La paupérisation des classes moyennes

Tout le monde le constate et personne ne l’explique.

Dans une société cohérente chacun est utile et reconnu comme tel. Certains produisent, d’autres distribuent, d’autres encore facilitent par leurs services la production, la distribution et la préparation du futur par la fabrication et l’éducation des enfants. C’est simple et cela marche très bien par l’intelligence de chacun et par une approche commune du lendemain.

Mais dans une société incohérente comme la nôtre où la peur de la mort, le désir de plaire et les fantasmes d’un lendemain qui chante dominent tout (un psychanalyste dirait que c’est la même chose), une fausse cohérence a été artificiellement fabriquée par des règlements, des normes et des lois qui n’arrêtent pas de se surajouter pour tenter vainement de rendre cohérent ce qui ne peut pas l’être.

Le résultat se fait naturellement sentir. La production est contrainte, la distribution est contrainte, les services sont contraints. Tout est rendu plus coûteux et plus difficile par une réglementation imbécile qui se dit intelligente car fondée sur une création annuelle de richesse qui n’existe pas. Cette erreur fondamentale que personne ne veut relever enclenche une double spirale abominable.

D’un côté la réglementation qui part toujours de bons sentiments, alourdit tout ce qui est utile et elle rend la vie impossible à ceux qui produisent, à ceux qui distribuent et à ceux qui sont réellement là pour leur faciliter la tâche en s’occupant de leur santé ou de leur sécurité. Pour tous ceux-là qui sont la classe moyenne, la vie quotidienne est de plus en plus difficile. Ils sont de moins en moins efficaces vu le temps et l’argent dépensés à connaître et à respecter les normes puis à prouver qu’ils les respectent. Pour survivre ils sont obligés de travailler beaucoup plus. Ils sont de moins en moins nombreux à se dépenser de plus en plus pour gagner de moins en moins tant pour la collectivité que pour eux-mêmes.

De l’autre on multiplie à une vitesse incroyable les inutiles qui coûtent de plus en plus cher et que l’on fabrique à la chaîne dans l’enseignement supérieur public et privé : les contrôleurs qui ne servent qu’à justifier les normes et à freiner ce qui est utile en en suggérant de nouvelles, les conseillers qui survivent en expliquant aux autres ce qu’ils n’arrivent pas à faire eux-mêmes, les formateurs qui font semblant de préparer les autres à l’impossible et qui se voient bien le faire « toute la vie » des autres, et surtout toute la leur, les commentateurs qui sont là pour faire croire qu’avec des réformes, ça peut durer et les chercheurs comme les analystes qui sont nombreux à chercher comment rendre cohérent l’incohérence où à expliquer pourquoi nous n’y arriverons évidemment jamais.

Cette armée d’inutiles, devenue très largement majoritaire quand on y rajoute les étudiants, les retraités et les chômeurs, fait gagner les élections aux plus rusés d’entre eux et tient donc le pouvoir. Elle est une sorte de sangsue plus grosse que le corps qu’elle ponctionne, dans une économie à laquelle elle n’apporte rigoureusement rien et qui s’est construite sur le mensonge que le PIB est une production, une création de valeur alors que ce n’est que la somme de nos dépenses. L’augmentation de nos dépenses s’appelle la croissance économique et nous vivons, apathiques et amorphes, la stupidité majeure d’attendre la croissance tout en limitant nos dépenses comme nous le demande l’Union Européenne, l’un des lieux de rassemblement des inutiles surpayés et satisfaits d’eux-mêmes. Dépenser plus pour faire de la croissance et, en même temps comme disent certains, dépenser moins pour respecter les critères de Maastricht est la prétendue nouvelle cohérence qui doit porter ses fruits que beaucoup d’inutiles font semblant d’attendre comme le Messie. Ils donnent à leur rêve le nom de science économique et on cherche vainement un Politique qui ne dise pas à sa manière « Sans croissance on ne peut rien faire ». Ils avaient trouvé comme porte-drapeau Nicolas Hulot qui a expressément dit sur France Inter que sa démission venait du manque de cohérence d’une politique qu’il cherche lui-même à tâtons.

Alors que nous multiplions dans les mégapoles les inutiles d’aujourd’hui en pensant qu’ils créeront les utiles de demain, le pouvoir n’envisage pas un instant de partir de chaque individu pour voir en quoi il pourrait être utile comme cela se passe dans tout groupe cohérent. Il prend tout à l’envers en comptant sur la « valeur ajoutée » des entreprises pour créer de l’argent et fournir des emplois. Il faut la grosse Bertha des médias, le jargon des économistes et la créativité des publicitaires pour donner un semblant de crédibilité à ce non-sens qui pousse à la détente, au bien-être, aux vacances, aux voyages, à la possession de son logement etc. sans jamais se soucier du « Où trouver l’argent nécessaire ? ». Cette question est réputée sans intérêt puisqu’elle est sous-traitée aux entreprises. Or la « valeur ajoutée » n’existe que si des clients viennent s’appauvrir en monnaie de la valeur de leur achat. Et il n’y a aucune création de richesse, il n’y a que des échanges qui constatent qu’on en avait produits.

La valeur ajoutée des entreprises est comme le sel en cuisine. C’est ce que rajoute l’opérateur pour que le consommateur consomme. Cherche-t-on à récupérer la valeur que le sel a ajoutée au plat pour se la partager ensuite, une fois le plat consommé ? Bien sûr que non mais c’est pourtant ce que notre élite nous propose en parlant de valeur ajoutée des entreprises et de PIB qui en serait l’agrégat et qui serait une ressource. Les entreprises ne font pourtant que « cuisiner » ce qu’elles achètent pour le vendre à leurs clients. Une fois leurs client rassasiés parce qu’ils se sont appauvris en achetant, est-il raisonnable de construire le futur sur l’énergie passée des cuisiniers ?

Qui est conscient que la valeur ajoutée des entreprises n’existe que si elle a déjà été consommée par des clients qui l’ont déjà payée ?

Qui est conscient que la TVA n’est qu’un réveil après deux siècles de sommeil de la gabelle, l’impôt sur le sel de l’Ancien Régime ? Le salaire retrouve son étymologie en étant le prix du sel que l’entreprise rajoute pour faire consommer sa production à ses clients.

Le pouvoir dépense sans succès des sommes folles dans l’Education Nationale, 6e entreprise mondiale, pour formater à l’incohérence et, en attendant, il flatte ses électeurs et recherche désespérément l’argent que les entreprises lui fournissent mal.

Nos dirigeants ont d’abord cru trouver la solution dans le commerce extérieur et dans le libre-échange qui porte très mal son nom car sa réalité est tout simplement de vouloir faire payer les autres. Le résultat est qu’au lieu de faire payer les autres comme les Allemands ou les Néerlandais savent très bien le faire, c’est nous, Français, qui payons en plus pour les autres sans en avoir bien sûr les moyens.

Ils ont ensuite eu l’idée géniale de faire comme les Américains et d’avoir une monnaie qui ne vaut rien tellement le déficit commercial est abyssal et tellement on fabrique de monnaie. Mais ils ont oublié en créant l’euro et l’Union Européenne pour se donner l’impression d’être puissant, que la puissance américaine est militaire et qu’elle seule impose une valeur au dollar qui n’en a plus aucune tellement ils en fabriquent.

Ils ont enfin inventé l’emprunt sur richesses futures à des fabricants d’argent, alors que l’humanité n’avait jamais connu que l’emprunt sur gage bien concret, d’argent précédemment gagné.

Les richesses futures n’arrivant évidemment pas plus que la croissance, l’emprunt n’est quasiment jamais remboursé autrement que par de nouveaux emprunts ou, pour les particuliers qui empruntent pour investir ou pour consommer, par une demande d’augmentation de salaire répercutée sur les prix. L’emprunt systématique a faussé à la hausse tous les prix et chacun peut imaginer le vrai prix de l’immobilier s’il était vendu sans emprunt avec des salaires non faussement dynamisés. Dix fois ? Cent fois moins cher ? Sans doute entre les deux.

L’État qui n’arrête pas d’augmenter son emprunt de 100.000 € toutes les 43 secondes se pose tout de même des questions et utilise une grande partie de son temps et de son intelligence à trouver des façons discrètes de faire payer les Français sans qu’ils ne s’en rendent trop compte. Il est inutile d’en faire la liste tellement chacun la vit quotidiennement

Le résultat est doublement catastrophique.

D’un côté la grande armée des inutiles a du s’inventer une utilité pour se donner une apparence et, ayant constaté le vide que laissait au moins provisoirement les religions hors Islam, elle a enfanté sans le vouloir une nouvelle morale laïcarde et vigoureuse qui l’occupe et la distrait. Cette morale, fondée sur la richesse imaginaire de notre pays, sacralise la ribambelle des luttes contre le sexisme, le racisme, l’homophobie, le tabac, l’alcool, la vitesse… en un mot la liberté. Il suffit d’appeler discrimination la distinction pour la faire passer en un instant du bien au mal. Elle prône en revanche le laxisme pour tout ce qui est plaisir sans devoirs et qui n’existe que par l’illusion que nous créons des richesses permettant ces plaisirs: le divorce, l’avortement, le mariage pour tous, la loi du genre, les médias gratuits, le transhumanisme, la recherche médicale effrénée etc.

De l’autre c’est l’effondrement de la structure de notre pays. Il y a 50 ans les classes moyennes n’avaient qu’un salaire par foyer qui était suffisant pour bien vivre, souvent avec même une employée de maison. Les femmes pouvaient avoir, en plus de leurs 3 à 12 enfants des activités extérieures bénévoles. Aujourd’hui il n’est quasiment plus possible de vivre avec une seule rémunération par foyer. Les rémunérations sont trop basses par rapport aux prix de tout et elles sont encore trop hautes, parait-il, pour être compétitives depuis que la compétition a terrassé la coopération.

Les familles n’ont plus le temps de s’occuper de l’éducation de leurs enfants et sont obligées de tout sous-traiter, ce qui n’est qu’apparemment gratuit. La peur de ne pas assumer le poids financier et l’éducation des enfants freine le renouvellement de la population. Trouver une place de crèche à Paris se fait 3 ans à l’avance et les crèches sont pleines de races non européennes que notre richesse imaginaire nous invite à accueillir alors qu’elles remplacent petit à petit nos inutiles dans le travail comme dans la procréation.

La confusion entre production et richesse qui nous fait nous croire riches parce que nos machines produisent alors que le bon sens de nos compatriotes n’est plus utilisé, conduit inéluctablement à une révolution. Tous ceux qui n’envisagent pas sérieusement la révolution des esprits, préparent déjà, sans le vouloir mais en le sachant, une révolution sanglante. Tout parti politique sérieux se doit d’en être conscient.

De la Terre à la planète

Les médias, propriété de la finance, ont rayé la Terre de leur vocabulaire en la remplaçant par la planète, en lui faisant perdre sa majuscule et en passant subrepticement du respect des réalités au plaisir de l’illusion. Les civilisations se réduisent à une seule appelée péremptoirement la civilisation et le mondialisme enfante un nouveau colonialisme fabriquant un monde de villes clonées les unes sur les autres, dominantes, improductives et consommatrices, ne vivant que sur la dette que l’on relativise scandaleusement en la présentant toujours en pourcentage du PIB, lui-même présenté tout aussi scandaleusement comme une ressource annuelle alors qu’il n’est qu’une dépense annuelle.

Tout remboursement de dette n’est qu’appauvrissement de quelqu’un ou montée d’une nouvelle dette. Comme l’électoralisme interdit d’accepter l’idée de s’appauvrir pour enrichir les nouveaux aristocrates auto-proclamés, la dette ne peut donc que monter. Elle ne sera évidemment jamais remboursée puisqu’aucune richesse n’est créée mais les intérêts à payer grimpent régulièrement pour faire payer aux peuples le bien-être de certains.

Quelqu’un verrait-il une autre issue que la violence à cette imbécillité suicidaire si bien huilée que les politiques de tous bords ne veulent pas l’affronter tellement elle leur fait peur ?

Tant que l’on acceptera de croire à la création de richesse qui donne un soupçon d’apparence au remboursement de la dette sans asservissement général, nous ne ferons que nous rapprocher par une lâcheté criminelle, d’une explosion qui tuera nos enfants.

Ce billet se veut très court pour permettre un échange qui, s’il ne se fait pas, posera la question de l’intérêt de ce site et de son maintien.

Du despotisme au populisme

Tocqueville annonçait déjà en 1840 les effets dont je ne fais que tenter d’analyser la cause depuis deux quinquennats. Lire, pendant ce mois d’août où tout s’arrête, ce que Tocqueville écrivait il y a bientôt deux siècles, en éveillera peut-être certains qui s’intéresseront enfin à la cause de ce nouveau despotisme incohérent qui génère le populisme.

Tome II, partie IV, chapitre VI :

Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres: ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie.

Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre?

C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre ; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu chaque citoyen jusqu’à l’usage de lui-même. L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses: elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.

Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.

J’ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu’on ne l’imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu’il ne lui serait pas impossible de s’établir à l’ombre même de la souveraineté du peuple.

Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies: ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l’un ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre qu’on l’attache, parce qu’il voit que ce n’est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne. Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent.

Il y a, de nos jours, beaucoup de gens qui s’accommodent très aisément de cette espèce de compromis entre le despotisme administratif et la souveraineté du peuple, et qui pensent avoir assez garanti la liberté des individus, quand c’est au pouvoir national qu’ils la livrent. Cela ne me suffit point. La nature du maître m’importe bien moins que l’obéissance.

Je ne nierai pas cependant qu’une constitution semblable ne soit infiniment préférable à celle qui, après avoir concentré tous les pouvoirs, les déposerait dans les mains d’un homme ou d’un corps irresponsable. De toutes les différentes formes que le despotisme démocratique pourrait prendre, celle-ci serait assurément la pire.

Lorsque le souverain est électif ou surveillé de près par une législature réellement élective et indépendante, l’oppression qu’il fait subir aux individus est quelquefois plus grande ; mais elle est toujours moins dégradante parce que chaque citoyen, alors qu’on le gêne et qu’on le réduit à l’impuissance, peut encore se figurer qu’en obéissant il ne se soumet qu’à lui-même, et que c’est à l’une de ses volontés qu’il sacrifie toutes les autres.

Je comprends également que, quand le souverain représente la nation et dépend d’elle, les forces et les droits qu’on enlève à chaque citoyen ne servent pas seulement au chef de l’Etat, mais profitent à l’Etat lui-même, et que les particuliers retirent quelque fruit du sacrifice qu’ils ont fait au public de leur indépendance.

Créer une représentation nationale dans un pays très centralisé, c’est donc diminuer le mal que l’extrême centralisation peut produire, mais ce n’est pas le détruire. Je vois bien que, de cette manière, on conserve l’intervention individuelle dans les plus importantes affaires; mais on ne la supprime pas moins dans les petites et les particulières. L’on oublie que c’est surtout dans le détail qu’il est dangereux d’asservir les hommes. Je serais, pour ma part, porté à croire la liberté moins nécessaire dans les grandes choses que dans les moindres, si je pensais qu’on put jamais être assuré de l’une sans posséder l’autre.

La sujétion dans les petites affaires se manifeste tous les jours et se fait sentir indistinctement à tous les citoyens. Elle ne les désespère point; mais elle les contrarie sans cesse et elle les porte à renoncer à l’usage de leur volonté. Elle éteint peu à peu leur esprit et énerve leur âme, tandis que l’obéissance, qui n’est due que dans un petit nombre de circonstances très graves, mais très rares, ne montre la servitude que de loin en loin et ne la fait peser que sur certains hommes. En vain chargerez-vous ces mêmes citoyens, que vous avez rendus si dépendants du pouvoir central, de choisir de temps à autre les représentants de ce pouvoir ; cet usage si important, mais si court et si rare, de leur libre arbitre, n’empêchera pas qu’ils ne perdent peu à peu la faculté de penser, de sentir et d’agir par eux-mêmes, et qu’ils ne tombent ainsi graduellement au-dessous du niveau de l’humanité.

J’ajoute qu’ils deviendront bientôt incapables d’exercer le grand et unique privilège qui leur reste. Les peuples démocratiques qui ont introduit la liberté dans la sphère politique, en même temps qu’ils accroissaient le despotisme dans la sphère administrative, ont été conduits à des singularités bien étranges. Faut-il mener les petites affaires où le simple bon sens peut suffire, ils estiment que les citoyens en sont incapables ; s’agit-il du gouvernement de tout l’Etat, ils confient à ces citoyens d’immenses prérogatives; ils en font alternativement les jouets du souverain et ses maîtres, plus que des rois et moins que des hommes. Après avoir épuisé tous les différents systèmes d’élection, sans en trouver un qui leur convienne, ils s’étonnent et cherchent encore ; comme si le mal qu’ils remarquent ne tenait pas a la constitution du pays bien plus qu’a celle du corps électoral.

Il est, en effet, difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l’habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire ; et l’on ne fera point croire qu’un gouvernement libéral, énergique et sage, puisse jamais sortir des suffrages d’un peuple de serviteurs.

Une constitution qui serait républicaine par la tête, et ultra-monarchique dans toutes les autres parties, m’a toujours semblé un monstre éphémère. Les vices des gouvernants et l’imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou retournerait bientôt s’étendre aux pieds d’un seul maître.

N’est-ce pas très exactement ce que nous vivons en Occident et que le vice de nos gouvernants appelle dédaigneusement le populisme qui a tout de même beaucoup tardé ? Ce populisme, ces populismes, ne seraient-ils pas au contraire le bouillon de culture dont nous avons tant besoin après les échecs dramatiques, successifs et parallèles du fascisme, du communisme et du capitalisme ? Ce bouillon de culture est en quête d’une organisation cohérente à développer sur les ruines du capitalisme qui, avec son fantasme de création de richesses, se croit riche avec sa dette mondiale de 247.000 milliards de dollars au premier trimestre 2018 d’après le dernier bilan de l’ « Institute of International Finance » et se croit puissant avec l’Union Européenne, le forum de Davos, Bilderberg et le Siècle.

Les élections européennes doivent être l’an prochain l’expression de ces réflexions populistes, qu’elles soient Debout la France, Rassemblement National ou France Insoumise. Ce qu’il faut éviter ce sont les candidatures de dispersion qui, en voulant profiter de la proportionnelle nationale, négligeraient par orgueil la barre des 5% qu’ils ne franchiront jamais et ne feront qu’affaiblir la représentativité des autres.

 

L’offre et la demande

L’équilibre entre l’offre et la demande est le lien fondamental entre les individus et les groupes, la justification de leurs échanges. L’anthropologue et professeur au Collège de France Marcel Mauss a parfaitement expliqué que dans tout groupe cohérent le don entraînait ce qu’il appelait le contre-don et que le « donner-recevoir-rendre » était au service du lien social et qu’il le nourrissait. Mauss a développé que le don et le contre-don était ce qu’il a appelé un « fait social total » à dimensions culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique et qu’il ne pouvait être réduit à l’une ou à l’autre de ses dimensions.

Les échanges fondés sur l’offre et la demande s’inscrivent dans des chaînes d’échanges et c’est la disharmonie actuelle de ces chaînes qui est à la base de toutes nos difficultés. Pour comprendre ce dysfonctionnement, il faut analyser les chaînes d’échange que les collectivités sont supposées activer lorsqu’elles ne sont plus naturelles entre les individus.

Il y a la chaîne d’échanges travail production monnaie, que l’on peut aussi appeler offre et demande de biens et de services. C’est l’activité des entreprises, celle qui fait produire aux individus des biens et des services qui vont chercher à se transformer en monnaie grâce à d’autres individus qui, en devenant clients, verront dans ces productions des richesses. C’est en abandonnant leur argent venant d’une autre chaîne d’échanges que les acheteurs mettent sur certaines productions leur tampon « richesse » alors que d’autres productions restent des encombrants, voire des déchets, par absence d’acheteurs.

L’autre chaîne d’échanges, celle génératrice de monnaie, est travail monnaie richesse, que l’on peut aussi appeler offre et demande de travail. Cette chaîne d’échanges part de l’énergie de chaque individu, tel qu’il est et tel qu’utilisable par le groupe. Dès que cette énergie utilisable est sollicitée, elle est, par son utilisation, transformée en monnaie. Et cette monnaie va ensuite reconnaître les richesses parmi les productions. Très curieusement cette sollicitation essentielle est actuellement quasiment réservée aux entreprises et à l’administration dont ce n’est pas la raison d’être, les unes devant produire, l’autre devant servir.

L’exemple de la vache illustre bien ces deux chaînes distinctes et complémentaires. Dans la première chaîne la vache produit entre autres du lait, des veaux et des bouses mais seuls le lait et les veaux se transforment en monnaie parce que dans la deuxième chaîne qui est humaine, seule l’énergie de la vache qui fabrique le lait ou les veaux est sollicitée. Son énergie fabriquant les bouses n’intéresse personne sinon les vétérinaires qui en connaissent la fonction vitale. Seul l’abandon de la monnaie pour obtenir du lait ou des veaux permet de voir que le lait et les veaux sont des richesses. L’autre production, la bouse, ne trouvant pas de client, sera un déchet et non une richesse, bien qu’elle soit aussi une production.

A l’intérieur d’une collectivité cohérente c’est le travail transformé en monnaie dans une chaîne d’échanges, qui juge, dans une autre chaîne d’échanges, de la valeur des productions nées également du travail.

La complémentarité de ces deux chaînes d’échanges fait qu’il est normalement impossible de faire fonctionner l’une sans faire fonctionner l’autre. L’une est l’offre et la demande de la production, l’autre est l’offre et la demande du producteur. Toutes les civilisations l’ont tout naturellement vérifié dans tous leurs systèmes cohérents. Pour ne prendre que notre civilisation, cela a été l’oïkos grec, la domus et la familia latines, le village, la nation (étymologiquement l’endroit où l’on est né), la patrie (étymologiquement la terre de nos pères). Le travail reconnu utile par le groupe se transforme en monnaie qui reconnait éventuellement comme richesse le résultat du travail des autres. C’est le « donner recevoir rendre » de Marcel Mauss après introduction de la monnaie.

Mais pour des raisons idéologiques et électorales, nous avons déconnecté ces deux chaînes et subordonné la valeur du producteur à la valeur de la production, nous avons négligé la chaîne qui constate la richesse au profit de celle qui prétend la produire. L’être humain n’a plus été considéré essentiellement comme producteur mais comme électeur et comme consommateur. Les hommes ont été incités à moins travailler et les femmes à moins faire d’enfants pour pouvoir consommer et remercier régulièrement, par un vote approprié, les initiateurs de ce nouvel eldorado. La collectivité s’est arrêtée de jouer son rôle d’activateur de chaînes d’échange pour s’atteler à la tâche infernale de la justification d’un système impossible. Elle n’a pas lésiné sur les moyens en n’en oubliant aucun.

Elle a dissous la notion de collectivité cohérente en créant des illusions de cohérence depuis la fin de la deuxième guerre mondiale comme la déclaration universelle des droits de l’homme, l’Union Européenne, les G6 G7 G8 G9 ou G20, l’OMC ou l’ONU, toutes ces collectivités ayant comme raison première de faire tenir un système qui subordonne le producteur à la production tout en flattant l’électeur et en ponctionnant le consommateur. Les médias, aux mains de la finance, sont chargés de fabriquer notre consentement.

Elle a laissé s’installer des monnaies qui ne sont plus du travail transformé mais le moyen de faire discrètement payer aux peuples l’enrichissement d’une petite minorité par le report systématique de la prise de conscience de leur dévaluation.

Elle a décrété que toute production était une richesse et que l’on créait des richesses chaque fois que l’on produisait. La richesse à bas prix est devenue l’horizon électoral avec une mécanisation très coûteuse qui ne libère l’homme que pour le payer à ne rien faire, c’est-à-dire pour le dégrader tout en dévaluant la monnaie.

Mais surtout elle s’acharne à fabriquer notre consentement en utilisant la formidable avancée technologique de communication que sont les médias, aux mains de la finance, pour nous faire regarder ailleurs et pour organiser la fuite en avant.

Regarder ailleurs en vantant la notion de progrès qui ne veut rien dire puisque progresser veut dire à la fois monter ou descendre selon que l’on s’en sert pour un alpiniste ou un spéléologue. Le progrès, débarrassé de son but, permet de prendre toutes les vessies pour des lanternes, surtout en chiffrant tout même l’inchiffrable.

Regarder ailleurs en ressuscitant les vieilles lunes du panem et circenses, du pain et des jeux par la triple imbécillité des subventions, de la professionnalisation du sport et de la généralisation du jeu sous toutes ses formes qui doit faire oublier, dès le plus jeune âge, le travail qui est notre dépense utile d’énergie et le devoir qui est notre dette vis-à-vis de la collectivité.

Mais c’est surtout en organisant la fuite en avant que notre collectivité se suicide sans réagir autrement qu’individuellement.

Davantage de collectivités incohérentes comme, en France, les communautés de communes et les régions, et dans le monde, les LGBT qui se sont accaparés l’arc-en-ciel, le Vegan ou l’écologie avec leurs réponses simples à des problèmes compliqués, le féminisme galopant qui demande partout la parité sauf dans la fabrication des enfants, les stupides traités commerciaux et la multiplication à l’envi des rencontres sportives et des jeux d’argent.

Davantage de monnaies façon système de Law, assignats, emprunt russe ou bitcoin avec une nuée de petits maîtres venant expliquer à qui veut l’entendre que c’est en jonglant avec les monnaies que l’on réglera les problèmes.

Davantage de productions en pillant les ressources de la Terre rétrogradée au niveau de la planète, en promettant un pays de cocagne au mâles blancs tout en les mettant au chômage, et en faisant travailler les trois esclavages que sont l’esclavage de notre descendance par la dette, l’esclavage des autres civilisations chez elles par la mondialisation et l’esclavage des autres civilisations chez nous par l’immigration.

Et avec d’un côté une armada de conseillers et de petits maîtres venant expliquer les détails qu’il faut changer pour que cela marche et de l’autre, une incapacité à se regrouper de tous ceux qui pressentent le désastre, par le fait que chacun se limite à son constat personnel sans prendre conscience de l’ampleur du drame et du fait générateur.

Seule une prise conscience populaire ( par les réseaux sociaux ? ) a une chance de nous régénérer en remettant au niveau de la production, le producteur tel qu’il est, sans vouloir le transformer, ce que la guerre et le terrorisme font malheureusement admirablement. C’est parce que la guerre et le terrorisme prennent les gens comme ils sont et non comme ils devraient être d’après les entreprises embaucheuses, qu’il n’y a, en temps de guerre, que des chômeurs volontaires. Ne pourrions-nous pas nous en inspirer sans aspirer la guerre et le terrorisme comme nous le faisons en voulant former tout au long de la vie un matériau humain déraciné et interchangeable ?

Encore faudrait-il trouver ou créer une collectivité qui porterait ce message que les médias ont sur ordre décrété impopulaire. Est-ce rêver que d’y croire ?

Coup de gueule

Et si nous posions enfin le problème correctement en arrêtant de chercher des solutions à un problème mal posé qui n’en a pas ?

L’erreur de base qui a induit toutes les autres pour la dissimuler, est la confusion entre production et richesse engagée par Adam Smith et David Ricardo qui n’avaient jamais imaginé que l’on puisse fabriquer sans avoir de clients, ce qui est pourtant devenu la routine avec la mécanisation financée par le futur, sublime trouvaille.

Le circuit inverse et régulateur de la circulation monétaire dont le travail était la source et qui était une évidence il y a deux siècles pour Smith, Ricardo et tous leurs contemporains, n’a pas été étudié lorsque le circuit inverse de la production s’est emballé au XIXe et surtout au XXe siècle.

Au lieu de l’étudier et de s’en servir pour contrebalancer la folie mécanique de la production,

– On a déifié la production en inventant la notion stupide de valeur ajoutée qui fait croire que toute production est une richesse alors qu’elle ne l’est que si un client vient s’appauvrir davantage.

– On a inversé les esprits en faisant croire par le PÏB que toute dépense était une ressource. Plus l’on dépense et plus l’on est riche ! Les critères de Maastricht en pourcentages du PIB, c’est à dire en pourcentage des dépenses, sont affligeants (on peut dépenser jusqu’à 103% et on peut emprunter jusqu’à 60% de ce qu’on a déjà dépensé l’année d’avant). Plus l’on dépense et plus l’on peut dépenser !

– On a inventé la croissance économique qui apporte à nouveau la manne et les cailles des Hébreux dans le désert mais sans Dieu.

– On a réinventé le système de Law et les assignats pour faire croire que la fausse monnaie régulait l’économie aussi bien que la monnaie véritable.

Pour que le peuple y croit et en le prenant vraiment pour un ramassis d’imbéciles,

– On a mis en place un formatage national ruineux qui bloque les jeunes à ne rien faire jusqu’à 25 ans pour leur faire croire qu’on leur apprend des choses qui ne leur serviront à rien, et surtout pour les amollir par une vie facile et les placer en situation d’éternels quémandeurs.

– On a mis en place un système faussement appelé démocratie où le slogan incroyable d’un homme une voix, donne le pouvoir à la finance.

Pour tenir un certain temps dans cet imbroglio impossible,

– On a survalorisé l’individu en le stérilisant par la casse des groupes cohérents et du Sacré.

– On a cassé tous les groupes cohérents, couple famille village pour n’avoir que de  la matière humaine indifférenciée où les femmes ne font plus d’enfants et concurrencent les hommes dans leur quête d’argent.

– On a imposé l’idée que les milliards de merveilleuses et stupéfiantes machines vivantes et diverses, végétales, animales et humaines, n’étaient toutes, une par une, que l’œuvre du hasard et de la nécessité répétée par hasard avec le même génie des milliards de fois.

– On a transformé tous les individus perdus en intellectuels détenteurs personnels de la réforme à faire pour tout résoudre.

– On fait faire le travail qui doit tout de même être fait,  par les trois esclavages de la dette pour l’esclavage dans le temps, de la globalisation pour l’esclavage dans l’espace et de l’immigration pour l’esclavage ici et maintenant. Sans oublier de  dépenser de plus en plus d’argent pour éviter la révolte des esclaves.

Mais tout cela n’est évidemment qu’un colosse aux pieds d’argile que la réalité mettra à bas dans la plus grande violence si, de toute urgence et avant que ce ne soit trop tard, certains ne s’attellent pas à analyser le problème GLOBALEMENT pour s’attaquer exclusivement au mur du mensonge et de la dissimulation, admirablement construit à l’insu de leur plein gré par les médias, propriétés de la finance.

 

La spiritualité collective

La fausse démocratie dans laquelle nous croupissons actuellement et qui semble inattaquable, n’est que le pouvoir de l’argent sur l’affectivité de la foule. Elle est aux mêmes niveaux mental et moral que le pogrom russe ou le lynchage américain, même si les tireurs de ficelle ne sont pas les mêmes. La devise imbécile « un homme, une voix » est l’invention récente de ceux qui savent que n’importe quelle foule se manipule avec de l’argent et qu’une campagne électorale victorieuse est hors de prix. La doxa nous fait d’ailleurs payer à tous, par le remboursement des frais de campagne, le prix de notre propre manipulation. Les tentatives grecques de démocratie limitaient le droit de vote aux producteurs de blé ou d’huile, c’est-à-dire à ceux qui prenaient des risques personnels lorsqu’ils distribuaient le pouvoir. La très belle formule d’Abraham Lincoln « Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » cherche toujours comment elle pourrait devenir réalité, et, depuis que toutes les monnaies ont été déconnectées de toute matérialité, la fausse démocratie met partout au pouvoir les plus roublards parmi lesquels il peut y en avoir d’honnêtes, ce qui ne veut pas dire compétents.

En attendant l’étude de la viabilité d’une vraie démocratie par les deux seules entrées possibles du permis de voter et du tirage au sort, nous pouvons observer que les règnes animal et végétal ne sont fondés que sur les deux pieds de la survie et de la reproduction. L’homme ne fait que rajouter à ces deux pieds la recherche du sens de cette survie et de cette reproduction. C’est sur cette recherche de sens que la merveilleuse diversité humaine a apporté au cours des millénaires des réponses variées qui étaient toutes des spiritualités collectives qui harmonisaient l’action, la réflexion et la communication. Toutes ces réponses ont constitué les civilisations et, bien évidemment, chacune a défendu l’idée que sa réponse était la bonne. Pendant des siècles des voyageurs individuels sont allés s’enrichir des réponses des autres pendant que des cohortes armées imposaient régulièrement la leur. Dieu, s’il a toujours été dans tous les cœurs qui désirent s’améliorer eux-mêmes, a toujours été aussi le protecteur de toutes les armées qui veulent améliorer les autres. Dans toutes les civilisations, la spiritualité collective a toujours été à la fois empreinte d’hypocrisie et le refuge de toutes les douleurs indicibles.

Mais depuis trois siècles, depuis le siècle dit des Lumières, l’Occident a rejeté la spiritualité collective et s’est enfermé dans une nouvelle approche totalement incohérente du sens de la survie et de la reproduction. Comme tout ce qui est incohérent, on ne peut lui donner une apparence de vérité qu’en le déclarant universel et en l’imposant à toute l’humanité avec l’aide de potentats locaux formatés dans les universités occidentales.

Le nouveau sens de la vie est de laisser plus de biens à ses enfants qu’on n’en a reçu de ses parents tout en travaillant le moins possible et en « profitant de la vie ». Sans oublier bien sûr d’être généreux pour avoir bonne conscience.

Se met donc en place un système totalement impossible et fondamentalement contradictoire ou tout s’inverse pour que ce soit possible et où rien ne s’inverse pour que ce soit crédible.

Ayant inventé des moyens fabuleux de communication, l’Occident a laissé la communication se détacher des réalités de l’action et de la réflexion qui la canalisaient. N’étant plus confrontée à la réalité et se repliant sur elle-même, la communication est devenue délirante pour plaire et mondiale pour ne pas être contredite. Ce délire mondial, orchestré par les médias, n’est plus combattu que par le bon sens populaire dédaigneusement appelé populisme. Les agences de presse, de moins en moins nombreuses, décident de ce qui doit être diffusé en éclairant violemment une partie de la scène publique soigneusement sélectionnée pour ne surtout pas avoir de vue d’ensemble. Les rares journalistes d’investigation, espèce en voie de disparition, sont tellement imprégnés de leur idéologie qu’ils en deviennent borgnes comme à Médiapart. Faut-il rappeler qu’un œil de verre fait croire à la vision globale mais enlève à la vision toute sa profondeur ?

La contradiction du système se retrouve évidemment partout.

En économie on attend impatiemment le retour de la croissance dont on cache qu’elle n’est que l’augmentation de nos dépenses. Il faut investir et consommer, donc dépenser, mais l’austérité, indispensable à la bonne gestion, nous oblige en même temps à moins dépenser. On a inventé pour le bon peuple, le mythe de la richesse future que le verbe investir résume dans sa stupidité. Il y est aidé par le revenu universel, par la monnaie hélicoptère et surtout par le scandaleux principe de pérennité dans la comptabilité des entreprises qui interdit aux entreprises de prévoir leur mort en la provisionnant. Cela permet de faire croire dans leurs bilans à des bénéfices que tout le monde se dispute alors qu’elles ne font que des pertes qui n’apparaîtront que lorsqu’elles déposeront le bilan. On croit résoudre le problème en se déchirant entre une droite qui veut dépenser moins pour pouvoir ensuite dépenser plus, et une gauche qui veut dépenser plus pour pouvoir ensuite dépenser moins.

En éducation qu’on limite à la communication d’un savoir trié dans les officines ministérielles, on officialise un enseignement théorique souvent faux et toujours ennuyeux, braqué sur un long terme imaginé sans contredit possible. En même temps, la vie scolaire et universitaire, hors école et université, apprend l’immédiateté, la facilité et le plaisir, dans une vie parfaitement conforme au nouveau sens de la vie. Le grand écart entre l’enseignement dispensé et la réalité du quotidien étudiant, génère en même temps un oubli du futur et la justification de cet oubli par la sensiblerie du moment. Oubliée la survie et la reproduction au profit du plaisir du moment. Vive le divorce, la contraception, l’avortement et tant pis si, au nom de la mobilité si nécessaire à nos marionnettistes, tout enracinement doit être détruit ! Nous inventons l’arbre à roulettes en regrettant qu’il ne pousse pas bien. Supprimés les sexes et les races qui ne peuvent même plus être complémentaires puisque si on les différencie c’est qu’on veut les hiérarchiser. On passe d’une multitudes de races et de deux sexes à une seule race et à une multitude de sexes. On ne sait même plus si sexisme et racisme sont les constats de différences évidentes ou la honte de se croire meilleur en tout. Vive le matériau humain indifférencié qui devra découvrir par la dureté de son expérience que le nouveau sens de la vie est un cul-de-sac et que travail, famille et patrie ne sont pas des gros mots !

Les contradictions du politique sont tellement criantes qu’il est inutile de prendre de la place à s’y appesantir. Que le tout petit nombre qui ne les verraient pas et qui continueraient à en attendre quelque chose en l’état, s’asseyent et ouvrent les yeux.

Ce sont évidemment les conséquences de ce nouveau sens donné à la vie par l’Occident qui sont catastrophiques et qui nous attendent si nous ne réagissons pas. Comme il est strictement impossible de laisser plus à ses enfants que l’on n’a reçu de ses parents sans que d’autres s’appauvrissent, la réalité c’est que la vie n’a plus de sens si l’on n’est pas un salaud et que, tout naturellement, pendant que le système tente de mettre en place une spiritualité collective aseptisée et inefficace qu’il appelle laïcité, la civilisation arabe marque des points en étant cohérente avec sa spiritualité collective, aussi hypocrite que les autres mais aussi vrai refuge pour les douleurs indicibles. La prière en islam, son quatrième pilier, est interdite individuellement et interdite aux enfants impubères. Elle est rituelle et collective.

Toutes les religions sont des spiritualités collectives et elles enseignent toutes l’amour à l’intérieur et la défense vis-à-vis de l’extérieur. Cette défense dans toute l’histoire de l’humanité a été violente préférant donner la mort plutôt qu’accepter une remise en cause du sens de la vie qui est amour à l’intérieur de la civilisation.

La tentative puérile de l’Occident depuis la démission du christianisme qui s’est cru universel, de faire de la laïcité, la nouvelle religion tiède sans épines, génère comme toutes les autres religions vivantes mais avec sa tiédeur, la volonté de tuer tous ceux qui ne veulent pas  y adhérer. Pour tuer avec tiédeur on va inscrire la laïcité dans la constitution. Mais quand on n’est protégé que par une barrière de roseau et que l’on a oublié sa propre spiritualité collective qui a été violente et efficace comme toutes les autres, on laisse la place à ce qui est vivant même si cela ne nous correspond pas du tout.

Que vaut une monnaie ?

N’importe quel touriste se renseigne sur la valeur de la monnaie du pays qu’il souhaite visiter. Ce sont les marchés qui actuellement décident au jour le jour de la valeur des monnaies par la loi de l’offre et de la demande. Mais avant l’existence des marchés, que valait une monnaie inconnue d’une peuplade mal connue ?

Chacun valorisait à ses yeux et avec sa propre monnaie, aussi bien ce qu’il possédait et que l’autre désirait acquérir, que ce que possédait l’autre et qui l’intéressait lui-même. Comme on se connaissait mal, aucune confiance n’était évidente et l’on tâtonnait, en ajoutant et en enlevant, pour que chaque partie trouve les deux tas équilibrés, quels que soient ses critères. On inventait le troc qui est un regard équilibré commun sur des marchandises diverses. Quand on se connaissait un peu mieux on pouvait mettre aussi des services dans les deux tas. Chaque partie ayant considéré les deux tas comme de même valeur, et les ayant chacune chiffrés, chacune avec sa propre monnaie, le taux de change coulait de source et l’on avait la valeur de la monnaie de l’autre dans sa propre monnaie, ce qui ne servait d’ailleurs guère qu’aux touristes.

Mais avec ce qu’ils appellent la globalisation tout a changé. Ce troc s’appelle aujourd’hui la balance commerciale et le bon sens imposerait qu’elle soit équilibrée et donc de réévaluer la monnaie quand la balance commerciale est excédentaire comme pour les euros allemands ou néerlandais, et de la dévaluer quand elle est déficitaire comme pour le dollar, la livre sterling… et les euros français ou espagnols. Mais tout est faussé par les marchés qui ne valorisent les produits qu’à l’aune de leur capacité à revendre plus cher le lendemain, et sans s’attarder à savoir s’il s’agit d’une monnaie, de blé, d’aluminium ou de pantalons pour unijambistes.

Le dollar et la livre ne sont surévalués que parce que la Terre entière accorde, au moins provisoirement, à l’un la suprématie militaire et à l’autre, la suprématie sur les marchés financiers.

Pour l’euro qui doit en même temps monter et descendre, il n’y a que deux solutions. Soit l’Allemagne est prête à payer pour l’ensemble d’une Europe remplie d’Européens, ce que lui demande Macron, comme en France les provinces riches ont toujours payé pour que le timbre ait le même prix dans un arrondissement de Paris et au fin fond du Queyras. En payant pour les autres l’Allemagne réussira d’ailleurs enfin le quatrième Reich si, bien sûr, les autres nations acceptent d’obéir à qui les payent en se sentant du même pays donc non humiliés. Soit l’euro explosera et c’est à l’évidence ce qui se prépare en ne laissant dans le flou que la question de savoir où la mèche sera allumée. Actuellement deux pays tiennent la corde pour lancer l’explosion. L’Italie qui veut dépenser sans contraintes et l’Allemagne qui ne veut pas payer pour les autres. Macron va tenter vainement pour sa propre survie de défendre l’indéfendable en croyant peut-être sincèrement au peuple européen multiracial et fédéré autour des droits de l’homme. De profundis …

Pendant que certain s’agite, ne perdons pas de vue que l’oubli de la valeur réelle des monnaies des autres, réduit l’économie à une agitation dans l’immédiateté et à un déluge de commentaires sur l’inanité des actions engagées. Il serait pourtant tellement essentiel de réconcilier l’économie et le bon sens.

Le système veut remplacer les civilisations

Tout s’inverse analysait le 1er mai les deux chocs qui ont déstabilisé les idéologies des vainqueurs de la dernière guerre : mai 68 a mis à mal le communisme stalinien et Nixon, en août 71, a brisé les garde-fous irrationnels du capitalisme. Ce billet pointait depuis ces deux chocs, une société vivant de la fabrication à vau-l’eau de monnaies que l’on croit encore énergétiques alors qu’elles sont totalement déconnectées de leurs sources et de l’énergie qu’elles sont supposées véhiculer. La première conséquence de cet aveuglement est l’inversion de l’approche de la richesse. La richesse ne se mesure plus que par la dépense et nous aimons croire que toutes les productions sont des richesses dès lors qu’elles sont vendues. Nous nous croyons riches puisque nous dépensons en nous endettant. Cette première conséquence en entraine beaucoup d’autres tellement le manque de « moyens » devient le seul frein médiatique à la solution de tous nos problèmes. Nous sommes tous convaincus que nous pouvons nous enrichir sans appauvrir qui que ce soit. Le peuple est tellement content de ne plus avoir besoin de la religion pour donner un sens à sa vie, tellement satisfait de pouvoir acheter son logement en empruntant à sa banque, qu’il tolère sans sourciller, et même avec un œil gourmand, tous les banquiers, tous les capitaines d’industrie et tous les intermédiaires serviles qui sont payés plus d’un million d’euros par an. Il se laisse aussi fasciner par tous les occupants de la politique et des médias qui diffusent leur logorrhée avec un talent bien rémunéré. La fausse monnaie fait ses ravages.

L’emprunt, qui dans toute l’histoire de l’humanité a toujours été un prêt sur gage, est devenu un prêt sur richesses futures. Seules les cautions pour les moins fortunés rappellent maintenant, de temps à autre, la notion de gage. Les richesses futures étant une vue de l’esprit, nous vivons, en temps réel comme disent bêtement les médias, le feu d’artifice des conséquences de notre aveuglement.

Il est très dommage de ne pas voir que la création de richesses totalement subjective est largement compensée par sa consommation et sa destruction, son obsolescence, programmée ou non. La science économique a dédaigné le fait que tout marche sur deux pieds, pas d’actif sans passif, pas d’extrémité sans origine, pas de création sans destruction, pas de monnaie sans source énergétique. Pour cette science, faire du pain ce serait créer une richesse s’il trouve acheteur, mais le manger ce ne serait pas détruire une richesse. Plus exactement ce n’est pas un sujet qui intéresse cette science pas plus que la source énergétique de la monnaie utilisée. Cette source est devenue naturellement et très simplement, le rêve de la richesse future. La consommation, la destruction, le délabrement, le saccage n’intéressent pas cette science qui ne raisonne que sur le pied de la production et de l’argent que l’on fabrique pour transformer cette production en richesse.

Il est incohérent de parler de croissance mondiale ou nationale quand seule la fabrication éperdue d’argent permet de considérer comme richesses, la fabrication continue des machines. Leurs productions, comme les machines elles-mêmes, sont achetées par de la fausse monnaie sous forme de dette. Nous intégrons mal comme création de pauvreté, la consommation des matières premières qui ne sont ni infinies, ni renouvelables. Nous préférons laisser le sujet au romantisme des écologistes qui s’agitent avec notre sympathie. Nous intégrons mal comme autre création de pauvreté, l’accumulation des déchets dans les mers, dans les airs et dans les sols. Nous préférons rêver au jour où nous trouverons des acheteurs pour ces déchets et, en attendant, nous trions nos poubelles. Fabriquons vite beaucoup de monnaie pour que ces acheteurs existent ! Nous intégrons encore mal comme création de pauvreté, notre incapacité à utiliser l’énergie de nos concitoyens pour le bien commun. Nous préférons appeler notre incompétence, chômage, et en accuser évidemment le privé quand on est public ou le public quand on est privé. Félix Leclerc nous expliquait pourtant dès 1970 dans sa chanson « 100 000 façons de tuer un homme » que « La plus efficace, c’est de le payer à ne rien faire, c’est gai dans une ville, ça fait des morts qui marchent. » Nous avons oublié l’origine du mot chômage qui était le repos bien mérité du travailleur dans les champs aux heures où il faisait très chaud !

La classe dirigeante, elle-même formatée et souvent de bonne foi, entretient la folie collective de se croire riches, de parler de pays riches, de s’auto-convaincre de la réalité d’une prétendue création annuelle de richesses en additionnant nos dépenses. Cela tue notre civilisation en nous laissant croire que nous sommes des dieux et que nous pouvons, grâce à cette richesse, tendre vers l’éternité, l’universalité, l’omniscience et l’omnipotence. Nous nous sentons capables de dominer à la fois l’espace, le temps, le savoir et l’énergie. Nous avons malheureusement, et provisoirement tant que la réalité ne nous rattrape pas, oublié l’humilité d’un Albert Camus qui disait : « S’il existait un parti de ceux qui ne sont pas sûrs d’avoir raison, j’en serais ». Nous sommes nombreux à rêver de l’existence de ce parti.

Ne pas être sûr d’avoir raison, n’empêche pas d’ouvrir les yeux et de constater les dégâts vers lesquels nous entraîne notre folie de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas à cause de cette apparence d’énergie qu’est la fausse monnaie.

En nous voulant éternels, nous recherchons égoïstement la longévité d’une vie humaine devenue improductive, médiocre et hors de prix, au détriment de son renouvellement simple, multiple, productif et si peu coûteux. Par déni de la mort nous prônons l’assistanat, la précaution et la contrainte, symboles très onéreux de l’enfance, au détriment de la responsabilité, de la liberté et du risque, symboles très économiques de la maturité.

La première source de notre mal : notre peur de la mort.

Elle infantilise notre société en donnant au pouvoir un rôle de parents que personne ne lui reconnaît et qui lui fait dégrader la liberté en laisser-faire, l’égalité en similitude et la fraternité en solidarité. Nous ne comprenons même plus pourquoi, si nous pouvons être solidaires d’un bloc de béton, nous ne pouvons pas lui être fraternels.

En nous voulant universels, nous imposons notre civilisation malade sous le prétexte reposant d’éradiquer la pauvreté mondiale en lui faisant fabriquer ce que nous transformerons en richesses par la fausse monnaie. Notre civilisation devient la civilisation au mépris des autres civilisations qui se mettent à oser, comme le fait l’islam, non seulement résister mais passer à l’offensive avec la seule arme des faibles, la violence.

La deuxième source de notre mal : notre volonté d’imposer à l’humanité entière notre morale qui a abandonné le doute et la spiritualité collective.

En nous voulant omniscients, nous faisons gaspiller à nos enfants le premier quart de leur vie dans une éducation nationale qui engloutit une masse considérable de fausse monnaie pour lui faire ingurgiter un savoir souvent inutile tout en les préservant de la vie. Le premier formatage gratuit et obligatoire est de rentrer de plain-pied dans la société de l’apparence en faisant semblant d’apprendre dans une vie facile dite étudiante, protégé par le tout petit nombre qui apprend vraiment et par le rêve parental des richesses futures.

La troisième source de notre mal : notre dédain de la cohérence et du bon sens.

En nous voulant omnipotents grâce à l’énergie apparente de la fausse monnaie, nous n’acceptons plus d’être socialisés et nous sombrons dans un individualisme forcené qui n’accepte l’autre que dans le rêve doublement irréaliste de sa perfection ou de son inconsistance. Nous renonçons au bonheur qui ne s’atteint jamais seul pour nous contenter du plaisir.

Pour profiter de la vie et nous concentrer sur le plaisir nous faisons travailler les autres par la renaissance de trois esclavages, l’un dans l’espace, celui des autres civilisations chez elles par la mondialisation, l’autre dans le temps, celui de nos propres enfants par la dette, et le troisième, ici et maintenant, celui des autres civilisations chez nous par l’immigration.

La quatrième source de notre mal : notre croyance que l’argent est une énergie sans origine.

C’est la source la plus dramatiquement prodigue car elle nous permet tout. Si nous n’avons pas ce que nous souhaitons, c’est uniquement par manque de moyens. C’est la faute, pire ! la volonté, de l’État, des patrons, de toux ceux qui ont le « Sésame ouvre-toi » de la caverne d’Ali Baba des richesses futures. A ceux qui savent que cette caverne est vide, de résoudre notre contradiction ! Beaucoup le font en faisant semblant de croire qu’elle est pleine et qu’il faut simplement en retrouver la clé, faire revenir la croissance.

Ces quatre sources que nous détaillerons dans de prochains billets, se renforcent mutuellement et mêlent leurs eaux troubles pour former un torrent douteux qui nous submerge. Ce torrent subversif est justifié par les experts, vendu par les médias, inoculé par l’éducation nationale et rendu efficient par les Politiques qui en sont pour la plupart sincèrement convaincus car ils en vivent et ne voient les critiques que comme l’œuvre des jaloux.

Mais le peuple sait qu’il n’est pas un peuple de dieux, il sait qu’il n’est ni éternel, ni universel, ni omniscient, ni omnipotent. Il se réfugie dans l’immédiateté, dans la peur du lendemain et dans la quête de l’homme providentiel qui émerge de partout sans jamais affronter la profondeur des problèmes. Cette armée de Diafoirus qui nous harangue à chaque élection, n’est capable que d’essayer de nous vendre du sens, du mouvement et du rythme, bref de l’agitation. Elle oublie que le sens n’est que la rencontre de l’espace et de l’énergie, que le rythme mêle l’énergie au temps et que le mouvement n’est que le mariage du temps et de l’espace. Elle veut nous croire maîtres des fondations et elle construit pour sa gloire des étages imaginaires. Emmanuel Macron à Aix-la-Chapelle en a été la caricature en disant « N’attendons pas » (je maîtrise le temps), « N’ayons pas peur » (je maîtrise le savoir), « Ne soyons pas faibles » (je maîtrise l’énergie), « Ne soyons pas divisés » (je maîtrise l’espace). Qui peut croire sincèrement qu’il va résoudre par l’impératif des problèmes si peu analysés ?

En fait notre développement est une apocalypse, les deux mots signifiant tous les deux « lever le voile », l’un en racine latine, l’autre en racine grecque. Le voile se lève en effet sur ce que nous avons sous les yeux mais que nous refusons encore de voir et de comprendre. Nous sommes pourtant maîtres de notre civilisation comme de notre avenir. N’en ayons pas peur mais prenons conscience que c’est, comme en Italie aujourd’hui et comme en France au moment de la Résistance, par le rapprochement des sincérités disparates, et avec l’humilité, le courage et le bon sens indispensables, que se fera la révolution des esprits qui s’y préparent déjà de partout. Elle se fera dans l’équanimité par notre volonté ou dans la douleur par la réalité qui rattrape toujours la fiction pour la dépasser.

Tout s’inverse

C’est très naturellement le 1er mai, fête du travail, seule fête dont on exclut curieusement celui que l’on fête, que nous sommes portés à réfléchir au pourquoi tout s’inverse depuis un demi-siècle. Deux chocs apparemment distincts, quasi simultanés et malheureusement complémentaires, tous deux conséquences lentement mûries du conflit mondial, font vaciller notre civilisation : le choc sociétal de mai 1968, héritier du chewing-gum, du jean, du jazz et de la Libération, et le choc économique d’août 1971 décidé par Nixon devant le fiasco des accords de Bretton Woods de 1944.

Dans son livre The case against education (Procès de l’éducation) l’économiste américain Bryan Caplan, professeur à la GMU, l’université de Virginie « où l’innovation est une tradition », souligne que la réussite, tant scolaire qu’universitaire et professionnelle, ne dépend que du cumul de trois qualités: être intelligent, consciencieux et conformiste (intelligence, work ethic et conformity).

Cette formulation particulièrement intéressante souligne la nécessité d’être à l’aise dans un groupe pour y réussir. Caplan remarque qu’être intelligent et travailleur ne suffit pas et qu’il faut aussi être conforme à ce que le groupe attend de chacun. Mais depuis la deuxième guerre mondiale et ses bouleversements idéologiques, la société occidentale ne renonce-t-elle pas à confronter son intelligence et sa conscience à la réalité ? Ne cherche-t-elle pas à transformer la réalité pour qu’elle soit conforme à ce que la théorie du moment voudrait qu’elle soit. Pour être conforme à ce que la société attend de nous, ne devrions-nous pas renoncer à comprendre et nous contenter comme tout le monde de commenter en étant perplexe ?

L’expérience peut bien montrer toute l’inanité des théories à la mode, la classe politico-médiatique va monter au créneau pour expliquer consciencieusement, et avec une vraie habileté des mots, qu’il faut garder la même ligne, y rester non seulement conforme mais s’en rapprocher toujours davantage.

La difficulté est que l’intelligence s’oppose bien vite au conformisme. Y être consciencieux devient un écartèlement permanent qui engendre le burn-out quand on ne s’évade pas façon Michel Onfray qui a décidé que notre civilisation était foutue « Le bateau coule, mourez debout ! » ou quand on ne fait pas de la fuite en avant façon Jacques Attali.

Le cas Attali est intéressant car il est impossible de l’éviter quel que soit le média. Impossible de ne pas entendre sa sempiternelle analyse fondée sur les trois pieds présentés comme solides de la démocratie, du marché et de l’initiative personnelle. Sauf que…la démocratie nous dit que l’homme est tout et que rien n’est plus important que de l’écouter individuellement par le vote. Le marché en revanche nous dit que l’homme indifférencié n’est rien, qu’il est passé en deux siècles de 1 à 6 milliards, et que seule la rareté fait la valeur. En y rajoutant l’initiative personnelle nous obtenons la profondeur de la pensée de Jacques Attali « Débrouille-toi entre moins l’infini et plus l’infini ». Voilà le plus bel exemple du penseur actuel intelligent, consciencieux et conformiste, produit réussi et reconnu de notre système éducatif dévoyé, bâton de vieillesse de tous nos dirigeants, y compris des plus jeunes, et rideau de fumée fortuné masquant la réalité.

Dans toutes les civilisations, être intelligent, consciencieux et conformiste forment un tout que l’on peut aussi exprimer par la réussite combinée de la réflexion, de l’action et de l’échange. Le formuler permet de prendre conscience de la cohérence indispensable entre les trois. Être intelligent c’est comprendre, comprendre c’est étymologiquement prendre ensemble et c’est donc à la fois réfléchir et agir en cohérence tant avec soi-même qu’avec le groupe. Mais quand cette harmonie n’est plus que dogmatique et se heurte à la réalité, quand, au lieu de se remettre en question, on remet en question la réalité, c’est l’harmonie qui part en morceaux. Le bien ne se différencie plus du mal, pas plus le beau du laid que le vrai du faux. En revanche, comme il faut bien paraître et faire impression, les dogmes fleurissent de toutes parts et la société de l’apparence se farde de mensonges déguisés en vérités, de laideurs présentés comme des beautés, et de vices qui deviennent des vertus, tout cela sous forme de directives, de lois et de références médiatiques. Tout s’inverse dans la société de l’apparence et résister à l’inversion devient délictueux. La liberté d’expression n’y est plus qu’un mythe vénéré, un mensonge vertueux.

L’intelligence, la conscience et le conformisme n’étant plus liés, des groupes disparates se forment suivant ce qui est abandonné en premier, sachant que chaque groupe se subdivise ensuite suivant ce qui est largué en second. Comme tout s’inverse, c’est ce que chaque groupe abandonne en premier qui lui sert curieusement d’étendard dans lequel il se drape.

Honneur à nos dirigeants (tout est inversé !) qui ont abandonné la conscience pour nous faire des cours de morale. La classe politico-économico-médiatique est intelligente, elle est conformiste en n’accueillant que ceux qui sont conformes à sa doxa, mais elle se moque éperdument des peuples en ne s’intéressant vraiment qu’à elle-même. Etant parfaitement consciente que tout empire chaque jour, elle se sépare entre ceux qui abandonnent le vivre ensemble et ne pensent qu’à partir n’importe où, mais ailleurs (très à la mode chez les étudiants formatés et chez les politiques qui achètent à l’étranger), et ceux qui abandonnent l’intelligence pour se réfugier dans des formes communes irréalistes comme l’Union européenne ou le mondialisme de « la » planète.

Il y a ensuite les peuples qui ne cherchent pas à comprendre tout en croyant tout comprendre dans ce qu’il est convenu d’appeler les discussions du café du commerce. Ils se réfugient dans leurs communautés quotidiennes, sont consciencieux dans leur activité et sentent bien qu’il faudra un jour affronter les problèmes. Ils se séparent entre ceux qui restent consciencieux par principe et vont voter en sachant que cela ne sert à rien et que l’on traite de populistes, et ceux qui s’abstiennent de voter par réalisme et se réfugient dans les communautarismes.

Il y a enfin un certain nombre de personnes qui essaient de comprendre en conscience ce qui se passe et qui rêvent d’un espace cohérent qui marierait intelligence, conscience et vivre ensemble. Ce troisième groupe qui est perpétuellement tenté d’abandonner l’action que sa conscience lui impose ou d’abandonner la réflexion qui ne semble pas faire bouger grand-chose, ne fait rien pour se regrouper et ronge son frein.

Pendant que ces trois groupes s’agitent ou s’endorment dans une inefficacité qui nous rassemble tous, tout s’inverse en tous domaines avec une classe dirigeante très bien rémunérée qui nous explique et nous impose, que le laid est beau, que le faux est vrai et que le vice est vertu, bref que notre civilisation est morte. Le système remplace dorénavant la civilisation. Comme tout s’inverse nous l’imposons bien sûr, et pour son bien, à toute l’humanité sur « la » planète puisqu’il n’y en a évidemment qu’une dans tout l’univers. La Terre était pourtant un très joli nom avant qu’il ne soit confisqué par des gens qui veulent tout planifier en absence de vision.

L’inversion générale se fait par le cumul d’une absence de but, d’un moteur qui tourne à l’envers et d’un laisser-aller généralisé qui a les réponses à tout et n’attend que les « moyens ».

Complètement perdus, nous ne savons qu’hésiter et nous entre-déchirer entre réformes, révoltes et révolutions pour surtout ne rien faire et rester dans l’apparence.

Pour le système il n’est plus nécessaire de donner un sens à sa vie, il suffit de profiter de la vie, ce qui fait vivre dans l’immédiateté et n’envisager le futur que sous l’angle de la jouissance des biens matériels, c’est-à-dire de la peur du lendemain. Cette jouissance ne vise que le plaisir, rend le bonheur chimérique et nourrit l’angoisse tout en tentant de l’anesthésier. La spiritualité collective se ringardise ou s’impose dans le cas de l’islam, ce qui le rend sécurisant pour beaucoup.

Côté moteur toutes les civilisations savent que c’est la coopération, le travailler ensemble, qui fait vivre les peuples et qui est une culture de vie. Nous l’avons oublié en prônant la compétition, culture de mort dont le seul but est de faire mourir les autres avant soi. Bien savoir faire mourir les autres avant soi, c’est être reconnu et admiré comme compétitif. Mais un peuple qui n’utilise pas l’énergie de ses membres et qui invente la notion de chômage pour masquer son incapacité et ne pas s’en sentir responsable, est d’une rare inconscience. S’il refuse d’en prendre conscience c’est qu’il ne se sent plus du tout un peuple. Si Poutine et Orban sont les seuls dirigeants européens à améliorer leur score électoral et à ne pas alimenter le dégagisme, c’est qu’ils ont compris que leurs peuples voulaient être des peuples sans être traité dédaigneusement de populistes par tous les incompétents. Nous ne sommes pas encore sortis des remous de la deuxième guerre mondiale et collaboration n’a pas encore repris son vrai sens de travailler ensemble, comme les trois beaux mots de travail, de famille et de patrie continuent, dès qu’on les rassemble, à être honnis au lieu d’être vénérés comme essentiels.

Mais l’incohérence d’une vie dont le seul but est d’être compétitif pour le plaisir des puissants, ne serait pas possible sans l’invention diaboliquement géniale de la création permanente de richesses qui permet tous les laxismes.

Le système est incroyablement simple. On fabrique de la monnaie à flot continu et on explique en inversant les facteurs que dépenser permet de créer de la richesse. Le XXe siècle a donné pour cela un nouveau sens au verbe « investir » qui veut renvoyer Aristote à ses études puisqu’il avait « vainement cherché sur une pièce de monnaie ses organes reproducteurs ». Le système veut nous faire croire qu’il a trouvé comment se faire reproduire la monnaie alors que nous la fabriquons tout simplement.

Pour la fabrication tout le monde s’y met, des banques centrales aux particuliers. Les banques centrales rachètent des créances mais comme on est dans l’inversion on dit qu’elles rachètent des dettes (le fameux quantitative easing), les états et les collectivités ont des budgets déficitaires (Maastricht l’officialise avec la limite imbécile et non respectée à 3% du PIB, serinée par les médias comme 3% tout court, alors qu’il ne s’agit que de limiter l’augmentation de nos dépenses à 3% par an sans se soucier de savoir comment payer). Les entreprises accordent des délais de paiement, les particuliers utilisent leurs cartes de crédit pour jouir tout de suite et payer plus tard. Et surtout les banques créent des torrents d’argent par la double écriture (mise à disposition au passif et récupération éventuelle à l’actif, récupération rachetable par la banque centrale). Prêter contre rémunération de l’argent que l’on crée soi-même permet aux banques de se croire très à l’aise. Comme on peut le lire dans Les Echos « BNP Paribas, Société Générale et Natixis comptent une centaine de banquiers s’étant vu attribuer une rémunération supérieure à un million d’euros au titre de 2017 en France ».

Cette folie généralisée, cette création de monnaie qui s’appelait encore inflation il y a 50 ans à la mort du chanoine Kir, député-maire de Dijon, n’a plus de nom aujourd’hui pour ne pas être remarquée. On a inversé le sens du mot inflation pour faire disparaître son vrai sens. Alors qu’il était l’inflation de l’argent, de la monnaie qui enflait, il est devenu aujourd’hui la hausse des prix qui n’est pourtant que la conséquence naturelle de la véritable inflation, celle de la monnaie. Pour faire oublier la cause, on ne montre que la conséquence. Il ne faut plus dire « J’ai mal à la tête », il faut dire « J’ai de l’aspirine ». C’est plus discret et moins dérangeant.

Pour faire croire que cette folie était intelligente dans ce monde où tout s’inverse, on a réussi à mettre dans les esprits que créer sans limite de la monnaie est une création de richesses puisque l’on mesure maintenant la richesse par notre capacité à dépenser. L’INSEE nous apprend même que le PIB, somme de toutes nos dépenses, publiques et privées, intelligentes ou stupides, est notre Produit Intérieur Brut, une prétendue ressource dont nous pourrions grignoter des pourcentages pour tout résoudre. Les médias  en font la mesure d’une création annuelle de richesses et on en fait même une référence. C’est l’ordonnée que personne ne regarde, des courbes qui sont censées nous convaincre. L’Union européenne, dans son immense intelligence coutumière, nous rappelle même que les dépenses criminelles comme la prostitution ou l’achat de stupéfiants doivent être comptabilisées dans le PIB créateur de richesses. Quand le PIB ralentit de 0,3 % au 1er trimestre 2018, Les Echos explique que cette « perte de dynamisme tient à la vigueur moindre des investissements ». On ne dépense pas assez.

De bons esprits viennent expliquer que si quelqu’un dépense, quelqu’un d’autre encaisse, et que les entreprises fabriquent de la valeur ajoutée, cette richesse que nous nous partageons. Quelle erreur ! Si les entreprises encaissent en effet plus qu’elles ne payent, elles ne font que répartir l’argent de leurs clients plus ou moins arbitrairement entre leurs fournisseurs, leurs salariés, leurs actionnaires et la collectivité sous forme de charges, de taxes et d’impôts. Il suffit donc de distribuer de l’argent aux clients pour faire croire que les productions des entreprises sont des richesses. On y vient avec les augmentations de salaires, les emprunts et demain, le revenu universel et la monnaie hélicoptère que Mario Draghi, patron de la Banque Centrale Européenne, trouve « intéressante ». Cela s’appelle la société de consommation qui n’est qu’une société de l’apparence.

La réalité est que la monnaie n’est comme l’électricité qu’un véhicule d’énergie et qu’à force de se croire intelligents nous avons oublié que la source de la monnaie est l’énergie humaine. Nous avons déconnecté notre énergie de la monnaie, transformant nos monnaies en fausses monnaies.

D’un côté notre énergie, peu utilisée pour l’effort, s’évacue maintenant par le sport qui a oublié son étymologie de desport ou déport, simple amusement en français du siècle des Lumières. Et de l’autre nous utilisons de la fausse monnaie pour acheter ce que nous ne fabriquons plus. Nous achetons même avec de la fausse monnaie notre dépense personnelle d’énergie au travers des sports d’hiver et des salles de sport quand nous ne la sous-traitons pas par le sponsoring. La dette s’accumule car il faudra bien qu’une véritable énergie vienne prendre la place de cette fausse énergie.

Pour qu’acheter soit possible, pour que le privé augmente les salaires et que le public subventionne, embauche et dépense, tout le monde emprunte. On a inventé la monnaie-dette en ne cherchant surtout pas à savoir à qui on devrait rembourser puisque la monnaie est créée à partir d’une simple volonté politique. Il suffit de se dire que nous allons créer des richesses pour rembourser, et donc dépenser encore davantage en créant toujours plus de monnaie-dette. Fin 2017 la dette mondiale était de 237.000 milliards de dollars (192.000 milliards d’euros, 32.000 € par habitant de la Terre, du bébé au vieillard grabataire). Rien que la dette publique française augmente de 100.000 € toutes les 43 secondes et les dettes privées sont beaucoup plus importantes que les dettes publiques.

L’addition du dogme du PIB «dépenser pour se croire riche» et de la facilité du «dépenser puisqu’on est riche» fait que tout est centré sur la recherche d’argent. Le désir d’argent avec un minimum d’effort devient le premier moteur totalement malsain de la vie qui fonctionne à plein pour les puissants. Il ne faut parait-il que des « moyens » et nous les avons. Le peuple lui, doit restreindre chaque année davantage son niveau de vie avec la douce musique sédative qu’on va le lui augmenter.

Se passe alors ce que nous constatons tous les jours, une fracture entre le peuple qui n’a pas accès à l’emprunt et la classe dirigeante qui y a accès. L’inconscient collectif sait que le système financier va exploser et que la monnaie ne vaut objectivement rien. Il sait que le jour de l’explosion, ceux qui auront de l’argent ou une rente perdront tout, les retraités pour survivre, devront vendre leurs biens dans un marché qui s’effondrera par manque d’acheteurs. En même temps ceux qui posséderont les biens en s’étant endettés, ne perdront que leurs dettes.

Cette fracture est tellement traumatisante que nous avons du mal à l’analyser calmement. Soit nous la nions façon « cela a toujours été comme ça », soit nous en profitons en nous endettant au maximum sans savoir si nous pourrons comme les puissants nous ré-endetter pour rembourser, soit nous vivons au jour le jour dans un déni de société, en attente des événements.

Dans tous les cas le mal-être s’installe car le système veut nous faire croire qu’il n’y a qu’une civilisation, la sienne, et qu’il faut être individuellement responsable des problèmes planétaires.

Même le pape s’y soumet. Il a fait publier le 21 août 2017 un texte sur les migrants précisant que leur « sécurité personnelle » passe « avant la sécurité nationale».

« Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus-Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté…. Notre réponse commune pourrait s’articuler autour de quatre verbes fondés sur les principes de la doctrine de l’Église : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer».

Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer sont, comme rejeter, des verbes actifs qui présupposent l’existence d’un sujet qui les anime. En ne privilégiant pas la sécurité nationale, le pape François choisit comme sujet de ces verbes l’individu ou la globalité de la catholicité (universalité en grec). Il se range délibérément ou inconsciemment dans le camp des puissants qui ne pensent qu’initiative personnelle et mondialisme. Il dédaigne les nations intermédiaires, sans renoncer pour autant à ses propres intermédiaires, les diocèses, même si les paroisses se regroupent par manque de prêtres. Il se range dans une sous-catégorie particulière qui vit à la fois dans le rêve de l’universalité tout en étant dans un ailleurs mental impossible où cette universalité se ferait naturellement et en douceur. L’islam ne fait pas cette erreur.

Nous verrons dans un prochain billet comment l’oubli de l’origine humaine de la monnaie détruit les perspectives, tente de réduire le travail à une fête dont nous l’excluons, et rend l’effort quotidien sans attrait et déconnecté de la vie. Nous ferons le lien avec notre enfermement dans l’immédiateté, dans la facilité du moment et dans l’inversion des valeurs. Nous verrons comment la machine la plus extraordinairement performante et la moins coûteuse, en fabrication comme en entretien et en remise en état, la machine fabuleuse qu’est l’être humain, s’est laissée banaliser et indifférencier par des idéologies décadentes. Nous verrons comment l’incompréhension de la monnaie et la peur de la mort nous en a fait préférer la longévité très coûteuse au renouvellement bon marché et nous a fait croire, en inversant tout, aux vertus magiques et très provisoires du « gratuit », de la recherche médicale, de l’innovation et de l’intelligence artificielle. La classe politico-médiatique se nourrit de ces chimères qui n’existent pourtant que par la fausse monnaie.

Mais puisque nous somme le 1er mai, gloire au travail ! Notre civilisation n’est pas du tout morte, elle est simplement malade de nos peurs.

Le désir de vendre et le désir d’acheter

Les désirs d’acheter et de vendre sont inhérents à la nature humaine. Le désir de vendre est généré par le désir de faire du profit, de transformer quelque chose que nous aimerions être reconnue comme une richesse, un bien, un service ou notre propre temps, en une vraie richesse reconnue qu’est la monnaie. Ce désir part d’une estimation de ce que l’on aimerait vendre et il génère la recherche d’un acheteur ayant la même estimation. Cela est vrai pour tout ce que l’on veut vendre, que ce soit soi-même en cherchant du travail, un objet trouvé, acheté ou fabriqué, ou un service que nous nous sentons capables de rendre.

Le désir d’acheter est généré, lui, par l’attrait du plaisir, par le contentement que nous éprouvons à consommer ou à posséder.

Si ces désirs bien naturels ne sont pas réfrénés, on en arrive à la blague de Jacques Attali qui, selon lui au début et à la fin de sa narration, «résume bien l’escroquerie des théories économiques de ce qui se passe aujourd’hui dans le système financier moderne». Voici sa blague dans laquelle le choix des prénoms est évidemment aléatoire.

C’est Schlomo qui téléphone à David en lui disant « Ecoute j’ai une affaire formidable à te proposer. J’ai un camion de pantalons et les pantalons valent un dollar. Tu les veux ? Formidable ! ». David prend les pantalons, téléphone à Jonathan « Ecoute, j’ai une affaire formidable pour toi, un camion de pantalons à 2 dollars. Tu les veux ? Formidable ». Jonathan téléphone à Saül, lui propose 3 dollars, l’histoire continue jusqu’à un moment où Moshe téléphone à Christian et lui dit « J’ai une affaire formidable pour toi, des pantalons à 49 dollars ». « Ah ! 49 dollars ? Formidable ! ». Il les prend. Le lendemain Christian téléphone à Moshe : « Ecoute, tu es vraiment un escroc ». « Comment je suis un escroc ? ». « Mais si ! Tu m’as vendu 49 dollars des pantalons immettables ». « Qu’est-ce que tu racontes ? ». « Tu sais très bien. J’ai ouvert le camion. Il y avait des pantalons qui n’avaient qu’une jambe. Qu’est-ce que tu veux que je fasse avec des pantalons qui n’ont qu’une jambe. Personne ne met des pantalons qui n’ont qu’une jambe ! ». « T’as rien compris, ce n’est pas fait pour mettre mais pour acheter… pour vendre… pour acheter… pour vendre.

L’escroquerie inévitable, générée par les désirs effrénés de vendre et d’acheter, a normalement dans toutes les civilisations le frein naturel de l’échange. Cet échange c’est le troc avec l’étranger que l’on ne connait pas et qui nécessite l’échange des avoirs. Et c’est l’échange avec la monnaie quand elle est encore comprise comme un véhicule d’énergie humaine à l’intérieur d’un groupe donné cohérent, d’un « oïkos ».

Mais depuis le 15 août 1971, depuis que Nixon a rompu l’équilibre fragile et déjà sans avenir de Bretton Woods de 1944, l’échange se fait avec une monnaie qui n’a aucune valeur réelle. Les expériences précédentes de Law sous la Régence ou des assignats sous la Révolution avaient encore le support de la compagnie du Mississipi pour Law et des biens de la noblesse et du clergé pour les assignats. Mais nos monnaies actuelles ne sont plus fondées que sur la confiance, exactement comme les emprunts russes de 1888 à 1914.

Mais le système de Law n’a duré que 4 ans entre 1716 et 1720, les assignats, 8 ans de 1789 à 1797, les monnaies actuelles attendent depuis 47 ans l’événement qui officialisera leur absence de valeur comme la révolution russe a montré l’absence de valeur des emprunts du même nom. C’est ce qui permet à la dette de monter sans fin partout dans le monde puisqu’elle est libellée en une monnaie qui ne vaut rien.

Les manuels d’histoire expliqueront que le système de Law a permis au Régent de faire payer au Français les dettes de Louis XIV, que les assignats ont permis aux classes moyennes de récupérer les biens du clergé et de la noblesse et que les monnaies de la deuxième partie du XXe siècle et du premier quart du XXIsiècle ont permis à une nouvelle et fausse noblesse d’argent de récupérer les biens des classes moyennes tout en clamant que le droit à la propriété est sacré.