Concrètement….

« Concrètement » est le mantra de tout bon journaliste lors d’une interview d’un politique ou d’un économiste. « Oui mais concrètement que proposez-vous ? », « Oui mais concrètement qu’est-ce que cela veut dire ? », « Concrètement que faudrait-il faire ? ». Les médias veulent du concret comme les politiques veulent de l’efficacité. Ils se retrouvent pour se contenter de l’apparence en ne se jugeant qu’à l’aune de l’audimat pour les uns, des sondages pour les autres. L’impression, le sentiment, l’affect du peuple est ce qu’ils travaillent et ce qui les fait vivre. Tout est dans la réaction immédiate qui est supposée plaire. Il faut plaire et donc faire croire.

L’image de l’arbre a déjà été prise ici mais elle revient sans cesse à l’esprit. Les voir tous s’agiter avec leurs pulvérisateurs de peinture verte et de brillance artificielle pour faire croire que les feuilles sont vertes et l’arbre en bonne santé, est dérisoire devant la réalité des faits. Les meilleurs renoncent même à espérer comme Michel Onfray qui dit « Le bateau coule, restez élégant. Mourez debout… » ou comme Charles Sannat dont je vous conseille la lecture sur www.insolentiae.com et qui écrit « Préparez-vous, il est déjà trop tard ». Personne n’analyse réellement la maladie de l’arbre à partir de ses racines malades qui donne son tronc gâté et ses branches malsaines voire pourries.

Concrètement trois racines sont malades dans notre société :

La première racine malade est la notion de richesse qui n’est plus simplement ce que le groupe juge beau et bon mais un avoir qui fait confondre la production et la richesse comme si toute production était forcément belle et bonne.

La seconde racine malade est la monnaie qui reste chez beaucoup le substitut du troc alors qu’elle n’est que l’étalon de la richesse, unanimement reconnu comme tel par le groupe parce qu’elle est stockage d’énergie humaine vécue comme belle et bonne par le groupe qui l’a émise.

La troisième racine malade est notre facilité à confondre problème et solution. Les normes sont-elles un problème ou une solution ? L’immigration est-elle un problème ou une solution ? La mécanisation est-elle un problème ou une solution ? La dette est-elle un problème ou une solution ? L’Europe est-elle un problème ou une solution ? La croissance est-elle un problème ou une solution ?

Concrètement ces trois racines malades alimentent conjointement et pourrissent ensemble un tronc complètement gâté qui remplace systématiquement le travail par la machine ou par la dette au plus grand plaisir des populations à qui l’on fait croire que le système est possible. Les populations au pluriel car la population autochtone n’est pas la seule éblouie et l’ensemble de la Terre regarde avec envie ce pays de Cocagne où il n’est pas nécessaire de travailler pour manger, être logé et être soigné. Personne ne se pose plus la question « Qui paye ? » puisque les machines et la dette cachent la réalité et montent inexorablement toutes les deux vers des sommets toujours dépassés

Concrètement la branche économique est évidemment la plus touchée par la sève qui n’est que du venin. Les entreprises fabriquent des productions avec les machines et la dette et l’on dépense beaucoup d’argent en publicité et en commerciaux pour faire croire que la production est belle et bonne et qu’il faut être un imbécile pour ne pas en avoir envie, pour ne pas voir cette beauté et cette utilité, pour ne pas voir une richesse dans cette production. La population est de moins en moins utile à la fabrication des prétendues richesses et on peut lui donner des week-ends, des vacances, des RTT, des 35 heures, des arrêts-maladie que ni les machines ni la dette ne demandent. On a même inventé un temps sans rougir le ministère du temps libre qui ne nous a même pas fait pleurer. Mais on a besoin de la population pour consommer et on se sert à nouveau de la dette pour que les productions soient toutes reconnues comme richesses en étant achetées grâce à l’emprunt. Ainsi va l’immobilier des particuliers et la mécanisation des entreprises. Mais les banques qui ont prêté de l’argent qu’elles n’avaient pas, veulent récupérer leur argent « pour détruire cette fausse monnaie » comme elles disent. Or personne ne peut rembourser puisque les Etats, les entreprises et les ménages sont tous surendettés. Le rêve de la création de richesses futures se heurte à la réalité de la montée du chacun pour soi où les particuliers imitent par la fraude les entreprises et les Etats qui veulent les ponctionner par la ruse. Mario Draghi a beau tenter de sauver les banques par son « no limit » à la planche à billet, chacun sait que le système va exploser et que les peuples devront payer la note.

Concrètement la branche éducation n’est pas mieux lotie car le seul travail qui y est admis est celui de la mémoire. Tout le reste doit être fait par les machines et par la dette avec entre autres la nouvelle coqueluche qu’est la numérisation. Non filtrée par l’expérience qui ne s’apprend pas dans les livres, la connaissance triée par le ministère donne des jeunes gens merveilleusement diplômés et totalement inaptes à être utiles. Les classes pilotes qui regroupaient les meilleurs élèves et les meilleurs professeurs pour faire l’ensemble du programme le matin et faire l’expérience de la vie l’après-midi, ont été supprimées pour élitisme. Et si on ne laissait que le matin à l’éducation nationale en la faisant récupérer son vrai nom d’instruction publique à l’école et à l’université pour donner l’après-midi au grand air à l’armée qui pourrait confronter les adolescents à des réalités simples ?

Je ne parle pas de la branche politique où des fonctionnaires qui n’ont jamais été confrontés à la vie, ne pensent concrètement qu’à plaire à l’immédiateté de l’affect du peuple en compliquant tout au lieu de tout apurer.

Concrètement ne serait-il pas plus judicieux de commencer par soigner les racines malades ? Mais là on leur en demande peut-être un peu trop.

Vœux 2016

Depuis que nous avons oublié que le vœu est une promesse faite aux dieux, les vœux sont devenus de simples souhaits de bonheur, de richesse et de santé dont les seules originalités à interpréter restent l’ordre dans lequel le votant ordonne ou élude ces trois souhaits. Ces « Je pense à vous, pensez à moi !  » ne sont-ils pas bien souvent que l’expression d’une douleur dans la constatation que les groupes se dissolvent ou, au moins, s’affadissent par absence de vrais desseins communs.

Les politiques ajoutent dans leur vœux des mots choisis, formant un message caché, travaillé et subliminal qui doit formater celui qui le reçoit. Mais plus personne ne semble savoir où nous allons si ce n’est vers un prétendu nouveau monde qu’il va falloir construire, on ne sait pas comment. Cette succession multicolore de « Bravo ! Merci ! En avant ! » cache mal le vide de la pensée d’une classe dirigeante complètement perdue et maintenant affolée donc potentiellement dangereuse.

Est-il si difficile de reconnaître que si la mondialisation de la communication  est un fait indiscutable par le téléphone, la télévision et internet, la mondialisation de la pensée comme celle de l’action n’existent pas ? La mondialisation devient une agression dès que nous parlons de valeurs universelles. Nos valeurs universelles ne le sont que dans notre univers et pas plus loin.

Est-il si difficile de comprendre qu’imposer notre pensée, bien fragile actuellement, à l’ensemble de l’humanité sous prétexte que la mondialisation serait un fait et que notre morale devrait donc être universelle, ne peut qu’entraîner des réactions violentes ? Nous avons éliminé Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi par notre morale à chemise ouverte blanche et nous récoltons Daech. Nous savions pourtant que « Qui sème le vent récolte la tempête ».

Est-il si difficile d’observer qu’une action mondialisée ne pourrait être que commerciale pour tenter, toujours davantage, de faire payer aux autres la fragilité incroyable de notre système ? La classe dirigeante, sédimentarisée dans ses erreurs qu’elle reproduit dans ses universités et maintenant dans ses grandes écoles, combat sans argument et uniquement par le mépris un soi-disant « repli sur soi » et une pseudo « volonté d’autarcie » qui n’est que respect des autres. Vouloir appliquer la Charte de La Havane unanimement signée en 1948 par l’OIC dans le cadre de l’ONU et s’obliger à avoir une balance commerciale équilibrée, c’est d’abord abandonner l’idée vaniteuse de faire payer aux autres nos propres erreurs, ce qui nous a toujours amené, dans les faits, à payer les erreurs des autres en plus des nôtres et à être systématiquement les arroseurs arrosés. C’est ensuite et surtout, la seule façon de redonner du travail aux Français en s’obligeant à fabriquer en France les 70 milliards d’euros de déficit commercial.

Certes cela montrerait aux Français que le pays de Cocagne n’existe pas, qu’il faut payer plus cher ou accepter l’esclavage quand il est suffisamment loin pour ne pas le voir. Il faudrait aussi après avoir donné du travail à chacun par l’application de la Charte de La Havane, revoir simultanément les avantages acquis et les dettes pour repartir sur des bases saines.

Mais tout cela ne peut se faire que dans la loyauté et il faut d’abord la retrouver dans notre pays. Il fut un temps où la loyauté était liée au travail, où une parole engageait et était aussi forte qu’un écrit car le risque était de se faire exclure du groupe. Le bannissement était alors pire que la mort. Le groupe se constituait à partir d’un but commun et ne supportait pas la déloyauté. Le but commun était un dessein commun, une foi commune en quelque chose, une confiance dans son vrai sens car le groupe était aussi important que l’individu et même plus important que l’individu si l’individu ne partageait pas ou plus, le but du groupe. Mais aujourd’hui nos dirigeants ont cru les faux prophètes qui fondaient tout sur des mots vides de sens, les valeurs de la république, le marché et la création de richesses futures. Ils se sont empêtrés dans des problèmes inextricables. Comme la création de richesses futures est un mythe puisqu’on ne crée pas un regard, c’est la dette qui fait encore tenir un moment le système. Mais la dette doit être remboursée et personne ne le peut. Ni l’Etat, ni les entreprises, ni les particuliers. Chacun essaie pour survivre de faire payer les autres. Il n’y a plus d’harmonie entre l’Etat, les entreprises et les particuliers. La déloyauté et la ruse se sont installées partout et l’on paye très cher la publicité pour tenter de faire croire le contraire, ce qui ne trompe personne.

Le groupe n’est plus fondé sur la raison, il est fondé sur l’émotion et un groupe fondé sur l’émotion donne le lynchage, le pogrom, Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Il sait surtout qu’il n’a pas d’avenir, qu’il n’existe plus. Il se replie alors sur l’individualisme et le bannissement devient l’espoir de la jeunesse. Bannissement à Londres, en Syrie ou dans la mort selon les cas.

Je forme un vœu pour 2016, c’est que nous arrêtions de chercher des solutions impossibles mais que nous posions enfin le problème correctement. La force de notre peuple a toujours été de trouver des solutions aux problèmes bien posés. Sa faiblesse a toujours été de laisser la guerre bien poser les problèmes.

Noël

Dans l’armée mexicaine des rédacteurs en chef du journal Les Echos, Daniel Fortin est rédacteur en chef « Idées et Enquêtes ».

Sur Europe1, ce jour de Noël, à la question de Pierre De Vilno « Il n’y a pas un vrai retour de la croissance. Pourquoi notre économie n’arrive-t-elle pas à décoller ? »  Daniel Fortin a eu la réponse lumineuse : « Ça, c’est le grand mystère ».

Pour ce spécialiste des idées et des enquêtes, l’économie aurait dû repartir avec « la chute des cours du pétrole, la baisse de l’euro ou encore le niveau incroyablement bas des taux d’intérêts », ce qu’il appelle même « l’alignement des planètes ». Avec en cerise sur le gâteau, les effets du pacte de responsabilité, l’économie devait repartir.

Le malheureux doit avouer qu’au lieu de favoriser la reprise « ça profite davantage aux importations qu’à nos propres producteurs ». Il se lance alors en bon journaliste dans l’explication du mystère et va chercher pour comprendre, le pape de l’économie française, Patrick Artus, X, ENSAE, Science-po, professeur partout, conseiller ailleurs, membre de conseils d’administration divers dont Total et farouche partisan de l’immigration et de la productivité présentées par lui comme les deux mamelles de la croissance. Daniel Fortin explique : « Plusieurs économistes dont Patrick Artus estiment que l’offre française n’est plus suffisamment adaptée à la demande moderne. Elles ont un problème de gamme. On parle aussi du vieillissement de nos usines qui seraient beaucoup moins robotisées que celles de l’Allemagne ou de l’Italie ». En bon serviteur du système Daniel Fortin conclut par la touche d’espoir indispensable, tempérée par un conditionnel prudent : « Le problème serait structurel donc plus long à traiter, ce qui explique le retard à l’allumage de la croissance ».

Comme Noël est le jour des cadeaux, j’ai décidé de lever le mystère pour qu’il puisse enquêter en 2016 les yeux ouverts. Je lui annonce sans vouloir l’attrister que le Père Noël n’existe pas et que si les parents ne travaillent pas pour gagner de l’argent, les enfants n’ont pas de cadeaux. C’est peut-être douloureux mais c’est l’explication de son mystère.

Comme tous ses congénères et comme l’armée politicienne qu’il sert, il s’est convaincu que le PIB est une création annuelle de richesses à se partager, alors qu’il n’est que la somme de toutes nos dépenses avec un argent que nous gagnons de moins en moins et que nous empruntons de plus en plus à des banques qui n’en ont pas et qui, faute de récupérer l’argent créé par elles, commencent déjà à déposer le bilan comme en Italie ou au Portugal en dépit du rachat par la BCE de toutes leurs créances douteuses sur des Etats qui ne peuvent rembourser qu’en empruntant davantage.

Mais de même que les enfants n’aiment pas apprendre que le Père Noël n’existe pas, les Français n’ont pas du tout envie d’entendre que la croissance n’a jamais été l’augmentation des richesses produites mais qu’elle n’est que l’augmentation des dépenses quelles qu’elles soient. Il est tellement agréable de croire vivre dans un pays riche, de se croire capable d’être généreux sans se restreindre, de penser à 20 ans qu’on sera riche à 40 ans parce qu’il est normal d’avoir sa part de la croissance.

Je sais qu’il y a dans mes lecteurs des gens honnêtes qui ont du mal à croire que le PIB n’est que la somme des dépenses tellement cela remet tout en cause. Qu’ils lancent le débat ici, je répondrai à tous et qui sait ? Je me mettrai peut-être à croire au Père Noël s’ils sont convaincants.

Je cherche la personnalité politique qui arriverait à dire aux Français que le Père Noël et le pays de Cocagne n’existent pas. Dans le système électoral actuel ce serait évidemment suicidaire. Allez tenter un scrutin  majoritaire sur l’existence du Père Noël chez des enfants de 6 ans et vous aurez le même résultat qu’avec des adultes français consultés sur le PIB qui est forcément une production et forcément une création de richesses.

Qui a encore envie de réfléchir et de s’intéresser vraiment aux générations suivantes ? A mes yeux sûrement pas Patrick Artus et Daniel Fortin.

Avec quoi rembourser la dette ?

En ce jour des morts, le lendemain de celui de tous les saints, il est bon de regarder le site http://www.economist.com/content/global_debt_clock pour suivre en direct la montée inexorable de la dette publique mondiale. Elle est de 57.300 milliards de dollars et augmente de près de 7 milliards d’euros par jour.

Dans ce monde où l’on a tellement peur de la mort qu’on ne veut pas voir qu’elle fait partie de la vie, dans ce monde où les puissants ne prônent plus que l’individualisme après avoir fait sortir du collectif tout ce qui ressemblait à du bon sens, dans ce monde où les jeunes diplômés rêvent pour se rassurer d’embarquer sur des Titanic alors qu’en l’état, seuls les bouchons résisteront à la tempête, dans ce monde où l’apparence a détrôné la réalité et où la dépense devient richesse, dans ce monde où la vanité des puissants essaie de faire croire qu’un petit réchauffement de l’atmosphère terrestre est l’œuvre de l’homme alors que les mêmes sont incapables d’expliquer pourquoi, avant l’apparition de l’homme, la terre a eu des époques glaciaires et des époques très chaudes qui ont vu jaillir les Pyrénées et les Alpes, dans ce monde du grossissement médiatique des petits maîtres, au pouvoir ou dans son antichambre, comment ne pas prendre le temps de s’asseoir pour penser à tous ceux qui nous ont précédé en espérant pour leur descendance une vie riche, pure et juste ?

La prétention absurde des Attali Minc ou BHL de résoudre les problèmes de la même façon sur toute la Terre au mépris du respect de toutes les civilisations autres que la leur, a contaminé tous les suiveurs que la réflexion n’intéresse pas. Cette prétention largement diffusée par les médias nous entraîne dans une fuite en avant grotesque où l’uniformisation de tout, casse toute émergence de solution réaliste. La Bible nous apprenait pourtant déjà que lorsque les hommes ont voulu construire tous ensemble la tour de Babel pour « transpercer le ciel » Dieu les a dispersés en civilisations diverses ne se comprenant plus. Avons-nous oublié de nous nourrir de nos propres mythes ?

La dette ne sera jamais remboursée. Tout le monde le sait mais aujourd’hui personne n’ose le dire car le système ne tient que si l’on continue à emprunter. Tsipras s’est couché car il devait continuer à emprunter des euros puisqu’il avait peur de retourner à la drachme. S’il ne se couchait pas, on ne lui prêtait plus ce qu’il continuait à croire indispensable pour son pays. Il s’est couché et rien n’est résolu puisque les Grecs continuent à dépenser plus que ce qu’ils gagnent. Chacun sait que cela va exploser à nouveau.

Nous devons retrouver la capacité de ne pas dépenser plus que ce que nous gagnons. Les critères imbéciles de Maastricht de ne pas dépenser annuellement  plus de 103% de ce que nous dépensons annuellement et de ne pas emprunter plus de 60% de ce que nous dépensons chaque année, laissent assez pantois et permettent aux ignares de rêver. Dépensons plus et nous pourrons emprunter plus et dépenser encore davantage ! Tant qu’il y aura des « économistes » à défendre ces inepties nous ne pourrons faire aux créanciers le bras d’honneur que la vie imposera. Une fois encore et comme d’habitude, ce que l’intelligence ne fera pas, la guerre le fera.

L’irréalisme ambiant

Comme il est triste de voir les Politiques de tous pays s’échiner à résoudre un problème qu’ils ne peuvent résoudre puisqu’ils se lamentent de la montée en pression de la marmite qu’ils dirigent, tout en activant le feu qui fait monter cette pression ! Ils se haranguent les uns les autres et haro sur le baudet qui est au pouvoir en oubliant qu’ils étaient et seront d’autres baudets impuissants puisque personne n’a jamais su gérer un rêve.

L’Occident s’est servi d’une multitude de trouvailles techniques comme l’électricité, l’usage du carbone fossile, le téléphone, l’automobile, le train, l’aéronautique, la télévision, l’informatique, le nucléaire et internet pour diffuser en l’enveloppant, l’idée fausse que, pour la première fois dans toute l’histoire de l’humanité, un peuple pouvait s’enrichir sans en appauvrir un autre et qu’à l’intérieur d’un peuple la faculté existait d’amasser sans dépouiller quiconque. On a dansé sur la sottise du gagnant-gagnant. On a confondu le regard émerveillé sur tant de nouveautés avec des richesses à se partager

Jusque-là on ne s’enrichissait qu’en appauvrissant quelqu’un d’autre, ce qui posait toujours quelques problèmes moraux. L’appauvrissement pouvait être volontaire pour remercier d’un apport matériel ou spirituel mais il était la plupart du temps imposé par les mises à sac, les razzias ou par l’esclavage présent sur tous les continents à l’exception de l’Australie aborigène. Le XXème siècle a tenté de faire croire à l’enrichissement naturel du peuple sans contrepartie. Pour réussir cette gageure, il a fallu cumuler plusieurs erreurs et surtout les instiller comme vérités dans les têtes.

Une fausse analyse de la monnaie d’où découlent toutes les autres erreurs. La monnaie étant au départ un stockage d’énergie humaine, nous avons oublié que toute création de monnaie sans augmentation d’activité humaine efficace équivalente dans le groupe, produit mécaniquement une dévaluation.

Une fausse analyse de la richesse que nous avons confondue avec la production en oubliant que la production pouvait produire des embarras et des déchets. Nous payons à crédit avec les richesses futures en oubliant qu’elles ne seront richesses que si l’argent pour les acheter existe déjà sans faire appel au crédit ou à l’emprunt.

Une fausse analyse de la mécanisation qui, si elle permet une production importante à prix diminués, continue à produire une fois les besoins rassasiés, et devient alors hors de prix par les coûts exorbitants de la publicité pour créer une ambiance de désir, du commercial pour exciter le désir et des banques pour rendre le désir accessible.

Une fausse analyse de la circulation des biens et des services avec l’invention fabuleuse et grotesque du PIB qui, de simple photo des échanges monétarisés, est devenue corne d’abondance qui justifie tout. On a inventé la création annuelle de richesses. Plus on dépense, plus on est riche, demain paiera.

Il faut une complicité quasi générale pour réussir une telle catastrophe. Faisons la liste des agents du désastre :

– Les banques avec le passage du prêt sur gage au prêt sur richesses futures et avec la création de fausse monnaie.

– Les publicitaires qui transforment à grand frais les rebuts en richesses.

– Les politiques avec l’oubli du service au profit du panache, de l’utile au profit de l’agréable et du concret au profit de la fuite en avant. Plaire ou conduire il faut choisir. Ils ont tous choisi de plaire, électoralisme oblige !

– Les philosophes qui aiment trop la sagesse pour la partager.

– Les médias qui rassurent, anesthésient et divertissent au lieu d’informer et de convertir.

– Les universitaires qui s’admirent dans leurs bulles en décérébrant leurs étudiants qui n’ont leurs diplômes que s’ils répètent les erreurs de leurs maîtres et qui sortent des universités, formatés et sûrs de tout sauf d’eux-mêmes.

– Le peuple trop content de pouvoir s’enrichir et qui n’a pas du tout envie de se demander qui va payer puisqu’on lui dit que ce sont les richesses futures. Il s’est laissé très volontiers convaincre que la dépense était une richesse et qu’il était possible de passer 25 ans à l’école, 20 ans en retraite avec au milieu quelques 35 années hyper protégées. Il a gobé que son « travail » entre les vacances, les week-ends, les arrêts-maladie et les RTT, pouvait le rendre propriétaire dans ce monde de l’avoir. Qui ne croirait pas au pays de Cocagne quand on lui fait croire qu’il existe. Toute la Terre va d’ailleurs vouloir venir vérifier sur place son inexistence.

– Les religions qui ne sont plus en occident les rassembleurs des questions sans réponses sur ce qui nous dépasse. Elles ont oublié leur utilité première qui est de faire passer des réponses, rassurantes mais approximatives et ambigües, par l’unanimité de ceux qui les entendent et qui s’y retrouvent en fraternité. Elles se contentent aujourd’hui de l’horizontalité de la solidarité en oubliant que l’on peut être solidaire d’un bloc de béton mais pas lui être fraternel par manque de verticale commune.

Mais si nous vivons depuis un siècle sur le rêve du « plus on dépense plus on est riche, demain paiera » et si nous continuons inlassablement à compliquer le problème en consommant et en investissant en comptant sur demain, la réalité reprend la main en nous renvoyant déjà aujourd’hui en boomerang la question « Et aujourd’hui qui va payer hier ? ».
Tout le monde est endetté, l’Etat, les entreprises et les particuliers et personne ne peut payer. Et les rares qui le pourraient encore car ils ont appauvri tous les autres, ne pensent qu’à dissimuler leur magot.

Le résultat est ce que nous constatons tous : un individualisme forcené des personnes physiques comme des personnes morales, qu’elles soient publiques ou privées. Chacun se bat pour faire payer tous les autres avec une intelligence et une créativité qui font rêver quand on imagine ce qu’elles pourraient apporter à la solution du problème si on acceptait de le poser correctement.

Mais poser le problème correctement n’intéresse personne. Nous préférons réinventer l’esclavage très loin ou chez nos paysans quand ils n’ont pas trahi leur monde en rentrant dans un système intensif et pervers que demain devra payer. Nous préférons bloquer définitivement le mal dans l’Allemagne nazie ou la Russie soviétique plutôt que de le voir à l’œuvre aujourd’hui. Nous préférons bloquer le mal chez Daesh plutôt que de le voir chez nous. Nous préférons rêver en sachant que nous rêvons plutôt que de nous réveiller, ce qui nous pousserait à nous lever. Nous préférons nous évader plutôt que d’affronter en laissant malheureusement à la vie le choix des moments des affrontements non préparés.

Dans un entretien très intéressant paru dans le Figaro du 25 mars 2015 Michel Onfray et François-Xavier Bellamy, tous deux agrégés de philosophie, répondaient in fine à la question : Que dire à un jeune de 20 ans ?

Michel Onfray – Le bateau coule, restez élégant. Mourez debout…

François-Xavier Bellamy – Nous sommes vivants. Quelles que soient les circonstances, l’histoire n’est jamais écrite d’avance : le propre de la liberté humaine, c’est de rendre possible ce qui, en apparence, ne l’était pas…

Permettez-moi d’apporter ma propre réponse – Ne vous contentez pas de mourir en dandy élégant, ne vous satisfaites pas d’espérer réaliser ce que vous n’imaginez même pas. Posez le problème que les générations qui vous ont précédés n’ont jamais osé regarder en face tellement il est monstrueux et complexe. Ne cherchez pas à le résoudre, vous vous y casseriez les dents. Faites confiance à la diversité des intelligences françaises pour le résoudre une fois qu’il sera bien posé. Ne fuyez ni dans l’espace ni dans le temps et si vous vous entraînez avec bonheur à exister dans des mini espaces-temps, n’oubliez jamais que votre pays a besoin de vous et que vos deux concurrents ne vous feront aucun cadeau. D’un côté la croissance portée par tous les politiques radoteurs cherchera toujours à vous endormir et à vous réduire à des ventres et à vos besoins. De l’autre la violence portée par toutes les fausses solutions d’un problème mal posé cherchera toujours à vous faire trouver des boucs émissaires et à vous réduire à votre cœur et à vos sentiments. Laissez votre cerveau être votre maître, l’humilité, le courage et le discernement éclaireront votre chemin. Ils vous montreront d’abord que vous n’êtes pas seuls et que, pour avoir un avenir, un peuple doit avoir un dessein.

Concurrence ou coopération ?

Concourir c’est courir ensemble comme coopérer c’est agir ensemble. Ces deux beaux mots se sont progressivement éloignés car si coopérer n’a comme seule interprétation négative qu’un but condamnable, concourir véhicule aussi la possibilité de faire chuter le concurrent.

Or les économistes, formatés et perdus, ne savent plus à quel saint se vouer. Ils refusent obstinément de regarder la réalité en face et ont convaincu les Politiques de continuer à attendre la croissance en s’invectivant mutuellement pour ne pas savoir la faire venir. On ne peut que respecter le malheur des économistes car, comme pour les communistes, il est difficile de leur demander l’effort presque surhumain d’accepter de s’être trompé pendant toute leur vie.

La croissance n’arrivant évidemment pas puisqu’elle n’est qu’augmentation des dépenses alors que chacun dit vouloir les réduire, toute notre économie est rentrée d’un seul pas dans la voie suicidaire de la concurrence sous toutes ses formes. Pas une entreprise qui ne cherche de nouvelles parts de marchés, c’est-à-dire à en enlever aux autres. Il faut être compétitif, acheter au moins cher n’importe où, payer le moins possible les salariés et vendre le plus vite possible à grand frais de publicité

La concurrence  a un immense intérêt aux yeux de nos élites actuelles :  elle permet de ne pas voir que c’est le but de la course qui est insensé et de dépenser toute notre énergie à ce que ce soit les autres qui meurent les premiers. Au lieu d’accepter que le PIB n’a jamais créé aucune richesse avec toutes les remises en question que cela entraînerait, nos élites se sont convaincues elles même que la compétitivité résoudrait les problèmes au moins le temps pour elles d’atteindre leurs retraites.

En réalité il faut revenir au bon sens et c’est souvent dans l’unanimité qu’on le trouve. Et cette unanimité c’est souvent à la suite d’effroyables difficultés qu’elle se forme au moins provisoirement. Ce fut le cas à la fin de la deuxième guerre mondiale où la coopération a été choisie par deux fois à l’unanimité mais pendant si peu de temps !

En interne cela a été le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) signé par tous ses membres, des gaullistes aux communistes en passant par les socialistes, les chrétiens démocrates et les radicaux. Il a malheureusement été vite abandonné au profit des petites querelles d’appareils et de places à prendre.

En externe cela a été l’Organisation Internationale du Commerce (OIC) créée unanimement par la charte de La Havane sous l’égide de l’ONU après avoir travaillé de novembre 1947 à mars 1948. L’OIC fondé sur la coopération entre les nations prônait des échanges équilibrés entre nations pour renoncer à faire payer les autres. Moins de 50 ans après en 1995 on créait à Genève l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) fondée sur la concurrence et sur la liberté du renard dans le poulailler. L’OMC, fleuron du capitalisme est fondamentalement opposé à l’OIC dont on a veillé à ce qu’elle soit gommée des esprits comme la charte de La Havane. Le GATT qui avait été créé en attente de la ratification de la charte de La Havane a servi avec ses différents rounds de passerelle entre la coopération de l’OIC et la concurrence de l’OMC dont nous récoltons les fruits amers.

Tout changera le jour où l’on reviendra à la coopération en abandonnant concurrence, compétitivité et autre stratégie du croc-en-jambe. Comment va-t-il falloir le dire ?

La richesse

La richesse est avec le progrès un des mots les plus ambigus de la langue française. Non qu’il n’ait pas un sens précis mais le capitalisme s’en est servi pour faire de ses victimes ses complices.

Le mot riche vient du mot franc riki qui veut dire puissance, pouvoir et qui a aussi donné en allemand, le reich.

Tout groupe a dans son lien social et dans ses lois écrites ou coutumières, sa notion du beau, du bien et du vrai comme celle de leurs mélanges deux à deux, le juste qui joint le bien au vrai, le pur qui rassemble le beau et le vrai (il peut y avoir de purs salauds) et le riche qui cumule le beau et le bien ( une riche idée est à la fois une bonne idée et une belle idée). Ces six notions, le beau, le bien, le vrai, le pur, le juste et le riche sont toutes totalement abstraites. Elles ne se chiffrent pas, elles s’apprécient en pourcentage de la perfection vue subjectivement par des regards généralement communs aux membres du groupe. Les regards ne sont d’ailleurs pas toujours communs et les ferrailleurs, les brocanteurs et les antiquaires gagnent leur vie sur des différences de regards. Ce qui est déchet ou embarras pour les uns, peut être richesse pour d’autres. Ces notions varient d’ailleurs de groupe en groupe et Montaigne écrivait : « Quelle est cette vertu qu’un trajet de rivière fait crime ? » et « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà ». Elles se chevauchent aussi. « C’est bel et bien lui » veut dire « c’est vraiment lui ». « Une bonne grippe » et « au beau milieu du discours » ne sont ni dans le beau ni dans le bon mais dans le vrai.

Le pouvoir, quand il a besoin de l’approbation du peuple, utilise volontiers ce qui plait, le beau et le bon, en laissant souvent de côté le vrai qu’il faut affronter et qui est donc nettement moins plaisant. On retrouve donc plus souvent le pouvoir du côté de la richesse que du côté de la justice ou de la pureté. C’est la nature humaine qui sépare si souvent le pouvoir de la vérité. On le comprend mieux si l’on est conscient que la puissance est le sens premier de la richesse. Le pouvoir a toujours du mal à ne voir la richesse que comme un regard et voudrait tout chiffrer. Le peuple en revanche était beaucoup plus sage par ses maximes comme « Le riche est celui qui se contente de ce qu’il a ». Diogène dans son tonneau était riche de son soleil quand il a dit à Alexandre le Grand : « Ôte-toi de mon soleil ».

Pour créer une richesse, il faut simplement changer de regard. Je me souviens étant enfant avoir passé un été sur le plateau d’Emparis que l’on n’atteignait alors qu’à dos de mulet et ou les bergers faisaient sécher les bouses en les retournant au bout de trois jours et en les laissant reposer un an à l’abri pour s’en servir de combustible à cette altitude où il n’y a plus d’arbres. Ils avaient créé des richesses qu’ils utilisaient eux-mêmes mais ces bouses séchées restaient des encombrements et des déchets pour l’enfant que j’étais et qui savait que je ne reviendrais plus.

La création de richesses par les entreprises, qu’elles soient de production ou de service, est particulière car elle se fait en deux temps. Dans un premier temps l’entreprise, qu’elle soit unipersonnelle ou multinationale, fabrique un bien ou propose un service sans avoir généralement la certitude que sa production sera achetée. Elle crée ce qu’elle espère être une richesse en dépensant de l’énergie humaine stockée qu’est l’argent et de l’énergie humaine vive qu’est le travail. Mais sa création n’est qu’une richesse potentielle et peut être un encombrement qu’il faudra mettre en stock ou même un déchet si aucun acheteur ne vient s’appauvrir pour l’acheter. Cette richesse aléatoire ne deviendra vraiment richesse que lorsqu’un acheteur viendra jeter sur elle un regard d’envie et qu’il le concrétisera en s’appauvrissant pour le payer.

L’argent dont le client s’est appauvri pour acheter, servira à payer les fournisseurs, les salariés, les actionnaires et la collectivité sous forme de taxes, d’impôts ou de cotisations, mais surtout cet argent aura transformé une richesse potentielle en une richesse réelle. C’est cet argent et lui seul qui a prouvé que l’on pouvait regarder la production de l’entreprise comme une richesse. Il n’est donc pas possible de dire que l’entreprise crée des richesses sans regarder de près l’origine de l’argent du client qui a réellement créé la richesse en abandonnant son argent. Dans une économie normale l’abandon par l’acheteur de son argent est une vraie preuve que la production de l’entreprise est une richesse à ses yeux car l’argent durement gagné se dépense difficilement.

Mais la mécanisation a amené une production continue qui a souvent dépassé les besoins et créé des produits qui n’étaient plus des richesses mais des encombrements, voire des déchets. C’est là où le capitalisme intervient à grand frais en créant à la fois le désir par la publicité (le sport et les médias ne vivent que par elle) et la possibilité par le prêt bancaire que l’on présente comme indolore puisque remboursé par la création de richesses futures. Non seulement la publicité et l’emprunt coûtent intrinsèquement très cher mais les richesses futures n’étant qu’un mythe, il va falloir, nous dit-on, sauver les banques en prenant au sérieux leurs actifs donc en remboursant les prêts sans création de richesses nouvelles.

Nous sommes donc aujourd’hui dans une arène où les états endettés, les entreprises endettées et les particuliers endettés se mènent un combat à armes de moins en moins mouchetées pour savoir qui va s’appauvrir pour sauver les banques. Il ne faut pas longtemps pour comprendre que les entreprises paieront avec l’argent de leurs clients, les états avec l’argent de leurs contribuables, bref qu’au bout du compte c’est le peuple qui, s’il l’accepte, s’appauvrira pour sauver les banques.

La bataille sur la réalité de la création de richesses futures ne fait que commencer car le capitalisme mourra le jour où il y aura prise de conscience générale que la création de richesse est un leurre. Inutile de dire que la bataille sera rude. Le formatage des esprits est profond pour nous faire croire que nous sommes un pays riche alors que nous ne sommes qu’endettés pour des biens que nous surévaluons,

Le bon sens  triomphera-t-il ?

La propriété

De Proudhon qui disait que « La propriété c’est le vol » à Bastiat qui soutenait dans Propriété et loi que « L’homme naît propriétaire parce qu’il naît avec des besoins (et) avec des facultés dont l’exercice est indispensable à la satisfaction de ces besoins. Les facultés ne sont que le prolongement de la personne; la propriété n’est que le prolongement des facultés » en passant par Montaigne et Pascal qui voyaient la propriété comme un droit coutumier, propriété est un mot que nous utilisons beaucoup sans qu’il soit forcément très clair dans nos têtes. Entre le vol, le prolongement de nos facultés, et un droit coutumier, qu’est-ce que la propriété ?

En fait la propriété est un accord entre l’individu et le groupe. Le groupe reconnait que tel objet, telle terre, telle maison, telle idée, voire même telle personne, appartient à tel individu. C’est cette reconnaissance établie par un titre ou par l’usage (possession vaut titre pour la plupart des objets) qui génère la propriété qui n’existe donc que par sa reconnaissance par le groupe. Du droit romain nous vient aussi un triple niveau de propriété, l’usus qui en autorise l’usage, le fructus qui en donne le fruit et l’abusus qui permet de s’en séparer, l’usufruit étant la somme des deux premiers à l’exclusion du troisième. On ne peut ni céder ni détruire si l’on ne détient pas l’abusus.

La direction du groupe est un problème crucial car c’est elle qui définit les lois de reconnaissance de la propriété, les lois de nationalisations ou de privatisations, les lois de confiscation ou celles de ponction sur la possession des biens et sur leur transmission que ce soit par vente ou par héritage. C’est aussi la direction du groupe qui définit dans le groupe l’usus, le fructus et l’abusus. C’est dire si le mode de détermination de la direction du groupe est déterminant pour connaître la solidité de la propriété.

Habituellement le groupe se confie à des représentants qu’il choisit le moins mal qu’il peut ou à son dieu qui sacralise un roi, un empereur ou un calife. Il peut aussi tout mélanger comme actuellement en Occident où des potentats d’inspiration non divine s’accrochent à leur siège sacralisé, sous prétexte que le peuple leur a fait confiance un certain jour, il y a un certain temps sur des promesses fallacieuses. Le groupe peut enfin être gouverné par la force même si la force se dissimule sous une apparence d’écoute du peuple comme dans une grande partie du monde actuellement.

On voit combien la propriété dépend intimement de la direction du groupe auquel le propriétaire est supposé appartenir. C’est dire combien il serait irresponsable à quiconque voudrait être propriétaire de son bien, de ne pas s’intéresser de près à deux questions fondamentales :

1) A quel groupe est-ce que j’appartiens ? Mon peuple est-il régional, national, continental ou mondial ? Mon groupe ne doit-il pas être suffisamment grand pour avoir une monnaie et suffisamment petit pour que le bon sens y reste un filtre efficace ?

2) Qui dirige le groupe auquel j’appartiens et pourquoi ? Acheter l’affect du peuple par des campagnes électorales extrêmement coûteuses avec de l’argent d’origine aussi variée que douteuse, est-il vraiment le nec plus ultra ?

Les calendes grecques

Faire de la politique, cela devrait être s’intéresser aux autres et comprendre dans quel cadre pourrait se faire une cohabitation harmonieuse entre des êtres que quelque chose unit. Les Politiques actuels passent toute leur énergie à flatter l’affect du peuple pour être élus en appelant crise leur incapacité à s’intéresser aux problèmes de fond et en appelant croissance la manne divine qui leur permettrait, si elle tombait, d’en être les généreux distributeurs en attente de remerciements électoraux. La très hypothétique manne divine est le seul espoir de tous ces Politiques qui ne parlent que « croissance » car ils ne peuvent morigéner un peuple dont ils quémandent l’approbation et à qui l’on a fait croire que la vie était facile. Ceux qui ne rentrent pas dans ce rêve sont traités de populistes ou d’extrémistes et sont décrétés méprisables par ceux qui, comme Alain Juppé, les voient comme « les deux extrêmes, de droite comme de gauche, qui n’ont rien compris au monde ».

Il est évidemment très tentant de se moquer de leur « démocratie », de leurs « valeurs de la république » ou de leur « laïcité » dont ils nous rebattent les oreilles à longueur de temps sans réaliser combien ces mantras sont vides de sens et ne sont que des attrape-nigauds que les médias ont érigés en idoles. Il est bien sûr compréhensible de manifester son dégoût en refusant de s’inscrire sur les listes électorales ou bien en montrant par l’abstention ou le bulletin blanc la fatuité de leurs gesticulations. Nous ne devons pourtant pas nous laisser submerger par ce dérisoire car ce serait accepter que seule la guerre remette les yeux en face des trous tant en éducation qu’en économie et qu’en politique, ce qu’elle fait malheureusement toujours très bien et très vite mais à un coût inacceptable.

Mais comment concurrencer la guerre ? Comment renverser sans violence les trois veaux d’or que sont la croissance, la démocratie et l’éducation, toutes trois présentées comme des solutions alors qu’elles ne sont que des réponses aveuglantes à des problèmes mal posés que ces fausses solutions compliquent toujours davantage ? Comment reconstruire sur la liberté, l’égalité et la fraternité sans déraper vers l’individualisme, l’identité et la solidarité qui nous rongent ?

A ces questions extrêmement difficiles, le bon sens nous rappelle que, s’il y a une solution, elle passe d’abord par l’arrêt de la fuite en avant et par la prise de conscience des problèmes à résoudre. L’accord irresponsable du 13 juillet 2015 sur « l’aide à la Grèce » va exactement dans le sens contraire et dans la fuite en avant qui reporte ad patres ce que l’on est incapable de résoudre. L’unanimité s’est faite pour ne rien affronter et redécouvrir les calendes grecques. Rappelons que c’est juste avant l’ère chrétienne que Rome a réorganisé le calendrier et appelé calende le premier jour du mois. Mais les Grecs ont refusé ce changement et la légende dit que ce serait l’empereur Auguste qui aurait utilisé les « calendes grecques » pour plaisanter sur une date qui n’existe pas.

Alexis Tsipras est content parce qu’on redonne 85 milliards d’euros à la Grèce et qu’il remboursera les dettes précédentes plus cette dette nouvelle aux calendes grecques. Angela Merkel est contente car rien n’est abandonné de sa créance. François Hollande est content parce qu’il a redécouvert les calendes grecques, la Saint Glinglin et la semaine des 4 jeudis, en travaillant la « maturité » de la dette grecque. Tous les trois comptent sur la croissance pour rembourser en continuant à la voir comme l’augmentation de la création annuelle de richesses mais en reportant aux calendes grecques les échéances de remboursement.

Tout cela pour sauver l’euro pendant quelques mois ! Déjà le précédent plan d’aide à la Grèce avait sauvé les banques créancières en les faisant rembourser par les contribuables européens contre un petit abandon et aujourd’hui Laurent Fabius vient dire au Sénat que ne pas redonner de l’argent à la Grèce, c’est perdre ce qu’elle nous doit déjà. Comment ne pas voir une complicité objective avec Nicolas Sarkozy, maître d’œuvre du plan précédent.

Nous voyons, en temps réel comme ils disent, comment les Politiques par couardise ou simple incompréhension de ce qui se passe, ferment toutes les pistes autre que la guerre pour nous remettre les yeux en face des trous. Quel Politique osera dire au peuple que le pays de Cocagne n’existe pas plus que les calendes grecques ?

Le pays de Cocagne par Brueghel l’ancien

Quos vult perdere Jupiter dementat prius (Ceux que Jupiter veut perdre, il leur ôte d’abord la raison)

L’imbroglio grec

« Faut-il pleurer ? Faut-il en rire ? Fait-elle envie ou bien pitié ? » Jean Ferrat ne parlait pas de la Grèce mais en parlant de la mère de famille trop occupée pour penser au monde qui bat de l’aile, ne parlait-il pas sans le vouloir de nous qui ne prenons jamais le temps d’analyser le spectacle pitoyable que nous offrent les Politiques de tous pays.

Pauvres Politiques qui doivent manier la carotte et le bâton sans jamais laisser prendre conscience aux peuples que ce sont les ânes que l’on fait ainsi avancer quand on ne peut leur faire comprendre le pourquoi du chemin. C’est que leur tâche est très difficile à ces pauvres Politiques, ils doivent nous faire prendre des vessies pour des lanternes et l’emprunt pour une richesse.

Reposons une nouvelle fois le problème : alors que la vie économique réelle est simplement l’échange permanent des fruits de leur travail entre les membres d’une même communauté, nous avons tous gobé l’ânerie que nous produirions chaque année une richesse à nous partager et que la richesse mondiale aurait doublé depuis l’an 2000. Le monde financier a besoin de ce mensonge car les banques qui créent l’argent pour leurs prêts disent elles-mêmes que l’argent bizarrement créé est honorablement détruit par les remboursements qui viennent de la richesse créée.

Sur le mensonge de la richesse créée disponible, mensonge nourri par les mondes financier et médiatique qui y puisent leur existence, les Politiques ont construit un accord malhonnête avec leurs peuples : « Elisez-nous et enrichissez-vous ». Tout le métier des Politiques est de faire croire que l’enrichissement est possible pour tous et que l’on peut s’enrichir sans appauvrir quelqu’un d’autre. C’est un métier difficile car il faut faire croire à quelque chose de faux et en retarder au maximum les conséquences. Pour cela les Politiques ont une arme intéressante qu’ils utilisent à outrance : la démocratie.

En démocratie l’avis du peuple est important quels que soient sa compétence et son intérêt sur le sujet. Quand le peuple pense mal, la sottise devient l’intelligence. C’est sur cette vérité démocratique que surfent les Politiques : il faut que le peuple pense mal pour que le mensonge devienne vérité. Mais comme le mensonge reste évidemment un mensonge chaque pays a sa façon personnelle d’en éluder les conséquences.

Le regroupement est la première idée car si tout le monde dit le même mensonge, le mensonge devient vérité à l’intérieur du groupe. C’est comme cela que se sont fermées sur elles-mêmes les classes politique, médiatique et financière qui sont arrivées toutes à se convaincre de bonne foi de leurs propres mensonges. Comme elles explosent si elles ouvrent les yeux, la vérité devient un sujet tabou que l’on s’auto-interdit d’aborder à l’intérieur du groupe. Le mot clé devient la confiance et chacun fait semblant d’y croire tout en n’en pensant pas moins sans jamais l’exprimer, même à soi-même chez beaucoup. Cela a semblé marcher si bien qu’on a appliqué ce principe de regroupement aux nations. Cela a donné l’Europe et l’euro qui étaient mort-nés car fondés sur deux problèmes : une reconnaissance commune de l’accord impossible « Elisez-nous et enrichissez-vous » et une incompréhension de la monnaie, énergie humaine stockée à l’intérieur d’un groupe qui a déjà prouvé son existence.

C’est après avoir constaté que la fuite en avant dans l’Europe ne résolvait rien, que certains comme Attali, Minc ou BHL ont voulu poursuivre dans la fuite en avant et dans le mondialisme et que d’autres, pays par pays, ont exploré d’autres impasses. Entre temps la banque centrale européenne a fait tourner la planche à billet pour sauver les banques et permettre au système de tourner provisoirement.

Les Allemands ont utilisé la discipline de leur peuple pour le paupériser et, pour alléger son fardeau, l’Allemagne appauvrit les autres pays par son exportation. Mais sa population vieillit, son endettement augmente comme celui des autres pays et seule la croyance en la création de richesses futures lui permet de tenir. Tout abandon de créance est vécu par les Allemands comme plus qu’une trahison, une impossibilité.

Les Grecs comme les Irlandais, les Espagnols et les Portugais ont commencé par profiter grassement d’une administration bruxelloise qui justifiait ses salaires mirobolants par des distributions fantastiques d’argent qui ne leur coutait rien. Mais comme la création mythique de richesse n’est pas venue, la troïka a étalé le remboursement contre des efforts demandés aux peuples, la fameuse politique d’austérité qui n’a pas de fond puisqu’il n’y a pas de création de richesses.

Aujourd’hui les Grecs veulent qu’on entérine le fait que leur dette est irremboursable mais veulent continuer à être alimentés en monnaie par la BCE. C’est toujours la création de richesse future qui remboursera.

La solution du retour à la drachme est évidemment la solution mais personne n’en veut. Le gouvernement grec n’en veut pas parce qu’il a besoin du financement externe de la BCE sur création de richesses futures et que le retour à la monnaie nationale mettrait les Grecs en face d’eux-mêmes, ce qu’il ne veut surtout pas. Les autres n’en veulent pas non plus car il est impossible de sortir de l’euro sans sortir volontairement de l’Europe par l’article 50 du traité de Lisbonne et tout le monde sait qu’on ne peut changer les traités sans signatures unanimes. Il n’y a pas de texte pour exclure économiquement un membre de l’Europe, il n’y a pas de texte pour exclure un membre de l’euro. Il n’y a pas de texte pour sortir volontairement de l’euro.

Nous allons donc assister à une pièce de théâtre politico-médiatique méprisable où le gouvernement grec va utiliser la menace de sortir de l’Europe en faisant éclater et l’Europe et l’euro alors que ni lui ni les autres ne veulent que cela se fasse car tous veulent continuer à pouvoir dire à leur peuple qu’il peut continuer à s’enrichir s’il vote bien.

Nous allons voir Angela Merkel être un peu courageuse et tenter de dire non. Nous allons voir François Hollande vouloir tout lâcher puisque la seule chose qui l’intéresse aujourd’hui c’est sa réélection et qu’endormir les Français est sa seule chance. Nous allons voir David Cameron se frotter les mains de regarder de loin cette foire d’empoigne.

Et nous allons voir nos politiciens étaler leur incompétence dans des logorrhées insoutenables dont le seul but sera dans tous les camps de ne jamais dire que nous consommons plus que nous ne produisons car ils n’ont aucune solution à ce problème qui est pourtant le seul important.

Le retour à la drachme nous mettra au pied de ce problème avec les Grecs en avant-garde mais ils vont tous dépenser beaucoup de notre énergie pour retarder toute prise de conscience.

Pour ceux qui trouveraient ma chute pessimiste je rappelle la solution pour la France comme pour tous les autres pays :

  • Sortie de l’Europe par l’article 50.
  • Application en interne du programme du Conseil National de la Résistance signé unanimement à la fin de la guerre.
  • Application en externe de la Charte de La Havane signée unanimement par les pays de l’ONU et que l’on nous a formatés à oublier et qui donnerait pourtant immédiatement du travail aux Français pour fabriquer chez nous dès son application les 70 milliards d’euros de déficit commercial.