Tout le monde le constate et personne ne l’explique.
Dans une société cohérente chacun est utile et reconnu comme tel. Certains produisent, d’autres distribuent, d’autres encore facilitent par leurs services la production, la distribution et la préparation du futur par la fabrication et l’éducation des enfants. C’est simple et cela marche très bien par l’intelligence de chacun et par une approche commune du lendemain.
Mais dans une société incohérente comme la nôtre où la peur de la mort, le désir de plaire et les fantasmes d’un lendemain qui chante dominent tout (un psychanalyste dirait que c’est la même chose), une fausse cohérence a été artificiellement fabriquée par des règlements, des normes et des lois qui n’arrêtent pas de se surajouter pour tenter vainement de rendre cohérent ce qui ne peut pas l’être.
Le résultat se fait naturellement sentir. La production est contrainte, la distribution est contrainte, les services sont contraints. Tout est rendu plus coûteux et plus difficile par une réglementation imbécile qui se dit intelligente car fondée sur une création annuelle de richesse qui n’existe pas. Cette erreur fondamentale que personne ne veut relever enclenche une double spirale abominable.
D’un côté la réglementation qui part toujours de bons sentiments, alourdit tout ce qui est utile et elle rend la vie impossible à ceux qui produisent, à ceux qui distribuent et à ceux qui sont réellement là pour leur faciliter la tâche en s’occupant de leur santé ou de leur sécurité. Pour tous ceux-là qui sont la classe moyenne, la vie quotidienne est de plus en plus difficile. Ils sont de moins en moins efficaces vu le temps et l’argent dépensés à connaître et à respecter les normes puis à prouver qu’ils les respectent. Pour survivre ils sont obligés de travailler beaucoup plus. Ils sont de moins en moins nombreux à se dépenser de plus en plus pour gagner de moins en moins tant pour la collectivité que pour eux-mêmes.
De l’autre on multiplie à une vitesse incroyable les inutiles qui coûtent de plus en plus cher et que l’on fabrique à la chaîne dans l’enseignement supérieur public et privé : les contrôleurs qui ne servent qu’à justifier les normes et à freiner ce qui est utile en en suggérant de nouvelles, les conseillers qui survivent en expliquant aux autres ce qu’ils n’arrivent pas à faire eux-mêmes, les formateurs qui font semblant de préparer les autres à l’impossible et qui se voient bien le faire « toute la vie » des autres, et surtout toute la leur, les commentateurs qui sont là pour faire croire qu’avec des réformes, ça peut durer et les chercheurs comme les analystes qui sont nombreux à chercher comment rendre cohérent l’incohérence où à expliquer pourquoi nous n’y arriverons évidemment jamais.
Cette armée d’inutiles, devenue très largement majoritaire quand on y rajoute les étudiants, les retraités et les chômeurs, fait gagner les élections aux plus rusés d’entre eux et tient donc le pouvoir. Elle est une sorte de sangsue plus grosse que le corps qu’elle ponctionne, dans une économie à laquelle elle n’apporte rigoureusement rien et qui s’est construite sur le mensonge que le PIB est une production, une création de valeur alors que ce n’est que la somme de nos dépenses. L’augmentation de nos dépenses s’appelle la croissance économique et nous vivons, apathiques et amorphes, la stupidité majeure d’attendre la croissance tout en limitant nos dépenses comme nous le demande l’Union Européenne, l’un des lieux de rassemblement des inutiles surpayés et satisfaits d’eux-mêmes. Dépenser plus pour faire de la croissance et, en même temps comme disent certains, dépenser moins pour respecter les critères de Maastricht est la prétendue nouvelle cohérence qui doit porter ses fruits que beaucoup d’inutiles font semblant d’attendre comme le Messie. Ils donnent à leur rêve le nom de science économique et on cherche vainement un Politique qui ne dise pas à sa manière « Sans croissance on ne peut rien faire ». Ils avaient trouvé comme porte-drapeau Nicolas Hulot qui a expressément dit sur France Inter que sa démission venait du manque de cohérence d’une politique qu’il cherche lui-même à tâtons.
Alors que nous multiplions dans les mégapoles les inutiles d’aujourd’hui en pensant qu’ils créeront les utiles de demain, le pouvoir n’envisage pas un instant de partir de chaque individu pour voir en quoi il pourrait être utile comme cela se passe dans tout groupe cohérent. Il prend tout à l’envers en comptant sur la « valeur ajoutée » des entreprises pour créer de l’argent et fournir des emplois. Il faut la grosse Bertha des médias, le jargon des économistes et la créativité des publicitaires pour donner un semblant de crédibilité à ce non-sens qui pousse à la détente, au bien-être, aux vacances, aux voyages, à la possession de son logement etc. sans jamais se soucier du « Où trouver l’argent nécessaire ? ». Cette question est réputée sans intérêt puisqu’elle est sous-traitée aux entreprises. Or la « valeur ajoutée » n’existe que si des clients viennent s’appauvrir en monnaie de la valeur de leur achat. Et il n’y a aucune création de richesse, il n’y a que des échanges qui constatent qu’on en avait produits.
La valeur ajoutée des entreprises est comme le sel en cuisine. C’est ce que rajoute l’opérateur pour que le consommateur consomme. Cherche-t-on à récupérer la valeur que le sel a ajoutée au plat pour se la partager ensuite, une fois le plat consommé ? Bien sûr que non mais c’est pourtant ce que notre élite nous propose en parlant de valeur ajoutée des entreprises et de PIB qui en serait l’agrégat et qui serait une ressource. Les entreprises ne font pourtant que « cuisiner » ce qu’elles achètent pour le vendre à leurs clients. Une fois leurs client rassasiés parce qu’ils se sont appauvris en achetant, est-il raisonnable de construire le futur sur l’énergie passée des cuisiniers ?
Qui est conscient que la valeur ajoutée des entreprises n’existe que si elle a déjà été consommée par des clients qui l’ont déjà payée ?
Qui est conscient que la TVA n’est qu’un réveil après deux siècles de sommeil de la gabelle, l’impôt sur le sel de l’Ancien Régime ? Le salaire retrouve son étymologie en étant le prix du sel que l’entreprise rajoute pour faire consommer sa production à ses clients.
Le pouvoir dépense sans succès des sommes folles dans l’Education Nationale, 6e entreprise mondiale, pour formater à l’incohérence et, en attendant, il flatte ses électeurs et recherche désespérément l’argent que les entreprises lui fournissent mal.
Nos dirigeants ont d’abord cru trouver la solution dans le commerce extérieur et dans le libre-échange qui porte très mal son nom car sa réalité est tout simplement de vouloir faire payer les autres. Le résultat est qu’au lieu de faire payer les autres comme les Allemands ou les Néerlandais savent très bien le faire, c’est nous, Français, qui payons en plus pour les autres sans en avoir bien sûr les moyens.
Ils ont ensuite eu l’idée géniale de faire comme les Américains et d’avoir une monnaie qui ne vaut rien tellement le déficit commercial est abyssal et tellement on fabrique de monnaie. Mais ils ont oublié en créant l’euro et l’Union Européenne pour se donner l’impression d’être puissant, que la puissance américaine est militaire et qu’elle seule impose une valeur au dollar qui n’en a plus aucune tellement ils en fabriquent.
Ils ont enfin inventé l’emprunt sur richesses futures à des fabricants d’argent, alors que l’humanité n’avait jamais connu que l’emprunt sur gage bien concret, d’argent précédemment gagné.
Les richesses futures n’arrivant évidemment pas plus que la croissance, l’emprunt n’est quasiment jamais remboursé autrement que par de nouveaux emprunts ou, pour les particuliers qui empruntent pour investir ou pour consommer, par une demande d’augmentation de salaire répercutée sur les prix. L’emprunt systématique a faussé à la hausse tous les prix et chacun peut imaginer le vrai prix de l’immobilier s’il était vendu sans emprunt avec des salaires non faussement dynamisés. Dix fois ? Cent fois moins cher ? Sans doute entre les deux.
L’État qui n’arrête pas d’augmenter son emprunt de 100.000 € toutes les 43 secondes se pose tout de même des questions et utilise une grande partie de son temps et de son intelligence à trouver des façons discrètes de faire payer les Français sans qu’ils ne s’en rendent trop compte. Il est inutile d’en faire la liste tellement chacun la vit quotidiennement
Le résultat est doublement catastrophique.
D’un côté la grande armée des inutiles a du s’inventer une utilité pour se donner une apparence et, ayant constaté le vide que laissait au moins provisoirement les religions hors Islam, elle a enfanté sans le vouloir une nouvelle morale laïcarde et vigoureuse qui l’occupe et la distrait. Cette morale, fondée sur la richesse imaginaire de notre pays, sacralise la ribambelle des luttes contre le sexisme, le racisme, l’homophobie, le tabac, l’alcool, la vitesse… en un mot la liberté. Il suffit d’appeler discrimination la distinction pour la faire passer en un instant du bien au mal. Elle prône en revanche le laxisme pour tout ce qui est plaisir sans devoirs et qui n’existe que par l’illusion que nous créons des richesses permettant ces plaisirs: le divorce, l’avortement, le mariage pour tous, la loi du genre, les médias gratuits, le transhumanisme, la recherche médicale effrénée etc.
De l’autre c’est l’effondrement de la structure de notre pays. Il y a 50 ans les classes moyennes n’avaient qu’un salaire par foyer qui était suffisant pour bien vivre, souvent avec même une employée de maison. Les femmes pouvaient avoir, en plus de leurs 3 à 12 enfants des activités extérieures bénévoles. Aujourd’hui il n’est quasiment plus possible de vivre avec une seule rémunération par foyer. Les rémunérations sont trop basses par rapport aux prix de tout et elles sont encore trop hautes, parait-il, pour être compétitives depuis que la compétition a terrassé la coopération.
Les familles n’ont plus le temps de s’occuper de l’éducation de leurs enfants et sont obligées de tout sous-traiter, ce qui n’est qu’apparemment gratuit. La peur de ne pas assumer le poids financier et l’éducation des enfants freine le renouvellement de la population. Trouver une place de crèche à Paris se fait 3 ans à l’avance et les crèches sont pleines de races non européennes que notre richesse imaginaire nous invite à accueillir alors qu’elles remplacent petit à petit nos inutiles dans le travail comme dans la procréation.
La confusion entre production et richesse qui nous fait nous croire riches parce que nos machines produisent alors que le bon sens de nos compatriotes n’est plus utilisé, conduit inéluctablement à une révolution. Tous ceux qui n’envisagent pas sérieusement la révolution des esprits, préparent déjà, sans le vouloir mais en le sachant, une révolution sanglante. Tout parti politique sérieux se doit d’en être conscient.