Travailler pour fabriquer

C’est un vrai plaisir de voir la classe dirigeante respecter enfin le « droit au travail » du préambule de la Constitution et mettre unanimement l’emploi en priorité absolue. Mais personne n’envisage d’autres moyens que le retour de la croissance et leur seule activité est de se disputer pour savoir s’il faut la faire revenir par l’offre ou par la demande.

Comme personne ne comprend et qu’évidemment ni l’une ni l’autre ne fonctionne, le débat commence à être haineux.

Commençons par comprendre ce qu’ils voudraient dire. Rappelons pour la forme que le PIB est une mesure d’activité d’un espace donné pendant un temps donné et qu’il peut se calculer de trois façons comme cela est écrit sur le site de l’INSEE et comme cela a déjà été écrit pour un marché forain.

Le PIB du marché peut être calculé par les marchandises apportées le matin par les forains et les maraichers moins celles remportées à la fin, le tout chiffré à leur prix de marché. C’est le PIB INSEE par la valeur ajoutée si chère à nos économistes qui expliquent par là le terme de Produit.

Le PIB du marché peut être aussi calculé en additionnant l’argent qui est dans les poches de tous les gens rentrant sur le marché et en en soustrayant ce qu’ils ont encore en partant. C’est le PIB INSEE par la distribution.

Le PIB du marché peut être enfin calculé en additionnant toutes les transactions. C’est le PIB INSEE par la dépense, évidemment le plus simple à calculer mais le plus difficile à faire passer pour un produit.

Le PIB est donc clairement, non un produit mais une activité qui peut facilement se réduire à une simple agitation.

Que disent nos dirigeants ? Ils affirment à très juste titre que si le marché croît et recouvre tout le quartier, cette croissance créera des emplois de vendeurs chez les maraichers, chez les forains et dans tous les commerces adjacents.

Mais au lieu de regarder le problème du déclin du marché dans sa complexité et surtout dans sa vérité dérangeante, ils se séparent en deux simplismes opposés et évidemment tout aussi inefficaces l’un que l’autre.

Le premier est de faire de la relance par l’offre et de faire venir plus de maraichers, plus de forains. S’il n’y a pas les acheteurs cela ne marche évidemment pas. C’est pourtant la solution des gens qui se disent de droite. Le second est de faire de la relance par la demande, par l’augmentation de la consommation en remplissant les poches de tous les gens qui entrent sur le marché. S’il n’y a rien à vendre cela ne peut pas marcher non plus. C’était la solution des gens qui se croient de gauche et qui, devant l’échec évident de leur simplisme, sont en train de tourner casaque pour enfourcher le cheval de la relance par l’offre qui ne peut pas plus marcher que la relance par la demande.

Les somptueux économistes que nous avons, ont expliqué aux partisans de la relance par la demande qui se demandaient comment trouver des marchandises à vendre, qu’il n’y avait qu’à importer ce qui permettrait de faire de la croissance par la consommation. Personne n’a jamais expliqué d’où viendrait l’argent qui permettrait à la fois d’être mis dans la poche des consommateurs et d’acheter de quoi leur vendre.

D’autres économistes tout aussi distingués ont tout expliqué aux partisans de plus en plus nombreux dans leur apparente sagesse de la relance par l’offre et qui se demandaient qui viendrait acheter les marchandises à vendre. Ils leur ont dit qu’il n’y avait qu’à vendre à tous les étrangers et faire de l’exportation grâce à l’Europe et à la mondialisation. Personne n’a jamais expliqué comment les mêmes marchandises pouvaient être en même temps sur le marché et exportées pour avoir l’argent nécessaire à leur achat sur le marché.

Faut-il en rire ou faut-il en pleurer ? C’est du même niveau que la querelle entre vouloir dépenser plus pour dépenser moins, c’est-à-dire faire de la croissance pour rembourser la dette, ou vouloir dépenser moins pour dépenser plus, c’est-à-dire accepter l’austérité pour atteindre la prospérité.

Pourquoi des gens intelligents se complaisent-ils dans de telles fadaises enrubannées de médias, en les faisant proférer par une dizaine de satrapes repus qu’on a laissés déguiser leur incompétence en expertise ?

La réponse est malheureusement très simple. Pour relancer le marché, il faut à la fois fabriquer ce qui sera à vendre et à la fois travailler pour avoir l’argent pour l’acheter. Il faut travailler pour fabriquer. Les foires montraient la prospérité d’une région car jusqu’au XXème siècle on y travaillait pour fabriquer.

Mais aujourd’hui vouloir mettre de l’argent dans les poches des gens pour leur faire acheter des produits importés ne mène pas loin. Pas plus que se gargariser en pensant que notre système éducatif fabrique une telle intelligence que la Terre entière va venir nous l’acheter en nous évitant le travail. La vanité fait rire, elle ne nourrit pas.

Travailler plus pour produire réellement nous-mêmes et acheter moins facilement car supprimer l’esclavage nous coutera très cher, est évidemment la seule sortie de crise possible. Mais il n’y a que deux voies pour cela : le protectionnisme et la guerre qui seuls nous mettront en face de nous-mêmes.

Les Politiques n’aiment pas le protectionnisme car mettre les Français en face d’eux-mêmes n’est pas électoral. Comme le disait un spécialiste du monde politique à un candidat qui voulait dire la vérité : « Tu veux dire la vérité ou être élu ? ».

Les élus ont tous choisis d’être élus. Ils ne sont pas pourris, ils sont cohérents. Ils ne peuvent choisir le protectionnisme sans affronter leurs électeurs, ce qu’ils ne peuvent envisager. Ils laissent la guerre nous mettre en face de nous-mêmes. Ils clament que le protectionnisme mène à la guerre mais ce sont eux qui,  consciemment ou inconsciemment, ont choisi la guerre. Le côté haineux du débat actuel commence déjà à fabriquer les boucs émissaires possibles.

Louis XV disait déjà : « Après moi le déluge ! ». Serions-nous tous des Louis XV ? Allons-nous attendre qu’ils nous disent tous comme Mac Mahon : « Que d’eau ! Que d’eau !  » ?

Renouer avec la prospérité

Un « journaliste économique  » d’Europe 1 expliquait récemment que pour renouer avec la prospérité il fallait accepter la rigueur.

Le discours politico-médiatique est en crise car il vit mal son écartèlement.

Une fois que l’on a compris d’abord que la croissance n’est que la dépense, ensuite que l’argent n’a plus rien à voir avec de l’énergie humaine stockée et enfin que l’oligarchie au pouvoir, toutes fausses nuances confondues, a besoin de beaucoup d’argent pour acheter notre affect et déguiser finement la ploutocratie en démocratie pour garder le pouvoir, nous ne pouvons que constater l’impossibilité dans laquelle le discours politico-médiatique est obligé de s’enfermer et les contradictions qui s’affichent de plus en plus au grand jour.

D’un côté on attend la croissance. Notre président va même en Côte d’Or pour tenter de redorer sa cote. Il faut dépenser !  Peu importe que la dépense soit intelligente ou stupide, peu importe que ce soit avec de l’argent laborieusement gagné ou avec de l’argent volé, emprunté ou fictif, peu importe que ce que l’on paye soit utile ou nocif, il faut dépenser pour faire de la croissance. « Importons et consommons » disent ceux qui se croient de gauche tout en disant que nous, méchants occidentaux, nous consommons trop. « Investissons et exportons » disent ceux qui se croient de droite et qui n’arrêtent pas de déprécier les actifs qu’ils ont acheté beaucoup trop cher. Tout le système repose sur la croyance en une valorisation d’actifs qui permet l’emprunt pour dépenser mais qui ne tient que si le système continue. L’INSEE additionne « en volume » le PIB et les importations et additionne en monnaie le PIB et les exportations !

De l’autre côté l’idéologie du mondialisme nous oblige à approuver les instances supranationales (la Commission de Bruxelles, la Banque Centrale Européenne, rue du Kaiser à Francfort, le FMI, l’OCDE, l’OMC) qui toutes nous disent de dépenser moins en coûtant elles-mêmes très cher.

Augmenter la dépense publique pour faire de la croissance. Diminuer la dépense publique pour plaire au marché et continuer à pouvoir emprunter un argent qui n’existe pas mais qui rapporte gros aux fabricants de rêves. Il faut faire les deux il faut augmenter et diminuer à la fois.

Cela donne le jeu sympathique parlementaire entre ceux qui disent qu’il faut dépenser plus (accepter le déficit budgétaire) pour pouvoir enfin dépenser moins ( freiner l’augmentation de la dette !!!!! ) et ceux qui disent qu’il faut dépenser moins (accepter la rigueur) pour pouvoir enfin dépenser plus ( renouer avec la prospérité ).

Se moquent-ils de nous ou d’eux-mêmes ? C’est la seule question qui nous sépare encore d’une prise de conscience intelligente ou du désastre.

Tout va très bien Madame la Marquise…

En cette fin d’année 2012 réjouissons-nous d’avoir des dirigeants, toutes tendances confondues qui « réforment pour redresser » en évitant soigneusement l’horreur absolue qu’est le protectionnisme qui nous ferait inéluctablement retourner « aux heures les plus sombres de notre Histoire ». Leur quasi-unanimité fait plaisir à voir et force à la réflexion. Et si le libre-échange était la solution ? Et si c’étaient eux les bons médecins ? Ils sont tous d’accord !

Tournons-nous vers la science médicale.

On peut ouvrir grand les fenêtres de la chambre d’un malade par grand froid pour vérifier que seuls les plus robustes s’en sortent. On peut aussi fermer les fenêtres et s’intéresser à la santé du malade en examinant l’air qu’il respire, la nourriture qu’il mange et tout ce qu’il boit, pour chercher ensuite à comprendre ce qui le rend malade et faire ce qu’il faut pour le guérir.

Ce qui est incompréhensible c’est d’ouvrir les fenêtres en faisant rentrer le vent glacial tout en se lamentant sur la dégradation de la santé de ce pauvre malade ! Pour arriver à cette contradiction aberrante il faut cumuler la faiblesse du malade qui se laisse faire, la crédulité de son entourage qui croit bien faire et la folie du praticien qui par bêtise, suffisance ou cynisme, fait croire que ce n’est pas contradictoire et que c’est même indispensable.

Quand le malade se sent de plus en plus faible et qu’il ne peut même plus se lever pour fermer la fenêtre, il se replie sur lui-même, remonte sa couverture, cherche à se convaincre que le praticien sait ce qu’il fait ou que l’été va arriver tout en se préparant à l’inéluctable. Il ne cherche même plus à convaincre son entourage de ne plus suivre aveuglément les conseils du praticien. Il n’a plus la force de les réveiller. Il a pourtant essayé mais on lui a envoyé les infirmiers. Sa peur se transforme en haine, haine de soi ou haine des autres, puis en désir de violence contre lui ou contre l’entourage. Il est en attente permanente de sa propre déflagration.

L’entourage lui, est inquiet. On lui a fait croire que fermer la fenêtre, c’était être agressif vis-à-vis des voisins, et que la vie en commun avec eux était bénéfique, moderne, inscrite à la fois dans le beau, le bien, le vrai, le juste, le pur et le riche. On lui a expliqué que la science ordonnait d’ouvrir les fenêtres et que les fermer s’appelait le protectionnisme et avait généré Adolf Hitler. Comme il comprend mal la logorrhée mais s’en laisse impressionner, l’entourage laisse faire le praticien tout en constatant que les voisins sont plus en train de creuser des tranchées que d’ouvrir les bras. Il se dit qu’il n’y connait rien alors que le praticien est compétent, choisi par la famille et assez crédible quand il explique l’accroissement du nombre de morts par une épidémie qu’on n’avait pas connu depuis 1929. Au fond de lui-même l’entourage n’y croit pas mais les medias le font tellement saliver sur les prochains combats entre les marrons et les gris, sur le sensationnel et le spectaculaire, qu’il fait semblant d’y croire en s’évadant dans le prochain tirage du loto et dans les vies intimes volées aux étoiles tombées du ciel. Et tant pis pour le malade. C’est vrai qu’avec une telle épidémie, on n’y pouvait pas grand-chose ! De profundis.

Mais tout cela ne pourrait exister sans le praticien, sans celui que l’on a caricaturé, un sac de riz sur l’épaule et qui a tout appris à l’Ecole Nationale d’Anesthésie. Il a appris à se faire aimer, à se faire admirer, à se faire choisir et à se faire retenir. On lui a dit qu’il avait été distingué parce qu’il savait déjà tout et qu’on allait donc simplement lui apprendre à le faire savoir. Bien sûr « plaire ou conduire, il faut choisir » mais comme il savait déjà naturellement conduire, il suffisait de lui apprendre à plaire. Il lui fallait rapidement séduire les medias pour avoir la fidélité des familles. La maladie devait être ce dont il devait parler mais en pensant clientèle. Il ne devait jamais oublier de se constituer sa clientèle familiale en se souvenant que pour les Latins famulus comme cliens voulaient dire serviteur et qu’une clientela était à Rome un ensemble de personnes soumises ou dépendantes. On lui a aussi appris que pour retenir durablement sa clientèle il fallait agir sur trois niveaux.

Le premier niveau est de fragiliser la clientèle en la séparant de sa raison pour ne la motiver que par ses besoins et ses sentiments. Tout pour le cœur et le ventre, rien pour le cerveau. Pour cela une instruction que l’on métamorphose discrètement en éducation tout en veillant à négliger toujours l’expérience et le discernement qui risqueraient d’harmoniser les patients. Faire croire qu’une accumulation de connaissances suffit à fabriquer des hommes debout est essentiel à la survie du système. Il faut retarder au maximum la confrontation au réel et garder le plus longtemps possible la future clientèle dans cette chrysalide du formatage. Il ne doit pas y avoir de service national et un accompagnement de flatteries pédolâtres est conseillé pour la réussite de cet amollissement obligatoire.

Le deuxième niveau est de se rendre indispensable par la création d’une science qui affirme qu’ouvrir les fenêtres des chambres de malades surtout quand il gèle, mène à la guérison toujours annoncée et jamais advenue. Tout le monde croit cette science car elle est fondée sur deux principes éternels : celui des médecins de Molière et celui des habits neufs de l’empereur d’Andersen. Le premier affirme :  « Ossanbabdus, nequer, potarinum, quipsa, milus. Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette ». Le second rappelle que seuls les sots ne comprennent pas. Les deux principes, une fois aussi intimement liés qu’un politique et une journaliste, font que tout le monde croit cette science dite « économique » sans doute parce qu’elle permet d’économiser le discernement.

Le troisième niveau est la pérennisation du système par le développement de la séduction et de la maîtrise déjà initiées aux niveaux précédents.

Pour la maîtrise, le corps des infirmiers est là pour inverser ce que tout parent apprend dès leur plus jeune âge à ses enfants : « Dépêche-toi ! » et « Fais attention ! ». Les infirmiers sont recrutés pour que soient punis ceux qui s’obstinent à ne pas comprendre que la vitesse est un défaut. Ils sont là aussi pour rendre inutile l’attention et la vigilance puisque du matériel est scellé (garde-fous plots, chaînes) pour qu’il soit physiquement impossible de faire ce que les praticiens ont décrété dangereux. On ressort le lit à barreaux pour une clientèle adulte déjà inscrite comme futurs malades récalcitrants.

Pour la séduction il ne faut pas lésiner car il faut accepter de payer très cher ceux qui sont capables de faire croire que cela va aller mieux quand tout va de plus en plus mal et qui surtout, sont capables d’expliquer quand cela va encore plus mal, que nous voyons enfin le bout du tunnel. Ils savent convaincre que le PIB, la croissance et la valeur ajoutée sont des richesses quand ce ne sont en fait que des dépenses. Ces illusionnistes du bonheur sont irremplaçables car ils arrivent à faire croire à la clientèle que c’est elle qui décide par un jeu très amusant que les praticiens appellent la démocratie. Ce jeu consiste à dépenser ce qu’il faut pour convaincre la clientèle malade de plébisciter les praticiens entre 8 heures et 20 heures un jour précis, choisi plusieurs mois à l’avance, où la clientèle devra donner son avis. Peu importe les moyens à y mettre. La difficulté est de viser juste et que l’attirance sentimentale et la satisfaction des besoins dépassent très précisément ce jour-là le rejet que la raison imposerait si on la laissait se construire et s’exprimer. Il faut évidemment être très riche pour jouer à ce jeu qui est, de fait, toujours réservé aux mêmes praticiens et à ceux qu’ils cooptent. Il faut être très riche pour augmenter le nombre des infirmiers et augmenter les rémunérations des hommes de média. Or les praticiens se voient pauvres et ne peuvent sans déplaire demander trop directement beaucoup d’argent à leur clientèle. Les hommes de média ont donc expliqué à la clientèle qu’il était important pour elle que le niveau de vie des praticiens soit assuré et que la collectivité devait s’en charger. La collectivité paye donc les praticiens pour qu’ils paient les medias qui vont expliquer que les praticiens ont tout compris.

Mais ce n’est pas suffisant et le « faire croire » est hors de prix. Les praticiens ont donc décidé de protéger coûte que coûte le système financier créateur d’argent qui seul peut donner l’argent inexistant qui permettra de faire les dépenses de plus en plus importantes mais de plus en plus indispensables à la non explosion du système. On utilisera sans vergogne les trois niveaux pour que personne ne réalise que tout sera payé au bout du compte par la dévaluation et la hausse des prix c’est à dire par les épargnants et par les consommateurs. Les praticiens bénissent cet impôt privé qui leur assure leur avenir. Les seuls à ne pas y croire sont les hommes du système financier eux-mêmes qui savent que tout ne tient que par le double esclavage dans l’espace par le libre-échange et dans le temps par le prêt à intérêt et les échéances de fin de mois à perte de vue. Ils savent le pourcentage énorme d’actifs irrécupérables non provisionnés et ils ont tellement peur de la proximité de leur propre explosion qu’ils ne se prêtent même plus entre eux. Les praticiens ont compensé le double esclavage par une journée annuelle de condamnation sans appel de l’esclavage des gentils noirs par les vilains blancs. Ils retardent l’explosion des banques en offrant en garantie la fortune de leur clientèle. Mais personne n’y croit plus…sauf ceux que nous payons à nous y faire croire.

Tout va très bien, Madame la Marquise, tout va très bien, tout va très bien. Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise, on déplore un tout petit rien : un incident, une bêtise…

La valeur ajoutée, base de notre économie

La valeur ajoutée est avec le Produit Intérieur Brut, le fameux PIB, et avec la croissance, la triple base positive de notre économie. Le PIB est la somme des valeurs ajoutées et la croissance est l’augmentation de ces deux merveilles. Tout est donc fondé sur « la valeur ajoutée » qui est sans nul doute le concept le plus fou de l’économie. Tout le monde entend qu’on ajoute une valeur, y compris les professeurs d’économie qui diffusent cette perversion. Regardons cela de plus près.

L’INSEE propose la définition suivante de la valeur ajoutée : « Elle est égale à la valeur de la production diminuée de la consommation intermédiaire » et l’INSEE définit par ailleurs la consommation intermédiaire comme la « Valeur des biens et des services transformés ou entièrement consommés au cours du processus de production ».
Cette définition est déjà fausse puisque les salaires qui sont une valeur de services consommés au cours du processus de production, ne sont pas déduits de la valeur de la production. Mais passons….

La valeur ajoutée d’une entreprise c’est son chiffre d’affaire facturé avec TVA diminué de tout ce qu’elle achète à l’extérieur avec TVA comme biens et services. Cette valeur ajoutée c’est ce qui lui permet, nous dit-on, de payer les salaires, les charges, les impôts, faire les investissements et rémunérer le capital.

Nous avons donc la formule simple, base de notre économie libérale :

Somme de tous les chiffres d’affaire – Somme de tous les achats = Salaires + charges sociales + Impôts + Investissements + Dividendes des actionnaires.

La première partie de l’équation permet de payer la seconde.

Mais le chiffre d’affaire d’une entreprise n’est-il pas soit un achat par une autre entreprise soit de la consommation de particuliers que l’on appelle ménages ou de collectivités que l’on appelle administration ou associations ? Evidemment oui.

Et dans une entité comme la France ou l’Europe que l’on réputera fermée pour ne pas compliquer, ce qu’une entreprise achète à l’extérieur n’est-il pas toujours du chiffre d’affaire pour une autre entreprise ? A nouveau évidemment oui.

Si l’on fait la somme de toutes les valeurs ajoutées de toutes les entreprises de cette entité, la somme des chiffres d’affaires devient donc la somme de tous les achats des entreprises plus la somme de toutes les consommations des ménages, de l’administration et des associations, soit la formule :

Somme de tous les chiffres d’affaire = Somme de tous les achats de toutes les entreprises + Somme de toutes les consommations des particuliers, de l’administration et des associations.

La valeur ajoutée globale de cette entité qui permet de payer salaires, charges sociales, impôts, investissements et rémunérations des actionnaires est donc :

Valeur Ajoutée = ( Somme de tous les achats de toutes les entreprises + Somme de toutes les consommations des particuliers, de l’administration et des associations ) – Somme de tous les achats de toutes les entreprises.

Et en simplifiant :

Valeur Ajoutée = Somme de tous les achats de toutes les entreprises + Somme de toutes les consommations des particuliers, de l’administration et des associationsSomme de tous les achats de toutes les entreprises.

L’on s’aperçoit alors avec horreur que la valeur ajoutée d’une entité comme la France par exemple c’est exclusivement ce que nous dépensons tous. Plus nous dépensons, plus nous faisons de croissance et d’augmentation du PIB.

C’est tellement vrai que l’INSEE pour connaitre la valeur ajoutée de l’administration, comptabilise ce qu’elle coûte.

C’est aussi tellement vrai que l’INSEE écrit que la somme de toutes les dépenses est une autre façon de calculer le PIB. Mais avouons qu’il est plus plaisant de croire que c’est la somme des valeurs ajoutées. Personne ne comprend mais ça marche, suivant le principe du conte d’Andersen sur les habits de l’Empereur.

Tout d’un coup l’on comprend que la croissance doit se financer puisque ce n’est qu’une augmentation de la dépense et que l’on ne sait évidemment financer que par l’emprunt. Comme cet argent n’existe pas, il faut le créer et la loi Rothschild de janvier 1973 étendue à l’Europe par le traité de Maastricht oblige à payer très cher les banques privées pour qu’elle veuillent bien s’engraisser en nous créant par la double écriture l’argent dont nous avons absolument besoin pour continuer à croire que nous créons de la valeur en dépensant de plus en plus.

On comprend le ralentissement de la croissance mais on comprend beaucoup plus difficilement les Politiques et leurs séides qui nous annoncent tous qu’on va bientôt sortir de la crise en réformant pour redresser. Ils s’accusent les uns les autres de n’avoir jamais  su quoi faire et d’être incapable de concevoir tellement ils pensent tous que l’autre bord n’a pas compris grand-chose ou, s’il a compris, qu’il ne pense qu’à lui.

Et si la réalité était que personne ne fait le moindre effort pour comprendre ?

Le PIB est-il l’argent en circulation ?

Comme j’affirmais dans l’article « Un emplâtre sur une jambe de bois » que le PIB était la mesure plus ou moins juste de l’argent en circulation, j’ai reçu par ricochet la réponse suivante que je recopie intégralement :

Alors LA !!! LA !!! Quand même, faut pas déconner. Ecrire « Le PIB étant la mesure, plus ou moins juste, de l’argent en circulation » et vouloir qu’on le lise, c’est un peu fort de café !!! Moi aussi je peux en faire des comme ça : l’électricité est faite avec du jus de frite, le verre des bouteilles vient de la lune, le ciment n’est pas utilisé dans le bâtiment mais pour repriser les chaussettes, et puis quoi encore ?
Une fois de plus, je conseille à toutes les personnes qui veulent parler d’économie de faire au moins l’effort de lire un manuel d’économie. Il y en a plein et même des pas chers.

Je remercie déjà ce contradicteur de s’exprimer ce qui me permet de lui répondre d’abord, d’analyser sa réaction ensuite.

Pour comprendre il faut partir de ce qu’écrit l’INSEE. Tout ce qui est en bleu est copié-collé du site de l’INSEE. Ce qui est en noir est de moi ainsi que le soulignage :

Les grands agrégats économiques associés au PIB sont le revenu national brut (RNB), la capacité ou le besoin de financement de la nation, les grandes composantes de l’équilibre entre les éléments de l’offre (PIB, importations) et de la demande (consommation, investissement, exportations), la ventilation des facteurs de production (emploi, stock de capital) par secteurs institutionnels (entreprises, ménages, administrations publiques considérés comme producteurs de richesses) et la valeur ajoutée qu’ils génèrent.

Le PIB y est présenté comme un élément de l’offre, exactement comme les importations. Mais cette offre n’est pas une offre d’argent mais une offre de marchandises ou de services. Tout le truc pour l’INSEE consiste à parler en volume et à traduire ce volume en argent à prix courants comme il l’explique lui-même :

Le produit intérieur brut est publié à prix courants et en volume aux prix de l’année précédente chaînés. Son évolution en volume (c’est-à-dire hors effet de prix) mesure la croissance économique.

Prenons l’exemple du kilo de tomate. Il peut être importé ou produit en France. C’est l’offre. Si je veux ces tomates je les demande et je les paye 5 € le kilo cette année alors qu’elles valaient 4 € l’année dernière. J’ai donc dépensé 5 € et ces 5 € sont évidemment arrivés dans ma poche par mon travail. Jusque là c’est simple. Mais pour avoir plus de tomates il va falloir que je travaille plus et ce n’est pas électoral. Il faut donc le présenter différemment.

L’INSEE (en fait les Politiques avec les Economistes) a trouvé la parade qui n’est évidemment qu’une apparence. Il dit  » Nous avons produit (le PIB) ou importé des tomates (on parle en volume) que nous traduisons en euros (à prix courants) qui valaient 4 € l’année dernière (aux prix de l’année précédente chainée), c’est l’offre. Mais pour ne pas mélanger croissance et hausse des prix l’INSEE précise bien que la hausse des prix de 4 à 5 € ne rentre pas en ligne de compte et que c’est simplement l’augmentation de la consommation de tomates qui aurait fait de la croissance (Son évolution en volume (c’est-à-dire hors effet de prix) mesure la croissance économique). Voila donc la croissance à la française, la croissance par la consommation. Si nous consommons deux fois plus de tomates cette année que l’année dernière nous aurons fait la croissance dont les Politiques ont tant besoin.

Mais revenons au PIB et à nos tomates. Je rappelle comment l’INSEE définit le PIB :

Définition

Agrégat représentant le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes.
Il peut se définir de trois manières :
– le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes des différents secteurs institutionnels ou des différentes branches d’activité, augmentée des impôts moins les subventions sur les produits (lesquels ne sont pas affectés aux secteurs et aux branches d’activité) ; Les 5 € sont la valeur ajoutée par le producteur de tomate.
– le PIB est égal à la somme des emplois finals intérieurs de biens et de services (consommation finale effective, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations ; J’ai dépensé 5 euros de tomates
– le PIB est égal à la somme des emplois des comptes d’exploitation des secteurs institutionnels : rémunération des salariés, impôts sur la production et les importations moins les subventions, excédent brut d’exploitation et revenu mixte. Ce sont 5 € que j’avais dans ma poche grâce à mon travail.

Si le PIB est à la fois la somme de l’argent dépensé, la somme de l’argent distribué et la somme de ce que l’on a acheté avec, je maintiens qu’il est la mesure plus ou moins juste (à cause de l’épargne) de l’argent en circulation.

J’en arrive maintenant à l’analyse de la réaction de mon contradicteur qui, en plus, à le lire, doit être très sympathique. Il navigue de bonne foi dans un système qui est faux et qui s’habille de mathématiques.

Je me souviens en 1ère année d’HEC avoir fait remarquer à mon prof d’économie dans le grand amphi que pour démontrer que A était égal à C il n’avait peut-être pas besoin de 4 tableaux quand il prenait comme hypothèses que A était égal à B (hypothèse en haut à gauche du 2ème tableau) et que B était égal à C (hypothèse en bas au milieu du 3ème tableau).

Il est faux de dire que le troc a précédé la monnaie, il est faux de dire que le PIB est autre chose que la somme des dépenses publiques et privées, il est faux de dire que la croissance apporte des richesses quand on est incapable de différencier une richesse d’un encombrement et d’un déchet. En revanche il est vrai que le prêt à intérêt est un impôt privé payé par la dévaluation et la hausse des prix. Il est dangereux de vouloir changer le temps avec la recherche, changer l’espace avec l’Europe et le mondialisme, changer les hommes par la formation et tout attendre de Dieu par la croissance, cette manne imbécile que l’on voudrait divine et dont nous constatons évidemment l’absence.

Mais cela va être aussi difficile à faire rentrer dans les esprits que quand Copernic a osé dire que la Terre tournait autour du soleil ou quand Semmelweis a osé dire aux médecins de se laver les mains.

Cela s’appelle un changement de paradigme. Sa nécessité s’appelle la crise. Sa réalisation se fait par l’intelligence ou par la guerre qui remet en un instant les yeux en face des trous.

La valeur ne se chiffre pas

Toute la science économique est fondée sur le chiffrage de la valeur et, comme chacun a pu le constater, si la parole ouvre le débat, le chiffre le ferme. Les discussions d’économistes sont tristes car elles sont très souvent des querelles de chiffres que personne ne peut ni vérifier ni contester puisqu’ils viennent d’autres économistes réputés impartiaux et qu’ils sont l’aboutissement d’un labyrinthe inconnu que personne ne peut réellement explorer.

Or la valeur se marie mal avec la mathématique. La valeur n’est qu’un regard. A chacun son regard qui peut d’ailleurs varier dans l’espace et dans le temps. Le regard que l’on porte sur un verre d’eau ne sera pas le même en plein Sahara, à côté d’un torrent alpin ou dans une soirée mondaine. Le regard porté sur l’homosexualité va être liberté à Paris et crime à Téhéran. « Quelle est cette vertu que trajet d’une rivière fait crime ? » disait Montaigne. Telle activité ou tel objet n’aura pas la même valeur à 20 ans et à 60 ans. L’or et l’argent n’avaient pas la même valeur dans l’Europe de Christophe Colomb et chez les indigènes des Amériques.

Si deux personnes portent le même regard sur le même objet au même moment et au même endroit, ils lui donneront la même valeur et si l’un veut le vendre et l’autre l’acheter, ce sera le prix de cet objet entre eux deux, à ce moment-là et à cet endroit-là. Il n’y a rien à en tirer d’autre si ce n’est que pour celui qui achète ce sera une valeur d’usage puisqu’il va s’en servir, et pour celui qui vend une valeur d’échange puisqu’il va en tirer de l’argent. Mais s’il n’y a pas à cet instant-là volonté de s’en séparer et volonté d’acquérir, ce sera simplement une valeur, un regard personnel éventuellement partagé.

Parler de « création de valeur » ou de « taxe à la valeur ajoutée » n’a aucun sens (sauf le mot taxe) car le même objet peut être vu comme une richesse, un encombrement ou un déchet. Le crottin de cheval est richesse pour le jardinier, encombrement pour le promeneur et déchet pour le cheval. Il n’a pas de valeur unique.

La valeur est une notion philosophique. Vouloir la chiffrer c’est faire de la mathématique sur de la philosophie et c’est rigoureusement impossible.

Lorsque les Politiques parlent de leurs valeurs, ils savent qu’ils parlent de leurs regards qui sont toujours tournés avec ornières vers la prochaine élection. Il faut faire saliver les électeurs mais surtout ne pas être précis car certains recracheraient. Les Politiques savent que les valeurs ne se chiffrent pas.

Plus sérieusement la valeur étant un regard, elle est le vrai, le bien et le beau. Elle est ce que je crois vrai, ce que je répute être le bien et ce que je considère comme beau. La valeur est le lien entre des personnes qui, ayant le même regard, constituent un groupe avec une même vision du futur à construire sur des bases assez semblables.

Aujourd’hui la valeur a été kidnappée, au singulier par les économistes, au pluriel par les politiques. Il serait bon de prendre conscience qu’un regard commun sur le beau, le bien et le vrai nous manque dramatiquement. Chacun se replie sur soi et attend le choc. Essayons au moins de comprendre pourquoi.

Un emplâtre sur une jambe de bois

A force de faire semblant, on sombre dans le ridicule le plus abouti. Le rapport Gallois prône une augmentation de la TVA et la baisse des charges sociales des entreprises. Partant de ce rapport le gouvernement Ayrault dans son « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi » tourne déjà le dos aux promesses électorales de François Hollande et veut augmenter la TVA et réduire de 20 milliards d’euros la fiscalité sur les entreprises sans baisser les charges sociales pour ne pas augmenter, plus que de sa raison personnelle, le trou déjà béant de la sécurité sociale. Les écologistes s’étranglent, l’autre bord approuve et s’amuse de voir Jean-Marc Ayrault appliquer le programme de Sarkozy.

Les uns comme les autres ne font qu’augmenter l’impôt en réussissant à faire croire qu’ils le diminuent en le ressortant sous d’autres formes. Les charges sociales sont un impôt comme la TVA, la CSG et les radars sur les routes. Tout cela parce qu’on s’entête à croire que la croissance enrichit et que les deux seules questions sont « Comment la stimuler, la faire revenir, l’implorer et la retenir ? » et « Comment se partager équitablement cette manne laïque dans le désert des idées ? ».

Toute la classe dirigeante se perd en discussions profondes sur le meilleur remède entre le cautère, l’emplâtre ou le cataplasme, sans réaliser que le problème est la jambe de bois et non pas les simagrées d’illusionniste que chacun invente pour faire espérer que la jambe va prendre vie.

Le crédit d’impôt est un cautère, l’augmentation de la TVA est un emplâtre, la diminution des charges sociales est un des multiples cataplasmes qui tous, ne sont qu’augmentation ou diminution des prélèvements pour faire tomber la manne et donner l’illusion que la jambe de bois est vivante.

Hélas, trois fois hélas ! le dogme de l’église économique qui nous gouverne est faux. La croissance s’achète, pardon ! se finance, parce qu’elle n’est que dépense.

Lorsque l’INSEE écrit dans ses définitions que le PIB est un produit et donc que sa croissance enrichit, il utilise un tour de passe passe qu’il faut décortiquer.

Tout part de l’observation que si un client achète un kilo de tomates à un marchand, le marchand s’appauvrit en tomates et s’enrichit en argent pendant que le client s’appauvrit en argent mais s’enrichit en tomates. Le PIB étant la mesure, plus ou moins exacte, de l’argent en circulation, cette mesure peut se faire, comme le dit l’INSEE, en additionnant toutes les dépenses ou en additionnant à un moment donné tout ce qu’il y a dans les différentes mains, en additionnant les distributions. Mais comment faire croire que de l’argent circulant est une production que nous allons pouvoir nous partager ? Les économistes ont trouvé le truc : il n’y a qu’à parler en tomates. En achetant des tomates, je m’enrichis en tomates et bien que ce soit une dépense, je vais dire que ma femme s’est enrichie en soins dentaires, et mes amis se sont enrichis en voiture japonaise ou en téléviseur chinois. Nous avons fait de la croissance en nous enrichissant de tout cela et l’INSEE va pouvoir dire que le PIB est une production puisque nous avons produit des tomates, des soins dentaires, des voitures et des téléviseurs. Le génie de l’INSEE va être d’appeler « valeur en volume », la tomate et le téléviseur que j’ai maintenant entre les mains et de les chiffrer en euros « à prix courants » comme ils disent. Génial non ? Il va suffire maintenant de savoir qui paye mais cela s’appelle financer la croissance. Ne riez pas ! C’est ça le PIB que l’INSEE va additionner aux importations pour avoir nos ressources. On comprend mieux que ça coince forcément et que la crise était écrite depuis longtemps.

On va donc payer des milliers de fonctionnaires pour ne pas se contenter d’additionner simplement toutes nos dépenses ou toute la monnaie mise en circulation pour calculer le PIB, mais pour chiffrer les objets et les services que les acheteurs payent. C’est  pratiquement « mission impossible » car comment chiffrer ce qu’apporte un prêtre ou un fonctionnaire mais cela donne de l’emploi à des gens que l’on rémunère et, plus ils mettent de temps à chiffrer tout ça, plus cela coûte cher et plus cela fait de la croissance. L’INSEE va appeler cette « production », la « valeur ajoutée », « à prix courants et en volume ». Personne ne comprend mais on peut enfin dire que le PIB est un produit et que nous allons l’augmenter par la croissance et nous le distribuer ! On parle en volume et on additionne des tomates, des diagnostics, des voitures, des prières, des livres et des efficacités de fonctionnaires. Pour faire bonne mesure puisque l’on parle volume, on va faire de la croissance avec nos importations puisque cela va nous permettre de consommer, pendant que les Allemands font de la croissance avec leurs exportations. Mais si les Allemands s’enrichissent des euros qu’ils perçoivent, nous, nous nous enrichissons des produits asiatiques que nous achetons ! L’INSEE met en ressources les importations et le PIB. Il met en emplois nos dépenses et notre exportation.

Tout cela pour ne pas à avoir à dire au peuple que, s’il y a des inégalités honteuses dans la distribution de notre monnaie, nous vivons en moyenne au-dessus de nos moyens. La réelle pauvreté de certains est trop compensée par l’opulence scandaleuse de certains et par la vie trop dépensière de la majorité. A force d’attendre la manne laïque, nous avons oublié que seul le travail produit réellement des richesses et qu’à force de nous partager une pseudo richesse qui n’est que de l’argent emprunté nous rêvons d’un monde qui n’existe pas et auquel nous voulons tout de même croire. Mais qui veut réellement affronter ce problème ? Pas nous ! Nous sommes complices de nos dirigeants car nous n’avons pas envie de nous réveiller. Pas les Politiques ! Ils n’ont pas non plus envie de nous réveiller puisque nous devons bien voter le jour où nous sommes devant une urne et ils savent que le réveil sera douloureux. Et pour cela ils ont besoin de beaucoup d’argent et sauveront donc en premier le système financier qui les fait vivre. Pas les grandes entreprises ! Elles n’existent que par l’agitation économique et par la réduction de la durée de vie de ce qu’elles font produire. Pas les médias ! Ils ne vivent que par le financement des précédents.

Alors les impôts ne peuvent que monter car il faut payer, en décalage et tout est dans ce mot, la vie trop facile qu’en moyenne nous avons. En plus des impôts classiques on a inventé la dévaluation pour faire payer les épargnants et la hausse des prix pour faire payer les consommateurs. Aujourd’hui la classe dirigeante fait s’épanouir un nouvel impôt, la compétitivité qui est un mot inventé en 1960. Il faut fournir plus et d’une manière ou d’une autre travailler plus pour gagner moins; mais surtout ne pas le dire et combattre becs et ongles le protectionnisme qui nous mettrait en face de nous-mêmes et de nos contradictions. Il est pourtant totalement nécessaire  que nous réalisions la supercherie dans laquelle nous vivons mais c’est tellement difficile à accepter que nous préférons inconsciemment laisser venir, par lâcheté, le protectionnisme par sa voie royale : la guerre.

 

Merci Messieurs !

Ca y est ! Nous avons le remède. 20 milliards de hausse d’impôts et 10 milliards de réduction de dépenses. La quadrature du cercle est résolue et les nouveaux occupants du pouvoir ont trouvé la formule magique.

Mais le Béotien que je suis s’interroge tout de même. Si on augmente les impôts, ce n’est pas pour rembourser la dette puisqu’elle va continuer à augmenter dans la vertu Maastrichtienne du déficit budgétaire limité à 3% mais toujours présent. Ce n’est pas non plus pour stocker l’argent dans l’arrière-cuisine et c’est donc bien pour le dépenser. Donc la formule magique c’est dépenser 20 milliards de plus et dépenser 10 milliards de moins, ce qui fait donc une augmentation de la dépense de 10 milliards ce qui est excellent pour la croissance mais pas pour le remboursement de la dette.

La « gauche » pense que pour rembourser la dette et donc pour dépenser moins, il faut commencer par dépenser plus et faire de la croissance. De la « croissance par la consommation » disent-ils. L’INSEE est d’accord en additionnant le PIB et les importations pour avoir nos ressources. Plus on importe, plus on peut consommer et plus on fait de la croissance à la française.

La « droite » nous avait appris, elle, que pour dépenser plus il fallait d’abord que la croissance revienne quitte à aller la chercher avec les dents et pour cela il fallait investir et non pas consommer, donc dépenser moins. Elle nous jurait ses grands dieux que dès que la croissance serait enfin là, nous pourrions nous partager ses fruits, les dépenser et rembourser la dette. La droite compte sur les exportations pour faire de la croissance. Comme on raconte que la croissance allemande est tirée par ses exportations, même notre ministre actuel du budget Jérôme Cahuzac qui ne se dit pas de droite s’emmêle les pinceaux et répond le 3 octobre 2012 à l’hebdomadaire Challenges « Il nous faudra réfléchir à restructurer le modèle de croissance français en favorisant l’investissement et l’export ».

Ce qui est tout de même extraordinaire c’est de voir la facilité avec laquelle la classe dirigeante nous joue un combat de coqs fatigués entre ceux qui veulent dépenser plus pour dépenser moins et ceux qui veulent dépenser moins pour dépenser plus. Certes il faut avoir compris que le PIB est la somme de toutes les dépenses, et la croissance l’augmentation de ces dépenses, mais cela commence à se savoir.

Le point sur lequel ils sont tous d’accord c’est le côté abominable du protectionnisme qui nous mettrait en face de nous-mêmes et nous rendraient donc conscients de nos contradictions. Il serait alors beaucoup plus difficile de continuer à nous faire croire que le principe « un homme, une voix » s’appelle la démocratie et est, comme chacun sait, « le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres ».

Les économistes sont des jean-foutre

Ce qui est stupéfiant, c’est le côté révérencieux que tout le monde semble avoir vis-à-vis de la prétendue science économique qui habille des banalités affligeantes avec de la mathématique et dont les professeurs assènent des contre-vérités auxquelles il ne peuvent pas croire eux-mêmes. Ils ne donnent leurs diplômes qu’aux étudiants suffisamment fragiles pour répéter, sans vraiment comprendre, tout ce qu’on leur a embecqué.

Le PIB est présenté par l’INSEE sur son site de la façon suivante le 1er octobre 2012 (la colorisation m’est personnelle)  :

Produit Intérieur Brut (PIB) et grands agrégats économiques
Les comptes de la Nation – Base 2005
Date de mise à jour : 15 mai 2012
Le produit intérieur brut (PIB) est le principal agrégat mesurant l’activité économique. Il correspond à la somme des valeurs ajoutées nouvellement créées par les unités productrices résidentes une année donnée, évaluées au prix du marché.
Il donne une mesure des richesses nouvelles créées chaque année par le système productif et permet des comparaisons internationales.
Le produit intérieur brut est publié à prix courants et en volume aux prix de l’année précédente chaînés. Son évolution en volume (c’est-à-dire hors effet de prix) mesure la croissance économique.
Les grands agrégats économiques associés au PIB sont le revenu national brut (RNB), la capacité ou le besoin de financement de la nation, les grandes composantes de l’équilibre entre les éléments de l’offre (PIB, importations) et de la demande (consommation, investissement, exportations), la ventilation des facteurs de production (emploi, stock de capital) par secteurs institutionnels (entreprises, ménages, administrations publiques considérés comme producteurs de richesses) et la valeur ajoutée qu’ils génèrent.

Sur cette base de création de richesse, tous les raisonnements tendent à faire venir cette croissance, cette augmentation du PIB que nous allons nous partager. C’est beau comme l’antique et on se laisserait presque prendre à cet hameçon séduisant si le même INSEE dans ses définitions ne nous apprenait pas, toujours au 1er octobre 2012, que :

Produit intérieur brut aux prix du marché / PIB
Définition
Agrégat représentant le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes.
Il peut se définir de trois manières :

– le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes des différents secteurs institutionnels ou des différentes branches d’activité, augmentée des impôts moins les subventions sur les produits (lesquels ne sont pas affectés aux secteurs et aux branches d’activité) ;

– le PIB est égal à la somme des emplois finals intérieurs de biens et de services (consommation finale effective, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations ;

– le PIB est égal à la somme des emplois des comptes d’exploitation des secteurs institutionnels : rémunération des salariés, impôts sur la production et les importations moins les subventions, excédent brut d’exploitation et revenu mixte.

Il faut d’abord nettoyer ces définitions d’un charabia destiné à ne pas être dérangé par tous ceux qui ne font pas partie de l’Eglise économique. On dit «Formation brute de capital fixe» et «Emplois finals intérieurs de biens et de services» car «Investissements» et «Dépenses» risqueraient d’être compris par les gens simples. En fait l’INSEE rappelle discrètement dans ses définitions que le PIB est soit tout ce qui est produit, soit tout ce qui est dépensé, soit tout ce qui est distribué. Mais il doit avoir comme mission de ne donner qu’un éclairage valorisant, celui de la production. Dire qu’il suffit de dépenser pour faire de la croissance fragiliserait ceux qui voulaient aller la chercher avec les dents ou ceux qui veulent l’intégrer à un pacte européen.

Pour bien comprendre la « production » dont parle le PIB, imaginons un SEL (Système d’Echange Local) d’une centaine de personne qui crée une monnaie qu’il appelle piastre, il en fabrique une certaine quantité qu’il va distribuer à ses adhérents qui vont s’acheter les uns aux autres les biens et les services dont ils ont besoin. Imaginons même que nous soyons au mois d’août et qu’aucun autre habitant que les membres du SEL ne soit présent et que l’euro ne soit pas utilisé. Les piastres tournent et tout ce qui est produit dans le SEL est évidemment égal à tout ce qui est dépensé dans le SEL et est aussi évidemment égal à tout ce qui a été distribué aux membres du SEL si l’on a fabriqué juste ce qu’il fallait de piastres. Nous avons les trois définitions du PIB de l’INSEE et nous voyons même que l’INSEE oublie la 4ème définition de ce même PIB qui est l’argent circulant. Le PIB est en effet la quantité d’argent en circulation que l’on peut voir comme l’argent créé pour le groupe multiplié par sa vitesse de circulation, comme la production effectuée par le groupe traduite en argent, comme l’argent dépensé par le groupe et enfin comme l’argent circulant entre les membres du groupe. Ces quatre regards ont évidemment le même chiffrage et personnellement j’opte pour le calcul du PIB le plus simple : additionner toutes les dépenses publiques et privées.

Le plus simple n’est plus en effet de calculer l’argent créé depuis que les banques ont créé tellement d’argent virtuel par la double écriture que personne ne peut avoir une idée chiffrée de l’argent créé. Le plus simple n’est évidemment pas non plus de faire ce que fait l’INSEE sur ordre, à savoir l’éclairage production, car étant incapable de chiffrer ce que peut produire l’admin istration, l’INSEE utilise l’éclairage dépense pour trouver la production : l’administration rapporte ce qu’elle coute. Plus elle coûte plus on fait de croissance. Mais les politiques n’aiment pas qu’on leur rappelle que pour faire de la croissance il suffit de dépenser davantage.

Le PIB n’est donc qu’une quantité de monnaie en circulation qui n’a rien à voir avec une production réelle. La croissance du PIB a pourtant deux gros intérêts pour les politiques : elle constate l’emploi donné en dépensant et elle enrichit l’Etat qui pompe sur tout mouvement qu’il ne fait pas lui-même. Décembre 1999 a donné beaucoup de travail pour nettoyer les côtes du pétrole de l’Erika et pour réparer les dégâts des deux tempêtes qui ont traversé la France. Cela a terriblement enrichi l’Etat qui grâce à la TVA s’est constitué une « cagnotte » dont il était un peu gêné. Keynes proposait que la moitié de la population creuse des trous que la seconde moitié reboucherait. Quelle croissance ! Sur la TVA et sur les charges sociales des boucheurs déboucheurs, l’Etat ferait fortune. Le seul problème, et c’est celui de la croissance, c’est de savoir qui la paye. Qui a payé la fabuleuse croissance de décembre 1999 dont nous nous serions bien passés ? Il était piquant de voir Nicolas Sarkozy critiquer François Hollande et ses centaine de milliers de fonctionnaires supplémentaires alors qu’embaucher des fonctionnaires augmente le PIB puisque, rappelons-le, pour l’INSEE l’administration rapporte ce qu’elle coute. C’est moins intéressant pour l’Etat car il n’y a pas de TVA mais l’emploi et la croissance s’y retrouvent.

Les politiques et les « économistes » n’osent pas demander qui paye la croissance. Ils disent « Il faut la financer » et pour tenir dans ce monde aberrant ils ont besoin de partenaires qui sont le système bancaire international qui tient le rôle d’usurier en prêtant l’argent qui fait croire que nous sommes riches et que la croissance crée des richesses comme a le culot de l’écrire l’INSEE. Jean-Luc Mélenchon disait lors de sa campagne que la France n’avait jamais été aussi riche de toute son histoire. En réalité elle n’est riche que de ses dettes et elle s’est vendue au système financier mondial pour permettre à la SPP (Société Protectrice des Politiques) de sauver la classe politique droite et gauche confondues. Ils veulent tous la croissance et donc qu’il faut dépenser plus. Mais ils disent tous qu’il faut rembourser les prêts et donc qu’il faut dépenser moins.

Ils continuent tout de même à se différencier pour pouvoir se combattre et apporter au peuple ces jeux du cirque qu’il affectionne. Ceux qui se disent de gauche prétendent qu’il faut dépenser plus pour dépenser moins (consommation moteur de la croissance) pendant que ceux qui se disent de droite affirment qu’il faut dépenser moins pour dépenser plus (investissement moteur prudent de la croissance). Il n’y a que François Bayrou à vouloir faire les deux.

Ils veulent tous revenir à l’intelligence suprême de Maastricht qui est de ne dépenser que 103 % du PIB sachant que Guy Abeille haut fonctionnaire à la direction du budget avoue dans le Parisien du 28 septembre 2012 avoir sorti à l’époque de son chapeau ces 3% « chiffre né sur un coin de table » à la demande de Mitterrand qui voulait « une règle facile qui sonne économiste ». Il dit avoir choisi un pourcentage du PIB parce qu’en « économie tout le monde se réfère au PIB ». Bonjour Panurge ! Dès que l’on comprend que le PIB est la dépense, on comprend que nous nous sommes engagés, droite et gauche confondues, à ne pas dépenser plus de 103 % de… ce que nous dépensons.

Ce système aberrant est pourtant farouchement défendu par la classe politique car il permet de faire croire au peuple que le fait de vivre mieux que nos grands-parents est dans l’ordre naturel des choses. Ils sont tous farouchement opposés au protectionnisme qui nous mettrait en face de nous-mêmes et de nos contradictions. Je regrette déjà le conditionnel de ma phrase car c’est un futur inéluctable. Le protectionnisme nous mettra en face de nous-mêmes et de nos contradictions. Soit en douceur et avec intelligence, soit en un instant par la guerre.

Une pensée maîtresse du monde

Le 17 mars dernier au Sénat se tenait un colloque organisé par l’association Démocraties au cours duquel j’ai dit ces quelques mots :

Il m’a été proposé de travailler « L’argent et l’économie sont la création d’une pensée devenue maîtresse du monde ». Je ne peux que le constater et le déplorer. Je vais essayer de vous en proposer une explication.

L’oïkos, la maison en grec, a donné le préfixe éco à l’économie, l’action dans la maison, et à l’écologie, l’étude de la maison. Malheureusement l’expérience tirée de l’économie et la connaissance tirée de l’écologie n’ont pas réussi à s’associer au discernement pour faire vivre l’écosophie, la sagesse de la maison, dont le but est d’exprimer les problèmes et d’en explorer les réponses possibles.

Le siècle des Lumières a éveillé en Occident le « Yes we can » qui a fait florès depuis, et l’homme occidental s’est décrété encyclopédique. Il a cru avoir atteint la Vérité avec un grand V, l’etumos grec alors qu’il n’était, comme les autres, que dans l’aletheia, la vérité contingente, celle du groupe, celle qui devient erreur en franchissant les Pyrénées comme le disaient Montaigne et Pascal. Mais ce souffle de confiance en soi, marié au savoir universel Hégélien et à la puissance Nietzschéenne a donné corps à tous les rêves adolescents. Du premier rêve adolescent « Je suis le plus fort et le plus beau », nous avons fabriqué le fascisme. Du deuxième rêve adolescent « Personne ne me donne d’ordre », nous avons fabriqué le communisme car la dictature du prolétariat n’a jamais été qu’une étape vers l’absence d’Etat. Du troisième rêve adolescent « La vie est facile et tout m’appartient », nous avons fabriqué le capitalisme. Ces trois idéologies fondées sur la prétendue capacité de l’homme a tout résoudre, se sont voulues modernes, c’est-à-dire « à la mode », vecteur de progrès sans dire vers où, et universelles puisque ne supportant pas plus la contradiction qu’un rouleau compresseur. Toutes ces idéologies ont voulu faire croire qu’elles venaient du peuple alors qu’elles étaient venues de l’esprit d’intellectuels, certes brillants, pendant que le peuple était, lui, déjà condamné au concret. Elles ont développé au siècle dernier deux courroies de transmission, les médias pour séduire et l’administration pour maitriser. Dans les trois cas les médias ont glissé vers la propagande, et l’administration est devenue policière, ce qui a séparé encore davantage le peuple de ses élites qui ont eu du mal à réaliser que séduction et contrôle rendaient de plus en plus difficiles leur réconciliation avec le peuple.

Aujourd’hui l’Occident est divisé entre ses peuples et ses classes dirigeantes. Les peuples tentent de survivre et transforment leur peur de l’avenir en haine de soi (chacun doit avoir son psy) ou en haine des autres avec la montée de la violence. Les classes dirigeantes, malades de leur vanité font corps avec le capitalisme. Or le capitalisme, fort de la mort de ses deux concurrents, pense avoir réalisé leur rêve et avoir enfin réussi à construire cette tour de Babel qui transperce le ciel. Le capitalisme est convaincu d’avoir transformé sa médiocre vérité contingente en vérité universelle et mondialisée. La pensée occidentale se réduit jour après jour à une gestion des contradictions du capitalisme, à un « faire croire » sans y croire et à une immédiateté qui a peur d’un lendemain que personne ne voit plus. Comme tout ce qui est faible, la pensée occidentale se protège par des affirmations péremptoires. Nos élites sortent d’écoles où on leur a fait croire qu’elles étaient les meilleures et d’universités où, pour avoir leur diplôme, elles ont répété sans comprendre ce qu’elles ont entendu. La pensée occidentale a fortement décliné en discernement, en courage et même dans la perception de la réalité.

Les applications de ce constat difficile sont nombreuses. Les décisions fondées sur les fausses certitudes s’opposent à la vérité des faits comme des plaques tectoniques qui, s’avançant l’une vers l’autre, conduisent toujours aux séismes. La classe dirigeante appelle ces séismes « La crise » car cela lui donne l’impression que cela s’arrêtera de soi-même et surtout qu’elle n’en est pas responsable. Notre élite est perdue et n’arrive même plus à se l’avouer tellement il lui faudrait accueillir le fait de s’être trompée pendant des décennies. Les communistes ont fait ce deuil, avec difficultés, mais les capitalistes n’arrivent pas encore à réaliser que leur voie aussi est sans issue. Notre élite se repose unanimement sur un quadrige de fées qui doit tout résoudre. La fée innovation pour changer le temps, la fée Europe pour changer l’espace, la fée formation pour changer les hommes et la fée croissance qui doit fabriquer dès son retour prochain les richesses qui régleront tous nos problèmes.

Nous connaissons tous le conte d’Andersen « Les habits neuf de l’empereur » dans lequel des escrocs convainquent l’empereur, de la beauté d’un tissu que les imbéciles ne peuvent pas voir. Tout le monde, y compris l’empereur, admire la beauté du costume fabriqué par les escrocs avec ce merveilleux tissu jusqu’à ce qu’un enfant dise « Mais il est tout nu ! ». En 1971 le très sérieux New England Journal of Medecine publia un article intitulé « Syndrome des habits de l’empereur » dans lequel il expliquait qu’un diagnostic erroné peut être confirmé par plusieurs médecins par « contamination du diagnostic précédent ».

C’est ce qui se passe avec la science économique, tissu d’analyses erronées et terriblement contaminantes. Molière fait dire à Sganarelle à l’attention de ce benêt de Géronte : « Et voici pourquoi votre fille est muette » après un salmigondis incompréhensible. Les économistes et les politiques ne font pas mieux quand ils assènent à la méthode Coué qu’il faut aller chercher La croissance car elle seule nous sortira de La crise. Personne ne comprend mais personne n’a le courage de le dire. Faut-il qu’un enfant vienne réveiller les adultes ?

Parmi les analyses défectueuses de la science économique, la plus criante est probablement celle de la monnaie et, si l’on comprend les angles de vues réduits d’Adam Smith et de Karl Marx, on comprend plus difficilement qu’ils n’aient jamais été remis en cause. A en croire la science économique « au début était le troc et un jour c’est devenu trop compliqué et on a inventé la monnaie ». Si elle avait raison dans sa vue matérialiste et si le troc était au début de tout groupe et avait précédé la monnaie, maman ne ferait l’amour que contre le chèque des courses et papa n’emmènerait les enfants à l’école que s’ils avaient débarrassé la table et fait leurs lits. C’est évidemment faux et pourtant chacun se soumet. Dans la réalité un groupe se constitue pour une raison d’être ensemble. Les individus se rassemblent pour survivre, pour se défendre, pour attaquer, pour se reproduire, pour grandir ou pour voyager. Ce qui réunit les membres du groupe c’est leur vision commune de leur lendemain commun, c’est leur lien social. A l’intérieur de ce lien social on va tout naturellement constater à la fois l’émergence d’une direction, d’une tête, individuelle ou collégiale, ainsi qu’une répartition du travail à faire où chacun fera naturellement ce qu’il sait faire le mieux. Chacun, mu par sa conscience ou par son désir, donnera le meilleur de lui-même et accueillera les autres comme ils sont. L’organisation du groupe se fera autour de la répartition du travail, ce qu’Adam Smith et Karl Marx étudiaient comme la division du travail. Ils le voyaient comme un échange des biens et des services alors qu’il est beaucoup plus fondamentalement un échange des êtres, un don de soi à la collectivité et un accueil de tous les autres. Tout naturellement le groupe s’organisera pour que les besoins divers des uns soient satisfaits par le travail des autres et réciproquement. Chacun contribuera sans rien chiffrer à la réalisation du lien social, à l’harmonie du groupe. Si telle fonction essentielle n’est pas remplie spontanément, la direction utilisera son autorité pour qu’elle ne manque plus. Le groupe ne sera pas dans le troc, il ne sera pas dans l’échange des avoirs mais dans l’échange des êtres, dans le don de soi et dans l’accueil des autres. Il sera dans l’efficacité d’être ensemble, efficacité complexe dont l’échange des biens et des services n’est qu’un regard superficiel. On observe encore aujourd’hui cette sorte de constitution dans toutes les nouvelles associations loi de 1901.

Chacun apportera à la collectivité sa personne, ce qu’il saura faire, ce que son travail passé lui aura appris et ce que son travail présent lui fera réaliser. Il recevra pour cela la part de l’œuvre collective à laquelle il aura droit sur le chemin commun de la réalisation du lien social, du but commun. S’il se relâche plus que de raison, la direction du groupe le rappellera à l’ordre.

Ce don de soi, le don de son énergie individuelle, de son travail, manuel et intellectuel, crée un échange d’énergie entre les membres. Cet échange d’énergie renforce le lien social et soude encore davantage le groupe. Limiter l’échange d’énergie à l’échange des biens et des services est dangereusement réducteur. C’est en réalité beaucoup plus complexe que cela puisqu’il s’agit d’un échange d’énergie humaine.

Les énergies individuelles sont comptabilisées dans la mémoire du groupe et la stabilité sociale exige que l’énergie produite par chaque membre soit équilibrée par rapport aux autres et bien répartie entre chacun. A titre d’exemple, dans une famille on dira à un enfant : « Dis donc, tu pourrais aider ! Tu ne fais rien, tu laisses tout faire aux autres, mets la table et range ta chambre ». L’harmonie du groupe se maintient parce que le pouvoir veille à ce que chacun se dépense. Le pouvoir a la mémoire du travail de chacun.
Mais quand le groupe devient important en nombre, la mémoire du pouvoir perd de son efficacité et la réalité du travail de chacun est de plus en plus difficilement contrôlable. Alors le pouvoir, laxiste ou débordé, se sentant incapable de surveiller la réalité de l’apport de chacun, invente la monnaie La monnaie sera en effet la mémoire du travail passé des membres du groupe. La racine du mot monnaie tout comme le mot monument vient du grec mnêmosunê, « dont on se souvient ». Martin Litchfield West, professeur émérite au All Souls College d’Oxford, nous en explique même la forme causative dans son livre Indo-european poetry and myth paru en 2007 à l’University Press d’Oxford.

« Moneta désigne, nous dit-il, la déesse qui monet, c’est à dire qui fait se souvenir, moneo étant une forme causative de la racine *men-. »

Moneo étant une forme causative, la cause du monument comme de la monnaie est de se souvenir.
Pour ce faire le pouvoir a choisi des matière recherchées, pérennes, rares, divisibles et transportables comme de petits coquillages peu communs, du sel ou plus tard, du bronze, du cuivre, de l’argent ou de l’or. La monnaie sera également la preuve du travail présent car la monnaie force à chiffrer les biens et les services et contraint chacun à gagner son argent. La monnaie devient l’énergie commune, l’énergie sociale.

Cette énergie sociale n’existe que par la reconnaissance par le groupe que la monnaie est accumulation collective des énergies individuelles, cumul du travail des membres du groupe. Chacun sait que l’énergie est toujours très difficilement stockable mais l’homme a réussi à stocker son énergie personnelle dans la monnaie. La monnaie est énergie sociale, substitut de l’énergie humaine. Mais comme ce substitut n’est au départ reconnu que par les membres du groupe, la monnaie est aussi le symbole du lien social dont le pouvoir est garant, ce qui donne à ce dernier le droit de battre monnaie.

Mais battre monnaie ne peut se faire que si parallèlement il y a davantage d’énergie humaine à stocker. Le pouvoir doit vérifier que l’énergie humaine du groupe a véritablement augmenté par le travail ou la procréation. Si ce n’est pas le cas cette fausse monnaie sera automatiquement annulée par deux impôts que le peuple paye : la dévaluation pour ceux qui gardent leur argent et la hausse des prix pour ceux qui le dépensent. M. Asselain, professeur d’économie à Bordeaux IV a donné au ministère des finances le 4 février 2002 une conférence où il rappelait que le franc Poincaré de 1910 n’avait rien perdu pendant plus d’un siècle sur le franc Germinal de 1802 alors que lors du passage à l’euro le franc avait perdu 99,95 % de sa valeur Poincaré. Le XXème siècle a été le siècle de la fausse monnaie occidentale.

Le système capitaliste réussit alors un coup fabuleusement pervers : il fait de ses victimes ses complices. L’épargnant, pour ne pas voir ses économies dévaluées va les placer à intérêt et fabriquer à son tour de la fausse monnaie qui créera une nouvelle dévaluation et une nouvelle hausse des prix. Le consommateur, voyant les prix monter et sachant que son épargne sera dévaluée, va tout dépenser pour le plus grand bonheur du système et qui le félicitera de faire la croissance tant attendue pour enrichir l’Etat et donner de l’emploi.

Le capitalisme n’a jamais accepté l’évidence qu’une énergie ne se multiplie pas d’elle-même. Il est aussi impossible de fabriquer de l’électricité avec de l’électricité que de faire de l’argent avec de l’argent. Toutes les sagesses nous le disent depuis des siècles. Aristote écrivait dans la Chrématistique : « J’ai vainement cherché sur une pièce de monnaie ses organes reproducteurs ». L’Islam condamne la riba, l’intérêt du prêt, l’usure, comme le christianisme et le judaïsme. Luther écrit dans son grand sermon sur l’usure : « Il y a usure dès que l’on demande plus qu’on a prêté ». Les papes Benoit XIV et Grégoire XVI ont mis dans une encyclique : « Si une personne a reçu plus qu’elle n’a donné, elle est tenue à restituer le trop perçu ». Nous, nous avons préféré changer le sens du mot usure et laisser un monde financier lever un impôt privé. Nous commençons à payer notre erreur.

Le bon sens serait de marier l’énergie humaine stockée qu’est la monnaie avec l’énergie humaine vive qu’est le travail pour créer des richesses aux yeux du groupe. L’Etat, pouvant lever l’impôt, pourrait même financer par des prêts à intérêt les activités utiles au groupe. Ce serait moins grandiose que le rêve capitaliste mais tellement plus réaliste.

L’incompréhension de ce qu’est la monnaie entraîne bien d’autres non-sens comme le PIB présenté comme un produit alors qu’il n’est qu’une addition de toutes les dépenses qu’elles soient utiles ou inutiles. On nous fait croire qu’un pays à fort PIB est un pays riche. Ce n’est qu’un pays dont les habitants dépensent beaucoup. Et quand c’est avec de l’argent emprunté à des banques qui le créent, cela fait un pays plus stupide que riche.

Voila pour l’économie mais les contradictions de la pensée occidentale ne se limitent pas à l’économie et la plaque tectonique de notre vanité s’oppose en tous domaines à celle de la réalité.
Pour la gouvernance des peuples « Un homme une voix », base théorique de la démocratie, s’oppose à l’observation que c’est la façon la plus efficace de donner définitivement le pouvoir à l’argent sans possibilité de retour en arrière.
Concernant l’éducation, on l’a limitée à l’instruction alors qu’une accumulation de connaissances savamment sélectionnées n’a jamais généré le discernement qui manque cruellement et qui n’intéresse pas les tenants du système prétendument éducatif.

Ce qui est surprenant c’est que la plupart des dirigeants de la Terre, déformés dans les universités occidentales, se coupent de leurs peuples et de leurs cultures en tentant de suivre notre chemin sans issue parce qu’on les achète avec notre fausse monnaie qu’ils viennent d’ailleurs dépenser chez nous.

Partout les révolutions couvent car les peuples ne peuvent suivre les idéologies mondialistes. Les peuples savent inconsciemment que si nous voulons tous le même pétrole et la même viande nous nous entretuerons pour les posséder dès que le faux argent aura fait long feu. Chaque culture devrait chercher en elle-même comment sauver son peuple de la bêtise capitaliste et de ses valeurs prétendument universelles. Quant à nous la vraie difficulté va être de reconnaître que nous sommes dans un paradigme impossible et que nous avons emprunté une voie sans issue depuis plus d’un siècle. La fuite en avant de notre fausse élite et le bon sens populaire que le concret conserve, vont s’affronter comme on commence à le voir en Grèce. Pour éviter que cela ne se termine en fleuve de sang, nous devons convaincre nos contemporains qu’il est grand temps de se réveiller.

Il m’intéresserait d’avoir des commentaires afin de comprendre pourquoi rien ne bouge.