Nous sommes tous responsables

Il y a toujours une cause à un évènement et une cause à cette cause. On peut remonter d’un cran chaque fois pour trouver à chaque niveau la cause de l’évènement qui va devenir lui-même la cause de la suite du phénomène qui engendrera à son tour,… etc.

Dans la confusion actuelle il devient difficile de prendre conscience de la source de tous nos maux tellement elle est submergée par un océan d’explications superficielles et contradictoires, ce qui poussent beaucoup à renoncer à comprendre et à se réfugier dans un corporatisme défensif ou un intellectualisme protecteur.

L’erreur de base est d’avoir oublié qu’une richesse n’est qu’un regard et qu’elle peut être aussi un encombrant ou carrément un déchet. Une maison merveilleuse construite sans permis sur un site corse admirable sera suivant les yeux qui la regarderont une richesse, une gêne ou un édifice à démolir d’urgence. Il est regrettable que la science économique n’ait jamais pris le temps d’étudier la différence entre une richesse, un encombrant et un déchet en considérant très puérilement que tout ce qui est produit est richesse et en s’égarant dans le chiffrage et la mathématique.

Pour s’aveugler elle-même la science économique a inventé la phrase indéfendable qui est pourtant en tête de tous les livres d’économie : « Au début était le troc et un jour c’est devenu trop compliqué et on a inventé la monnaie ». Cette science matérialiste nous a formaté pour que nous soyons convaincus qu’au début est l’échange des avoirs alors que quiconque a fondé une association ou un couple sait bien qu’au début est l’échange des êtres à l’intérieur d’un but commun.

On en arrive à la notion délicate d’enrichissement.

Si l’on regarde une société sans monnaie comme par exemple une tribu où chacun fait sa part, l’enrichissement d’un membre de la tribu n’est pas simple car il fait appel aux multiples motivations qui en poussent d’autres à s’appauvrir. Ces motivations sont souvent du domaine du sacré et s’estompent dès que les équilibres sont menacés.

Dans une tribu, c’est le chamane et le chef qui donnent une impression de richesse puisqu’ils ont le pouvoir et le mot richesse vient du mot franc rikki qui veut dire pouvoir. Chez les autres membres de la tribu il n’y a pas d’enrichissement sauf si certains désirent s’appauvrir pour en honorer un autre. Un individu ne s’enrichit que par l’appauvrissement d’autres et la tribu ne s’enrichit que par ce que donne la nature suivant des cycles qui vont de l’année aux millions d’années (Quand on parle en millions d’années les écologistes rappellent fort justement que cycle ne se met pas au pluriel), ou par le pillage des biens d’une tribu rivale vaincue. Il n’y a pas d’enrichissement sans appauvrissement sauf ce que la nature nous donne et que le travail de l’homme va chercher. Les Physiocrates l’avaient parfaitement vu au XVIIIème siècle et la richesse fournie par la nature est grosso modo consommée pour survivre ce qui n’est donc nullement une richesse stockée. Il n’y a quasiment pas de richesse collective stockée.

Dans une société avec monnaie il faut d’abord accueillir le fait que la monnaie n’arrive que lorsque l’échange des êtres commence à avoir des ratés et que le pouvoir cherche à faire travailler les tire-au-flanc. La monnaie est une invention aussi géniale que la roue. Le pouvoir distribue à chacun une quantité de matière recherchée, rare, pérenne et divisible, en mémoire de son apport passé au groupe. Moneo est en effet une forme causative de la racine grecque men et la cause du monument comme de la monnaie est de se souvenir. Junon Moneta est la déesse qui fait se souvenir. La monnaie comme la roue a été inventée sur tous les continents par quasiment toutes les civilisations et, après que l’on ait chiffré les biens et les services et initié une impression de troc, elle permet de forcer sans contraintes et en douceur chacun à se rendre utile. Si aujourd’hui la monnaie a malheureusement complètement perdu son sens, elle reste de l’énergie humaine stockée et personne ne peut en fabriquer s’il n’y a pas stockage d’une nouvelle énergie humaine. Si l’on en fabrique tout de même, elle s’autodétruit par la dévaluation et la hausse des prix comme on l’a vu au XVIème siècle avec les galions espagnols chargés d’or et d’argent, au XXème siècle avec l’édification sur rien du monde financier et aujourd’hui avec les folies des Politiques qui nous mènent à l’explosion.

Mais l’introduction de la monnaie a eu un effet pervers car le chiffrage des biens et des services n’a bientôt plus été un système à somme nulle remplaçant simplement l’échange des êtres comme dans une tribu mais est devenu une proposition malsaine et mensongère d’enrichissement sans appauvrissement apparent de l’autre En effet dès que quelqu’un reçoit une somme lui permettant d’épargner, il est convaincu de s’enrichir par la bonne gestion de l’argent qu’il reçoit sans appauvrir personne. Malheureusement nous le lui laissons croire car un individu qui croit s’enrichir vote bien et pour cette raison nous rentrons collectivement dans le monde de l’apparence et du faire croire avec une intelligence stupéfiante. Les actions sont tous azimuts.

Le premier abus de confiance a été de faire croire que le Produit Intérieur Brut était comme son nom l’indique un produit. Il n’est en fait qu’une mesure de l’activité faite par tout ce que nous dépensons bêtement ou intelligemment et que l’INSEE chiffre soit par notre appauvrissement soit par les marchandises et services vendus, soit par les transactions effectuées. On trouve évidemment quand on ne se trompe pas la même mesure en euros de notre agitation qui vient de plus en plus de marchandises importées et d’argent prêté qu’il faudra donc payer deux fois. Mais la classe politico médiatique continue à présenter le PIB comme une création annuelle de richesses alors qu’il n’est que dépenses. Tous les médias raisonnent sur des pourcentages de PIB comme si c’était un pourcentage de richesses faussant habilement tous les raisonnements.

Nous justifions l’enrichissement des électeurs de leur logement, de leur voiture et de beaucoup de biens matériels par l’enrichissement du groupe par les entreprises et leurs fameuses valeurs ajoutées. Or les entreprises ne créent aucune valeur. Elles ventilent l’argent de leurs clients à leurs salariés, à leurs actionnaires, à leurs fournisseurs et à la collectivité. Pour capter l’argent de leurs clients les entreprises les séduisent soit par des services immédiatement consommés soit par des objets toujours présentés comme des richesses alors qu’ils deviendront tous à plus ou moins brève échéance, encombrants puis déchets . Les entreprises dépensent beaucoup d’argent pour acheter des machines qui fabriquent en continu d’abord des richesses puis des encombrants

Elles sont obligées alors de faire à nouveau des dépenses énormes publicitaires pour transformer les encombrants souvent inutiles en richesses. Pour faire tourner les machines on féminise les hommes, on virilise les femmes et surtout le système bancaire prête aux clients impécunieux de quoi acheter en leur racontant qu’ils rembourseront les emprunts par leur création future de richesse. Le groupe ne crée pas de richesses mais disperse par les entreprises les richesses inexistantes des banques.

Ainsi les électeurs s’enrichissent individuellement quand collectivement nous ne créons pas de richesses. L’appauvrissement compensatoire s’accumule dans les entreprises et dans les Etats et l’on observe alors une conséquence fantastique et perverse dont nous ne savons pas sortir : pendant que les PME sont condamnées à être hyper performantes ou à déposer le bilan, les grandes entreprises et les Etats accumulent avec les banques les pertes abyssales très bien cachées légalement par la comptabilité et l’appui bancaire. A chaque changement de président on passera quelques milliards d’euros de provision pour continuer à tenir. Les fusions permanentes aideront à cacher provisoirement le désastre.

On assiste alors à deux jeux particulièrement pervers.

Le premier est la bataille permanente pour se refiler la patate chaude de l’appauvrissement, bataille où tous les coups sont permis s’ils ne sont pas trop visibles entre l’Etat, les entreprises et les citoyens qui sont devenus des clients et des contribuables. Observer à distance cette bataille au couteau d’une ingéniosité admirable laisse de l’espoir sur notre capacité énergétique et inventive.

L’autre jeu est l’import-export. Nous avons malheureusement oublié l’esprit de la Charte de La Havane fruit provisoire du bon sens d’après-guerre dans les rapports internationaux comme l’était le programme du Conseil National de la Résistance pour notre organisation interne. La Charte de La Havane votée à l’unanimité par tous les membres de l’ONU disait qu’il ne fallait pas faire payer les autres et que l’on ne pouvait importer que si l’on exportait autant. C’est d’ailleurs normalement par ce biais que les monnaies s’évaluent. Chaque pays paye avec sa propre monnaie et si un pays importe beaucoup et exporte peu, sa monnaie se dévalue. S’il exporte beaucoup et importe peu, sa monnaie se réévalue. Cela doit rester quantitativement faible par rapport à la vie d’un pays qui ne veut pas de la liberté du renard dans le poulailler et qui surtout ne veut pas dépendre des autres. Mais nos grandes entreprises et l’Etat ont voulu avec l’OMC cette liberté qui est l’inverse de la Charte de La Havane que l’on nous a fait oublier. Comme nous sommes un peu hâbleurs le résultat est évidemment catastrophique et nous sommes passés de 14 milliards d’excédent à 60 milliards de déficit.

Nous allons évidemment à l’explosion d’un système impossible où la classe politico médiatique ne sait plus quoi proposer si ce n’est d’aller encore plus vite vers le mondialisme où des milliards d’hommes ayant les mêmes désirs (puisque pour eux la civilisation c’est nous) s’entredéchireront pour avoir ce que la Terre ne peut pas produire pour tant de gens.

Mais les vrais coupables ne sont pas les marionnettes du monde politico médiatique mais nous-mêmes qui sommes si contents de vivre beaucoup mieux que nos grands-parents, d’acheter notre logement, d’avoir 5 semaines de congés payés, de partir en vacances sur la Côte ou au ski et surtout de ne pas nous interroger sur le fait qu’aucune civilisation avant nous n’a fait à ce point semblant d’enrichir son peuple en glissant les appauvrissements compensatoires chez les puissants du moment

Je souhaite ardemment que ce billet soit discuté, disputé et diffusé.

Les autres fanatiques

C’est compliqué la haine. Elle s’exprime en violence ou en dérision. Elle n’est pas l’inverse de l’amour, elle est l’inverse du respect et à la fin elle se retourne toujours contre soi. Brasillach et Charlie Hebdo n’ont jamais tué personne mais ils ne respectaient pas ceux qu’ils voyaient en adversaires. Leurs exécutions sont indéfendables mais elles sont pourtant toujours défendues par ceux que leurs plumes ont traumatisés. Ne serait-ce pas manquer de hauteur de vue que de condamner d’un côté et d’approuver de l’autre ? Tous les fanatismes sont dangereux.

Fanum en latin c’est le temple et fanaticus est le serviteur du temple quand le profane reste à l’extérieur. Aujourd’hui le fanatique se barricade dans son idéologie, refuse d’en discuter, refuse même d’envisager de se tromper. Ce fut longtemps le cas des communistes qui ne pouvaient supporter de s’être trompés pendant toute leur vie. Dans l’Histoire récente ce fut évidemment le cas des nazis et de Brasillach, et un très bel exemple de fanatisme est la phrase de Churchill aux Communes, « La démocratie est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres ». Il y a dans cette phrase l’affirmation d’un dogme que l’on sait ne pas être capable de défendre mais dont on refuse la remise en question. Ce sont les idéologies qui créent les fanatiques et défendre une idéologie en condamnant le fanatisme rend pour le moins perplexe. Le fanatisme à la kalachnikov génère beaucoup d’émotion. Il n’est évidemment pas défendable mais il est vite écrasé dans l’œuf en donnant à d’autres fanatismes, d’autres idéologies l’occasion de crier victoire, même en silence. Je suis personnellement plus inquiet d’un autre fanatisme tout aussi méprisant et qui ne tue pas les individus mais les peuples. Pas physiquement bien sûr mais culturellement. Ces fanatiques s’appellent actuellement Hollande, Sarkozy, Bayrou, Juppé, Cohn-Bendit, Attali ou Valls. Ils ont comme journaux Le Figaro, Le Monde, Les Echos et Libération. Ils se regroupent pour mieux résister aux assauts du bon sens.

Le 4 janvier Libération reprenait une étude que Le Point faisait sur Alain Juppé :

Juppé «réfléchit» déjà «évidemment» à ce qu’il ferait. Par exemple, énonce-t-il, «il faudra peut-être songer un jour à couper les deux bouts de l’omelette pour que les gens raisonnables gouvernent ensemble et laissent de côté les deux extrêmes, de droite comme de gauche, qui n’ont rien compris au monde». Le président du Modem, François Bayrou, fan de Juppé, ou Manuel Valls disent la même chose.

Il ne faut en effet pas oublier que les fanatiques ont toujours tout compris au monde. Ils sont les seuls raisonnables et ceux qui n’ont pas la même compréhension qu’eux sont des populistes et des extrémistes qui n’ont accès à la liberté d’expression que lorsque l’on peut retourner contre eux ce qu’ils disent.

Il serait raisonnable d’après eux de croire que le PIB est une richesse annuelle créée pour se la partager ? Il serait raisonnable de dire que la seule façon de lutter contre le chômage c’est que la croissance dépasse 1,5% ou 2% suivant la puérile «loi d’Okun»? Si c’était raisonnable il serait inutile de vouloir aller chercher la croissance avec les dents. Il suffirait d’embaucher des fonctionnaires pour faire du « PIB non marchand » et d’envoyer des pétroliers mazouter nos côtes pour faire du « PIB marchand » avec le nettoyage des plages. D’après ces fanatiques il serait raisonnable de croire s’enrichir chaque fois que nous dépensons de l’argent, quelle qu’en soit la raison et que cet argent ait été gagné ou emprunté. Pour eux dépenser de l’argent c’est créer de la richesse. Ils sont unanimes à ne pas oser dire au peuple qu’il faudrait envisager de se remettre au travail. Dans leur aveuglement ils ont raison. C’est en s’unissant tous qu’ils résisteront le moins mal à la réalité des faits.

Il serait raisonnable d’après eux de garder nos enfants presque le tiers de leur vie entre quatre murs pour marier leur désirs enfantins de liberté et de « vie étudiante » au désir cynique de les formater en complices du système s’ils n’ont pas la force de se rebeller. Il serait raisonnable de voir sortir du moule à 25 ans des garçons et des filles convaincus que le PIB est une richesse créée annuellement qui permet la réalisation de tous leurs rêves. Il serait raisonnable de voir sans en être dérangé la douleur de leur réveil quand ils s’aperçoivent qu’avoir accumulé des connaissances ne les a absolument pas préparés à la vie. Il serait raisonnable de tout mettre sur le dos de la crise. On dirait vraiment qu’ils n’ont pas compris que l’expérience est au moins aussi importante que la connaissance et que le discernement est bancal sans elle. Dans leur aveuglement ils ont raison. C’est en s’unissant tous qu’ils résisteront le moins mal à la réalité des faits.

Il serait raisonnable d’après eux d’appeler démocratie l’avis majoritaire de la foule en refusant de s’intéresser à la liberté et à la compétence des votants de même qu’à l’intérêt réel qu’ils portent au sujet traité. Il serait raisonnable de se voter des lois de financement des partis politiques pour ne plus subtiliser l’argent indispensable à l’achat de l’affect du peuple afin qu’il choisisse le bon bulletin le jour J. Là ils ont vraiment compris qu’il fallait être riche pour être élu et dans leur clairvoyance ils ont raison. C’est en s’unissant tous qu’ils résisteront le mieux à la réalité des faits et qu’ils pourront acheter avec l’argent du peuple, leur propre tranquillité pendant quelques années en mariant parole et illusion.

Alain Juppé a raison. Il y a une omelette dont les bouts sont différents et il n’est pas le premier à prendre cette image. Ils ont raison de vouloir se regrouper dans leur combat perdu d’avance comme les Jedi dans L’attaque des clones. Ils ne ressentent même plus le ridicule de leur appel désespéré à la croissance divine qui n’arrivera malheureusement pas aussi facilement que Yoda et son armée de clones dans Starwars.

Nous sommes tous complices de cet abandon de notre pays aux fanatiques. Séparons en effet dans l’omelette les fanatiques et les profanes, le gros ventre mou crépusculaire et les extrémités balbutiantes.

Un bout de l’omelette veut faire payer les riches, ceux qui se sont scandaleusement enrichis au détriment des entreprises et des Etats qu’ils étaient supposés servir. Ils ont évidemment raison mais si c’est nécessaire, ce n’est clairement pas suffisant.

L’autre bout de l’omelette veut limiter le problème à son rayon d’action, à la nation, à sa capacité à agir et c’est évidemment le bon sens. Mais ce n’est pas seulement en fermant la fenêtre que l’on soigne un malade.

Il y a beaucoup à dire sur les deux bouts de l’omelette mais c’est là où le vrai raisonnable cherche à naitre, en rejetant le fanatisme incroyablement dangereux de tous ceux qui s’autoproclament raisonnables en entrainant leur peuple au désastre et en le formatant par simple intérêt personnel.

Demain, dimanche 11 janvier 2015, manifestons notre rejet de la haine et de tous les fanatismes. Et ayons de l’empathie pour tous les fanatiques en espérant leur résilience.

Vœux 2015

2015 sera l’année de deux votes et si nous nous souvenons que vote vient de votum le vœu et non de vox la voix, il est temps de faire un vrai vœu, une promesse faite aux dieux selon son étymologie. Laissons aux souhaits, la gentillesse de voir chacun riche, bien portant et heureux, et envisageons d’y travailler un peu.

Je promets donc aux dieux de tout faire pour réveiller mes contemporains et les aider à se sortir du tissage de l’illusion et de la parole, étoffe qui nous sert de chrysalide et nous fait croire que nous ne sommes pas chenilles puisque nous nous rêvons papillons. C’est évidemment complexe puisque tout est fait pour fausser nos analyses et pour que nous nous croyions riches, bien portants et heureux. Décortiquer l’esbroufe est la première difficulté à surmonter pour ne pas sombrer dans les fausses solutions qui abondent et nous dispersent.

Toute étoffe a une chaîne et une trame qui se tissent pour durer. Notre folie n’y échappe pas.

Quatre illusions constituent la chaîne de ce tissu maléfique :

La première est de croire que nous avons trouvé, après l’échec de toutes les civilisations et de tous les siècles antérieurs, comment créer de la richesse : il suffit d’attendre la croissance qui augmentera le PIB qui n’est plus la somme de toutes les dépenses, sottes ou intelligentes, mais la création annuelle de richesses à nous partager équitablement. Nous avons enfin trouvé l’accès à la propriété en niant à juste titre qu’elle est le vol mais en oubliant qu’elle n’est qu’un prêt du groupe qui peut tout récupérer par ses lois de confiscation. Cette première illusion fait passer l’individu avant le groupe, ce qui est l’inverse de toute civilisation.

La deuxième illusion est de croire que la monnaie est une marchandise ou un signe en oubliant qu’elle est stockage d’énergie humaine et qu’elle ne peut croitre en quantité que par l’augmentation d’énergie humaine efficace, procréation fructueuse ou travail reconnu utile par le groupe. Créée sans cela, elle s’autodétruit par la hausse des prix et la dévaluation. Cette deuxième illusion accompagne la première comme le chat accompagne le renard pour emmener les Pinocchios que nous sommes vers l’île des plaisirs.

La troisième illusion est de croire que des années passées dans l’instruction publique à répéter à des professeurs, ce qu’ils ont envie d’entendre, donnent par diplômes interposés, des raisons d’être et une reconnaissance par le groupe. Cette troisième illusion déstabilise complètement l’individu et l’oblige, pour survivre, à devenir complice ou rebelle.

La quatrième illusion est de croire que la majorité de la foule a toujours raison et qu’il est inutile de vérifier la compétence, la liberté et l’engagement de ceux qui s’expriment pour les prendre au sérieux. Les foules ne font pas que des lynchages et des pogroms. Elles font aussi des démocraties représentatives qui ont dépensé ce qu’il fallait pour s’acheter une image de sérieux et qui fabriquent des protecteurs du système. Le rôle de ces derniers est important car, au lieu de privilégier le bon sens, et pour des raisons à étudier de près, ils s’en éloignent en multipliant les normes et les lois, tristes étais d’un système sans avenir. Cette quatrième illusion nous fait croire que nous sommes sur le bon chemin.

Mais la chaîne de l’illusion ne ferait pas un tissu solide si elle n’était tramée par la parole qui arrive à tout faire croire par une logorrhée généralisée et une technique très aboutie.

La parole dans l’action est confiée aux Politiques. Comme rien de ce qu’ils proposent ne fonctionne et qu’ils n’envisagent pas de s’être trompés, ils rivalisent de mots qui ne sont que fuite en avant vers l’européanisme et le mondialisme avec les notions de gouvernances européenne et mondiale et un syncrétisme absurde qui prend çà et là sur la Terre, des bouts d’expériences toujours isolés de leur contexte. De tous temps les pensées médiocres ont cru pouvoir s’imposer par l’universalisme et la suppression des autres pensées. De tous temps cela a abouti à des totalitarismes désastreux car les peuples filtrent tout à l’aune du bon sens.

La parole dans l’échange est confiée aux médias qui surfent sur le superficiel en ne faisant plus d’analyses de fond. Ils éloignent les profanes du temple de leurs certitudes en veillant à la purification des messages diffusés. Ils doivent être inodores, incolores et sans saveur sauf s’ils sont porteurs d’émotions. Les médias séduisent et diffusent un bonheur artificiel et des émotions dirigées. Ils réinventent l’hypnose sous une forme nouvelle assez efficace.

La parole dans la réflexion est confiée, ou plus exactement donnée, à des experts cooptés entre eux. Les Politiques et les médias les ont érigés en penseurs. On ne voit qu’eux à la télévision. Ils se disent à la fois économistes, politologues, essayistes et professeurs. Ils annoncent péremptoirement le futur en n’expliquant jamais pourquoi ils se sont toujours trompés. Inutile de les citer tellement leurs noms tombent naturellement comme des fruits mûrs. Ils ont compris que pour exister, il fallait être proche des Politiques et des médias, ce qui était beaucoup plus important que d’avoir quelque chose à dire.

Ce tissu bien construit par le hasard et la nécessité, est en nous et autour de nous. Tous les grands illusionnistes savent que tout passe lorsque la parole habille l’illusion. Les auditoires sont subjugués et on leur fait tout avaler. C’est la société de l’apparence. C’est la société que nous envisageons, toute honte bue, de laisser à nos enfants.

Puissent les dieux nous aider à sortir par nous-mêmes de cette société de l’apparence que l’on nous a appris à tant aimer ! Le premier acte est d’affiner l’analyse en ouvrant un vrai débat.

Bonne année 2015

La vraie création de richesse

Il n’y a de richesse que d’hommes disait Jean Bodin au XVIème siècle. La richesse n’étant que le mariage du beau et du bien, vus par le groupe, la richesse n’est vraie que pour le groupe et ne pourrait être vraie pour la Terre entière que si notre culture, notre notion du beau, du bien et du vrai, était imposée à l’ensemble de la Terre, ce qui serait certes un manque d’humilité mais surtout un manque d’intelligence. Toutes les idéologies se sont fracassées et disloquées à se croire universelles et le capitalisme est en train de vivre son crépuscule après tant d’autres pour cette même raison. Chacun devrait travailler le mythe biblique de la construction de la tour de Babel qui voulait transpercer le ciel et qui a amené Dieu à lui donner un coup d’arrêt et à créer des cultures différentes.

Pour définir la richesse il faut d’abord avoir un groupe qui la définit et sans groupe cohérent, il n’y a pas de définition cohérente de la richesse. Or le drame du XXIème siècle est l’absence de groupe cohérent venant après le drame du XXème siècle qui était l’absence de spiritualité. C’est pourquoi il faut à la base en revenir à un groupe suffisamment grand pour avoir une monnaie et suffisamment petit pour que le bon sens puisse rester un filtre efficace.

Il faut bien voir pourquoi ce groupe est une absolue nécessité. Il est nécessaire parce que c’est son regard qui va définir la richesse et c’est son gouvernement qui va instiller de la monnaie au fur et à mesure que le groupe croira voir sa richesse augmenter.

Cette augmentation de richesse est double. Elle se fait par la procréation et par le travail.

La procréation est une création de richesse et une société quelle qu’elle soit s’enrichit en faisant des enfants. Mais la richesse n’étant qu’un regard, il peut y avoir des exceptions comme cela a été le cas en Chine de 1979 à 2014. Même aujourd’hui en Chine, si 2 enfants sont tolérés, ce qui est la définition des encombrants, le 3ème enfant est toujours un déchet et un délit pour les parents. Ils ne sont en aucun cas considérés comme des richesses. Mais en règle générale, hors la Chine, les enfants sont une richesse, plus de 2 enfants par couple, un enrichissement du groupe, moins de deux enfants par couple, un appauvrissement du groupe. Si nous sommes dans le cas général où l’arrivée d’enfants est une richesse reconnue par le groupe, le gouvernement introduit dans la masse monétaire l’argent nécessaire à son éducation sans pour autant l’exagérer. Cette introduction est de la bonne inflation si nous redonnons à l’inflation son vrai sens de quantité de monnaie qui enfle, qui croit.

L’augmentation de richesse par le travail est plus délicate car elle se fait par une adéquation fine entre le groupe, son gouvernement et sa monnaie, justement ce qui manque tant aujourd’hui.

Le groupe donne son regard sur un objet fabriqué ou sur un service rendu, et ce regard définit s’il s’agit pour ce groupe d’une richesse, d’un encombrement ou d’un déchet.

Si le groupe et son gouvernement pensent que le bien ou le service créé est un déchet ou un encombrement, le gouvernement s‘interroge sur les raisons du désir de celui qui s’est appauvri pour posséder ce bien ou ce service. Si seule la publicité a fait croire à une richesse et si l’on est dans l’apparence et non dans la réalité, le gouvernement laisse généralement l’acheteur vivre les conséquences de sa liberté de choix mais il peut aussi le protéger de la tromperie en usant d’un de ses pouvoirs régaliens (police, justice ou finance).

Les entreprises distribuent aux salariés, aux actionnaires et à la collectivité, la richesse en monnaie que leurs clients sont venus abandonner pour satisfaire leur désir et pour s’enrichir en nature du bien ou du service que l’entreprise vend après l’avoir imaginé et/ou fabriqué. Mais la richesse en nature créée par l’entreprise est immédiatement consommée par le client s’il s’agit d’un service et dans ce cas elle n’existe plus. En revanche s’il s’agit d’un bien matériel et que le groupe et son gouvernement pensent que ce bien est une richesse, le gouvernement introduit dans la masse monétaire la valeur de la richesse créée car il y a enrichissement du groupe.

Le gouvernement devrait constater l’enrichissement du groupe par l’enrichissement de l’entrepreneur en lui versant individuellement mais sans exagérer ce qui a enrichi collectivement le groupe. Cet enrichissement de l’entrepreneur producteur de biens devrait être similaire quelle que soit la taille de son entreprise, du petit artisan aux entreprises du CAC 40. Cette introduction de monnaie est encore de la bonne inflation si nous reprenons toujours son vrai sens de quantité de monnaie qui enfle.

On voit clairement que la vraie création de richesse est à la fois très subjective car dépendant du regard du groupe et particulièrement lente et aléatoire car dépendant du travail et des salles de travail. Il faut aussi réaliser que la mort appauvrit le groupe comme la naissance l’enrichit et qu’une richesse à sa création peut rapidement devenir un encombrement ou un déchet et qu’une richesse n’est éternelle que si elle ne s’abime ni ne s’oxyde. L’évaluation de la création de richesse amputée de la destruction de richesse est très délicate et elle est confiée au gouvernement qui bat monnaie.

S’il insère trop de monnaie, la monnaie se dépréciera automatiquement par la dévaluation pour ceux qui épargnent et par la hausse des prix pour ceux qui consomment. Si l’évaluation que fait le gouvernement de l’augmentation de richesse est trop faible et s’il n’insère pas assez de monnaie, la fluidité des échanges deviendra visqueuse et l’activité du groupe se ralentira.

Un bon gouvernement, maître de sa monnaie, doit ne faire que de la bonne inflation. Il introduit toujours ce qu’il faut de monnaie pour que les échanges restent fluides tout en veillant à ce qu’une mauvaise inflation ne se traduise pas par de la dévaluation et de la hausse des prix. Inutile d’énumérer les raisons qui font que nous en sommes si loin !

La difficulté aujourd’hui est que le groupe est un agrégat de groupes contradictoires qui n’ont pas le même regard.

La grande majorité des Politiques, les médias, les banques, les publicistes et les multinationales forment un groupe européaniste et mondialiste. Ce groupe se moque de l’origine de la monnaie et de son sens profond. Il est composé de gens sans vision qui se payent très bien pour ne tenir que par une fuite en avant de plus en plus vertigineuse. Ils laissent se développer grâce à l’emprunt une croissance irresponsable de la richesse de l’électeur qui ne correspond absolument pas à la croissance de la richesse du groupe et qui est compensée par les appauvrissements cachés des entreprises et des Etats. Ces derniers cherchent à se refiler la patate chaude et à se renflouer désespérément, qui sur le contribuable, qui sur le client.

Ils ont tous besoin de justifier l’automatisation de tout, inventée par le XXème siècle et qui confond les richesses créées au départ avec les encombrants et les déchets que la production obligatoire génère ensuite. Ce groupe appauvrit tout le monde en dépensant des sommes folles en publicité pour tout transformer en impressions de richesses et pour trouver chaque jour de nouvelles victimes et pour surtout ne pas les protéger. Ce groupe prépare, totalement inconsciemment pour la plupart de ses membres, la mondialisation de notre regard européen, une nouvelle tour de Babel, la désertification de la Terre, et la guerre entre les humains de plus en plus nombreux qui auront les mêmes désirs sur une planète incapable de les satisfaire tous.

Les peuples qui sont au contact de la réalité, ont gardé eux, du bon sens et forment des groupes bien différents. Ils changent leurs dirigeants à chaque élection, voient que cela ne change rien, se replient sur leurs familles, sur leurs amis et souvent sur la corruption. Ils sont écartelés entre leur côté électeur qui se réjouit de vivre mieux que leurs grands-parents et leurs côtés contribuables et consommateurs qui n’arrêtent pas de voir tout grimper. Chacun voit bien qu’à part leur avenir personnel, les puissants n’ont aucune vision d’avenir et qu’il faut s’attendre au pire.

Le divorce entre les peuples et leurs dirigeants donne malheureusement un pouvoir médiatique important aux gourous des dirigeants, les Attali, BHL, Minc ou autres Reynié qui ont investi tous les espaces politiques pour ne plus être dérangés par des changements apparents qui ne changent plus rien sur l’autoroute commun vers le désastre.

C’est aux peuples à s’intéresser sérieusement à l’avenir de leurs enfants en commençant par comprendre ce qui se passe.

Reparlons de la richesse, de la dette et de la croissance

J’ai fait au Sénat le 21 novembre une intervention dans le cadre d’un colloque organisé par l’association Démocraties sur le thème « La fin d’un monde, pas la fin du monde ». Je mets mon intervention sur le blog pour ceux que cela intéresserait.

On m’a proposé comme titre de mon intervention « Croissance, dette, richesse, des problèmes sans solution ». J’ai accepté avec plaisir car, pour reprendre Einstein, « un problème sans solution est un problème mal posé ».

Que croissance, dette et richesse soient toutes les trois des problèmes ne surprendra personne puisque les médias et les Politiques nous expliquent tout par la croissance trop faible, ou par la dette trop forte, ou encore par la mauvaise répartition d’une richesse pourtant apparemment si abondante. Les solutions sont parait-il connues : plus de croissance, moins de dette et une meilleure répartition de la richesse nationale, et tout marchera mieux ! Chacun constate malheureusement que ces solutions sont inaccessibles et qu’au contraire la croissance diminue, la dette augmente et la richesse est de plus en plus discriminatoire. Bref les solutions ne résolvent pas le problème et au contraire elles n’arrêtent pas de le compliquer. Le problème doit donc être mal posé et je vais vous soumettre une autre approche.

Tout part de la richesse qui d’après les Politiques, les médias et les banques est produite chaque année au niveau national comme au niveau mondial. Dans un rapport sorti en octobre 2013 le Crédit Suisse nous a appris que « la richesse mondiale a plus que doublé depuis 2000, atteignant un nouveau record historique de 241 000 milliards de dollars ». Quelle merveille ! Et quelle honte ce serait puisque cet enrichissement de 120 000 milliards de dollars en 12 ans devrait par une distribution équitable et généreuse, apporter près de 1500 dollars par an à chacun des 7 milliards de Terriens !

Ce qui est intéressant, ce n’est pas la sottise du rapport de la banque suisse mais notre propre formatage qui a permis aux médias de diffuser ce rapport sans en être dérangés, et à nous tous de croire à la création de richesse.

Certes Dieu a fait tomber la manne et les cailles pendant les 40 ans de pérégrination des Hébreux dans le désert. Mais je n’ai pas la foi assez chevillée au corps pour croire qu’il continue à le faire à ce niveau et en dollars. Essayons de comprendre notre folie.

Tout d’abord on raconte que les entreprises créent de la richesse. Est-ce aussi évident ? Ce qui est sûr c’est que les entreprises distribuent de la richesse à leurs salariés par les salaires, à leurs actionnaires par les dividendes et à la collectivité par les taxes, les impôts et les cotisations. Mais comment les entreprises possèdent-elles la richesse qu’elles distribuent ?

C’est ce que la comptabilité appelle la valeur ajoutée. C’est ce qui est vendu aux clients moins ce qui a été acheté à l’extérieur pour fabriquer ce bien ou ce service. La difficulté est que ce bien ou ce service n’est une richesse que s’il trouve acheteur. S’il n’y a pas d’acheteur, ce bien ou ce service n’est pour l’instant qu’un embarras qu’il va falloir stocker à grand frais, voire même un déchet qu’il va falloir jeter en tentant de ne pas trop polluer. La science économique n’a jamais étudié la différence entre une richesse, un encombrant et un déchet. C’est de la philosophie et ce n’est pas le point fort de la science économique qui ne sait que chiffrer. Pour elle toute production est une richesse alors que les antiquaires, les brocanteurs ou autres ferrailleurs ont tous bien compris que les encombrements ou les déchets des uns sont souvent les richesses des autres. La richesse n’est qu’un regard qui dépend de chacun et qui varie dans le temps et dans l’espace. La science économique est aphone sur ce point essentiel car un regard ne se chiffre pas.

C’est la mathématique qui nous apprend que les valeurs ajoutées cumulées de toutes les entreprises sont égales au centime près à la somme de toutes les consommations. En effet en ajoutant aux valeurs ajoutées comme aux consommations, les achats cumulés de toutes les entreprises, on obtient dans les deux cas le chiffre d’affaire cumulé de toutes les entreprises. Ce qui veut dire que la richesse distribuée en monnaie par les entreprises n’existe que si des clients sont venus s’appauvrir en monnaie pour s’enrichir en nature (en volume dit l’INSEE). Dans une boulangerie par exemple, le client s’enrichit en pain et s’appauvrit en argent pendant que le boulanger s’enrichit en argent et s’appauvrit en pain. Dans une entreprise le client vient s’enrichir en nature et s’appauvrir en monnaie pour que l’entreprise enrichisse en monnaie les salariés, les actionnaires et la collectivité. Il n’y a pas création de richesse dans les entreprises, il y a transfert de richesse. Transfert par l’activité de l’entreprise, de la richesse du client vers le salarié, l’actionnaire et la collectivité.

Mais alors qu’est-ce que le PIB, le Produit Intérieur Brut, que les Politiques et les médias nous présentent comme la création annuelle de richesse ? Qu’est-ce que la croissance qui doit augmenter le PIB et apporter l’emploi que tout le monde attend ? Ce n’est malheureusement que le chiffrage du transfert de richesse par l’appauvrissement en monnaie des clients vers l’enrichissement en monnaie des salariés, des actionnaires et de la collectivité. Ce n’est qu’une mesure de l’activité des entreprises et l’on comprendra mieux pourquoi l’INSEE à 3 façons différentes de calculer le PIB. Observons ces trois manières en analysant l’activité d’un marché de village avec ses exposants qui veulent s’appauvrir en volume pour s’enrichir en monnaie, et ses clients qui veulent s’appauvrir en monnaie pour s’enrichir en volume.

  1. On peut faire la somme de toutes les transactions effectuées sur le marché et ce sera le PIB par la dépense dit l’INSEE et cela devrait d’ailleurs suffire car c’est très simple mais peu présentable comme une production.
  2. On peut aussi additionner tout ce qui a été dépensé par les acheteurs et on obtiendra le même PIB mais par la distribution dit l’INSEE.
  3. On peut encore voir, en volume dit l’INSEE, toutes les marchandises qui ont été vendues par les maraichers et les forains, les carottes, les poissons, les ceintures, les chiffrer au prix du marché et l’INSEE appelle ce résultat le PIB par la valeur ajoutée, évidemment identique aux deux autres.

Où est la création de richesses ? Nulle part ! Nous ne sommes que dans la distribution, toujours annoncée en euros mais comptée soit en volume par la valeur ajoutée, soit en euro par la dépense ou la distribution. Nous sommes dans le chiffrage de la dépense effectuée. Le PIB chiffre la dépense effectuée. Plus on dépense, plus on fait de la croissance, ce qui met dans un grand embarras les Politiques qui veulent à la fois dépenser moins pour ne pas augmenter la dette et dépenser plus pour faire de la croissance. La droite veut dépenser moins pour pouvoir dépenser plus et la gauche veut dépenser plus pour pouvoir dépenser moins.

Il est pourtant vrai que l’activité des marchés montrait clairement la prospérité de la Province dans les grandes foires médiévales du XIIIème siècle. Mais à l’époque pendant les 50 semaines qui séparaient une foire de la suivante, les hommes travaillaient pour produire et étaient rémunérés pour leur travail. Ils avaient de quoi acheter et de quoi vendre. L’activité de la foire, son PIB, était un vrai constat de création de richesses, fondée sur le travail des hommes. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui car par démagogie on nous a fait croire que nous pouvions nous enrichir de notre part de PIB, que nous pouvions profiter sans être utile aux autres, que nous pouvions consommer plus en travaillant moins. Nous nous sommes laissés séduire tellement c’était agréable à entendre ; nous nous sommes précipités pour le croire et pour cela nous avons utilisé les facilités apparentes des prêts bancaires pour pouvoir acheter et du libre-échange pour être capables de vendre moins cher.

En ce qui concerne les prêts, jusqu’au XXème siècle il n’y avait que des prêts sur gages aux puissants qui se remboursaient soit par l’abandon du gage soit par l’appauvrissement de leurs vassaux car les puissants s’appauvrissaient rarement eux-mêmes. Pour les rares prêts à des personnes moins fortunées, le remboursement était gagé sur l’emprunteur lui-même qui était réduit en esclavage pour payer de sa sueur ce qu’il n’avait pu payer de sa poche.

Mais depuis le XXème siècle on prête à tout le monde en fondant les remboursements sur l’illusoire création de richesses futures. On prête au consommateur qui peut donc acheter, se croire riche et bien voter.

En ce qui concerne le libre-échange tout est fondé sur l’avantage comparatif de Ricardo qui expliquait qu’entre l’Espagne et l’Angleterre, il valait mieux faire tout le vin en Espagne et tous les draps en Angleterre plutôt que de tout faire chacun pour soi. Malheureusement l’avantage comparatif n’est vrai qu’entre pays ayant la même culture et le même niveau de vie. Inutile de dire combien il est faux sur un plan planétaire et comment il génère des réactions violentes chez ceux qui veulent garder leur culture et ne pas se soumettre à la nôtre. Au sortir de la 2ème guerre mondiale, le bon sens tenant provisoirement la corde, l’ONU convoqua à La Havane une « conférence internationale sur le commerce et l’emploi en vue de favoriser le développement de la production, des échanges et de la consommation des marchandises ». Le but était de créer l’« Organisation Internationale du Commerce », l’OIC. Le 24 mars 1948 la Charte de La Havane fut signée par 54 pays dont les Etats Unis, la France et l’Angleterre. Cette charte prévoyait l’équilibre des relations commerciales entre pays, des importations au même niveau que les exportations et une balance des paiements équilibrée. Mais, en dépit de l’insistance pendant 2 ans du Président Truman, le congrès américain ne ratifia jamais cet accord et l’on accoucha à Genève hors de l’ONU, de l’OMC qui a les principes rigoureusement inverses de ceux de la Charte de la Havane. L’OMC prône la liberté du renard dans le poulailler et en nous croyant renard nous nous retrouvons poule. Nous importons beaucoup plus que nous exportons et notre balance commerciale depuis la création de l’OMC en 1995 est passée de 16 milliards d’euros d’excédent (105 milliards en francs) à 70 milliards d’euros de déficit.

En clair, à force d’emprunter au lieu de travailler, et à force d’importer au lieu de produire, la machine se grippe et les seuls emplois que nous créons sont des emplois qui doivent faire tourner la machine tout de même : des emplois de publicitaires, de commerciaux, de conseils, de formateurs, pour activer artificiellement un marché où les acheteurs comme les marchandises à vendre se font rares. On invente le marketing olfactif ou sensoriel, les psychologues pour commerciaux dépressifs. Les agences de publicité, fort couteuses, rivalisent de ruse pour que nous nous appauvrissions ou que nous empruntions afin que la machine tourne.

Ce qui est grave c’est que nous raisonnons comme si c’était l’activité du marché, le PIB, qui était la création de richesses et pour l’activer on va donner de l’argent aux acheteurs par l’emprunt, c’est la politique de la demande chère à certains, et on va trouver des marchandises à vendre par l’importation, c’est la politique de l’offre chère à d’autres. On va réussir à avoir un marché apparemment florissant mais il va falloir, une fois les lampions éteints, payer deux fois : une fois pour payer les importations et une autre fois pour rembourser l’emprunt, ce qui bien évidemment freine une activité insensée. On appelle ce frein, la crise.

Ce qui complique encore, c’est l’absence de vraie réflexion sur la monnaie. Je rappelle que la monnaie comme le monument a comme étymologie moneo qui est en grec la forme causative de la racine men de mnêmosunê, la mémoire. La cause du monument comme de la monnaie est de se souvenir. Au début de tout groupe est un lien social, une raison d’être ensemble, et, à l’intérieur de ce lien social, un échange des êtres, un don de soi et un accueil des autres. Mais lorsque le groupe devient trop important, le chef du groupe, se sentant incapable de surveiller la réalité de l’apport de chacun, invente la monnaie. La monnaie est en effet la mémoire du travail passé des membres du groupe. Pour ce faire, le pouvoir choisit une matière recherchée, pérenne, rare, divisible et transportable comme de petits coquillages peu communs, du sel ou plus tard, du bronze, du cuivre, de l’argent ou de l’or. Il en donne à chacun suivant son apport passé, les biens et les services sont alors chiffrés et l’impression de troc qui s’ensuit force les paresseux à se rendre utile. La monnaie devient l’énergie commune, l’énergie sociale. Elle est stockage collectif des énergies humaines individuelles. Elle ne peut augmenter que par la procréation ou par la réalisation de biens reconnus comme utiles par le groupe. Sans cela c’est de la fausse monnaie qui s’autodétruit par la dévaluation et la hausse des prix.

Nous pouvons maintenant formuler le problème qui se présente à nous :

Grâce à l’emprunt les individus s’enrichissent en jouissant tout de suite de leur voiture ou de leur appartement et en remboursant l’emprunt grâce à leurs appointements.

La variable d’ajustement, ce sont les entreprises qui distribuent avec régularité une richesse aléatoire qu’elles ne possèdent que si leurs clients achètent. Or ces clients achètent de plus en plus avec de la fausse monnaie puisque la monnaie en circulation n’est plus du tout de l’énergie humaine stockée mais une monnaie créée par tout le monde depuis les années 70. Les Etats créent de la monnaie avec leurs budgets déficitaires, les entreprises créent de la monnaie avec les délais de paiement, les individus créent de la monnaie avec la carte de crédit à débit différé et surtout les banques créent de la monnaie avec la double écriture. Il est loin le temps où l’on exécutait les faux-monnayeurs par ébouillantage. Aujourd’hui nous sommes tous des faux-monnayeurs et l’on nous félicite de faire encore tourner la machine. Mais le problème reste. L’enrichissement de l’individu est payé par l’appauvrissement des entreprises qui cachent légalement cet appauvrissement grâce à la comptabilité. La loi permet en effet de présenter des bilans en diminuant les vraies dettes par le hors-bilan et en augmentant artificiellement l’actif. Il suffit de liquider une entreprise pour voir l’étendue du problème. L’actif est souvent divisé par 10 et le passif doublé.

Les lois se multiplient pour permettre aux entreprises de se décharger d’une partie de leur appauvrissement sur leurs fournisseurs et sur l’Etat qui lui-même continue à s’appauvrir volontairement avec ses budgets déficitaires et ses larges distributions souvent électoralistes qui font pâlir d’envie puis attirent tant d’habitants de la Terre. Le bon sens le rattrapant, l’Etat est obligé de demander perpétuellement au contribuable d’alléger son fardeau.

Mais à tous les niveaux il ne s’agit que d’allègements partiels. Pour séduire l’électeur, pour lui permettre de s’enrichir et pour faire tenir encore un moment un système impossible, les appauvrissements nécessaires s’accumulent sur les entreprises, sur l’Etat et sur les contribuables. Nous avons un système redistributif qui redistribue plus que ce qu’il génère. Ce système est explosif car il juxtapose une demande croissante et omniprésente de moyens et une pression fiscale également croissante

Voilà le vrai problème et il est loin d’être simple. La facilité serait de ne pas s’attaquer à la racine et de ne traiter que les conséquences. Si l’on ne veut pas que ce soit la grande violence qui nous remette les yeux en face des trous, il faut nous mettre au travail pour que l’analyse s’affine et devienne majoritaire. Mais s’attaquer à la racine demande humilité, courage et discernement. Humilité d’admettre qu’il n’y a création de richesse que si quelqu’un s’appauvrit pour reconnaitre cette richesse. Courage de dire que le système bancaire actuel est fondé sur le mythe de la création de richesse qui va rembourser les emprunts. Discernement pour comprendre que nous sommes actuellement tous complices de cet adorable et très provisoire Eldorado.

Après ce colloque je réalise que je sépare mes contemporains en deux groupes. Il y a celui qui rassemble tous ceux qui ont compris que l’énergie fabrique mais que l’enrichissement n’existe généralement que si un appauvrissement identique existe dans le même temps. Avec ceux-là je veux travailler. Et puis il y a l’autre groupe qui croit à la création annuelle de richesse par le PIB et qui est aujourd’hui majoritaire. Avec celui-là nous devons expliquer inlassablement et répondre à toutes leurs questions.

La création de richesses

Toute l’économie mondiale est actuellement fondée sur la création de richesses. C’est elle qui va permettre de rembourser aux banques les prêts qu’elles nous font pour investir et pour consommer.

Dans un rapport sorti en octobre 2013 et repris à l’envi par tous les intellectuels de la Terre, le Crédit Suisse nous a appris que « la richesse mondiale a plus que doublé depuis 2000, atteignant un nouveau record historique de 241 000 milliards de dollars ». L’humanité se serait donc enrichie de près de 10.000 milliards de dollars par an depuis le changement de millénaire. Quelle merveille !

Cette « information » a été reprise aussi bien à gauche qu’à droite. A gauche par le Nouvel Observateur en octobre 2013 pour crier au scandale de sa non redistribution et par Jean-Luc Mélenchon qui nous a seriné que la France n’avait jamais été aussi riche. A droite sur France 5 par l’ineffable Dominique Reynié, « agrégé de sciences politiques » (oui cela existe et cela en fait un fonctionnaire avec garantie de l’emploi à vie), directeur général de Fondapol, pourfendeur hautain de tous les populismes et éternel candidat heureusement malheureux à la direction de Sciences Po. Chacun renforce à sa manière et à la méthode Coué, l’idée, totalement fausse mais vitale pour le système bancaire, que le système crée des richesses qui permettent de rembourser les emprunts.

La richesse n’est qu’un regard comme l’est aussi un déchet ou un embarras. L’antiquaire, le brocanteur et le ferrailleur savent que les regards des uns comme des autres ne sont pas identiques et ils en ont fait leurs métiers en faisant se croiser des regards différents. Une maison édifiée sans permis sur un site classé corse est à la fois une richesse pour certains, un embarras pour d’autres, un déchet à éliminer d’urgence pour d’autres encore. Pareil pour l’art moderne ou pour les OGM. Le regard ne se chiffrant pas, on peut approcher la richesse aussi bien en monnaie qu’« en volume » comme dit l’INSEE.

Lorsqu’un client achète un pain à son boulanger, il s’enrichit en volume (en pain) et il s’appauvrit en monnaie alors que le boulanger s’appauvrit en volume et s’enrichit en monnaie. Chacun s’enrichit et chacun s’appauvrit. Les regards évoluent, se croisent mais n’augmentent jamais. On ne peut donc pas créer de richesses car il faudrait pour cela augmenter les regards. Ce qui crée l’impression de richesse c’est que quelqu’un s’appauvrit pour l’obtenir ou est prêt à le faire.

Le calcul de la valeur ajoutée des entreprises montre que la somme de toutes les valeurs ajoutées correspond, au centime près, à la somme des consommations des ménages, des administrations et des collectivités. Il n’y a richesse créée par les entreprises que parce qu’elle est achetée. S’il n’y a pas le regard de l’acheteur prêt à s’appauvrir, il n’y a pas de richesse et nous sommes dans les encombrements et dans les déchets.

La science économique n’a jamais analysé cette évidence et avec la complicité des puissants, l’emprunt est venu casser cet équilibre des regards. Le prêt a toujours existé mais il était sur gages et réservé aux puissants qui le remboursaient soit en se séparant du gage soit en appauvrissant ceux qu’ils dominaient. Mais depuis le XXème siècle le capitalisme a inventé le prêt sans gages en faisant croire que les richesses futures créées rembourseraient l’emprunt. En réalité, en prêtant à l’acheteur de quoi alimenter son regard, en prêtant au vendeur de quoi se payer de la publicité et une force de vente, le système a transformé artificiellement en richesses ce qui n’étaient objectivement qu’encombrements, voire déchets. Mais une richesse n’existant que parce qu’elle est désirée et obtenue, elle ne peut pas servir deux fois et seule la vitesse de circulation de la monnaie va faire croire à la création de richesses. En fait l’enrichissement très réel des individus est compensé par l’appauvrissement caché des entreprises et des Etats qui accumulent les pertes que les techniques comptables permettent de reporter. Mais que ne ferait-on pas pour que l’électeur vote bien et qu’il soit convaincu que la machine tourne et crée des richesses ?

La conclusion est que si le capitalisme a permis comme le fascisme et le communisme, l’édification de fortunes personnelles considérables, il n’est pas plus cohérent et vit son crépuscule dans l’incompréhension générale. L’entêtement des pseudo-élites à croire contre vents et marées à leur système, a créé les millions de morts du fascisme et du communisme. Vu la profondeur de l’entêtement de certains à croire que le capitalisme, si agréable pour eux, est cohérent et ne peut se comparer aux deux autres matérialismes du XXème siècle, la chute risque de ne pas être douce. Elle est pourtant inéluctable et chacun voit qu’elle arrive.

L’ineptocratie

Les Anglo-Saxons ont créé le mot ineptocracy pour définir le système politique américain tant de Bush que d’Obama :

Ineptocraty is a system of government where the least capable to lead are elected by the least capable of producing, and where the members of society least likely to sustain themselves or succeed, are rewarded with goods and services paid for by the confiscated wealth of a diminishing number of producers.

Le net français l’a attribué à Jean d’Ormesson qui n’en a pourtant été que le traducteur. Le net est excusable tellement cette traduction parle bien de nous :

L’ineptocratie est un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services payés par la confiscation de la richesse d’un nombre de producteurs en diminution constante.

Sur cet intéressant canevas, la classe politique se déchire entre les tenants de la politique de l’offre et ceux de la politique de la demande, pour obtenir de la croissance et de l’emploi puisqu’ils ne savent créer concrètement de l’emploi que par le retour de la croissance, cette fée abstraite que personne n’a envie de définir. Les professeurs d’économie se reposent sur la définition absconse de François Perroux, « La croissance est une augmentation pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en termes réels », définition que seuls les imbéciles ne comprennent pas comme Andersen nous l’a si bien expliqué dans son conte « Les habits neufs de l’empereur » où il a fallu qu’un enfant vienne dire que l’empereur était nu. Les Politiques et les médias qui ont, eux, bien sûr compris Perroux, l’expliquent tranquillement et sans vergogne comme étant une augmentation des richesses créées, ce qui serait évidemment une manne électorale permettant de surcroît de rembourser demain les emprunts d’aujourd’hui.

Comme personne n’a envie de voir que « l’indicateur de dimension » n’indique que la dimension de l’agitation économique, nous assistons à la farce d’une querelle entre soi-disant experts. Après s’être évidemment cassé les dents sur la politique de la demande, les Politiques, éclairés, illuminés ou aveuglés (rayez les mentions inutiles) par le génie d’Attali déguisé en Macron, se tournent vers la politique de l’offre sur laquelle ils vont à nouveau bien sûr se casser la figure. Il ne faut pas être devin pour l’annoncer, d’abord parce que leurs prédécesseurs ont montré combien c’était inefficace mais surtout parce que la solution ne répond qu’à l’apparence du problème et en rien au problème de fond.

Reprenons l’exemple du marché. Le marché du quartier est-il un peu anémique, ces derniers temps ?

La politique de l’offre va proposer de multiplier les étalages et les marchandises à vendre, partant du principe que les habitants du quartier sont riches et qu’ils achèteront plus dès qu’on leur proposera de belles choses. Si l’on vient à dire que les poches des acheteurs sont vides la politique de l’offre conseillera d’emprunter puisque les richesses créées rembourseront les emprunts et leur intérêt.

La politique de la demande va de son côté proposer de distribuer de l’argent aux habitants pour qu’ils puissent acheter davantage, partant du principe que seule l’absence de monnaie empêche les acheteurs de faire tourner la machine. Si l’on vient à dire qu’il n’y a rien à vendre la politique de la demande dira d’importer puisque les richesses créées paieront les importations.

Tout est toujours fondé sur le PIB création de richesses martelée dans tous les médias à la fois par les Politiques et par les experts de tous poils adeptes de la politique de l’offre ou de celle de la demande. Parmi ces experts l’INSEE figure en bonne place avec ses trois façons de calculer le PIB.

Pour les tenants de la politique de l’offre l’INSEE va chiffrer, au prix du marché précédent, toutes les marchandises et tous les services vendus. Il va obtenir « en volume » le PIB par la « valeur ajoutée ». Comme c’est en volume on lui rajoutera les importations classées en ressources et on enlèvera les exportations classées en emplois.

Pour les tenants de la politique de la demande l’INSEE va chiffrer tout ce que les habitants du marché ont dépensé. Il va obtenir en monnaie le même PIB mais par la distribution. Comme on parle en monnaie, on va rajouter les exportations qui sont aussi une source de monnaie. L’INSEE écrit alors « le PIB est égal à la somme des emplois finals intérieurs de biens et de services (consommation finale effective, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations ».

L’INSEE mélange allègrement l’activité du marché et l’origine des marchandises vendues comme l’origine de l’argent dépensé. Si on parle du PIB en volume on rajoute les importations à l’activité du marché et on lui retranche les exportations. Si on parle du PIB en monnaie on fait l’inverse et on rajoute à l’activité du marché les exportations en soustrayant les importations. Comme le résultat est toujours le même PIB qui doit en plus être entendu comme une création de richesses, on arrive évidemment à une montagne d’incohérences que chacun peut aller vérifier sur le site de l’INSEE.

Détail amusant, comptabiliser les variations de stocks pose le même problème que l’import-export. Si l’INSEE parle du PIB en volume, une augmentation de stock augmente pour lui le PIB et une diminution de stock le diminue. Mais si l’INSEE parle du PIB en monnaie c’est une diminution de stock qui augmente pour lui le PIB et une augmentation du stock qui le diminue. Pour les stocks, l’INSEE, plutôt que de faire une deuxième fois les efforts de contorsionniste déployés pour l’import-export, a décidé de parler exclusivement de « variations de stocks » ce qui évite les affirmations contradictoires et laisse le lecteur se débrouiller pour savoir dans quel sens les stocks varient.

La seule façon de calculer sérieusement le PIB est la troisième façon qu’a l’INSEE de le calculer et qui est en même temps la plus simple mais la moins aguichante : faire la somme en monnaie de toutes les transactions du marché. Mais dans ce cas comment faire croire qu’il s’agit de création de richesses ?

En laissant croire par électoralisme ou par inconscience que le PIB est une création de richesses alors que ce n’est qu’un constat d’activité, voire d’agitation, les Politiques, les médias et les experts nous poussent tout naturellement à la double facilité de payer par l’emprunt, des marchandises et des services importés. Cela fait exactement le même PIB que si nous avions travaillé pour fabriquer et si nous avions aussi travaillé pour avoir de quoi acheter. L’emprunt et les importations s’envolent pour faire du PIB et une croissance que nous devrons payer deux fois, une fois à ceux qui fabriquent vraiment et une deuxième fois aux banques pour les rembourser d’un argent qu’elles ont créé ex nihilo.

Ce que les Politiques, les médias et les experts appellent la crise n’est qu’une façon de nous dire que cela ne peut pas durer. Mais qui va gagner ? La crise ou l’ineptocratie ? L’ineptocratie, inepte par définition, attend désespérément tout de la croissance en le répétant sur tous les médias et en s’entredéchirant pour savoir comment la faire revenir. Le combat est rude car c’est l’avenir des Politiques, des médias et des experts qui est en jeu. Sera-t-il aussi douillet que leur présent ? La crise leur susurre que non.

Le sacré

Toute société cherche à faire cohabiter l’individuel et le collectif et doit constater qu’un pan entier de la réalité lui échappe et qu’elle est incapable de lui donner une explication rationnelle. Pourquoi la Terre a-t-elle eu des périodes de glaciation et de fort réchauffement bien avant que l’homme n’apparaisse ? Comment appréhender les données qui nous permettraient de connaitre avec précision le moment et l’endroit de la grêle ou de l’arc-en-ciel ? Que se passe-t-il après la mort ? S’il y a eu bang au cas où le Big Bang aurait existé, quelle est l’origine de l’énergie qui a abouti à ce bang ? La complexité aussi extraordinaire qu’admirable de la vie sur Terre, du microcosme au macrocosme, peut-elle n’être due qu’au hasard et à la nécessité ? Toutes ces questions sans réponses, toutes ces incompréhensions forment le domaine du sacré et il est difficile d’en parler puisque par définition ce domaine est hors nos limites. Pourtant une société, pour être équilibrée, doit impérativement harmoniser la vie des individus et celle du groupe dans l’environnement bénéfique et maléfique qui l’entoure et que nous limitons actuellement à l’écologie par peur de l’immensité du sacré.

Le sacré est merveilleux et abominable et ni le groupe ni l’individu ne savent y différencier le bien du mal car nous sommes dans des espaces et dans des temps qui nous sont par définition étrangers. Les Romains avaient deux verbes pour constater le sacré, le sacer en latin. Sancire et son participe passé sanctus qui ont donné le saint et la consécration, étaient l’apanage du pouvoir, politique ou religieux. Sacer facere qui a donné sacrifier était du pouvoir du peuple. Les criminels comme les temples étaient et sont sacrés. Les deux sortent de notre routine quotidienne. La langue française a discrètement gardé le respect du double sens du mot sacré en le mettant avant ou après le mot qu’il colore. Le temps sacré n’a rien à voir avec le sacré temps comme le lieu sacré ne sera jamais le sacré lieu. L’animal sacré ne se confondra pas plus avec la sacrée bestiole même s’ils sont tous les deux psychopompes. L’un sera sacralisé pour mener à l’éden pendant que l’autre sera exécrée (ex-sacer) pour conduite aux enfers.

Les hommes ont toujours été fascinés par le sacré, par ce qu’ils ne comprennent pas. Pendant que les philosophes se contentent d’essayer d’exprimer les faits, trois armées montent sempiternellement et parallèlement au front de l’inconnu en s’épaulant et en se jalousant alternativement suivant les époques et les civilisations : les Religieux, les Scientifiques et les Politiques. Les trois approches sont très différentes mais toutes travaillent à trouver une cohérence à ce que nous ignorons.

Les Politiques cherchent à simplifier l’harmonisation nécessaire entre l’individuel, le collectif et le sacré en inventant des sacrés de substitution (le roi, la constitution, la démocratie, les droits de l’homme, la république, les valeurs universelles, celles de droite, celles de gauche, l’anti-shoah, la laïcité). Mais ces sacrés sont médiocres et ne durent que tant que les politiques les alimentent à grand frais. Les Politiques sont un maillon faible dans la recherche de l’harmonie. Mais sont-ils actuellement un maillon fort quelque part ?

Les Scientifiques cherchent à réduire le sacré en l’expliquant pan par pan et seuls les meilleurs reconnaissent que c’est très difficile et que l’on s’y casse facilement puis inexorablement les dents car l’homme est limité. L’approche scientifique, souvent contradictoire mais toujours intéressante ne se pose peut-être pas suffisamment la question de la difficulté que nous avons tous à percevoir que toute découverte s’accompagne inexorablement d’un deuil qui apparait beaucoup plus doucement que la splendeur immédiate de la découverte et qui n’est quasiment jamais assumé. L’autre limite de l’approche scientifique est la motivation de son financement. Il ne faudrait pas que ce soit une recherche de la solution de nos problèmes qui ne soit qu’une fuite en avant dans le rêve qui serait très politique. Nos problèmes sont actuels et la recherche ne peut remplacer un aujourd’hui très réel par un demain hypothétique.

Les Religieux expliquent le sacré par le mystère. Ils utilisent notre fascination pour le sacré pour nous rasséréner et pour faire passer la vérité simple, commune à toutes les civilisations, que pour être heureux et après être né de ses parents, il faut mourir à son enfance et renaître de soi-même. « Mourez avant de mourir » dit le hadith de Mahomet. « Il te faut naître de nouveau » dit Jésus à Nicodème. « Un converti est comme un nouveau-né » dit le Talmud.

Les Religieux cherchent à apaiser et pour apaiser, ils simplifient. Les monothéistes classent toujours le sacré dans le bien et ils appellent maudit, le sacré qu’ils jugent mauvais. Ce sont eux qui cherchent le plus profondément l’harmonie entre l’individuel, le collectif et le sacré mais ils se heurtent à deux écueils :
Ils peinent à trouver l’équilibre entre la sous-valorisation du sacré au profit de l’harmonie du collectif comme le fait actuellement le christianisme et la survalorisation du sacré en lui faisant endosser sa volonté très humaine de domination politique comme le fait actuellement l’islam arabe en suivant les traces du christianisme européen ancien. La sous-valorisation chrétienne semble oublier qu’il ne peut y avoir d’harmonie du collectif sans gestion calme, équanime et humble du sacré et la survalorisation islamique semble vouloir convaincre par la mondialisation sans réaliser que l’universalisme (la catholicité en grec) est l’erreur éternelle et toujours perdante de toutes les idéologies.
Le second écueil est que les Religieux évitent de s’affronter à la définition du collectif. Le bas-clergé se limite au concret de ce qui est local, le haut-clergé mondialise son idéologie, aucun ne semble s’intéresser aux économies d’échelle. Ce qui est vrai pour cent l’est-il pour un milliard ? Si oui, la forme doit-elle être unique ? Si non où se situe la limite ?

Sur les sujets difficiles les Scientifiques, les Politiques et les Religieux se refilent assez volontiers la patate chaude. C’est le cas pour les définitions du début et de la fin de la vie. Actuellement en Occident, la fin de vie humaine est décidée par les Scientifiques et le début par les Politiques. Cela ne clôt évidemment pas le débat, ni sur l’avortement ni sur l’euthanasie mais on constate que les Politiques cherchent à prendre la main sur tout par le biais du droit. Ils perdent tellement pied qu’ils multiplient les lois en tous domaines et sur tout, en y additionnant encore celles de l’Europe et celles réputées sacrées de la soi-disant « communauté internationale ».

La mondialisation avec sa fausse solution idéologique unique et sa conséquence, le repli sur le concret local et éventuellement sur le terrorisme, sont les deux mauvais fortifiants que nous utilisons pour ne pas affronter le double problème crucial actuel. A quel groupe appartenons-nous et quel est notre sacré ? Les réponses à ces deux questions conditionnent l’avenir de notre civilisation.

Pour prendre le chemin qui mène à ces réponses, humilité, courage et discernement sont les trois accompagnateurs indispensables.

L’humilité est indispensable pour aborder la recherche de l’harmonie entre l’individuel, le collectif et le sacré. L’Occident semble aujourd’hui en manquer pour réussir sa mue en gardant sa colonne vertébrale. Nous devons apprendre à mourir aux dogmatismes, aux fausses valeurs sécurisantes, à renaître de nous-mêmes comme nous le susurre le sacré, à être comme l’humus, fruit de mort et source de vie.

Le courage est nécessaire car il n’y a rien de plus « cul-de-plomb » que la routine et déranger notre routine nous rend souvent agressifs. « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté » chantait Béart.

Le discernement n’est pas facile à définir mais son étymologie nous éclaire. C’est faire le tour de la question et ensuite y séparer correctement le bien du mal. Il est intéressant de remarquer que la discrétion et le discernement vont de pair et que discretus n’est que le participe passé de discernere. Le discernement est indispensable car, pour bouger au-delà de l’instinctif, il faut savoir où l’on veut aller et pourquoi l’on y irait, avant d’aborder la difficile question du comment y aller.

Il n’est pas facile d’éviter l’écueil du sectarisme qui néglige l’individu, celui du fanatisme qui néglige le groupe et celui du matérialisme qui néglige le sacré. Après un siècle malade du matérialisme, nous rentrons dans une époque où la première menace vient du fanatisme par absence de groupe cohérent et où la seconde reste le matérialisme par mépris hautain du sacré. Le sectarisme qui survalorise le groupe et son idéal sacré n’est pas un danger actuel en Europe mais on peut voir aujourd’hui ses ravages au Moyen Orient quand le soi-disant « Etat islamique en Iraq et au Levant » se transforme en prétendu « Etat islamique » sans aucune limite géographique sous l’œil bienveillant des médias qui le reconnaissent de fait en abandonnant les guillemets quand ils en parlent. L’« Etat islamique » est malade de rabaisser l’individu pendant que nous souffrons de dédaigner le groupe.

Quel groupe ? Voilà la première question. Pour ma part je propose la piste de réflexion du « assez grand pour avoir une monnaie et assez petit pour que le bon sens reste un filtre efficace » et je visualise assez volontiers la France.

Quant à la seconde question « quel est notre sacré ? », il faut commencer par se demander si cette question peut se mettre au pluriel et si l’on peut parler de « nos sacrés » en un temps et en un lieu donnés. Un sacré unique n’est-il pas essentiel à la solidité du groupe ? Le groupe étant constitué par un but commun, peut-on exclure le sacré de ce qui est commun ? L’Islam arabe est convaincu que non et le montre, là où il tient les rênes. Il sait qu’en arabe islam vient du verbe aslama qui veut dire « se résigner, se soumettre » et que c’est la condition de la paix, salaam, qui a la même racine, de même que muslim, le soumis, et son pluriel muslimun qui a donné le musulman en français. Le Coran précise « Et quiconque désire une religion autre que l’Islam ne sera point agréé et il sera dans l’au-delà parmi les perdants » (Sourate 3 verset 85). Souhaitons que chacun entende bien « dans l’au-delà ».

Il faut ensuite prendre conscience que les individus ont besoin de réponses aux questions qu’ils se posent ou au moins d’axes de réponses. Et il ne suffit pas de regarder ailleurs. Il faut réaliser que toutes les réponses dans le domaine du sacré sont par définition floues et que l’individu a besoin d’être conforté par son groupe pour être satisfait des réponses proposées. L’individuel, le collectif et le sacré sont indissociables et le sacré doit être fort pour rassembler le collectif.

Face à l’Islam arabe conquérant quel sacré avons-nous à proposer qui puisse rendre le groupe assez solide pour que des individus puissent envisager pour le défendre, de lui faire le sacrifice de leur vie ? Nous sommes tellement malades des deux mauvaises réponses totalitaires du XXème siècle, communiste et fasciste, et tellement inquiets inconsciemment de voir poindre la troisième mauvaise réponse capitaliste, que nous avons même renoncé, pour l’instant, à nous poser la question.

Les trois veaux d’or

Chacun sent bien que l’explosion se rapproche et que les efforts déployés par la classe dirigeante pour nous rassurer et nous endormir sont de plus en plus inefficaces.

L’absence totale actuelle de vision d’un futur compréhensible rappelle l’histoire des Hébreux dans le désert lorsque Moïse était parti sur le Sinaï et que le peuple désespérait de le voir revenir.

Le peuple, voyant que Moïse tardait à descendre de la montagne, s’assembla autour d’Aaron, et lui dit : « Allons ! Fais-nous un dieu qui marche devant nous, car ce Moïse, cet homme qui nous a fait sortir du pays d’Egypte, nous ne savons pas ce qu’il est devenu »…. Et tous ôtèrent les anneaux d’or qui étaient à leurs oreilles, et ils les apportèrent à Aaron. Il les reçut de leurs mains, jeta l’or dans un moule, et fabriqua un veau en or. Et ils dirent : « Israël ! Voici ton dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte ». (Ex 32,1-4)

Deux remarques jaillissent de ce passage de la Bible.

La première est que lorsqu’un peuple n’a plus de vision, plus de perspective, il s’invente une idole à qui il attribue les pouvoirs des disparus qu’il a aimés. Au début du paragraphe c’est Moïse qui les a fait sortir d’Egypte, quelques lignes plus loin, c’est le veau d’or. Le peuple sans perspective attend tout de son idole puisque c’est son idole qui a déjà tout fait.

La seconde est que l’idole coute très cher et que, pour se rassurer, un peuple sans vision achète à grand prix l’idole à laquelle il se confie. Tout leur or y passe. Le « faire croire » coûte toujours très cher et toutes les idoles appauvrissent.

Aujourd’hui nous sommes comme les Hébreux dans le désert, sans visions, sans perspectives avec une classe dirigeante parfaitement conforme à notre médiocrité perdue. Avec elle nous avons créé trois idoles que nous alimentons de notre or en espérant d’elles un futur radieux qu’elles ne nous donneront évidemment jamais.

La première idole est la croissance que nous nous présentons comme une création de richesses à nous partager alors qu’elle n’est que l’augmentation de notre dépense que les économistes appellent consommation ou investissement selon leur désir de jouissance immédiate ou de jouissance différée. A la question « Comment dépenser plus quand on n’a pas d’argent ? », cette idole répond « Emprunte » car elle ne sait pas que l’argent n’est que de l’énergie humaine stockée qui ne peut se multiplier que par la procréation et le travail utile. Mais comme nous suivons notre idole, cela nous coûte très cher.

La deuxième idole est la démocratie que nous nous présentons comme le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple alors qu’elle n’est que l’achat fort couteux par les Puissants de l’affect du peuple. Les Puissants se sont toujours cooptés entre eux. Ils se sont longtemps servis de Dieu pour se maintenir au pouvoir et ont maintenant fabriqué leur idole en faisant croire que l’avis majoritaire de la foule définit l’intelligence. Mais la réalité est que l’avis majoritaire de la foule donne le pogrom, la ruée et le lynchage et qu’il faut donc beaucoup d’argent pour faire croire à l’idole qu’ils appellent suffrage universel. Ils s’en octroient beaucoup mais n’en ont jamais assez et ont toujours besoin d’un « Urba » ou d’un « Bygmalion » pour toujours mieux acheter l’affect du peuple. A la question « Comment vérifier la liberté, la compétence et l’engagement des votants, bases indispensables de leur responsabilité et donc de l’intérêt de leur avis ? », cette idole répond « Tais-toi et vote, il est très vilain de s’abstenir ou de ne pas s’inscrire » car elle sait que ce système est le seul qui permet aux Puissants de garder un pouvoir dont ils ne savent que faire. En suivant cette idole cela nous coûte très cher.

Mais ces deux premières idoles s’effondreraient d’elles-mêmes si la troisième idole, la formation, n’était pas la plus idolâtrée. Il est d’ailleurs à la mode de la voir « tout au long de la vie ». Il s’agit en fait de formatage pour tenter sans aucun espoir de fabriquer des « agents économiques performants », sujets respectueux de la croissance et de la démocratie, à qui l’on va faire croire que ce qu’on leur raconte va les aider à s’intégrer à un monde incompréhensible et donc évidemment incompris. Tout ce qu’on leur apprend à grand frais n’est quasiment jamais filtré par l’expérience et les malheureux sortent chaque année de nos universités par fournées entières de plus en plus importantes avec la conviction qu’ils sont prêts pour être reconnus alors qu’ils vont enfin découvrir l’expérience que ce qu’ils ont appris ne leur sert à rien et qu’ils vont devoir s’humilier en acceptant d’être livreur de pizzas, vendeurs de fringues ou gardiennes d’oies. Subir le système ou en devenir complice va rapidement devenir leur seul et abominable choix. A la question « Pourquoi l’instruction universelle ne se limite-t-elle pas à lire, écrire et compter ? », cette idole devrait répondre si elle était honnête « Il faut beaucoup de temps pour formater les jeunes à croire à la croissance et à la démocratie et ce temps leur est agréable car il leur en laisse beaucoup pour se distraire et s’évader ». Mais Dieu que cela coûte cher !

Dans la Bible Moïse réagit avec une extrême violence au veau d’or.

Et, comme il approchait du camp, il vit le veau et les danses (aujourd’hui les danses s’appellent le foot, la télé et la française des jeux). La colère de Moïse s’enflamma ; il jeta de ses mains les tables, et les brisa au pied de la montagne. Il prit le veau qu’ils avaient fait, et le brûla au feu ; il le réduisit en poudre, répandit cette poudre à la surface de l’eau, et fit boire les enfants d’Israël. (Ex 32,19-20)

Moïse se plaça à la porte du camp, et dit : A moi ceux qui sont pour l’Éternel ! Et tous les enfants de Lévi s’assemblèrent auprès de lui. Il leur dit : Ainsi parle l’Éternel, le Dieu d’Israël : Que chacun de vous mette son épée au côté ; traversez et parcourez le camp d’une porte à l’autre, et que chacun tue son frère, son parent. Les enfants de Lévi firent ce qu’ordonnait Moïse ; et environ trois mille hommes parmi le peuple périrent en cette journée. (Ex 32,26-28)

Le Coran raconte la même histoire du veau d’or mais Moussa (Moïse en arabe) réagit avec plus de douceur et convainc le peuple de se repentir.

Et nous que devons-nous faire ? Réagir comme Moïse ? Réagir comme Moussa ? Rester idolâtres de nos trois veaux d’or ? La réponse appartient à chacun et elle est loin d’être simple.

La science économique ne rendrait-elle pas aveugle ?

Il est sans doute temps d’expliquer pourquoi la science économique tellement révérée n’est pas seulement un assemblage de truismes présentés en pièce montée pleine de vide. Il ne serait alors qu’amusant de la prendre au sérieux. Mais n’existant que par le chiffrage de tout et confondant des observations incomplètes vaguement chiffrées avec des théorèmes, elle en oublie l’essentiel qui ne se chiffre pas.

Toute la classe politico-économico-médiatique parle du PIB comme d’une création annuelle de richesses à se partager mais néglige la différence entre une richesse, un embarras et un déchet. L’antiquaire, le brocanteur et le ferrailleur constatent pourtant tous que les déchets des uns sont des richesses pour d’autres et inversement. La richesse n’est en effet qu’un regard, un regard appris d’un groupe qui trouve beau et bon ce qu’il appelle riche et qui n’est vrai avec certitude que dans ce groupe. Ses membres auront le même regard sur ce bien ou sur ce service qui ne sera pas du tout forcément le regard d’un autre groupe. La richesse est tout sauf objective.

Mais alors comment différencier le PIB création de richesses, du PIB création de déchets ou d’inutilités ? C’est le regard réaliste inchiffrable de l’acheteur qui fait la différence. Le pâtissier croit chaque jour fabriquer des richesses mais si personne ne veut les acheter, ses gâteaux deviendront vite des inutilités puis des déchets. Il faut en outre que le regard du client soit réaliste et qu’il ait non seulement l’envie mais la capacité d’acheter. Et c’est là où le bât blesse car la science économique prend pour une donnée la capacité à acheter. Cette erreur fondamentale fait la fortune de deux mondes : le monde publicitaire qui s’habille d’un « faire savoir » alors qu’il n’est que dans le « faire croire » que ce qui est vendu par ses clients est richesse, et le monde financier qui, par l’emprunt appelé pudiquement financement, donne la capacité à acheter. C’est la société de l’apparence qui appauvrit les pauvres et qui enrichit les riches en permettant à la machine de tourner, au capitalisme de croire en son avenir et à M. Mélenchon de trouver que la France n’a jamais été aussi riche. Si l’on produit, c’est qu’on est riche, même si nous ne produisons que des inutilités et des déchets qui ont du mal à trouver preneurs et que nous importons ce dont nous avons besoin sans savoir comment le payer.

Ce qui est gravissime, c’est que le raisonnement médiocre de croire fabriquer des richesses dès lors que nous finançons leur production, a contaminé l’éducation nationale qui s’auto-évalue par l’argent qu’elle dépense alors qu’elle devrait bien évidemment s’évaluer par l’embauche des diplômés qu’elle produit. L’éducation nationale pense qu’accumuler des connaissances fabrique des têtes bien faites utiles à la société comme d’autres assemblent des matières pour en faire des objets. Personne ne semble se demander si nous fabriquons bien des richesses dans notre système éducatif et pas simplement des inutilités voire des rebuts.

Pour le savoir il n’y a que le regard de l’acheteur qui fait la différence. Pour nos étudiants l’acheteur s’appelle l’employeur qui doit à la fois vouloir embaucher et pouvoir le faire.

Si l’employeur est l’Etat, il embauche autant de fonctionnaires qu’il veut en augmentant d’abord le déficit budgétaire puis les impôts. Les fonctionnaires étant surprotégés, l’Etat embauche de plus en plus par l’intermédiaire de myriades d’associations subventionnées. Le financement vient donc dans tous les cas du peuple qu’il faut à la fois tondre et flatter, ce qui est le délicat métier de Politique qui montre chaque jour davantage son inefficacité ou, plus exactement, son intérêt exclusif pour l’immédiateté par absence totale de vision.

Si l’employeur est privé, il raisonne en « valeur ajoutée » car on lui a fait croire à la création de richesses. Mais il est confronté à la dure expérience de la réalité et il n’embauche quasiment plus que des commerciaux et des conseillers qui doivent lui démontrer que le système tourne encore. Faut-il s’étonner de leur inefficacité et de la montée du chômage ?

La solution tout le monde la connait mais elle n’est guère électorale. Il faut infiniment moins d’étudiants et remettre les Français au travail pour fabriquer des biens vraiment utiles. Il faut parallèlement les mettre devant les choix très difficiles des renoncements à faire inéluctablement pour conserver quelques avantages de la société actuelle de l’apparence. Un Politique qui veut être élu, veut-il le dire et peut-il le dire ?

Ne faut-il pas en désespoir de cause créer la race des Politiques qui préfèrent la vérité à l’élection ? Et Internet ne pourrait-il pas être le vecteur non censuré par les médias de cette expression ?