La monnaie est une énergie, n’en déplaise aux grincheux

La régularité et l’obstination avec lesquelles certains s’enferment dans le déni de la réalité en refusant que la monnaie soit une énergie, forcent à le démontrer par la méthode scientifique.

La méthode scientifique a été définie par Aristote au 4e siècle avant Jésus-Christ dans ses Seconds Analytiques :

« Nous estimons posséder la science d’une chose d’une manière absolue quand nous croyons que nous connaissons la cause par laquelle la chose est, que nous savons que cette cause est celle de la chose, et qu’en outre il n’est pas possible que la chose soit autre chose qu’elle n’est. »

Tout commence donc par connaître la cause de la monnaie.

Tout groupe d’êtres humains a au départ une raison de se trouver ensemble et il organise dans ce but les apports de chacun. Il rend complémentaires les différentes énergies individuelles. Cette organisation a été improprement appelée troc en supposant une simultanéité du don et de sa contrepartie alors que cette simultanéité n’a jamais été habituelle et que l’échange entre les participants passe souvent par l’organisation du groupe. Le don et sa contrepartie, sa contrevaleur, existent pourtant dès la création du groupe (couple, famille, association ou tribu) mais ils ne sont que très rarement concomitants. L’anthropologue et professeur au Collège de France Marcel Mauss a parfaitement expliqué que le don entraînait ce qu’il appelait le contredon et que le « donner-recevoir-rendre » était au service du lien social et qu’il le nourrissait. Mauss a développé que le don et le contredon était partout ce qu’il a appelé un «fait social total» à dimensions culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique et qu’il ne pouvait être réduit à l’une ou à l’autre de ses dimensions.

Mais quand la taille du groupe devient importante, la détection de ceux qui oublient de rendre devient difficile et rend obligatoire la simultanéité de la contrepartie. La cause de la monnaie est de répondre à cette nouvelle obligation de simultanéité de la contrepartie qui n’était pas obligatoire auparavant. Il n’y a pas d’exception connue sur toute la surface de la Terre. Substitut du donner-recevoir-rendre que chacun connait dans sa propre famille, la monnaie est comme lui culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique ne pouvant être réduite à l’une ou à l’autre de ses dimensions. Elle est « au service du lien social et elle le nourrit ». C’est le « fait social total »  sur lequel sont fondés tous les systèmes financiers et toutes les civilisations.

Mais pour que la contrepartie ne soit pas un leurre, il faut qu’elle véhicule avec elle le souvenir d’une réelle énergie humaine qui soit véritablement un contredon et non une simple promesse qui n’engage que celui qui y croit. C’est pourquoi toutes les civilisations ont toujours pris comme monnaie une richesse préalablement reconnue qui était forcément le résultat d’un travail humain déjà effectué, des plumes d’oiseaux très rares, du sel, du blé, du bétail, du cuivre, de l’argent ou de l’or. Même les monnaies papier ont toujours été, sans aucune exception jusqu’à l’euro, créées sur une richesse préalablement reconnue. Le système de Law l’était sur la richesse de la Louisiane, les assignats sur les biens confisqués à la noblesse et au clergé, la monnaie-papier de la Grande Catherine sur ses mines de cuivre, le dollar continental sur la livre-sterling, elle-même adossée à l’or, etc etc.

Le dernier lien entre les monnaies et une richesse préalablement reconnue a été défini par les accords de Bretton Woods en 1944. Il a lié toutes les monnaies au dollar et le dollar à l’or. Mais pendant plus de 25 ans la FED, imitant en cela et en médiocrité Law et les révolutionnaires français, a imprimé frauduleusement 5 fois plus de dollars qu’elle n’avait d’or à sa garde. Elle l’a fait pour payer le plan Marshall et les guerres de Corée et du Vietnam. Voyant fondre les réserves d’or de Fort Knox, le président Nixon a été contraint en 1971 de rompre le lien entre les monnaies et la richesse préalablement constatée qu’était l’or. Depuis cette date, et contrairement aux billets de la rue Quincampoix et aux assignats qui ont eu le bon goût de disparaitre humblement lorsqu’ils ne valaient plus rien, le dollar continue pour l’instant à être reconnu comme ayant une valeur, les Américains vivant facilement le rêve de posséder toute la richesse du monde. En Europe, pour la première fois dans toute l’histoire de l’humanité, on a, à l’extrême fin du deuxième millénaire, créé une monnaie, l’euro, qui n’est liée à aucune richesse préexistante et qui n’a comme contrepartie que d’autres monnaies qui avaient été déconnectées de toute richesse préexistante plus de 25 ans avant. Ce tour de passe-passe nous a fait oublier que la monnaie est l’étalon culturel de la richesse. C’est l’énergie du groupe, l’énergie sociale fondée sur l’énergie individuelle qu’est le travail.

Il faut maintenant pour respecter la méthode scientifique, montrer qu’il n’est pas possible que la monnaie soit autre chose. Il faut pour cela commencer par écouter ce qu’il en est dit.

L’université dit qu’au début était le troc et qu’un jour c’est devenu trop compliqué et que l’on a inventé la monnaie. Que ceux qui vivent les échanges dans leur couple, leur famille, leur groupe d’amis ou leurs associations comme du troc, creusent cette voie. Les enfants ne mangent-ils que s’ils ont rangé leur chambre ? Ne fait-on les courses que si le ménage est fait ? Faut-il inventer une monnaie familiale pour tout simplifier ? On constate à l’évidence que cette voie est fausse et indéfendable bien qu’omniprésente et assénée sans explications comme une vérité indiscutable ! Le troc n’a jamais existé où que ce soit à l’intérieur d’un groupe cohérent et il n’existe au contraire qu’entre des gens ou des groupes qui ont toutes les raisons de se méfier les uns des autres. Dans la méfiance chacun valorise avec sa propre monnaie les marchandises à échanger et si chacun pense que les deux tas ont la même valeur, l’échange peut se faire et donne au passage le vrai taux de change entre les deux monnaies. Sans cela, le taux de change est laissé aux spéculateurs comme c’est le cas actuellement.

Si on tend l’oreille pour percevoir ce qui est dit sur la monnaie, on entend aussi chez tous ceux qui n’étudient pas vraiment la monnaie, que la monnaie est une convention, une marchandise, un signe, une institution, un artefact, un contrat mais chaque fois, à la moindre demande d’explication, on retombe dans l’échange et l’idée de troc instillée consciencieusement dans les esprits par l’université. C’est un travail de longue haleine de relier dans l’esprit de nos concitoyens la monnaie et le donner-recevoir-rendre de l’énergie humaine.

Il faut bien sûr rester attentif à toute nouvelle explication qui n’aurait encore jamais été proposée et qui donnerait une autre cause à la monnaie mais dans l’attente, on peut déjà observer les dégâts que produit le déni de la réalité énergétique de la monnaie et l’oubli volontaire de ce dont cette énergie est la contrepartie.

Tout a été fait pour oublier que la monnaie n’est qu’un véhicule d’énergie humaine déjà constatée comme l’électricité n’est qu’un véhicule d’énergie fossile, éolienne ou nucléaire déjà utilisée. On parle pourtant facilement d’énergie électrique alors que la notion d’énergie monétaire est dogmatiquement écartée. Serait-elle trop dérangeante ? Il est pourtant facilement observable que, de même que l’énergie nucléaire transforme l’énergie de l’uranium en énergie calorique puis en énergie électrique, l’énergie monétaire transforme l’énergie humaine en tout ce que nous achetons et que nous transformons en richesses en les achetant. Sans nos achats, sans cette transformation, tout resterait comme la bouse de vache, production ne devenant pas richesse. Toute énergie a besoin de convertisseurs et les convertisseurs d’énergie monétaire en richesses utilisables sont les commerçants. Qu’on l’accepte ou non, la monnaie, quand elle est une vraie monnaie, est un vecteur d’énergie humaine qu’elle a stockée.

Malheureusement personne n’a jamais défini la monnaie si ce n’est en lui collant un des mots précédemment cités, tous aussi vagues les uns que les autres. On ne présente la monnaie que par ses utilisations dont les trois principales ont été données par Aristote : unité de compte, réserve de valeur et intermédiaire des échanges. C’est un peu comme si, pour définir l’électricité, on se contentait de dire que c’est ce qui éclaire, ce qui chauffe et ce qui fait bouger les TGV. Cela ferait sourire mais il n’étonne personne que l’on ne présente la monnaie que par trois de ses utilisations sans jamais la définir. N’est-ce pas cela qui est étonnant ? Chacun semble dire : si Aristote n’a pas jugé utile de définir la monnaie, qui suis-je pour vouloir la définir ? Quitte à sembler manquer d’humilité je regrette que si peu de gens soient conscients que la monnaie est un titre de créance sur n’importe quel membre du groupe qui l’utilise. Ce titre de créance est causé par l’énergie humaine qui a été préalablement utilement dépensée pour que le groupe puisse créer une monnaie en souvenir de ce bon travail. Le le groupe voit alors la monnaie comme une richesse par l’énergie humaine qu’elle véhicule. L’oubli de cette réalité empêche l’argent de remplir, par sa rareté, son rôle naturel de facteur limitant des fantasmes humains. L’oubli de la rareté du bon argent et sa prolifération néfaste s’appelait encore il y a 50 ans dans les écoles de commerce et à l’université, l’inflation, le gonflement non justifié de la masse monétaire qui enfle. Ce mot a complètement changé de sens en moins de 50 ans pour devenir la hausse des prix. Or la hausse des prix n’est que la conséquence naturelle de la vraie inflation et sa contrepartie. La vraie inflation ne dérange plus personne puisque nous  n’avons plus le mot simple qui en parlait. C’est un peu comme si on ne disait plus « J’ai mal à la tête » mais « Je prends de l’aspirine ». Cela détourne l’attention de l’essentiel. Il serait intéressant de retrouver qui a été à l’initiative de ce changement de sens dans les années 70. Le frein monétaire dû à la rareté de la monnaie est parfaitement naturel puisqu’il n’est que le souvenir de la limite naturelle de l’énergie humaine qu’est la fatigue. Son abandon a autorisé, sans en être la cause qu’il faut évidemment analyser par ailleurs, l’arrivée concomitante des libéraux-libertaires et d’un emballement économique gaspilleur des ressources naturelles de la Terre. Autrement dit, c’est parce que notre médiocrité a oublié que la bonne monnaie ne s’obtient que par une énergie humaine préalablement dépensée, et qu’elle est donc rare par définition, que nous avons ouvert la boite de Pandore de toutes les folies occidentales actuelles que les bobos de la politique et des médias encensent.

Les banques ont vécu notre médiocrité comme leur chance et elles l’ont flattée par l’invention au XXe siècle de la monnaie-dette qui est une fausse monnaie légale que les banques justifient en disant qu’elles la détruisent quand on la leur rend. Elles considèrent comme insignifiants les dégâts que cette fausse monnaie crée pendant son existence, durée d’existence qui s’allonge tous les jours avec la montée exponentielle permanente de la dette mondiale qui se chiffre déjà aujourd’hui en centaines de milliers de milliards de dollars ou d’euros. Les banques ont abandonné leur métier traditionnel de prêter sur gages à des riches, l’argent d’autres riches, ce qui avait toujours été le cas, pour se mettre à prêter à tout le monde sur richesses futures fantasmées, ce qui est imbécile, vicieux et qui sera forcément un jour criminalisé.

Pour que le fantasme puisse être vécu comme une réalité, il a fallu d’abord faire croire à la magie d’une création de richesses et à une valeur ajoutée par les entreprises en confondant volontairement production et richesse. Pourtant, si l’investisseur et le travailleur créent ensemble une production comme la vache crée des veaux, du lait et des bouses, c’est le client qui transforme la production en richesse en l’échangeant contre son argent. Il n’y a pas de création de richesses, il n’y a que des échanges entre une production que l’on espère être une richesse et de l’argent qui est une richesse déjà reconnue et qui transforme la production en richesse. Mais pour faire croire à la création de richesse, on a amplifié le mouvement de fabrication de fausse monnaie pour que toute production devienne richesse en étant achetée. Tout est devenu manipulation des esprits. On a inventé le fameux PIB (produit intérieur brut), traduction servile du Gross Domestic Product en additionnant toutes les dépenses, qu’elles soient de consommation ou d’investissement avec l’idée aussi géniale que mensongère de l’appeler produit et de faire croire partout que c’est un revenu ! Les Politiques et les médias utilisent même pour leurs projets des pourcentages de PIB qu’ils voient comme un revenu sans se rendre compte qu’ils voudraient utiliser une deuxième fois ce qui a déjà été dépensé.

On a aussi inséré dans les esprits que le profit était la part individuelle d’une corne d’abondance imaginaire d’un pays de Cocagne fantasmé. Pour cela il a fallu faire oublier que la vie n’est qu’échange et que tout profit est mathématiquement compensé par un appauvrissement quelque part, volontaire ou forcé. Tout cela est conséquence du refus de voir que la monnaie est une énergie.

Bien pire, et ce que la fausse élite médiatico-politique ne veut surtout pas voir, c’est que la réalité s’impose d’elle-même naturellement partout. Toute la fausse monnaie créée par les banques, toute cette énergie factice cherche sa source énergétique humaine. Elle réinvente l’esclavage sous toutes ses formes avec une discrétion redoutable : l’esclavage dans l’espace qu’est le mondialisme, l’esclavage dans le temps qu’est la dette, et l’esclavage ici et maintenant qui est à la fois la paupérisation des classes moyennes et l’immigration souhaitée par des responsables à courte vue. Et cette fausse élite a eu le culot de créer une journée annuelle contre l’esclavage pendant qu’elle le recréait elle-même par incompétence.

Quand proposera-t-on au peuple une cohérence dans laquelle il pourra s’épanouir ? Quand l’économie arrêtera-t-elle de se croire la science utopique de la création et de la répartition des richesses pour se reconnaître l’organisation des énergies humaines où le chômage démontre combien elle est actuellement défaillante ? Quand reconnaîtra-t-on que l’organisation des énergies humaines ne peut se faire sans parfaite maîtrise de l’énergie sociale qu’est l’argent ? Maîtriser la monnaie n’est-ce pas à la fois comprendre sa raison d’être et vérifier qu’elle n’est pas détournée de sa mission ? Des personnalités comme Valérie Bugault, Charles Gave, Jean-Marc Jancovici ou Charles Sannat, et sûrement bien d’autres de toutes générations qui cumulent, chacun dans son domaine, intelligence et bon sens, ce qui n’est malheureusement pas si fréquent, ne deviendraient-ils pas carrément efficaces s’ils avaient l’heur d’intégrer à leur réflexion le frein social terriblement puissant qu’est la monnaie quand elle est vraie et quand la fausse monnaie des banques n’accélère pas notre marche à l’abîme ?

A quoi sert la puissance ?

Le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’Ecole de guerre et professeur de stratégie à Science-Po et à HEC a dit au Figaro le 24 mai :

Je pense au grand affrontement déjà en cours entre les États-Unis et la Chine, qui s’affirme comme la nouvelle puissance impériale. Dans les années qui viennent, les relations internationales seront basées sur la puissance ; l’Europe doit se doter de ses attributs pour faire rempart à la Chine et faire part égale avec son ancien allié. Elle doit absolument reconstruire sa puissance, condition de son autonomie.

Douze jours avant Nicolas Baverez confiait au même Figaro à propos de l’Union européenne :

L’Union se trouve en porte-à-faux face aux grandes mutations du XXIe siècle. Son marché de 500 millions de consommateurs, ouvert et régulé par le droit de la concurrence, est devenu la variable d’ajustement de la grande confrontation entre les États-Unis et la Chine. Elle se découvre isolée et désarmée face aux ambitions des nouveaux empires qui rivalisent pour dominer le monde. Or loin de montrer son unité et sa force face à ces défis, l’Union affiche sa faiblesse et ses divisions.

Les défenseurs  de l’Union européenne ont comme principal argument que chaque nation prise isolément n’est pas assez forte, trop désarmée, pas assez puissante « face » aux Etats-Unis, à la Russie et à la Chine, et que l’Union doit se montrer forte et puissante. Mais ne nous trompons-nous pas d’époque ?

Aujourd’hui tout a changé et les prétendus nouveaux empires ne cherchent nullement à faire payer les autres en leur prenant leurs richesses par la force. Ils veulent au contraire que les autres leur achètent et consomment ce qu’ils produisent.

L’idée de faire payer les autres est vieille comme le monde et depuis des millénaires les guerres ont été là pour qu’un peuple en fasse payer d’autres. Partout les peuples produisaient, consommaient peu et se nourrissaient ainsi que ceux qui priaient ou combattaient pour eux. Chaque région était auto-suffisante et la possession par la force de nouveaux territoires permettait d’aspirer une partie de la richesse produite en ces lieux soit en pillant, soit en réduisant ses habitants en esclavage soit en leur faisant payer un tribut. La force était alors évidemment nécessaire et il était indispensable d’être puissant pour vaincre ou ne pas être vaincu.

Mais aujourd’hui l’autosuffisance des régions n’existe plus et la puissance consiste à faire consommer sa production après l’avoir vendue en laissant les peuples conquis se débrouiller pour savoir avec quoi payer. On rentre dans un monde de ruse et de puissance intellectuelle et non de puissance physique. On est dans le « faire croire » et les vendeurs comme les acheteurs se contentent d’une régularisation future par la dette que l’on soldera officiellement par la création de richesses par le PIB et réellement sans le dire par l’esclavage de nos enfants. Chacun sait que la création de richesses est un mythe car la richesse n’est qu’un regard et chacun se réjouit que l’esclavage n’existe plus. A part ceux qui n’ont pas envie d’ouvrir les yeux, tout le monde sait bien que nous vivons dans un pays de cocagne imaginaire et provisoire où toute production est réputée richesse car achetable avec de la monnaie sans origine énergétique.

Dans ce monde imbécile qui ne s’en sortira qu’en repartant de l’autosuffisance et d’une monnaie qui redevienne le véhicule du donner-recevoir-rendre, une armée ne sert qu’à se défendre mais qui attaque ? Le système et ses affidés créent bien des terroristes en voulant imposer à toute l’humanité une civilisation malade et une seule notion du beau, du bien et du vrai, ce qui génère naturellement des réactions violentes. Ils cherchent bien à détruire les nations en poussant l’Europe à ne pas faire d’enfants pour la repeupler avec l’Afrique en espérant des guerres civiles. Mais comme le système ne peut pas tenir puisqu’il ne tient que par la fuite en avant, qui attaquera militairement pour faire consommer de force ?

Si la réponse existe, elle devrait en intéresser plus d’un.

Les détenteurs de la violence légale

La définition d’un État est la détention de la violence légale sur une population dans un espace donné. Cette violence peut être physique (armée, police) ou cérébrale (justice, impôts). C’est cette violence qui donne apparemment raison à celui qui a le pouvoir de l’actionner et tout naturellement le fossé se creuse entre le philosophe qui cherche la vérité en doutant par définition, et le politique qui se contente de chercher à détenir la violence légale pour avoir raison en se dispensant de douter.

Ceux qui détiennent actuellement le pouvoir d’actionner cette violence sont de plus en plus régulièrement remplacés vu leur inefficacité sans que l’on s’oriente pour autant vers une réflexion philosophique calme sur les raisons de cette inefficacité. Il est plus reposant de les dénigrer et de tout attendre de ceux qui les remplaceront et qui sont auréolés de toutes les vertus avant d’être affligés de tous les vices.

Ne faut-il pas revenir au vieux principe de juger un arbre à ses fruits et regarder les fruits du siècle que l’on affirme être celui des Lumières ? Il a rompu un équilibre multi-millénaire entre le spirituel et le temporel en généralisant ce que le roi d’Angleterre Henri VIII avait initié et qui est la base de l’organisation mentale actuelle anglo-saxonne, la soumission du spirituel au temporel.

Les Lumières nous ont apporté le fascisme pour ceux qui voulaient être reconnus comme les plus beaux, les plus forts et les plus intelligents; le fascisme est mort du mépris des autres. Elles nous ont apporté le communisme pour ceux qui rêvaient par la violence à une absence de violence légale; le communisme est mort par effondrement d’une construction incohérente. Les Lumières nous ont apporté le capitalisme pour ceux qui confondaient le contentement et la richesse et qui pensaient s’enrichir sans appauvrir quiconque en étant contents d’un échange; le capitalisme n’est pas encore mort et c ‘est son agonie et les soins palliatifs mis en place par ses défenseurs qui heurtent tant le bon sens populaire.

La violence légale s’est aujourd’hui mise exclusivement au service du capitalisme. Côté violence physique, les armées veillent à ce qu’aucune autre forme d’organisation sociale ne naisse nulle part sur la Terre pendant que la police contient les interrogations populaires. Mais c’est du côté de la violence cérébrale que le capitalisme désormais sans concurrence fait très fort.

Par un principe de précaution généralisé, fait d’interdictions et d’obligations, et verrouillé par les lois mémorielles, il instaure une violence légale officiellement protectrice et réellement infantilisante qui permet, dans une fausse démocratie, d’acheter moins cher l’affect d’une population à qui l’on affirme donner tout le pouvoir tout en veillant à ce qu’elle ne puisse être informée totalement. Toujours par l’argent, l’information, de plus en plus sous-traitée à la finance, se réduit à un éclairage ostensible, non pas de l’ensemble de la scène mais exclusivement de ce qui doit marquer les esprits, le tri étant fait en amont par l’Agence France Presse.

Cela fabrique tout naturellement une représentation populaire détentrice de la violence légale mais qui ne ressemble en rien au peuple qu’elle est supposée représenter. Le muselage de l’internet par la violence légale est en cours puisque la dissolution de la goutte d’eau dans l’océan ne semble même plus suffire.

Mais le capitalisme fait encore plus fort pour durer par une prise en ciseau des esprits. D’un côté on formate à grand frais les êtres et de l’autre on crée une division totalement artificielle entre ceux qui résisteraient encore au formatage.l

Le formatage se fait pendant de très longues années dans une éducation dite nationale où l’on diffuse que la nation n’existe plus et que la Terre rebaptisée LA planète est le seul espace cohérent d’un capitalisme universel. On fait croire que la dépense, baptisée produit par le PIB, est une création de richesse à se partager et on fabrique de la monnaie pour pouvoir dépenser sans jamais expliquer que la monnaie n’est plus le constat d’une richesse déjà existante mais celui d’un espoir que l’on sait irréalisable mais qu’on implante dans les esprits.

On détourne d’ailleurs l’attention de ce seul problème fondamental en faisant vivre artificiellement les contradictions secondaires. La démocratie dit que la majorité a raison donc on va valoriser toutes les minorités quelles qu’elles soient en les portant toutes au pinacle avec l’aide de la violence légale. On constate une fonte bien réelle des glaciers et on va totalement artificiellement dire que l’homme en est responsable par le CO2. Là, la contradiction est plus subtile car elle est induite sans jamais être formulée. On ne dit jamais que le principal gaz à effet de serre est la vapeur d’eau sous forme de nuages qui garde la nuit la chaleur solaire comme chacun le constate. On ne dit jamais que la Terre a été glaciale et torride bien avant que l’homme n’apparaisse et qu’il est essentiel de comprendre pourquoi avant de chercher ce que l’homme a pu réellement modifier. Il est ridicule de se prendre pour Dieu et vouloir changer le climat quand on n’a encore absolument rien compris au déplacement des anticyclones et que l’on surexploite l’animal, le végétal et le minéral, voire même l’humain que l’on réduit à un consommateur-électeur-spectateur.

Mais pour tous ceux qui résisteraient au formatage et dont on martèle le mépris en les appelants extrêmes ou populistes, le capitalisme et sa violence légale ont réussi le tour de force de les diviser en deux pour qu’ils dépensent l’essentiel de leur énergie à se haïr. On a oublié que les trois moteurs de l’homme sont son cerveau avec sa raison, son cœur avec ses sentiments et son ventre avec ses besoins. La seule différence entre la droite et la gauche est que la droite privilégie la raison et donc l’harmonie alors que la gauche privilégie les sentiments et donc le mouvement. Les deux sont pourtant essentiels et la droite comme la gauche ne sont que deux parties de nous-mêmes qui se dissocient en deux simplismes quand nous sommes fatigués. La force du capitalisme et de sa violence légale est de flatter les besoins pour ne pas laisser se marier la raison et les sentiments. Se crée un fossé totalement artificiel entre Michel Onfray et Eric Zemmour qui disent pourtant grosso modo la même chose avec des mots différents.

L’avenir est entre les mains de la jeunesse dont la fragilité est peu respectée. Pour qui voudrait constater une facette de cette fragilité je propose de lire l’article de Contrepoints Éloge de la mondialisation signé par un jeune étudiant très bien formaté.

Le dogme et la conviction

La conviction est un essentiel qui vient de l’intérieur, le dogme est un essentiel qui vient de l’extérieur. La conviction motive, le dogme rassure, justifie et crée le lien social. Le but de toute éducation est d’apprendre à se forger des convictions, d’assumer sa liberté et de comprendre les dogmes. Le but de tout pouvoir est de faire confondre ses dogmes avec la vérité et s’ils sont faux, le pouvoir mène son peuple à sa perte car les convictions se heurtent aux dogmes.

L’éducation nationale est aujourd’hui un oxymore, une obscure clarté, une intelligence bornée, un apprentissage de fausses vérités. Quand l’éducation nationale ne réussit pas à instiller les dogmes, le politique fait des lois mémorielles qui les imposent sous peine de sanctions pénales. La conviction n’a plus droit de cité, l’homme n’a plus le droit d’être debout, la liberté d’expression n’est plus qu’un étendard que l’on courtise en le poignardant.

En économie les faux dogmes génèrent des techniques de paupérisation de plus en plus sophistiquées pour le plus grand profit de ceux qui les imaginent, qui n’existent que par leur inventivité et qui coûtent fort cher. Ces techniques ne prospèrent que parce que l’on a convaincu le peuple qu’il était incompétent en économie, que son bon sens ne valait pas intelligence et que les dogmes actuels de l’économie étaient vrais alors qu’ils sont faux.

Le premier faux dogme est que l’échange enrichit durablement alors qu’il n’est que double contentement, enrichissement mental de l’instant. Vénérer le libre échange, c’est prendre l’instant pour le durable et faire payer son erreur par le peuple. Pour faire croire à la solidité du dogme, on a inventé le PIB, somme de toutes les dépenses que l’on a le culot d’appeler produit pour le présenter à tous ceux qui ne comprennent rien, comme une création de richesse à se partager, ce que font avec zèle tous les médias. Le libre échange coûte en réalité extrêmement cher. Il coûte d’abord cher en argent avec des coûts de transport faramineux, avec le chômage qu’il crée et que l’on rémunère, et avec les baisses de salaire. Il coûte aussi cher en diminution de la biodiversité. Il est d’ailleurs regrettable que les médias ne nous parlent que de la diminution de la biodiversité animale et végétale sans jamais parler de la biodiversité humaine tout aussi en danger et pourtant tout aussi nécessaire. Et comme il faut bien payer ces dépenses du libre échange, la paupérisation du peuple est une nécessité. Il grogne sans comprendre car on lui a dit que nous étions un pays riche puisque nous dépensions beaucoup. On l’a même convaincu, en en faisant un seuil, que la vraie pauvreté, c’était de ne pas dépenser.

Le deuxième faux dogme est que seules les entreprises peuvent demander à chacun le meilleur de lui-même et que lorsque l’État le fait, soit il déguise en fonction publique une sinécure permanente de moins en moins supportable par ceux qui n’en bénéficient pas, soit il tue dans l’œuf ses propres créations comme successivement, les ateliers de charité, les ateliers nationaux, les ateliers sociaux et les ateliers de travail et de charité permanents. On en arrive à tuer les entreprises en leur faisant supporter l’entretien de millions de chômeurs que l’on trouve normal de payer à être inutiles tout en entendant Macron redire qu’il faut « demander à chacun le meilleur de lui-même ». Et quand l’entreprise meure, elle laisse ses dettes à la charge de la collectivité. On paupérise partout par la surtaxation des entreprises, par l’entretien de chômeurs involontaires et d’une masse incroyable d’inutiles subventionnés. La nouvelle coqueluche de l’auto-entreprenariat permet de reculer pour mieux sauter.

Le troisième faux dogme est la croyance que l’on peut créer de la monnaie avant de créer de la richesse, qu’il suffit d’investir comme ils disent. On semble avoir complètement oublié que la monnaie ne doit pouvoir être créée que pour équilibrer le constat d’un peuple qu’il a préalablement créé de la richesse à ses propres yeux. C’est ce troisième faux dogme dramatique qui rend présentables et apparemment crédibles depuis au moins un demi-siècle, grâce aux banques, les deux premiers faux dogmes, tout en ouvrant malheureusement la porte au quatrième.

Le quatrième faux dogme est que l’artificiel remplace facilement le naturel et que l’équilibre instable du funambule peut remplacer avantageusement l’équilibre stable du porte-manteau. La machine pourrait produire et l’intelligence artificielle concevoir, en laissant l’homme simplement consommer, dormir, se distraire et courtiser ses élites autoproclamées. On en arrive même à faire croire que la machine et l’intelligence artificielle sont moins coûteuses que l’homme, tant dans sa fabrication que dans son usage. Le dogme prétendant que l’homme demanderait plus d’énergie que la machine pour être conçu, nourri et réparé, est évidemment faux mais il fait ses ravages dans la recherche médicale et dans l’industrie dite « de pointe » qui, pour nous faire lutter contre la mort et pour nous laisser nous croire enfin des dieux, dépensent une énergie monétaire considérable à augmenter la population mondiale, la soumettre à notre façon de vivre et en déduire qu’il faut en changer tellement le résultat est catastrophique.

La somme de ces quatre faux dogmes laisse croire qu’il suffit pour se croire riches de fabriquer de l’argent pour acheter des machines, et encore fabriquer de l’argent pour acheter leurs productions. Comme cela ne marche évidemment pas, il faut absolument faire payer les autres peuples et donc être une « puissance », ce mot mi-sexuel mi-guerrier dont tous les Politiques s’habillent comme leur seule raison d’être. La « puissance » chiffrée par le PIB et générant même un prétendu « PIB mondial » n’est que la somme de toutes les dépenses payées par la création monétaire ex nihilo des banques. Ce pack bien ficelé est fourgué aux peuples que l’on a formatés à tout gober, comme une création de richesses dont ils ne voient évidemment jamais la couleur s’ils n’endettent pas leur descendance. On a inventé pour cela l’expression « développement économique » dont la racine latine veut dire soulever le voile, ce qui se dit en grec apocalypse. Le voile une fois soulevé, ce développement, cette apocalypse nous permettent de voir de mieux en mieux l’impasse dans laquelle on nous pousse tant que nous accepterons d’en être nous-mêmes par facilité les complices.

Les faux dogmes ne détruisent pas que l’économie. Le libéral crée le libertaire. Les mots deviennent creux. La république se réduit à l’oligarchie, la loi du petit nombre. Ce petit nombre peut même n’être qu’un seul comme le dit Mélenchon avec son « La république c’est moi » ou comme le vit Macron, ce jeune monarque improvisé que la réalité ne dérange même plus.

Les faux dogmes défient aussi la réalité en niant la faiblesse physique de la femme comme son monopole absolu dans les maternités et comme la nécessité d’un homme et d’une femme dans la conception et l’éducation des enfants. Simplement dire ces évidences devient un crime de lèse-dogme à mépriser avec d’autant plus d’ardeur que ce crime n’est que simple observation. Nier une vérité ne trouve sa force que dans l’idolâtrie du dogme.

Les faux dogmes détruisent encore le lien social en considérant la sexualité comme une orientation sans jamais s’aventurer à se demander, de peur de s’entredéchirer, si sa boussole se trouve dans les gènes ou dans l’éducation. Le dogme impose l’homosexualité comme un état alors que les Grecs la voyaient comme un passage utile et organisé entre l’autosexualité et l’hétérosexualité, passage dont il fallait savoir sortir. A-t-on encore le droit d’avoir des convictions sur ce sujet sans être embastillé pour homophobie? Peut-on encore suggérer que l’homme a autant besoin de la femme que la femme de l’homme et que l’un sans l’autre ne peut être un équilibre à lui tout seul?

Tous les faux dogmes actuels ont besoin de dérivatifs pour occuper les esprits d’une jeunesse généreuse de son énergie mais que tous ces faux dogmes empêchent d’être utile. Ils ont généré des nouvelles religions pour étrangler la spiritualité collective qui donne trop de place au bon sens et qu’ils abandonnent à l’islam. Ils ont d’abord sorti de leur chapeau la laïcité qui décrète que la spiritualité n’est qu’individuelle alors qu’elle ne l’est que pour une infime minorité d’ermites. Comme la laïcité patine, on a inventé une autre religion qui, sous le prétexte de bienveillance et à l’inverse de la démocratie, survalorise les minorités pour un égalitarisme dogmatique qui n’est toujours que dans un seul sens. C’est la religion de la « discrimination positive » que l’on appelait autrefois la distinction, c’est la religion du « celles et ceux » tellement entendu et de la parité qui exclut la femme de la représentation de « ceux », mais qui ne bronche pas quand la parité se perd dans la magistrature et bientôt dans la médecine et dans les médias. Cette religion suicidaire culpabilise toute majorité, ne pousse pas les faibles à devenir forts mais imposent aux forts d’être faibles tout en prônant la compétition et en dédaignant la collaboration. Comme cette religion n’est pas fondée sur une générosité mais sur une obligation dogmatique, elle patauge aussi et n’enflamme personne. On a enfin inventé une religion qui peut enflammer la jeunesse. C’est le réchauffement climatique dont l’origine serait humaine. Personne ne commence par expliquer pourquoi la Terre a été glaciale et brûlante à différentes époques bien avant l’arrivée de l’homme. Or, sans avoir compris le pourquoi de ce large éventail de températures dont l’homme ne porte aucune responsabilité, est-il sérieux d’imputer à l’homme, par simple affirmation d’un GIEC composé de gens très divers qui y ont tous intérêt, la responsabilité du petit réchauffement actuel que l’on retrouve plusieurs fois dans les siècles passés. La religion du réchauffement climatique a en plus, pour l’élite autoproclamée, le gros avantage de prendre en charge le déclin bien réel de la biodiversité en en absolvant le vrai coupable, le libre échange. Et n’est-elle pas aussi une façon efficace de détourner l’énergie de la jeunesse de là où elle pourrait être utile donc vraiment dérangeante ?

Quelle est l’origine de l’énergie ?

Les Hébreux pensent que tout est dans yod, la dixième lettre de leur alphabet qui n’est qu’un point dans lequel tout se trouve. Mais l’homme est incapable de se repérer dans un point où tout se trouve. Comment trouver son mouvement, son sens et son rythme à l’intérieur d’un seul point d’une densité infinie ? Pour se piloter lui-même l’homme a eu besoin avant tout et partout, de différencier ce qui est réversible de ce qui ne l’est pas, ce qui est réparable de ce qui ne l’est pas, ce qui est transformable de ce qui ne l’est plus. Il a inventé pour ce faire deux définitions, celles du temps et de l’espace. Le temps est par définition le décor du retour impossible (nous ne pourrons jamais retourner à hier) et l’espace est par définition le décor du retour possible (nous pourrons toujours retourner à l’endroit dont nous venons). Le temps et l’espace sont sans origine et sans fin puisque ce ne sont que deux décors que l’homme a créé pour être capable d’appréhender ou simplement d’approcher les différentes formes de l’énergie qui est en mutation perpétuelle et universelle.

Tout est énergie, le minéral, le végétal, l’animal, l’humain, la pensée et les objets. L’énergie ne se consomme pas, elle ne fait que se dégrader et se restaurer à partir d’une origine inconnue.

Nous croyons consommer de l’essence en roulant en voiture alors que nous ne sommes qu’un maillon de la dégradation de l’énergie fossile du pétrole que l’on nous a déjà dégradé en essence et que nous dégradons à notre tour, en énergie cinétique pour bouger, en énergie lumineuse pour éclairer la route et en énergie calorifique ou frigorifique pour nous sentir bien. La route et la voiture ont été mises à notre disposition par une dégradation de l’énergie monétaire, elle-même dégradation par divers biais de l’énergie humaine.

Mais qu’est-ce que l’énergie ?

Des forces hallucinantes existent dans l’univers. Les Grecs les classaient dans la dynamique quand elles n’étaient qu’en puissance et dans l’énergie quand elles étaient en action.

Nos physiciens regroupent les deux sous le vocable énergie. Le premier principe de la thermodynamique qui énonce que l’énergie se conserve, énonce en fait que c’est la somme des forces en puissance et en action qui est éternellement la même. Lorsque ces forces mutent sous une nouvelle forme, elles entrent en action visible, ce qui ne veut pas dire qu’elles n’agissaient pas quand elles ne mutaient pas. Un nuage, un morceau de bois, un caillou ou une vache n’existent que parce que des atomes sont maintenus ensemble par des forces potentielles extrêmement fortes.

De tout temps l’homme a essayé de maîtriser ces forces en domestiquant leur action. Il s’est aperçu qu’en désorganisant un morceau de bois par le feu il pouvait en faire de la chaleur, qu’en enlevant sa liberté à la vache il pouvait tirer une charrue et même récemment qu’en désorganisant certains cailloux, il savait en faire une bombe atomique ou une centrale nucléaire. C’est le second principe de la thermodynamique exprimé par Sadi Carnot au début du XIXe siècle qui énonce que c’est en désorganisant une force potentielle qu’on l’active. Quelques décennies plus tard Rudolf Clausius a appelé ce phénomène de dégradation, l’entropie, du mot grec entropia (ἐντροπία) qui veut dire changement en soi-même.

La vie est la gestion de l’énergie sous toutes ses formes dans l’espace et dans le temps. Les latinistes nous disent avec vita in motu que la vie est dans le mouvement, mélange du temps et de l’espace. La musique nous rappelle qu’elle est aussi dans le rythme qui combine l’énergie et le temps. Elle est enfin dans la source qui allie l’espace et l’énergie et que certains appellent l’amont, le sens, le vecteur ou même le principe car tout en découle.

Mais malheureusement l’homme occidental a estropié l’entropie en la limitant, dans sa définition même, à la dégradation utile de l’énergie par sa désorganisation. Il a mis sous le tapis la restauration de l’énergie à laquelle nous ne comprenons pas grand-chose si ce n’est que c’est très long et que nous ne l’avons jamais vraiment étudiée. Nous ne savons pas transformer de la chaleur en morceau de bois et nous aimerions savoir transformer des déchets nucléaires en simples cailloux et du plastique en pétrole. Nous nous contentons d’appeler miracle la restauration de l’énergie en la décrétant même impossible. L’homme ne sait non seulement pas restaurer l’énergie mais il renonce même actuellement en Occident à en étudier l’origine que ses ancêtres appelaient Dieu au singulier ou les dieux au pluriel suivant les civilisations. Dieu vient de dies, la lumière, dies étant le génitif de Zeus, origine omnipotente de l’énergie que l’homme ne peut comprendre. Ayant perdu l’humilité, nous avons du mal à reconnaître que le temps et l’espace n’ont pas d’extrémités, qu’ils n’ont ni début ni fin puisque ce ne sont que des décors même s’ils nous sont indispensables et que nous les déplaçons avec nous. Nous avons encore plus de mal à faire le simple constat que l’énergie a en revanche forcément une origine que l’homme, en se voulant compétent en tout, feint aujourd’hui de dédaigner comme s’il était lui-même un dieu. Que la théorie du Big Bang soit vraie ou fausse n’a pourtant aucune importance et aucun intérêt si nous ne savons pas d’où venait l’énergie qui aurait permis ce Bang.

Nous allons pâtir de plus en plus du fossé qui s’élargit entre notre capacité croissante à transformer l’énergie en la dégradant pour nous en servir, et notre incapacité permanente à la restaurer tout en en dédaignant l’origine. L’économie et l’écologie abordent chacune isolément deux aspects contradictoires du même problème. L’écosophie, la sagesse de la maison, tente sans être entendue de les réconcilier. Que nous dit-elle ?

Pour ne plus en souffrir il faut remettre à sa place le double décor non miscible de l’espace-temps et aborder le problème de l’énergie dans son ensemble.

Il faut retrouver le bon sens du temps que l’on ne remonte pas. Ne nous servons pas de ce que le déplacement d’une horloge atomique la fait retarder parce qu’une sinusoïde est plus longue qu’un aller-retour direct pour faire croire que l’homme pourrait remonter ou freiner le temps. Certains en arrivent à croire au non-sens de deux jumeaux qui vieilliraient différemment si l’un d’eux est véhiculé par une fusée avec le paradoxe de ne pas savoir lequel puisque la vitesse de l’un n’existe que si l’autre est réputé fixe. Le paradoxe des jumeaux a été parfaitement démonté par Paul Painlevé dès 1922 mais la pensée d’Einstein semble divinisée.

Il faut aussi retrouver le bon sens de l’espace, privilégier à nouveau ce qui est à notre dimension. L’exploration de l’infiniment grand, des conquêtes planétaires à l’astrophysique, ajoutée à celle de l’infiniment petit des nanoparticules ou des ultrafines, ne nous autorise pas à nier l’évidence concrète de ce qui est accessible à nos sens : les races, les nations et les langues qui sont de l’énergie à respecter dans leur diversité. Le bon sens doit aussi nous obliger à intégrer que le voyage qui n’existe que dans l’espace est aussi très coûteux en dégradation d’énergie. Les croisières en immeubles flottants, les cargos de plus en plus imposants, les embouteillages aériens, maritimes et terrestres dégradent une énergie qui ne se reconstitue pas.

Il faut enfin et surtout réagir devant les multiples ruses que nous utilisons pour ne pas affronter notre faible connaissance de l’énergie en utilisant celle des autres par une réactivation de l’esclavage sous toutes les formes imaginables.

Nous avons réinventé l’esclavage dans l’espace par le prétendu libre échange qui permet par exemple aux Allemands d’asservir les Français en leur prenant leur énergie monétaire et aux Français d’asservir les Chinois, les Bengalis ou les Éthiopiens, en leur prenant leur énergie physique.

Nous avons inventé l’esclavage dans le temps en laissant les banques créer de l’apparence d’énergie monétaire que nos successeurs devront rendre avec intérêt.

Nous avons réinventé l’esclavage ici et maintenant par l’immigration à qui notre côté bobo paresseux, hommes et femmes confondus, sous-traite à bas coûts aussi bien la production que les services et le renouvellement de la population.

Nous avons inventé l’esclavage le plus vicieux qui soit en oubliant ce que Jean Bodin nous expliquait déjà en 1576 dans Les Six Livres de la République, à savoir que la République s’exprime par la monarchie, par l’aristocratie ou par la démocratie. En décidant arbitrairement et stupidement de limiter la république à la démocratie nous avons inventé un esclavage insidieux où la majorité de la population se compose d’inactifs, de faux actifs dans de prétendus services et de prêtres du système, politiques et médiatiques. Cette majorité a accaparé le pouvoir et vit très agréablement aux dépens d’une minorité d’actifs que l’on étrangle avec persévérance pour acheter les votes de la majorité. L’augmentation incessante des taxes, des prix et de la fraude montre la guerre tripartite « à outrance » que se mènent l’État, les entreprises et les citoyens, chaque belligérant cherchant à mourir le dernier.

Les peuples occidentaux commencent à réagir à l’absurdité de leurs prétendues élites par les populismes qui se cherchent. Mais les dites élites travaillent inlassablement à les faire avancer vers un non avenir pour préserver leur propre très agréable présent. Ils réussissent déjà à stériliser une partie dynamique de la jeunesse en l’embrigadant dans les culs-de-sac affectifs, chronophages et énergivores que sont les multiples luttes apparentes et inefficaces contre le réchauffement climatique, le sexisme, le racisme, l’alcool, la vitesse, le tabac, l’homophobie, l’antisémitisme, etc, etc, etc….

Cette jeunesse trouvera-t-elle en elle la force de s’intéresser à la vie passionnante de l’énergie sans gaspiller la sienne propre ?

Le mal du siècle: la pigilithie

Héritée du XXe siècle, la pigilithie fait ses ravages au XXIe siècle. Personne n’en meurt mais tous en sont frappés. Ceux qui en mourront ne sont que nos descendants que tout naturellement nous essayons par amour de ne plus faire.

Pigilithie est un néologisme construit sur les deux mots grecs : pigi, la source, et lithi, l’oubli. La pigilithie est l’oubli maladif de la source. Les deux énergies principales que nous utilisons sont l’énergie électrique et l’énergie monétaire, les deux remplaçant de plus en plus l’énergie humaine qui semble encombrer les citadins et devoir être dépensée en jogging et en salle de sport. Les deux énergies, électrique et monétaire, ne sont toutes deux que des véhicules et nous nous intéressons infiniment plus à ce qu’elles nous apportent qu’à la source dont elles proviennent. Plus précisément nous nous contentons de leur origine apparente, celle par laquelle elles nous arrivent.

Pour l’énergie électrique que nous consommons chaque année davantage, nous nous intéressions récemment exclusivement à notre compteur électrique et à celui qui nous facturait cette électricité si appréciée. Depuis quelques décennies nous commençons à regarder un peu plus loin que le bout de notre nez en nous interrogeant sur la source de cette énergie. Mais nous sommes tellement atteints de pigilithie que nous sommes incapables d’équilibrer quantitativement notre consommation et ses sources. Ne perdons pas trop de temps avec les apports intermittents et dérisoires des énergies renouvelables solaires ou éoliennes qui flattent tant notre côté écologique mais qui ne subsistent que grâce aux subventions, au dynamisme de l’industrie allemande et à la destruction de nos paysages. Observons que la « peur japonaise », mélange d’Hiroshima et de Fukushima, nous fait craindre le nucléaire en faisant grimper mondialement le charbon en opposition absolue avec nos positions dogmatiques sur le CO2. La seule solution à ce grand écart généralisé trouvée par la doxa est de reporter la solution introuvable sur l’énergie monétaire. Le factionnaire de service, William De Vijlder, « Influenceur », se présentant en anglais depuis son bureau parisien au siège de la BNP comme « Group Chief Economist BNP Paribas, Senior Lecturer Ghent University » écrit le 30 janvier 2019 : «Laisser le temps aux ménages et aux entreprises d’adapter leur comportement et de financer les investissements nécessaires (chauffage, moyens de transport, processus de fabrication)». Le banquier se propose d’être le bon médecin de la pigilithie électrique en aggravant la pigilithie monétaire qui le fait vivre.

La pigilithie monétaire est la plus grave car, tel un égout, elle récupère toutes les conséquences des autres pigilithies en prétendant les soigner. Tous les problèmes partout peuvent être prétendument résolus si on s’en donne « les moyens », si coule l’argent dont on ne veut pas connaître l’origine réelle en se contentant de la pression sur le  distributeur : le salaire, la subvention, le téléthon, le legs, etc… Appauvrir les autres pour le bien de tous devient une mode partagée par tous. L’État augmente les impôts, les entreprises augmentent les prix, les individus se défendent comme ils peuvent en cherchant des subventions, en demandant des augmentations et en fraudant s’ils le peuvent. La cohérence disparaît et se remplace par les fractures sociales. La haine remplace l’affection, la fuite remplace l’accueil. Libéralisme et socialisme jouent leur même jeu puéril et chronophage de chercher qui vole la richesse créée, et le libertarisme porte aux nues tout ce qui tue plus rapidement la société.

Chacun sent bien que cela ne tourne pas rond mais qui accepte de prendre conscience que c’est notre pigilithie qui interdit toute cohérence ?

L’ordre des choses

Dans tout organisme cohérent la perception des problèmes stimule leur analyse puis entraîne une action visant à les résoudre. Echange, réflexion, action est l’ordre normal des choses.

Mais l’action est en elle-même instructrice, elle nourrit aussi une réflexion qui se propage ensuite. Tout le sport est fondé sur l’analyse de l’action que l’entraîneur va ensuite diffuser. C’est aussi par le plaisir du jeu comme par la brûlure soudaine et involontaire, par le bisou ou par la fessée, n’en déplaise à ce qui nous sert actuellement de députés, que l’enfant apprend à s’imprégner du monde qui l’entoure. Quand l’action suit normalement la réflexion chez l’adulte, l’action précède souvent la réflexion chez l’enfant.

Aujourd’hui aussi bien les Gilets jaunes que Macron ont le choix entre être adultes ou enfants. Ils peuvent agir pour voir ce que cela donne, en se montrant ou en envoyant la force publique. Ils peuvent aussi écouter l’autre pour le comprendre et agir en conséquence.

Si les Gilets jaunes écoutent et observent Macron, ils verront qu’il est complètement coincé. On lui demande de distribuer une richesse qui n’existe pas mais à laquelle on a fait croire par des raisonnements absurdes et par la dépense de quelques uns que les médias rendent publique pour que leurs actionnaires puissent continuer à bien vivre en appauvrissant le peuple. Le secret le mieux gardé actuellement est que la richesse n’est qu’un regard et qu’un regard ne se crée pas.

Si Macron avec sa cour écoute et observe les Gilets jaunes, il verra qu’ils sont complètement coincés. Ils expriment à l’unanimité l’évidence de la paupérisation des classes moyennes mais ils n’en cherchent même plus les causes puisqu’ils savent leur désaccord total sur ce point, voire leur ignorance. Ils cherchent à présenter une unanimité factice sur le RIC pour simplement déplacer le problème.

Si Macron et les Gilets jaunes sont des enfants, ils continueront à privilégier l’action, les uns en se montrant, l’autre en réprimant. Dans ce monde enfantin la répression entraînera la violence qui fera monter d’un cran la répression qui fera monter de deux crans la violence qui….

Si Macron et les Gilets jaunes sont des adultes, ils observeront que l’Assemblée nationale actuelle n’est la résultante que de la somme de malentendus et que ceux qui la composent naviguent entre se croire « trop intelligents » ou complètement c…s. Ils observeront que toute l’Assemblée est manichéenne vomissant ou adorant ce pauvre Macron complètement perdu et s’accrochant à sa planche pourrie de l’Union européenne.

Si la démocratie ne les intéresse pas, les uns comme l’autre, qu’ils continuent à penser que la violence verbale ou physique fera avancer le schmilblick! Les armes infantiliseront bientôt les deux parties.

Si la démocratie les intéresse, les uns comme l’autre, que l’Assemblée actuelle soit dissoute pour que, dans l’état d’esprit actuelle de la nation, une nouvelle assemblée, forcément multicolore soit élue.

On peut espérer que ce côté multicolore nous permettra enfin de comprendre qu’avant de chercher des solutions, il faut poser correctement les problèmes, ce qui pour l’instant ne préoccupe ni la diversité qui rend Macron si contradictoire ni celle des Gilets jaunes.

 

L’offre et la demande

L’équilibre entre l’offre et la demande est le lien fondamental entre les individus et les groupes, la justification de leurs échanges. L’anthropologue et professeur au Collège de France Marcel Mauss a parfaitement expliqué que dans tout groupe cohérent le don entraînait ce qu’il appelait le contre-don et que le « donner-recevoir-rendre » était au service du lien social et qu’il le nourrissait. Mauss a développé que le don et le contre-don était ce qu’il a appelé un « fait social total » à dimensions culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique et qu’il ne pouvait être réduit à l’une ou à l’autre de ses dimensions.

Les échanges fondés sur l’offre et la demande s’inscrivent dans des chaînes d’échanges et c’est la disharmonie actuelle de ces chaînes qui est à la base de toutes nos difficultés. Pour comprendre ce dysfonctionnement, il faut analyser les chaînes d’échange que les collectivités sont supposées activer lorsqu’elles ne sont plus naturelles entre les individus.

Il y a la chaîne d’échanges travail production monnaie, que l’on peut aussi appeler offre et demande de biens et de services. C’est l’activité des entreprises, celle qui fait produire aux individus des biens et des services qui vont chercher à se transformer en monnaie grâce à d’autres individus qui, en devenant clients, verront dans ces productions des richesses. C’est en abandonnant leur argent venant d’une autre chaîne d’échanges que les acheteurs mettent sur certaines productions leur tampon « richesse » alors que d’autres productions restent des encombrants, voire des déchets, par absence d’acheteurs.

L’autre chaîne d’échanges, celle génératrice de monnaie, est travail monnaie richesse, que l’on peut aussi appeler offre et demande de travail. Cette chaîne d’échanges part de l’énergie de chaque individu, tel qu’il est et tel qu’utilisable par le groupe. Dès que cette énergie utilisable est sollicitée, elle est, par son utilisation, transformée en monnaie. Et cette monnaie va ensuite reconnaître les richesses parmi les productions. Très curieusement cette sollicitation essentielle est actuellement quasiment réservée aux entreprises et à l’administration dont ce n’est pas la raison d’être, les unes devant produire, l’autre devant servir.

L’exemple de la vache illustre bien ces deux chaînes distinctes et complémentaires. Dans la première chaîne la vache produit entre autres du lait, des veaux et des bouses mais seuls le lait et les veaux se transforment en monnaie parce que dans la deuxième chaîne qui est humaine, seule l’énergie de la vache qui fabrique le lait ou les veaux est sollicitée. Son énergie fabriquant les bouses n’intéresse personne sinon les vétérinaires qui en connaissent la fonction vitale. Seul l’abandon de la monnaie pour obtenir du lait ou des veaux permet de voir que le lait et les veaux sont des richesses. L’autre production, la bouse, ne trouvant pas de client, sera un déchet et non une richesse, bien qu’elle soit aussi une production.

A l’intérieur d’une collectivité cohérente c’est le travail transformé en monnaie dans une chaîne d’échanges, qui juge, dans une autre chaîne d’échanges, de la valeur des productions nées également du travail.

La complémentarité de ces deux chaînes d’échanges fait qu’il est normalement impossible de faire fonctionner l’une sans faire fonctionner l’autre. L’une est l’offre et la demande de la production, l’autre est l’offre et la demande du producteur. Toutes les civilisations l’ont tout naturellement vérifié dans tous leurs systèmes cohérents. Pour ne prendre que notre civilisation, cela a été l’oïkos grec, la domus et la familia latines, le village, la nation (étymologiquement l’endroit où l’on est né), la patrie (étymologiquement la terre de nos pères). Le travail reconnu utile par le groupe se transforme en monnaie qui reconnait éventuellement comme richesse le résultat du travail des autres. C’est le « donner recevoir rendre » de Marcel Mauss après introduction de la monnaie.

Mais pour des raisons idéologiques et électorales, nous avons déconnecté ces deux chaînes et subordonné la valeur du producteur à la valeur de la production, nous avons négligé la chaîne qui constate la richesse au profit de celle qui prétend la produire. L’être humain n’a plus été considéré essentiellement comme producteur mais comme électeur et comme consommateur. Les hommes ont été incités à moins travailler et les femmes à moins faire d’enfants pour pouvoir consommer et remercier régulièrement, par un vote approprié, les initiateurs de ce nouvel eldorado. La collectivité s’est arrêtée de jouer son rôle d’activateur de chaînes d’échange pour s’atteler à la tâche infernale de la justification d’un système impossible. Elle n’a pas lésiné sur les moyens en n’en oubliant aucun.

Elle a dissous la notion de collectivité cohérente en créant des illusions de cohérence depuis la fin de la deuxième guerre mondiale comme la déclaration universelle des droits de l’homme, l’Union Européenne, les G6 G7 G8 G9 ou G20, l’OMC ou l’ONU, toutes ces collectivités ayant comme raison première de faire tenir un système qui subordonne le producteur à la production tout en flattant l’électeur et en ponctionnant le consommateur. Les médias, aux mains de la finance, sont chargés de fabriquer notre consentement.

Elle a laissé s’installer des monnaies qui ne sont plus du travail transformé mais le moyen de faire discrètement payer aux peuples l’enrichissement d’une petite minorité par le report systématique de la prise de conscience de leur dévaluation.

Elle a décrété que toute production était une richesse et que l’on créait des richesses chaque fois que l’on produisait. La richesse à bas prix est devenue l’horizon électoral avec une mécanisation très coûteuse qui ne libère l’homme que pour le payer à ne rien faire, c’est-à-dire pour le dégrader tout en dévaluant la monnaie.

Mais surtout elle s’acharne à fabriquer notre consentement en utilisant la formidable avancée technologique de communication que sont les médias, aux mains de la finance, pour nous faire regarder ailleurs et pour organiser la fuite en avant.

Regarder ailleurs en vantant la notion de progrès qui ne veut rien dire puisque progresser veut dire à la fois monter ou descendre selon que l’on s’en sert pour un alpiniste ou un spéléologue. Le progrès, débarrassé de son but, permet de prendre toutes les vessies pour des lanternes, surtout en chiffrant tout même l’inchiffrable.

Regarder ailleurs en ressuscitant les vieilles lunes du panem et circenses, du pain et des jeux par la triple imbécillité des subventions, de la professionnalisation du sport et de la généralisation du jeu sous toutes ses formes qui doit faire oublier, dès le plus jeune âge, le travail qui est notre dépense utile d’énergie et le devoir qui est notre dette vis-à-vis de la collectivité.

Mais c’est surtout en organisant la fuite en avant que notre collectivité se suicide sans réagir autrement qu’individuellement.

Davantage de collectivités incohérentes comme, en France, les communautés de communes et les régions, et dans le monde, les LGBT qui se sont accaparés l’arc-en-ciel, le Vegan ou l’écologie avec leurs réponses simples à des problèmes compliqués, le féminisme galopant qui demande partout la parité sauf dans la fabrication des enfants, les stupides traités commerciaux et la multiplication à l’envi des rencontres sportives et des jeux d’argent.

Davantage de monnaies façon système de Law, assignats, emprunt russe ou bitcoin avec une nuée de petits maîtres venant expliquer à qui veut l’entendre que c’est en jonglant avec les monnaies que l’on réglera les problèmes.

Davantage de productions en pillant les ressources de la Terre rétrogradée au niveau de la planète, en promettant un pays de cocagne au mâles blancs tout en les mettant au chômage, et en faisant travailler les trois esclavages que sont l’esclavage de notre descendance par la dette, l’esclavage des autres civilisations chez elles par la mondialisation et l’esclavage des autres civilisations chez nous par l’immigration.

Et avec d’un côté une armada de conseillers et de petits maîtres venant expliquer les détails qu’il faut changer pour que cela marche et de l’autre, une incapacité à se regrouper de tous ceux qui pressentent le désastre, par le fait que chacun se limite à son constat personnel sans prendre conscience de l’ampleur du drame et du fait générateur.

Seule une prise conscience populaire ( par les réseaux sociaux ? ) a une chance de nous régénérer en remettant au niveau de la production, le producteur tel qu’il est, sans vouloir le transformer, ce que la guerre et le terrorisme font malheureusement admirablement. C’est parce que la guerre et le terrorisme prennent les gens comme ils sont et non comme ils devraient être d’après les entreprises embaucheuses, qu’il n’y a, en temps de guerre, que des chômeurs volontaires. Ne pourrions-nous pas nous en inspirer sans aspirer la guerre et le terrorisme comme nous le faisons en voulant former tout au long de la vie un matériau humain déraciné et interchangeable ?

Encore faudrait-il trouver ou créer une collectivité qui porterait ce message que les médias ont sur ordre décrété impopulaire. Est-ce rêver que d’y croire ?

La spiritualité collective

La fausse démocratie dans laquelle nous croupissons actuellement et qui semble inattaquable, n’est que le pouvoir de l’argent sur l’affectivité de la foule. Elle est aux mêmes niveaux mental et moral que le pogrom russe ou le lynchage américain, même si les tireurs de ficelle ne sont pas les mêmes. La devise imbécile « un homme, une voix » est l’invention récente de ceux qui savent que n’importe quelle foule se manipule avec de l’argent et qu’une campagne électorale victorieuse est hors de prix. La doxa nous fait d’ailleurs payer à tous, par le remboursement des frais de campagne, le prix de notre propre manipulation. Les tentatives grecques de démocratie limitaient le droit de vote aux producteurs de blé ou d’huile, c’est-à-dire à ceux qui prenaient des risques personnels lorsqu’ils distribuaient le pouvoir. La très belle formule d’Abraham Lincoln « Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » cherche toujours comment elle pourrait devenir réalité, et, depuis que toutes les monnaies ont été déconnectées de toute matérialité, la fausse démocratie met partout au pouvoir les plus roublards parmi lesquels il peut y en avoir d’honnêtes, ce qui ne veut pas dire compétents.

En attendant l’étude de la viabilité d’une vraie démocratie par les deux seules entrées possibles du permis de voter et du tirage au sort, nous pouvons observer que les règnes animal et végétal ne sont fondés que sur les deux pieds de la survie et de la reproduction. L’homme ne fait que rajouter à ces deux pieds la recherche du sens de cette survie et de cette reproduction. C’est sur cette recherche de sens que la merveilleuse diversité humaine a apporté au cours des millénaires des réponses variées qui étaient toutes des spiritualités collectives qui harmonisaient l’action, la réflexion et la communication. Toutes ces réponses ont constitué les civilisations et, bien évidemment, chacune a défendu l’idée que sa réponse était la bonne. Pendant des siècles des voyageurs individuels sont allés s’enrichir des réponses des autres pendant que des cohortes armées imposaient régulièrement la leur. Dieu, s’il a toujours été dans tous les cœurs qui désirent s’améliorer eux-mêmes, a toujours été aussi le protecteur de toutes les armées qui veulent améliorer les autres. Dans toutes les civilisations, la spiritualité collective a toujours été à la fois empreinte d’hypocrisie et le refuge de toutes les douleurs indicibles.

Mais depuis trois siècles, depuis le siècle dit des Lumières, l’Occident a rejeté la spiritualité collective et s’est enfermé dans une nouvelle approche totalement incohérente du sens de la survie et de la reproduction. Comme tout ce qui est incohérent, on ne peut lui donner une apparence de vérité qu’en le déclarant universel et en l’imposant à toute l’humanité avec l’aide de potentats locaux formatés dans les universités occidentales.

Le nouveau sens de la vie est de laisser plus de biens à ses enfants qu’on n’en a reçu de ses parents tout en travaillant le moins possible et en « profitant de la vie ». Sans oublier bien sûr d’être généreux pour avoir bonne conscience.

Se met donc en place un système totalement impossible et fondamentalement contradictoire ou tout s’inverse pour que ce soit possible et où rien ne s’inverse pour que ce soit crédible.

Ayant inventé des moyens fabuleux de communication, l’Occident a laissé la communication se détacher des réalités de l’action et de la réflexion qui la canalisaient. N’étant plus confrontée à la réalité et se repliant sur elle-même, la communication est devenue délirante pour plaire et mondiale pour ne pas être contredite. Ce délire mondial, orchestré par les médias, n’est plus combattu que par le bon sens populaire dédaigneusement appelé populisme. Les agences de presse, de moins en moins nombreuses, décident de ce qui doit être diffusé en éclairant violemment une partie de la scène publique soigneusement sélectionnée pour ne surtout pas avoir de vue d’ensemble. Les rares journalistes d’investigation, espèce en voie de disparition, sont tellement imprégnés de leur idéologie qu’ils en deviennent borgnes comme à Médiapart. Faut-il rappeler qu’un œil de verre fait croire à la vision globale mais enlève à la vision toute sa profondeur ?

La contradiction du système se retrouve évidemment partout.

En économie on attend impatiemment le retour de la croissance dont on cache qu’elle n’est que l’augmentation de nos dépenses. Il faut investir et consommer, donc dépenser, mais l’austérité, indispensable à la bonne gestion, nous oblige en même temps à moins dépenser. On a inventé pour le bon peuple, le mythe de la richesse future que le verbe investir résume dans sa stupidité. Il y est aidé par le revenu universel, par la monnaie hélicoptère et surtout par le scandaleux principe de pérennité dans la comptabilité des entreprises qui interdit aux entreprises de prévoir leur mort en la provisionnant. Cela permet de faire croire dans leurs bilans à des bénéfices que tout le monde se dispute alors qu’elles ne font que des pertes qui n’apparaîtront que lorsqu’elles déposeront le bilan. On croit résoudre le problème en se déchirant entre une droite qui veut dépenser moins pour pouvoir ensuite dépenser plus, et une gauche qui veut dépenser plus pour pouvoir ensuite dépenser moins.

En éducation qu’on limite à la communication d’un savoir trié dans les officines ministérielles, on officialise un enseignement théorique souvent faux et toujours ennuyeux, braqué sur un long terme imaginé sans contredit possible. En même temps, la vie scolaire et universitaire, hors école et université, apprend l’immédiateté, la facilité et le plaisir, dans une vie parfaitement conforme au nouveau sens de la vie. Le grand écart entre l’enseignement dispensé et la réalité du quotidien étudiant, génère en même temps un oubli du futur et la justification de cet oubli par la sensiblerie du moment. Oubliée la survie et la reproduction au profit du plaisir du moment. Vive le divorce, la contraception, l’avortement et tant pis si, au nom de la mobilité si nécessaire à nos marionnettistes, tout enracinement doit être détruit ! Nous inventons l’arbre à roulettes en regrettant qu’il ne pousse pas bien. Supprimés les sexes et les races qui ne peuvent même plus être complémentaires puisque si on les différencie c’est qu’on veut les hiérarchiser. On passe d’une multitudes de races et de deux sexes à une seule race et à une multitude de sexes. On ne sait même plus si sexisme et racisme sont les constats de différences évidentes ou la honte de se croire meilleur en tout. Vive le matériau humain indifférencié qui devra découvrir par la dureté de son expérience que le nouveau sens de la vie est un cul-de-sac et que travail, famille et patrie ne sont pas des gros mots !

Les contradictions du politique sont tellement criantes qu’il est inutile de prendre de la place à s’y appesantir. Que le tout petit nombre qui ne les verraient pas et qui continueraient à en attendre quelque chose en l’état, s’asseyent et ouvrent les yeux.

Ce sont évidemment les conséquences de ce nouveau sens donné à la vie par l’Occident qui sont catastrophiques et qui nous attendent si nous ne réagissons pas. Comme il est strictement impossible de laisser plus à ses enfants que l’on n’a reçu de ses parents sans que d’autres s’appauvrissent, la réalité c’est que la vie n’a plus de sens si l’on n’est pas un salaud et que, tout naturellement, pendant que le système tente de mettre en place une spiritualité collective aseptisée et inefficace qu’il appelle laïcité, la civilisation arabe marque des points en étant cohérente avec sa spiritualité collective, aussi hypocrite que les autres mais aussi vrai refuge pour les douleurs indicibles. La prière en islam, son quatrième pilier, est interdite individuellement et interdite aux enfants impubères. Elle est rituelle et collective.

Toutes les religions sont des spiritualités collectives et elles enseignent toutes l’amour à l’intérieur et la défense vis-à-vis de l’extérieur. Cette défense dans toute l’histoire de l’humanité a été violente préférant donner la mort plutôt qu’accepter une remise en cause du sens de la vie qui est amour à l’intérieur de la civilisation.

La tentative puérile de l’Occident depuis la démission du christianisme qui s’est cru universel, de faire de la laïcité, la nouvelle religion tiède sans épines, génère comme toutes les autres religions vivantes mais avec sa tiédeur, la volonté de tuer tous ceux qui ne veulent pas  y adhérer. Pour tuer avec tiédeur on va inscrire la laïcité dans la constitution. Mais quand on n’est protégé que par une barrière de roseau et que l’on a oublié sa propre spiritualité collective qui a été violente et efficace comme toutes les autres, on laisse la place à ce qui est vivant même si cela ne nous correspond pas du tout.

Tout s’inverse

C’est très naturellement le 1er mai, fête du travail, seule fête dont on exclut curieusement celui que l’on fête, que nous sommes portés à réfléchir au pourquoi tout s’inverse depuis un demi-siècle. Deux chocs apparemment distincts, quasi simultanés et malheureusement complémentaires, tous deux conséquences lentement mûries du conflit mondial, font vaciller notre civilisation : le choc sociétal de mai 1968, héritier du chewing-gum, du jean, du jazz et de la Libération, et le choc économique d’août 1971 décidé par Nixon devant le fiasco des accords de Bretton Woods de 1944.

Dans son livre The case against education (Procès de l’éducation) l’économiste américain Bryan Caplan, professeur à la GMU, l’université de Virginie « où l’innovation est une tradition », souligne que la réussite, tant scolaire qu’universitaire et professionnelle, ne dépend que du cumul de trois qualités: être intelligent, consciencieux et conformiste (intelligence, work ethic et conformity).

Cette formulation particulièrement intéressante souligne la nécessité d’être à l’aise dans un groupe pour y réussir. Caplan remarque qu’être intelligent et travailleur ne suffit pas et qu’il faut aussi être conforme à ce que le groupe attend de chacun. Mais depuis la deuxième guerre mondiale et ses bouleversements idéologiques, la société occidentale ne renonce-t-elle pas à confronter son intelligence et sa conscience à la réalité ? Ne cherche-t-elle pas à transformer la réalité pour qu’elle soit conforme à ce que la théorie du moment voudrait qu’elle soit. Pour être conforme à ce que la société attend de nous, ne devrions-nous pas renoncer à comprendre et nous contenter comme tout le monde de commenter en étant perplexe ?

L’expérience peut bien montrer toute l’inanité des théories à la mode, la classe politico-médiatique va monter au créneau pour expliquer consciencieusement, et avec une vraie habileté des mots, qu’il faut garder la même ligne, y rester non seulement conforme mais s’en rapprocher toujours davantage.

La difficulté est que l’intelligence s’oppose bien vite au conformisme. Y être consciencieux devient un écartèlement permanent qui engendre le burn-out quand on ne s’évade pas façon Michel Onfray qui a décidé que notre civilisation était foutue « Le bateau coule, mourez debout ! » ou quand on ne fait pas de la fuite en avant façon Jacques Attali.

Le cas Attali est intéressant car il est impossible de l’éviter quel que soit le média. Impossible de ne pas entendre sa sempiternelle analyse fondée sur les trois pieds présentés comme solides de la démocratie, du marché et de l’initiative personnelle. Sauf que…la démocratie nous dit que l’homme est tout et que rien n’est plus important que de l’écouter individuellement par le vote. Le marché en revanche nous dit que l’homme indifférencié n’est rien, qu’il est passé en deux siècles de 1 à 6 milliards, et que seule la rareté fait la valeur. En y rajoutant l’initiative personnelle nous obtenons la profondeur de la pensée de Jacques Attali « Débrouille-toi entre moins l’infini et plus l’infini ». Voilà le plus bel exemple du penseur actuel intelligent, consciencieux et conformiste, produit réussi et reconnu de notre système éducatif dévoyé, bâton de vieillesse de tous nos dirigeants, y compris des plus jeunes, et rideau de fumée fortuné masquant la réalité.

Dans toutes les civilisations, être intelligent, consciencieux et conformiste forment un tout que l’on peut aussi exprimer par la réussite combinée de la réflexion, de l’action et de l’échange. Le formuler permet de prendre conscience de la cohérence indispensable entre les trois. Être intelligent c’est comprendre, comprendre c’est étymologiquement prendre ensemble et c’est donc à la fois réfléchir et agir en cohérence tant avec soi-même qu’avec le groupe. Mais quand cette harmonie n’est plus que dogmatique et se heurte à la réalité, quand, au lieu de se remettre en question, on remet en question la réalité, c’est l’harmonie qui part en morceaux. Le bien ne se différencie plus du mal, pas plus le beau du laid que le vrai du faux. En revanche, comme il faut bien paraître et faire impression, les dogmes fleurissent de toutes parts et la société de l’apparence se farde de mensonges déguisés en vérités, de laideurs présentés comme des beautés, et de vices qui deviennent des vertus, tout cela sous forme de directives, de lois et de références médiatiques. Tout s’inverse dans la société de l’apparence et résister à l’inversion devient délictueux. La liberté d’expression n’y est plus qu’un mythe vénéré, un mensonge vertueux.

L’intelligence, la conscience et le conformisme n’étant plus liés, des groupes disparates se forment suivant ce qui est abandonné en premier, sachant que chaque groupe se subdivise ensuite suivant ce qui est largué en second. Comme tout s’inverse, c’est ce que chaque groupe abandonne en premier qui lui sert curieusement d’étendard dans lequel il se drape.

Honneur à nos dirigeants (tout est inversé !) qui ont abandonné la conscience pour nous faire des cours de morale. La classe politico-économico-médiatique est intelligente, elle est conformiste en n’accueillant que ceux qui sont conformes à sa doxa, mais elle se moque éperdument des peuples en ne s’intéressant vraiment qu’à elle-même. Etant parfaitement consciente que tout empire chaque jour, elle se sépare entre ceux qui abandonnent le vivre ensemble et ne pensent qu’à partir n’importe où, mais ailleurs (très à la mode chez les étudiants formatés et chez les politiques qui achètent à l’étranger), et ceux qui abandonnent l’intelligence pour se réfugier dans des formes communes irréalistes comme l’Union européenne ou le mondialisme de « la » planète.

Il y a ensuite les peuples qui ne cherchent pas à comprendre tout en croyant tout comprendre dans ce qu’il est convenu d’appeler les discussions du café du commerce. Ils se réfugient dans leurs communautés quotidiennes, sont consciencieux dans leur activité et sentent bien qu’il faudra un jour affronter les problèmes. Ils se séparent entre ceux qui restent consciencieux par principe et vont voter en sachant que cela ne sert à rien et que l’on traite de populistes, et ceux qui s’abstiennent de voter par réalisme et se réfugient dans les communautarismes.

Il y a enfin un certain nombre de personnes qui essaient de comprendre en conscience ce qui se passe et qui rêvent d’un espace cohérent qui marierait intelligence, conscience et vivre ensemble. Ce troisième groupe qui est perpétuellement tenté d’abandonner l’action que sa conscience lui impose ou d’abandonner la réflexion qui ne semble pas faire bouger grand-chose, ne fait rien pour se regrouper et ronge son frein.

Pendant que ces trois groupes s’agitent ou s’endorment dans une inefficacité qui nous rassemble tous, tout s’inverse en tous domaines avec une classe dirigeante très bien rémunérée qui nous explique et nous impose, que le laid est beau, que le faux est vrai et que le vice est vertu, bref que notre civilisation est morte. Le système remplace dorénavant la civilisation. Comme tout s’inverse nous l’imposons bien sûr, et pour son bien, à toute l’humanité sur « la » planète puisqu’il n’y en a évidemment qu’une dans tout l’univers. La Terre était pourtant un très joli nom avant qu’il ne soit confisqué par des gens qui veulent tout planifier en absence de vision.

L’inversion générale se fait par le cumul d’une absence de but, d’un moteur qui tourne à l’envers et d’un laisser-aller généralisé qui a les réponses à tout et n’attend que les « moyens ».

Complètement perdus, nous ne savons qu’hésiter et nous entre-déchirer entre réformes, révoltes et révolutions pour surtout ne rien faire et rester dans l’apparence.

Pour le système il n’est plus nécessaire de donner un sens à sa vie, il suffit de profiter de la vie, ce qui fait vivre dans l’immédiateté et n’envisager le futur que sous l’angle de la jouissance des biens matériels, c’est-à-dire de la peur du lendemain. Cette jouissance ne vise que le plaisir, rend le bonheur chimérique et nourrit l’angoisse tout en tentant de l’anesthésier. La spiritualité collective se ringardise ou s’impose dans le cas de l’islam, ce qui le rend sécurisant pour beaucoup.

Côté moteur toutes les civilisations savent que c’est la coopération, le travailler ensemble, qui fait vivre les peuples et qui est une culture de vie. Nous l’avons oublié en prônant la compétition, culture de mort dont le seul but est de faire mourir les autres avant soi. Bien savoir faire mourir les autres avant soi, c’est être reconnu et admiré comme compétitif. Mais un peuple qui n’utilise pas l’énergie de ses membres et qui invente la notion de chômage pour masquer son incapacité et ne pas s’en sentir responsable, est d’une rare inconscience. S’il refuse d’en prendre conscience c’est qu’il ne se sent plus du tout un peuple. Si Poutine et Orban sont les seuls dirigeants européens à améliorer leur score électoral et à ne pas alimenter le dégagisme, c’est qu’ils ont compris que leurs peuples voulaient être des peuples sans être traité dédaigneusement de populistes par tous les incompétents. Nous ne sommes pas encore sortis des remous de la deuxième guerre mondiale et collaboration n’a pas encore repris son vrai sens de travailler ensemble, comme les trois beaux mots de travail, de famille et de patrie continuent, dès qu’on les rassemble, à être honnis au lieu d’être vénérés comme essentiels.

Mais l’incohérence d’une vie dont le seul but est d’être compétitif pour le plaisir des puissants, ne serait pas possible sans l’invention diaboliquement géniale de la création permanente de richesses qui permet tous les laxismes.

Le système est incroyablement simple. On fabrique de la monnaie à flot continu et on explique en inversant les facteurs que dépenser permet de créer de la richesse. Le XXe siècle a donné pour cela un nouveau sens au verbe « investir » qui veut renvoyer Aristote à ses études puisqu’il avait « vainement cherché sur une pièce de monnaie ses organes reproducteurs ». Le système veut nous faire croire qu’il a trouvé comment se faire reproduire la monnaie alors que nous la fabriquons tout simplement.

Pour la fabrication tout le monde s’y met, des banques centrales aux particuliers. Les banques centrales rachètent des créances mais comme on est dans l’inversion on dit qu’elles rachètent des dettes (le fameux quantitative easing), les états et les collectivités ont des budgets déficitaires (Maastricht l’officialise avec la limite imbécile et non respectée à 3% du PIB, serinée par les médias comme 3% tout court, alors qu’il ne s’agit que de limiter l’augmentation de nos dépenses à 3% par an sans se soucier de savoir comment payer). Les entreprises accordent des délais de paiement, les particuliers utilisent leurs cartes de crédit pour jouir tout de suite et payer plus tard. Et surtout les banques créent des torrents d’argent par la double écriture (mise à disposition au passif et récupération éventuelle à l’actif, récupération rachetable par la banque centrale). Prêter contre rémunération de l’argent que l’on crée soi-même permet aux banques de se croire très à l’aise. Comme on peut le lire dans Les Echos « BNP Paribas, Société Générale et Natixis comptent une centaine de banquiers s’étant vu attribuer une rémunération supérieure à un million d’euros au titre de 2017 en France ».

Cette folie généralisée, cette création de monnaie qui s’appelait encore inflation il y a 50 ans à la mort du chanoine Kir, député-maire de Dijon, n’a plus de nom aujourd’hui pour ne pas être remarquée. On a inversé le sens du mot inflation pour faire disparaître son vrai sens. Alors qu’il était l’inflation de l’argent, de la monnaie qui enflait, il est devenu aujourd’hui la hausse des prix qui n’est pourtant que la conséquence naturelle de la véritable inflation, celle de la monnaie. Pour faire oublier la cause, on ne montre que la conséquence. Il ne faut plus dire « J’ai mal à la tête », il faut dire « J’ai de l’aspirine ». C’est plus discret et moins dérangeant.

Pour faire croire que cette folie était intelligente dans ce monde où tout s’inverse, on a réussi à mettre dans les esprits que créer sans limite de la monnaie est une création de richesses puisque l’on mesure maintenant la richesse par notre capacité à dépenser. L’INSEE nous apprend même que le PIB, somme de toutes nos dépenses, publiques et privées, intelligentes ou stupides, est notre Produit Intérieur Brut, une prétendue ressource dont nous pourrions grignoter des pourcentages pour tout résoudre. Les médias  en font la mesure d’une création annuelle de richesses et on en fait même une référence. C’est l’ordonnée que personne ne regarde, des courbes qui sont censées nous convaincre. L’Union européenne, dans son immense intelligence coutumière, nous rappelle même que les dépenses criminelles comme la prostitution ou l’achat de stupéfiants doivent être comptabilisées dans le PIB créateur de richesses. Quand le PIB ralentit de 0,3 % au 1er trimestre 2018, Les Echos explique que cette « perte de dynamisme tient à la vigueur moindre des investissements ». On ne dépense pas assez.

De bons esprits viennent expliquer que si quelqu’un dépense, quelqu’un d’autre encaisse, et que les entreprises fabriquent de la valeur ajoutée, cette richesse que nous nous partageons. Quelle erreur ! Si les entreprises encaissent en effet plus qu’elles ne payent, elles ne font que répartir l’argent de leurs clients plus ou moins arbitrairement entre leurs fournisseurs, leurs salariés, leurs actionnaires et la collectivité sous forme de charges, de taxes et d’impôts. Il suffit donc de distribuer de l’argent aux clients pour faire croire que les productions des entreprises sont des richesses. On y vient avec les augmentations de salaires, les emprunts et demain, le revenu universel et la monnaie hélicoptère que Mario Draghi, patron de la Banque Centrale Européenne, trouve « intéressante ». Cela s’appelle la société de consommation qui n’est qu’une société de l’apparence.

La réalité est que la monnaie n’est comme l’électricité qu’un véhicule d’énergie et qu’à force de se croire intelligents nous avons oublié que la source de la monnaie est l’énergie humaine. Nous avons déconnecté notre énergie de la monnaie, transformant nos monnaies en fausses monnaies.

D’un côté notre énergie, peu utilisée pour l’effort, s’évacue maintenant par le sport qui a oublié son étymologie de desport ou déport, simple amusement en français du siècle des Lumières. Et de l’autre nous utilisons de la fausse monnaie pour acheter ce que nous ne fabriquons plus. Nous achetons même avec de la fausse monnaie notre dépense personnelle d’énergie au travers des sports d’hiver et des salles de sport quand nous ne la sous-traitons pas par le sponsoring. La dette s’accumule car il faudra bien qu’une véritable énergie vienne prendre la place de cette fausse énergie.

Pour qu’acheter soit possible, pour que le privé augmente les salaires et que le public subventionne, embauche et dépense, tout le monde emprunte. On a inventé la monnaie-dette en ne cherchant surtout pas à savoir à qui on devrait rembourser puisque la monnaie est créée à partir d’une simple volonté politique. Il suffit de se dire que nous allons créer des richesses pour rembourser, et donc dépenser encore davantage en créant toujours plus de monnaie-dette. Fin 2017 la dette mondiale était de 237.000 milliards de dollars (192.000 milliards d’euros, 32.000 € par habitant de la Terre, du bébé au vieillard grabataire). Rien que la dette publique française augmente de 100.000 € toutes les 43 secondes et les dettes privées sont beaucoup plus importantes que les dettes publiques.

L’addition du dogme du PIB «dépenser pour se croire riche» et de la facilité du «dépenser puisqu’on est riche» fait que tout est centré sur la recherche d’argent. Le désir d’argent avec un minimum d’effort devient le premier moteur totalement malsain de la vie qui fonctionne à plein pour les puissants. Il ne faut parait-il que des « moyens » et nous les avons. Le peuple lui, doit restreindre chaque année davantage son niveau de vie avec la douce musique sédative qu’on va le lui augmenter.

Se passe alors ce que nous constatons tous les jours, une fracture entre le peuple qui n’a pas accès à l’emprunt et la classe dirigeante qui y a accès. L’inconscient collectif sait que le système financier va exploser et que la monnaie ne vaut objectivement rien. Il sait que le jour de l’explosion, ceux qui auront de l’argent ou une rente perdront tout, les retraités pour survivre, devront vendre leurs biens dans un marché qui s’effondrera par manque d’acheteurs. En même temps ceux qui posséderont les biens en s’étant endettés, ne perdront que leurs dettes.

Cette fracture est tellement traumatisante que nous avons du mal à l’analyser calmement. Soit nous la nions façon « cela a toujours été comme ça », soit nous en profitons en nous endettant au maximum sans savoir si nous pourrons comme les puissants nous ré-endetter pour rembourser, soit nous vivons au jour le jour dans un déni de société, en attente des événements.

Dans tous les cas le mal-être s’installe car le système veut nous faire croire qu’il n’y a qu’une civilisation, la sienne, et qu’il faut être individuellement responsable des problèmes planétaires.

Même le pape s’y soumet. Il a fait publier le 21 août 2017 un texte sur les migrants précisant que leur « sécurité personnelle » passe « avant la sécurité nationale».

« Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus-Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté…. Notre réponse commune pourrait s’articuler autour de quatre verbes fondés sur les principes de la doctrine de l’Église : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer».

Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer sont, comme rejeter, des verbes actifs qui présupposent l’existence d’un sujet qui les anime. En ne privilégiant pas la sécurité nationale, le pape François choisit comme sujet de ces verbes l’individu ou la globalité de la catholicité (universalité en grec). Il se range délibérément ou inconsciemment dans le camp des puissants qui ne pensent qu’initiative personnelle et mondialisme. Il dédaigne les nations intermédiaires, sans renoncer pour autant à ses propres intermédiaires, les diocèses, même si les paroisses se regroupent par manque de prêtres. Il se range dans une sous-catégorie particulière qui vit à la fois dans le rêve de l’universalité tout en étant dans un ailleurs mental impossible où cette universalité se ferait naturellement et en douceur. L’islam ne fait pas cette erreur.

Nous verrons dans un prochain billet comment l’oubli de l’origine humaine de la monnaie détruit les perspectives, tente de réduire le travail à une fête dont nous l’excluons, et rend l’effort quotidien sans attrait et déconnecté de la vie. Nous ferons le lien avec notre enfermement dans l’immédiateté, dans la facilité du moment et dans l’inversion des valeurs. Nous verrons comment la machine la plus extraordinairement performante et la moins coûteuse, en fabrication comme en entretien et en remise en état, la machine fabuleuse qu’est l’être humain, s’est laissée banaliser et indifférencier par des idéologies décadentes. Nous verrons comment l’incompréhension de la monnaie et la peur de la mort nous en a fait préférer la longévité très coûteuse au renouvellement bon marché et nous a fait croire, en inversant tout, aux vertus magiques et très provisoires du « gratuit », de la recherche médicale, de l’innovation et de l’intelligence artificielle. La classe politico-médiatique se nourrit de ces chimères qui n’existent pourtant que par la fausse monnaie.

Mais puisque nous somme le 1er mai, gloire au travail ! Notre civilisation n’est pas du tout morte, elle est simplement malade de nos peurs.