Les crises se succèdent les unes aux autres, les suicides d’agriculteurs et d’adolescents se multiplient dans une indifférence presque générale, les liquidations d’artisans, de commerçants et de PME repartent à la hausse. La classe politique regarde ailleurs, pense qu’en se rajeunissant elle se retrouvera et augmente ses frais de fonctionnement. Les Français réalisent que tout se décide à la Commission européenne aux mains de l’Allemagne et de Washington avec ses nouveaux kapos disséminés en Europe. Que s’est-il donc passé pour en arriver là ?
Nous avons simplement oublié
qu’une société ne fonctionne qu’en produisant ce qu’elle consomme. Consommer
est facile, produire est plus difficile. Dans une société cohérente les
producteurs, agriculteurs artisans ou industriels, tiennent le haut du pavé.
Les services sont d’abord les services à la production comme le forgeron, le
transporteur ou le comptable. Les services à la personne ne sont rémunérés que
s’ils permettent à la personne de mieux produire, comme le font le médecin et
l’instituteur. Les services à la personne destinés à faciliter la vie sont
laissés à la famille et aux bénévoles. L’avantage comparatif cher à Ricardo ne
s’applique pas qu’entre nations. Il s’applique d’abord à tout individu pour
savoir où il est le plus utile et le plus efficace. En démocratie telle que la
Grèce l’a inventée, alors que tout le monde consommait, y compris les esclaves,
seuls les producteurs de blé ou d’huile votaient car ils avaient quelque chose
à perdre.
Aujourd’hui en occident et
particulièrement en France, nous sommes devenus une société urbanisée de
consommateurs où les villes ne produisent plus rien et attirent de plus en plus
une population dont l’activité ne consiste qu’à se faire payer en faisant croire
qu’elle apporte un plus à son employeur ou à son client. Les idéologies les
plus variées et les plus inconséquentes cherchent toutes, sans aucune chance de
succès et en se disputant entre elles, comment consommer et se distraire sans
produire et comment l’expliquer avec brio pour le rendre crédible aux moutons
que nous sommes quasiment tous devenus. Les
deux bases de cette folie collective partagée par toutes les idéologies
actuelles sans aucune exception, sont une création spontanée de richesse, une
nouvelle manne non divine appelée
croissance, et une force venant de nulle part, la monnaie que les banques
créent quand elles le souhaitent par une simple dette qu’on leur reconnaît. L’une permet de croire que demain réglera
tout, l’autre permet d’attendre chaque jour la solution qu’apportera forcément demain.
Au fond tout le monde sait que
c’est idiot, mais toucher à l’un quelconque de ces deux mythes ébranle
tellement l’édifice que cela en devient sacrilège. De plus, toucher à l’un rend
l’autre impossible. Sans croissance pas de remboursement, sans prêt bancaire,
pas de croissance. A l’inverse il est tellement agréable de croire que les
prêts bancaires font de la croissance qui permettra les remboursements.
Nous avançons dans le mauvais sens avec une régularité et une constance stupéfiante. Ceux qui produisent vraiment, les ouvriers, les artisans et les paysans sont méprisés, mal payés et de moins en moins nombreux. Les commentateurs, conseils, contrôleurs, vérificateurs, chercheurs d’idées, transmetteurs de papiers et services à la personne, pullulent et arrivent à se faire payer par la manne que l’État et les collectivités font dégouliner par les subventions. L’État, pour payer l’inutile, diminue quantitativement toutes les fonctions régaliennes et augmente tellement les inutiles que l’administration augmente en volume quand son efficacité diminue. L’université qui était réservée au tout petit nombre dont la capacité permettait de mieux organiser la production et sa distribution, est devenue le fourre-tout où tout un chacun apprend avec une lenteur organisée, à se croire utile en ne produisant rien. Même les ingénieurs sortis de Polytechnique ou de Centrale pantouflent dans la banque ou le commerce international. Alors que l’entrée en 6e, le brevet et le bac étaient des filtres ne laissant passer qu’une vraie élite au mérite comme à la capacité, on a ridiculisé les filtres pour pouvoir se glorifier d’avoir 80% de bacheliers bien décidés, vu leurs prétendues connaissances, à ne rien produire de leur vie.
Il s’est constitué depuis que les
monnaies ont été déconnectées de toute valeur réelle, une union
particulièrement malsaine et incohérente entre un peuple confiant dans ce qu’on
lui présente comme le progrès et une classe politique qui, pour être élue, flatte
ce peuple en l’achetant avec de l’argent qu’elle fait créer par les banques. Les
Français étant devenus très majoritairement improductifs élisent à la majorité,
une classe politique à leur image, incompétente, contente d’elle-même,
n’analysant les sujets qu’à l’aune de la prochaine élection. Pour ne prendre
que les plus visiblement ridicules, cela donne aussi bien Emmanuel Macron
qu’Anne Hidalgo élue par un Paris qui ne sait que consommer et se croire utile
et important ou que Marine Le Pen qui a remplacé le parti communiste dans son
attractivité des gens simples et honnêtes.
Est-il encore possible de
retrouver une cohérence ? La réponse est clairement non tant que la
direction de l’occident continuera à croire à la croissance et à la fausse
monnaie éphémère créée par les banques.
La preuve de l’existence de la croissance est avancée par l’université, serinée par tous les médias et réputée incontestable par la majorité d’entre nous. Cette preuve est son chiffrage par le PIB. Personne ne semble prendre la peine d’aller vérifier que l’INSEE, tout en continuant à affirmer mensongèrement comme tous les autres que le PIB mesure la richesse créée, a enfin reconnu depuis le 28 janvier 2021 que le PIB est calculé par « la somme des dépenses finales ». Certains qui ne prennent pas la peine d’aller voir la définition du PIB sur le site de l’INSEE, se réfugient dans le calcul par la valeur ajoutée des entreprises en oubliant que seule la dépense des clients crée cette valeur ajoutée. D’autres disent avec un certain bon sens que si l’on peut dépenser, c’est que l’on est riche, ce qui était vrai quand la monnaie était une richesse en soi comme l’or, l’argent, le blé ou le sel, mais ce qui est complètement faux aujourd’hui où l’argent est principalement une dette vis-à-vis de la banque qui l’a créé. Il suffit que les banques créent de l’argent pour que les Français achètent, que les entreprises fassent de la valeur ajoutée et que nous soyons donc, à nos yeux, collectivement de plus en plus riches et ravis de consommer sans produire, en travaillant de moins en moins et en achetant nos fêtes, n’étant même plus capables de les produire. Finie la chanson « Samedi soir après le turbin… », le progrès l’a enterrée.
Ce qui serait presque déprimant,
c’est que la classe politique ne propose pour demain que des idéologies
déguisées en réalisme concret. Une idéologie, comme son nom l’indique, est
l’étude d’une seule idée qui doit résoudre tous les problèmes. Pour une
idéologie il suffit de changer un détail pour que tout rentre dans l’ordre. Ce
détail est toujours un détail, soit de temps, soit d’espace, soit
d’organisation.
Le temps permet tous les rêves et
le capitalisme actuel croit à la manne que créerait son argent et veut absolument
nous faire constater que les choses s’arrangent alors que nous voyons qu’elles
empirent chaque jour davantage.
L’espace permet, sans aucun
argument sérieux, de croire que tout sera plus simple quand nous serons plus
petit disent les régionalistes ou plus grand disent les européistes. La mode
est à l’Europe de Bruxelles qui n’est même plus européiste mais mondialiste en
imaginant un monde aussi borné qu’elle, ce dont les BRICS tentent de la
réveiller.
Les idéologies fondées sur de
meilleures organisations pourraient être intéressantes si elles étaient
audacieuses, courageuses et fondées sur une analyse réaliste. Mais comme elles
sont toutes fondées sur la croissance dont elles parlent et sur la fausse corne
d’abondance dont elles ne parlent pas, elles ne sont ni audacieuses ni
courageuses et donc inintéressantes. La pire est sans doute le libre-échangisme
qui ressort l’avantage comparatif entre nations de Ricardo en oubliant
consciencieusement qu’à son époque, l’avantage comparatif entre nations
reposait d’abord sur l’avantage comparatif entre hommes et femmes et sur celui
entre citoyens qui étaient à l’époque une évidence naturelle, vitale et vécue.
Aujourd’hui l’identité entre hommes et femmes
et entre citoyens a remplacé l’égalité qu’ils avaient par leurs
avantages comparatifs et la corne d’abondance appelée dette, permet à chaque
nation de rester incohérente et de rendre sans aucun intérêt et même nocif,
l’avantage comparatif entre elles, base intellectuelle de l’abominable
commission européenne.
Tout cela permet depuis plus d’un
demi-siècle de vivre un rêve éveillé que nous savons tous mortifère, une des
preuves en étant la consommation extravagante d’anxiolytiques et
d’antidépresseurs, une autre étant l’immigration invraisemblable qui accepte de
produire.
Le 10 juin les Européens
choisiront entre les minorités qui veulent renverser la table, la majorité qui
veut continuer à rêver et la lâcheté de rester chez eux. Il semble qu’il soit encore
peut-être possible d’espérer.