Feu la démocratie

Dans une démocratie le peuple dirige et la définition qu’en donnait Abraham Lincoln et qui a été reprise par l’article 2 de la constitution française, fait l’unanimité : « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». La difficulté est dans la définition du peuple qui a été simplifié à l’extrême pour n’être aujourd’hui que la totalité des détenteurs majeurs de cartes d’identité, la notion de majorité étant d’ailleurs fluctuante suivant les intérêts de ceux qui en décident. Ce n’est plus un peuple mû par la raison mais une foule mue par l’émotion. Nous continuons à parler de démocratie alors que nous sommes en ochlocratie, le gouvernement par la foule, le pire de tous les régimes. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que par amour aveugle du mot démocratie qui ne pourrait être dépassé, le mot ochlocratie a disparu des dictionnaires au XXe siècle, que l’académie française l’a supprimé de la 8e édition de son dictionnaire et que seul le Petit Robert l’a réintroduit récemment, sans doute devant l’évidence. Polybe, homme d’état grec du 2e siècle avant JC, a détaillé le cycle du pouvoir : monarchie, tyrannie, aristocratie, oligarchie, démocratie, ochlocratie et retour à la monarchie tellement l’ochlocratie est invivable.

Trois événements, advenus après la seconde guerre mondiale et qui en sont probablement les conséquences,  sont venus tourner la page de la démocratie. Les deux premiers avaient comme but de renforcer la responsabilité et ont eu l’effet inverse par mauvaise analyse. Le troisième a rendu possible l’impossible et continue à nous faire fantasmer.

Le premier est Vatican II, du 11 octobre 1962 au 8 décembre 1965, qui a mis fin à la spiritualité collective en prônant une spiritualité plus personnelle et plus profonde qui n’a, en fin de compte, que vidé les églises et les séminaires. Dans son « Principe de théologie catholique » le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, a écrit sur le concile auquel il avait participé en tant que théologien : « Il s’agissait d’une tentative pour une réconciliation officielle de l’Église avec le monde tel qu’il était devenu depuis 1789 ». Les droits de l’individu devenaient plus importants que l’harmonie du groupe et les droits de l’homme sont devenus la première règle ecclésiale si bien illustrée par le pape François. Les églises comme les séminaires se vident encore davantage et la spiritualité collective des Journées Mondiales de la Jeunesse ne sont que l’arbre qui cache la forêt de la nouvelle sacro-sainte laïcité qui veut interdire la spiritualité collective. L’enfer reste pavé de bonnes intentions.

Le second est Mai 1968. L’autorité vacille, le père, le maire, le curé et l’instituteur ne sont plus des références. L’idéologie remplace le bon sens. «Il est interdit d’interdire » et « Sous les pavés la plage » génèrent une société irresponsable uniquement structurée par un discours lénifiant masquant le vide de la pensée. La réalité devient incohérente et fabriquée par une accumulation permanente d’interdictions et d’obligations nous déresponsabilisant tous. L’apparence  idéologique s’oppose au réel et le domine.

Ces deux événements, apparemment totalement dissociés, font passer l’harmonie individuelle avant l’harmonie collective, la survie physique et mentale individuelle avant la vie collective. Ils omettent que la vie n’est qu’échange et invente une idéologie « droitdel’hommiste » qui flatte toutes les minorités et rend intellectuellement crédible une fausse cohérence invivable. Normalement cette idéologie aurait dû s’effondrer d’elle-même tant elle est irréaliste mais un troisième événement capital est venu faire croire que l’idéologie du moment pouvait être durable, voire même éternelle.

C’est la déconnection discrète du dollar de l’or au milieu de l’été, le 15 août 1971, sans le reconnecter à quelque richesse que ce soit pour la première fois dans toute l’histoire de l’humanité.

Toutes les monnaies papier avaient toujours été liées à des richesses précédemment reconnues puisque, n’étant que des véhicules d’énergie humaine bien utilisée et stockée dans la monnaie, elles avaient toujours à la fois correspondu à des richesses précédemment reconnues et garantes de la force de la monnaie, et à la fois été limitées en quantité par la limitation de l’énergie humaine qu’elles véhiculaient. C’est d’ailleurs en ne respectant pas cette limite qu’elles ont toutes disparu. C’était un métal précieux, ou des biens tangibles comme ceux de la noblesse et du clergé pour les assignats, les mines de cuivre pour les roubles de la grande Catherine ou les richesses du Mississipi pour les billets de Law. Pour la première fois dans l’histoire humaine les monnaies liées au dollar lui-même lié à l’or par les accords de Bretton Woods, étaient détachées d’une énergie humaine réellement bien dépensée auparavant et exigeaient donc, sans jamais le dire et avec une discrétion et un cynisme exemplaires, une énergie humaine à trouver demain par n’importe quel moyen. On a réussi pendant un demi-siècle à faire croire aux peuples que la charrue se mettait avant les bœufs, et que le fruit se dégustait avant l’effort pour l’obtenir. Le Fonds Monétaire International n’avait pourtant été créé à Bretton Woods que pour être le gendarme du lien prétendument indéfectible entre le dollar et l’or, nos monnaies étant liées au dollar. C’était le fameux « le dollar, c’est de l’or ». La direction du FMI avait, pour ce faire, été contractuellement confié à un Européen. Lorsque Nixon a unilatéralement rompu le lien  de 35 dollars l’once d’or que Roosevelt avait décidé, le Français Pierre-Paul Schweitzer qui dirigeait alors le FMI n’a pas eu le courage de dissoudre le FMI qui avait failli à son unique mission et dont la raison d’être venait de disparaître. Il s’est contenté de démissionner et d’observer la montée de l’once d’or qui frôle aujourd’hui les 2000 dollars.

Depuis cette déconnection des monnaies d’une richesse précédemment reconnue, nous vivons grâce à une corne d’abondance gratuite pour ceux qui y ont accès. Toutes les folies sont devenues possibles et toutes les idéologies apparemment réalisables. Toute l’énergie humaine nécessaire à l’argent dépensé « quoi qu’il en coûte » doit maintenant  être pompée sur les peuples sans le leur dire et c’est ce que nous vivons actuellement de mille façons différentes et complémentaires. Pendant que la classe politique jure ses grands dieux qu’elle veut augmenter notre niveau de vie, elle l’abaisse souvent inconsciemment pour donner force à un argent déjà dépensé. Pour y arriver, il fallait faire sauter les derniers verrous du bon sens et cela a commencé par la loi sur le divorce du 11 juillet 1974. Cette loi a mis fin au principe de la cellule familiale comme cellule de base de la société, et a ouvert la boite de Pandore en prenant stupidement l’individu comme cellule de base de la société. L’homme doit être capable de devenir enceint et se dire femme pour gagner toutes les compétitions sportives féminines. La femme ne doit surtout plus allaiter mais revendiquer la parité dans les conseils d’administration en ne la demandant surtout pas dans le médical et le juridique où elle est déjà très largement majoritaire. L’homme et la femme ne sont plus différents et égaux dans leur complémentarité mais identiques et donc concurrents. En doublant le nombre de demandeurs d’emplois et en y rajoutant même l’immigration, cela a permis de baisser les salaires en les déconnectant de la hausse des prix. Un salaire n’est plus suffisant pour faire vivre une famille. Les femmes vont donc travailler à l’extérieur en imitant les hommes et nous avons complètement oublié ce que nos anciens appelaient le devoir d’état, premier devoir qui devait être harmonisé pour être agréable. La femme, maîtresse de la maison, première chez elle et travaillant chez elle, vivait son devoir d’état à l’intérieur et vivait l’extérieur comme une nécessité pour sa propre harmonie. L’homme vivait son devoir d’état à l’extérieur pour apporter à la cellule familiale l’argent nécessaire et vivait la cellule familiale comme une nécessité pour sa propre harmonie. Aujourd’hui, pour faire tenir encore un moment l’impossible, on a baissé les salaires réels pour que les femmes aient besoin d’aller chercher à l’extérieur le complément d’argent indispensable, ne fassent plus d’enfants et les confient à la crèche quand par hasard elles en ont. Hommes comme femmes n’ont même plus le temps de penser à leur propre harmonie tellement la concurrence est rude devant la toute petite minorité qui a accès à la corne d’abondance inventée et totalement incomprise par la foule. L’argent n’est plus, comme l’était l’or, le véhicule de l’énergie humaine qu’il avait fallu dépenser pour l’obtenir, mais l’engagement inconscient de travailler gratuitement demain ou de s’appauvrir pour donner à la monnaie déjà dépensée l’énergie humaine dont elle n’est que le véhicule. Dans ces conditions les femmes ne font évidemment plus assez d’enfants pour renouveler la population. L’incohérence est à son comble et, comme toutes les incohérences, elle ne peut durer, tout en étant soutenue par tous ceux qui se mettent des œillères pour ne voir que ce qui les obsède.

La corne d’abondance mythique et vénérée permet tous les « déblocages » indispensables aux justifications des imbécilités. Toutes les guerres dont Emmanuel Macron a besoin pour tenter d’exister, n’existent que par l’argent qu’il tire de la corne d’abondance et de la promesse d’appauvrissement de son peuple. Nous vivons jour après jour, le ridicule d’une société qui ne tient que par l’argent à nourrir plus tard mais à consommer tout de suite en subventions soit aux médias qui appartiennent pourtant à des milliardaires mais qui diffusent la bonne parole par leur « ligne éditoriale », soit aux associations, voire aux individus, pour un achat d’électeurs légal et pourtant scandaleux.

Tout est fait pour que la foule ait peur, du climat, de la maladie, de la mort, de la guerre, de l’air, de l’eau, d’elle-même, et qu’elle ne réagisse plus. Les médias subventionnés veillent à ce que la foule ne perçoive pas la réalité et font élire le même sous la peinture apparemment différente d’un Giscard, d’un Mitterrand, d’un Chirac, d’un Sarkozy, d’un Hollande ou d’un Macron, qui ne sont que des flacons différents d’un même breuvage létal pour la société qui ne réagit qu’en votant de moins en moins et qu’en faisant de moins en moins d’enfants. Même un  Asselineau est de fait interdit d’antenne.

Le pire est le moyen d’endormir la foule pour que sa léthargie laisse le champ libre au tout petit nombre  qui profite de la corne d’abondance et que l’on retrouve dans l’attelage politico-médiatico-intellectuel. C’est le grand écart entre le rêve, présenté comme la réalité d’une prétendue création de richesse chiffrée par le PIB, et la réalité, cauchemar dissimulé d’une montée éternelle de l’emprunt, complément indispensable de la baisse du niveau de vie de la foule pour obtenir demain de l’énergie humaine gratuite. Il est soigneusement caché que le PIB ne chiffre que la somme de toutes les dépenses, qu’elles soient intelligentes ou stupides. On nous bassine avec les valeurs ajoutées sans préciser qu’elles n’existent que par les valeurs retranchées aux portefeuilles des acheteurs, systématiquement plus importantes. Qui a encore conscience qu’une production n’est richesse que si quelqu’un vient s’appauvrir pour l’acheter ? Evidemment quand on invente de l’argent, les productions deviennent toutes apparemment richesses.

Chacun a conscience que le système ne tient pas. Mais personne ne semble s’offusquer qu’aucun parti politique ne prenne la peine de dire pourquoi. Chaque parti se barricade dans l’idée qui, à ses yeux, peut lui faire gagner la considération de la foule et les voix qui l’intéressent. Aucun ne s’intéresse à la cause première du désastre imminent. Le risque est trop grand de dire la vérité quand on la perçoit et les partis préfèrent choisir des représentants qui ne comprennent pas ce qui se passe pendant qu’Emmanuel Macron joue au monarque irresponsable élu par la corne d’abondance, via la foule. Qui peut lutter contre le mensonge quand la foule croit voir une démocratie et une création de richesse dont elle ne demande que sa part, alors que le programme indispensable déjà écrit, est de l’appauvrir et de la faire travailler pour donner sa force à l’argent déjà dépensé en confinements, en Ukraine, en vacances, en corruption, en subventions ? L’important est que la foule ne comprenne rien et continue à croire diriger.

L’ochlocratie est pourtant déjà morte et la monarchie élective très entamée par son inefficacité et par l’irresponsabilité des électeurs. La tyrannie se rapproche tout naturellement.

La république ne se limite pas à la démocratie

Quatre ans après la St Barthélémy Jean Bodin écrit au XVIsiècle Les Six Livres de la République où il étudie la république, ce mot qui recouvre la souveraineté d’une société, la « puissance de donner et casser la loi ». Il y voit ses trois formes, de racines grecques, la monarchie quand cette puissance est confiée à un seul homme, l’aristocratie quand elle est confiée à un petit groupe et la démocratie quand elle est détenue par le peuple.

Il faut bien différencier l’aristocratie de l’oligarchie. L’oligarchie est le fait de confier le pouvoir à un petit nombre (oliga est le préfixe inverse de mega) alors que l’aristocratie est le pouvoir donné aussi à un petit nombre mais qui est supposé regrouper les meilleurs. L’oligarchie donne le pouvoir à une réduction quantitative alors que l’aristocratie le donne à une réduction qualitative. Ce ne sont que des mots mais autant les comprendre avant de s’en servir.

Aujourd’hui en Europe et peut-être dans le monde, le seul pays démocratique est la Suisse. Les autres pays européens se parent du mot démocratie qui plait aux peuples mais ils en habillent autre chose. L’Angleterre, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Norvège et la Suède sont des oligarchies déguisées en monarchie se prétendant démocratie. L’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et les pays de l’Europe de l’Est sont des oligarchies qui se présentent aussi comme des démocraties. La seule vraie monarchie en Europe est la France où l’oligarchie française n’a que le pouvoir que le monarque lui concède. En revanche force est de constater que notre monarque prête allégeance à une oligarchie mal définie si ce n’est par sa localisation à Bruxelles et par la nuée de lobbyistes qui l’accompagne et la formate.

Tout ceci n’aurait pas une grosse importance si le monarque français et les oligarques européens étaient de vrais aristocrates, c’est-à-dire vraiment les meilleurs. En France la révolution a abattu une oligarchie qui ne méritait plus son nom d’aristocratie pour la remplacer par une nouvelle oligarchie qui n’était toujours pas composée des meilleurs. L’abbé Sieyes, révolutionnaire très représentatif de son temps a tenu à l’Assemblée le 7 septembre 1789 un discours où il vantait l’oligarchie sans jamais dire comment la choisir pour qu’elle soit composée des meilleurs :

« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »

Aujourd’hui personne ne s’intéresse encore sérieusement à savoir ce qu’il faut faire pour sortir du magma imbécile dans lequel nous sommes englués en tous domaines. Mais la bataille fait déjà rage pour savoir comment les décisions seront prises quand les sujets sérieux seront enfin abordés et que nous ne nous contenterons plus de vouloir être « puissants » pour parler d’égal à égal avec d’autres « puissants ». Les Gilets jaunes proposent la démocratie, une démocratie à la suisse par le RIC, le référendum d’initiative citoyenne. Tout le reste est heureusement contradictoire chez eux mais ils sont tous d’accord pour souhaiter l’introduction de la démocratie en France. Cela déplaît évidemment en face d’eux à tous les descendants de l’abbé Sieyès, à toutes les oligarchies qui ont montré leur inutilité en détestant la démocratie tout en s’en habillant, en jouant à l’aristocratie sans en avoir la qualité. Ces oligarchies dépensent « un pognon de dingue » pour que l’on n’aborde jamais les vrais sujets difficiles et qu’on les laisse jouer entre eux un spectacle qui n’amuse plus qu’eux.

Les questions à se poser avant de nous affronter à l’organisation de notre société, sont celles que se posait déjà Jean Bodin et auxquelles nous cherchons toujours les réponses. A qui confier la puissance de donner et de casser la loi.

Si c’est à un monarque, qu’il soit formé pour cela, que sa neutralité ne soit pas un simple empilement de « en même temps » contradictoires. Qu’il ne soit pas le fruit du mariage malsain de la lourdeur administrative de l’ENA et de la légèreté égoïste des banques mondialisées.

Si c’est au peuple, apprenons avec humilité de nos voisins suisses les qualités qui rendent la démocratie possible et que nous possédons mal.

Si c’est à une oligarchie, utilisons le tirage au sort si seule la diminution du nombre est le bon critère pour devenir représentant. Mais si nous voulons que cette oligarchie soit une vraie aristocratie, qu’elle soit composée des meilleurs, demandons-nous comment les déceler. La piste du permis de voter est, semble-t-il, une piste intéressante pour moins se tromper.

La seule chose qui parait de plus en plus évidente est que la puissance de donner et de casser la loi n’est pas actuellement en de bonnes mains.

 

 

République et Démocratie

Les mots de république et de démocratie sont aujourd’hui les « Sésame ouvre-toi »  de la vie publique.

La définition de la démocratie par Abraham Lincoln, reprise comme principe par les constitutions de la République Française de 1946 et de 1958, « gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple », est belle, elle sonne bien mais que recouvre-t-elle ?

La démocratie était à Athènes le vote sur une colline des citoyens regroupés en ecclésia. Les affaires de la cité étaient décidées à la majorité des gens intéressés s’ils étaient des hommes, s’ils étaient libres, s’ils n’étaient pas étrangers à Athènes et s’ils possédaient du blé, du vin ou de l’huile. Sur environ 250.000 Athéniens, il n’y avait guère que 40.000 citoyens dont à peine 6.000 se retrouvaient sur la colline de la Pnyx.

Le mot démocratie, disparaît pendant 20 siècles et réapparaît en 1576 quand Jean Bodin, qui disait avec un immense discernement qu’ « il n’y a de richesse que d’hommes », publie « Les six livres de la République ». Il la définit  comme «  un droit gouvernement de plusieurs ménages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine ». Il voit trois formes de Républiques : la Monarchie où la souveraineté est à un seul prince, la Démocratie dans lequel tout le peuple a part à la souveraineté et l’Aristocratie si « une moindre partie du peuple » y a accès. Bodin ramène toutes les autres formes de républiques à ces trois là. Il prend la république dans son sens latin littéral de res publica, de chose publique, mais qui comprendra aujourd’hui que l’on présente l’aristocratie, la démocratie et la monarchie comme trois formes de république ? C’est pourtant une évidence même si elle est soigneusement cachée.

Le mot démocratie resurgit des deux côtés de l’Atlantique à la fin du XVIIIème siècle, chez des extrémistes violemment combattus par les Républicains américains et les Révolutionnaires français au pouvoir. Que ce soit les Présidents américains ou les Révolutionnaires français, Robespierre ou Sieyès, aucun n’a de mots assez durs pour qualifier la démocratie. Mais un journal de Boston explique en 1850 que « le peuple aime tellement le mot démocratie qu’un parti qui ne l’utiliserait pas n’aurait aucune chance d’être élu ». En France la révolution de 1848 impose aussi le mot qui rentre dans le camp du bien avec une absence de précision qui arrangera tout le monde. Il rejoint sur l’Olympe le mot moderne qui a déjà oublié qu’il ne veut dire qu’« à la mode ».
Aujourd’hui la république est présentée vêtue des valeurs républicaines qui seraient la liberté l’égalité et la fraternité. Ces trois mots ont été petit à petit renforcés par la Déclaration des droits de l’Homme, par la laïcité et par le principe un homme une voix. Mais qui explique que la liberté n’est pas l’individualisme, que l’égalité n’est pas l’identité et que la fraternité n’a rien à voir avec la solidarité ? Qui démontre que la monarchie et l’aristocratie ne seraient plus des formes de République ? Sûrement pas De Gaulle qui disait lors de sa 10ème conférence de presse le 31 janvier 1964 : « Il est vrai que l’autorité indivisible de l’Etat est déléguée toute entière au président par le peuple qui l’a élu, et qu’il n’y en a aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire, qui ne puisse être conférée ou maintenue autrement que par lui. ». Sommes nous dans la république de tous, dans la république de certains ou dans la république d’un seul ?

Sur le consensuel flou actuel peut-on construire autre chose qu’une campagne électorale ? Cet ectoplasme non défini pourrait-il vraiment être le roc sur lequel construire durablement ?

Historiquement la démocratie est née à Athènes et la République à Rome. Mais le mot grec et le mot latin ont été récupérés par le XXème siècle pour tisser ensemble une toile de mots, piège à électeurs, fondée sur la séduction et la peur.

Une des trois formes de république vues par Jean Bodin est pourtant particulièrement intéressante, c’est celle qu’il appelle l’Etat populaire et la Démocratie. Elle n’a jamais été véritablement inventée et est à la fois une utopie géniale et un outil méprisable que la classe politique utilise pour tromper le peuple.

Il serait fantastique d’inventer la démocratie, une vraie représentation du peuple qui prendrait les décisions.  Mais il n’y a malheureusement que deux axes de réflexion possibles pour avancer vers ce rêve : le tirage au sort et le permis de voter.  Les deux donneraient vraiment le pouvoir au peuple. C’est pour cela qu’ils ne sont même pas étudiés.