du 29 septembre :
La dette française frôle les 100% de la richesse nationale
Et Désintox fait de l’intox ;
27 janvier 2018 dans #Desintox
Un nouveau rapport de l’ONG Oxfam « Partager la richesse avec celles et ceux qui la créent », pointe le niveau délirant et néfaste atteint par les inégalités dans le monde. 2017 fut une fois de plus l’année de tous les records. Le 1% des plus riches au niveau mondial se sont accaparés 82% des richesses produites. Les 2043 milliardaires ont vu leur fortune s’accroître de 762 milliards de dollars. Soit 7 fois le montant nécessaire à l’élimination de l’extrême pauvreté dans le monde.
Comme personne ne comprend, cela a au moins l’avantage de dissimuler la vérité dans tous les cas. Cette dissimulation vient-elle d’une incompétence ou d’une manipulation ? La question reste ouverte.
Tout est fondé partout et tout le temps sur le sort de la richesse produite alors que l’on ne parle que de la dépense effectuée. On martèle les esprits pour leur faire croire que la croissance économique est une augmentation de richesse alors que ce n’est que l’augmentation des dépenses qui serait en effet preuve de prospérité si ce n’était pas avec de la fausse monnaie créée par la machine bancaire qu’il faut rembourser.
La réalité est bien plus grave que ce que disent les socialistes. Les fortunes que se constituent le clergé du système, libéraux et socialistes confondus, se constituent de deux parties : une partie complètement farfelue qui est le regard qu’ils portent eux-mêmes sur la valeur de leurs actions en bourse et qui explose les plafonds. Cette partie relève du plaisir solitaire mais crée à tort des envieux. Les bourses sont comme l’immobilier et les œuvres d’art, des éponges à monnaie qui enrichissent tous ceux qui font monter les cours en faisant tout perdre a celui qui a le mistigri en sa possession le jour du krach. Mais il y a malheureusement une autre partie qui est un enrichissement bien réel payé par l’appauvrissement du peuple au travers de la montée des prix venant de la dépréciation énergétique de la monnaie étant donnée la masse de fausse monnaie avec laquelle on la mélange.
La réalité est aussi bien plus grave que ce que disent les libéraux. Si l’État dépense en effet à tout va pour que personne ne prenne conscience de l’impasse dans laquelle nous sommes, il ne peut le faire qu’en augmentant systématiquement ses deux seules sources d’argent, l’impôt qui appauvrit directement le peuple et l’emprunt de fausse monnaie aux banques qui dévalorise la monnaie et fait payer indirectement le peuple par la hausse des prix.
Le fantasme de la transformation de la dépense effectuée en richesse produite ou possédée, aussi bien chez les libéraux que chez les socialistes, fait que les discussions économiques ne sont quasiment toujours que pugilats ou logorrhées et que les braves gens pensent souvent qu’ils ne sont pas assez intelligents pour comprendre. Qu’ils se rassurent en lisant Molière qui a déjà étudié chez les médecins de son époque, la dérive psychiatrique collective qui affecte aujourd’hui les économistes de notre époque. « Et voilà pourquoi votre fille est muette » est devenu « Et voilà pourquoi il faut faire des réformes ».
C’est soit la faute de l’État pour les libéraux qui ne rechignent pourtant jamais à être ses représentants, soit la faute des riches pour les socialistes qui n’ont aucun scrupule à le devenir eux-mêmes discrètement. Personne n’envisage que la production de richesse soit un mythe soigneusement entretenu par la fausse monnaie créée par les banques. Accuser quelqu’un de la disparition de quelque chose qui n’existe pas, relève d’une malhonnêteté intellectuelle qui peut même être inconsciente. Et quand la malhonnêteté intellectuelle est inconsciente, cela s’appelle de la bêtise.
Cette inconscience est d’autant plus l’apanage des Politiques qu’elle est très largement partagée dans la population qui n’a pas très envie d’accueillir la vérité, à savoir que pour s’enrichir il faut en appauvrir d’autres. Ce serait tellement agréable si l’on pouvait juste avoir une part de ce gâteau que l’on ne veut pas voir imaginaire et qui se fabriquerait, nous dit-on, tout seul sous nos yeux.
Et pourtant !
Combien de fois faudra-t-il répéter qu’une production ne devient richesse que si un acheteur vient s’appauvrir en monnaie pour l’acquérir. On peut stocker la production en espérant qu’un acheteur viendra la transformer en richesse. On peut jeter l’éponge en reconnaissant que l’on n’a fabriqué que des déchets comme le boulanger le fait de son pain invendu en le donnant aux oiseaux ou à la poubelle. Il n’y a pas de cas de figure où le producteur produit une richesse sans qu’un acheteur ne se soit appauvri en monnaie de la valeur de cette richesse.
Certains objecteront qu’un individu qui se construit une cabane, une maison, un igloo ou un sifflet, crée une richesse. C’est vrai. C’est aussi vrai que l’enfant qui se fait un dessin se crée une richesse. Mais ces richesses ne sont que les leurs et elles ne deviendront des richesses reconnues par le groupe et ne rentreront dans l’économie que si quelqu’un s’appauvrit en les achetant. Sans cela la maison deviendra ruine et le dessin comme le sifflet sera délaissé puis abandonné. La richesse aura fait long feu.
La vraie richesse reconnue par le groupe est celle échangée avec de la monnaie. Si elle n’est qu’échangeable, elle n’est qu’espoir de richesse comme l’est le matin, le pain du boulanger. Le soir sa production aura été richesse si échangée contre de l’argent, ou elle sera déchet. Le bon boulanger prévoit ses ventes, ne fait pas plus de pains qu’il ne sait pouvoir en vendre et à une certaine heure, il n’en a plus. Mais le bon boulanger n’a pas une machine qui sort en continu des pains qu’il va falloir vendre par n’importe quel moyen pour pouvoir rembourser à la banque la fausse monnaie qu’elle a avancé pour acheter la machine et qu’elle doit détruire. Smith et Ricardo n’avait jamais imaginé que nous tomberions si bas.
Combien de fois faudra-t-il en effet répéter que la monnaie est un véhicule d’énergie humaine et que les seuls capables de créer de la bonne monnaie, sont les chômeurs si la collectivité sait les rendre utiles, reconnaître et payer leur utilité en créant la monnaie nécessaire. Mais pour cela il faut que les banques arrêtent de produire de la fausse monnaie et que l’État ne plombe pas par des charges sociales ahurissantes le démarrage d’une économie saine où chacun apporte ce qu’il est capable d’apporter. Il faut aussi que chacun reconnaisse que le pays de Cocagne où l’on se régale sans travailler n’existe pas et que nous devons tous retrouver un équilibre perdu entre travail et satisfaction de nos désirs. Retrouver la cohérence est le but et reconnaître l’incohérence actuelle, le passage obligé.
Mais une fois de plus se vérifie la phrase de Schopenhauer : « Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence. »
Nous en sommes à la première étape et, pour pouvoir ridiculiser la vérité en ne la regardant surtout pas, le monde politico-médiatique s’invente de fausses querelles qui occupent l’espace et le temps. Après avoir quasiment épuisé la querelle droite-gauche, après avoir tenté de distraire le peuple avec la querelle socialistes-libéraux, il crée une nouvelle fausse querelle sur le choix du ring, de l’arène, de l’espace de combat. On se cherche et on se positionne entre souverainistes, régionalistes, européanistes et mondialistes sans jamais s’interroger sur le problème à résoudre quel qu’en soit le lieu. Il vaut mieux se dire en marche que de chercher qui a été appauvri, au bout d’une longue chaîne, des millions d’euros reçus par un énarque à la banque Rothschild. Ne serait-il pas temps de s’occuper du seul vrai problème : une production n’est richesse que si on l’échange contre du bon argent. Et l’argent n’est bon que si son énergie provient réellement de l’énergie humaine. Créer une fausse monnaie pour faire croire que toute production est richesse ne marche dans aucun espace. C’est pourtant ce que fait actuellement, en se suicidant, la Terre entière par la montée de l’emprunt d’une monnaie créée sans aucun fondement par les banques. Le réveil est inéluctable. Se fera-t-il par l’émergence d’une intelligence collective ou par la violence ? L’avenir nous le dira et il nous appartient. Et c’est l’espace du « nous » qu’il faut définir. La nation semble être l’espace qu’il sera sans doute le moins difficile à rendre à nouveau cohérent. Et quand elle aura retrouvé sa cohérence, elle fera du troc avec la Terre entière dans un libre-échange qui méritera enfin son nom.