Pendant que la laïcité est très à la mode chez ceux qui veulent se justifier de ne croire en rien, il y a un cléricalisme qui triomphe, c’est le cléricalisme économique.
Un cléricalisme approuve l’intervention du clergé dans les affaires publiques et un clergé est une confrérie de gens partageant le même dogme et se donnant le pouvoir de le diffuser.
Mais la mode est de ne voir des clergés que dans les religions, et la laïcité se contente de tenir à égale distance christianisme, judaïsme et islam.
J’approuve les clergés quand ils nous rappellent que nous devons mourir à notre passé pour resurgir différents dans une construction nouvelle de nous-mêmes, fondée sur nos propres contradictions et sur une harmonie nouvelle dans le rapport aux autres et à ce qui nous dépasse tous. C’est le Hadith de Mahomet « Mourez avant de mourir », c’est le conseil de Jésus à Nicodème « Il te faut naître de nouveau », c’est l’observation du Talmud qu’« un converti est comme un nouveau-né »
Mais je deviens très anticlérical quand j’observe des clergés qui ne cherchent qu’à rassurer ou à faire peur pour assurer leur fond de commerce. Ils entraînent leurs ouailles vers un obscurantisme qui n’est là que pour donner une raison d’être à ces clergés inutiles et dangereux.
Le clergé économique actuel est dangereux car, comme toujours, son dogme fondateur ne supporte pas la contradiction. S’il n’envoie plus au bûcher comme ses prédécesseurs de l’Inquisition, il sait enlever la parole à quiconque envisage qu’il ait tort. Ce dogme, rentré dans les cerveaux à la méthode Coué, est : « Au début était le troc et un jour c’est devenu trop compliqué et on a inventé la monnaie ». Ce clergé est monothéiste avec son dieu, « la » croissance et son diable, « la » crise. Il veut faire revenir son dieu pour chasser Belzébuth. Il est au Collège de France, à la tête de l’OMC; il a investi les universités occidentales, les classes politiques, les gouvernements et les médias qui veillent à ce que le dogme règne sans partage et ne soit pas dérangé.
Vous aurez beau dire qu’au début était peut-être l’échange des êtres plutôt que l’échange des avoirs, le clergé veillera à ce que vous ne soyez pas entendu.
Vous susurrerez qu’il y avait peut-être au début une raison d’être ensemble, un lien social, qui a précédé les soucis d’intendance, le clergé vous fera taire.
Vous expliquerez que l’argent est de l’énergie humaine stockée et qu’on ne peut en fabriquer qu’en se multipliant ou en créant ce que le groupe pense être des richesses. Le clergé vous regardera de haut.
Vous montrerez que le prêt à intérêt est un impôt que le peuple paye aux banques par la dévaluation et la hausse des prix, le clergé commencera à travailler à votre perte.
Vous proposerez que l’énergie humaine stockée qu’est l’argent se marie à l’énergie humaine vive qu’est le travail pour faire ensemble des aventures qu’on appelle entreprises, le clergé fabriquera deux codes excessifs et contradictoires qu’il appellera code de commerce et code du travail pour être deux boulets entravant toute action.
Vous expliquerez que la croissance c’est la dépense et que dépenser de l’argent emprunté en disant financer la croissance, c’est stupide et cela donne la crise, le clergé vous fera ignorer car il entr’apercevra sa propre perte.
Pour tenir encore un peu de temps le clergé, unanime, combat le protectionnisme qui nous relierait les uns aux autres et à la vérité. C’est d’ailleurs comme cela qu’on reconnaît les membres de ce clergé.
Gambetta disait : « Le cléricalisme ? voila l’ennemi ! ». Vive Gambetta !