Beaucoup se demandent pourquoi les droits de l’homme ne sont pas systématiquement accompagnés par les devoirs de l’homme. Certains en déduisent même un laxisme un peu démagogue et voudraient une déclaration des devoirs de l’homme.
Le vœu est pieu mais il ne peut se réaliser en l’état car si un droit est individuel, un devoir est toujours par rapport à un critère, à une norme, à une loi, donc émanant d’un groupe, d’un pays, d’un pouvoir. Il n’y a pas de devoir sans référence. L’affirmation « Tu dois ! » est péremptoire si l’on ne sait pas dire pourquoi. Or la raison d’un devoir réside toujours dans une forme de cohésion sociale. Le devoir n’existe que par rapport à un groupe et le groupe n’existe que par un but commun à tous ses membres, par une vision partagée. Encore faut-il que cette aspiration soit réaliste et ne soit pas qu’un rêve ! Pour que le groupe existe il faut qu’il soit à taille humaine ; suffisamment petit pour que chaque individu puisse se faire une opinion en filtrant les connaissances reçues par le concret de son expérience et par la prise de distance de son discernement, suffisamment grand pour avoir une monnaie, des infrastructures et des organes régaliens comme l’armée, la police et la justice. C’est tout l’intérêt des économies d’échelle qui rappellent que ce qui est vrai à 10 millions d’individus est souvent faux à 100.000 ou à un milliard. Mais il est plus facile de rêver que d’agir, plus facile de rêver à des solutions simplistes villageoises, européennes ou mondiales que de s’affronter concrètement à la complexité d’un pays. La nation que j’appelle volontiers patrie a la bonne taille. Pour moi c’est la France et elle n’est pas en de bonnes mains.
Le mot devoir vient du latin debere qui a donné deveir au XIème siècle. Il est intéressant de remarquer que debere vient de de habere qui signifie « avoir quelque chose en le tenant de quelqu’un ». Un devoir est donc toujours une forme de dette vis-à-vis de quelqu’un d’autre, vis-à-vis de l’autre en général, vis-à-vis du groupe.
Le devoir est concomitant au groupe. Aucun groupe ne peut exister sans lois sociales qui sont des devoirs pour les individus, mais aucun devoir n’a d’efficacité s’il n’est pas une obligation qui donne force au groupe.
Faire son devoir c’est faire un effort et le sens de cet effort c’est d’aller vers sa reconnaissance personnelle par le groupe. Dans certains groupes il faut voler, voire tuer, pour être admis. Dans d’autres il faut honorer père et mère. Dans d’autres il faut servir son Dieu, et protéger la veuve et l’orphelin. Mais aujourd’hui quel vingtenaire va défendre sans rire le groupe dans lequel il rentre en respectant son devoir de ne pas consommer de cannabis ?
Le XXIème siècle n’ayant plus aucun groupe cohérent autre que délictueux, a abandonné le moteur du devoir pour se contenter du moteur du plaisir. Certes le plaisir est un moteur qui s’affadit rapidement mais au moins il comble le vide créé par l’absence du devoir qui, lui, mènerait au bonheur. Autant l’oublier dans le plaisir !
Les seuls qui ont encore en eux le goût du devoir sont ceux qui l’ont appris dans des groupes préexistants et beaucoup de ces groupes se contentent aujourd’hui de petits devoirs dans l’immédiateté de leur petit groupe qui attend le désastre en serrant les fesses et en se laissant bercer par les medias. Notre monde se délite et les medias nous font croire que l’on ne sait pas pourquoi.
Seuls les devoirs mènent au bonheur mais nos dirigeants nous apprennent des devoirs à notre nouvelle taille, à leur taille à eux. Plus question de devoir partir en croisade, contentons-nous de trier nos poubelles et de respecter les limitations de vitesse sur nos routes, essayons d’en être fiers et oublions dans le plaisir que le bonheur n’est plus à notre portée. Nous avons renoncé à être heureux en ne nous intéressant même plus au groupe auquel nous appartenons. Existe-t-il encore d’ailleurs ? Seuls les individus qui le composeraient pourraient répondre.
Nous avons besoin de la monnaie du groupe, de ses routes, de son électricité et même de quelques-uns de ses fonctionnaires. Nous aimons traire la vache qu’est devenu le groupe car nous voulons son lait mais personne ne veut être le vétérinaire de cette vieille carne. Tout doit être fait mais personne ne veut faire.
Pourtant dans l’histoire des civilisations, la vie du groupe a toujours primé la vie des individus parce que toutes les civilisations savaient que l’individu n’existe pas sans le groupe, sans sa protection et sans ses exigences.
Aujourd’hui les medias et les politiques ont créé une société de l’apparence qu’ils gonflent comme une baudruche pour lui donner une illusion de prospérité. Mais ce qui est ressenti c’est l’insignifiance de cette société.
Tant que nous baignerons dans le ridicule de nous contenter des « Valeurs de la République » pour définir notre Vrai, notre Bien et notre Beau, c’est-à-dire ce que nous sommes, tant que notre éducation nationale commencera l’histoire de France à la révolution française en soumettant la vérité à leurs intérêts, tant que nous goberons tous, que le manque de croissance est la cause très provisoire de la crise, il n’y aura pas de groupe respectable et les devoirs n’intéresseront que ceux qui espèrent en un futur qui prendrait racines dans le passé. Le présent appartient aux politiques, aux médias, au CAC 40 et aux publicitaires pour qui le seul devoir est de les enrichir.
Parce que nous le voulons bien….
Parce que nous le valons bien….