Le XIIIème siècle voit dans toute l’Europe l’apogée des foires médiévales. Dans les foires de Champagne on échange les draps des manufactures du Nord contre des produits méditerranéens. L’INSEE n’existait pas mais on pouvait déjà calculer le PIB de la foire par les trois modes de calcul que l’INSEE affirme mais n’explique jamais. On pouvait additionner la valeur de tout ce que les marchands apportaient et vendaient (le PIB par la valeur ajoutée). On pouvait additionner tout l’argent que les acheteurs venaient dépenser (le PIB par la distribution). Et on pouvait bien sûr additionner toutes les transactions (le PIB par la dépense).
Il est intéressant de remarquer que le PIB de la foire donnait une impression assez exacte de la prospérité de la province. Quand la foire tournait bien, l’économie tournait bien. Ils avaient compris que la croissance (l’augmentation du PIB) donnait de l’emploi, de l’argent et de la prospérité.
Un petit détail semble pourtant échapper à nos économistes actuels qui continuent à attendre de la croissance, la solution de nos problèmes. A l’époque le PIB par la distribution, l’argent que les acheteurs possédaient, avait été gagné par le travail. Le PIB par la valeur ajoutée, les marchandises proposées, avaient été fabriquées par le travail. C’est le travail de la province qui générait aussi bien les marchandises à vendre que l’argent pour les acheter. Et si tout tournait bien au moment de la foire, c’est que tout le monde travaillait dur le reste du temps.
Aujourd’hui pour flatter le peuple et pour qu’il vote bien, l’argent est de plus en plus emprunté et les marchandises de plus en plus importées. C’est l’esclavage dans le temps, base réelle de l’emprunt, et l’esclavage dans l’espace, base réelle du libre-échange, qui cherchent à alimenter la croissance pour faire décoller le PIB.
Emprunter pour payer ce que l’on importe et jouir sans produire ne peut marcher que si le travail est sous-traité aux esclaves, à ceux qui sont loin grâce au libre-échange et à ceux que nous serons demain grâce à l’emprunt.
Qui aurait la gentillesse d’aller l’expliquer à Madame Taubira ? Je me suis laissé dire qu’elle n’approuvait pas l’esclavage.
Il reste aux esclaves que nous sommes devenus le recours à la foire d’empoigne dans les urnes avant l’ultime foire que l’on appelle révolte, aux empoignades sur les pavés et le bitume… Pourvu que nous puissions nous en dispenser par la volonté, l’intelligence et le sens des responsabilités afin de motiver et favoriser la participation électorale éclairée.
Le travail physique gratuit et non qualifié rapporte beaucoup aux esclavagistes, mais comme on a interdit, à juste titre, l’esclavage et que, au même moment, les révolutions industrielles et informatiques demandent de la main-d’œuvre autrement plus qualifiée, de grands cerveaux très malins ont fini par mettre en place quelque chose de bien plus sophistiqué, permettant de rendre esclave la main-d’œuvre qualifiée, sans qu’elle ne s’en rendre compte, alléchée qu’elle est par la vision mirobolante d’acquis mobiliers et immobiliers faciles, immédiats et à la mode. Il a pourtant suffi de remplacer « galère » par « maison au bord de la mer », par exemple. Autrement dit, vingt ans de galère pour une belle place au soleil avec vue sur mer, c’est très cher payé (l’heure de bronzage). Même l’État a tendu l’oreille à ce chant des sirènes, dont l’histoire se terminera toujours de la même façon : par la mort.