La retraite est un résultat et, comme l’étymologie de résultat l’indique (sauter en arrière), c’est par une étude de ce qui précède que l’on peut envisager d’y voir clair.
Or nous vivons dans une société qui, non seulement a perdu ses repères en se contentant puérilement des droits de l’homme (ou malicieusement pour certains voire perfidement), mais s’est organisée sur des erreurs multiples et cumulées, fondées sur des absences de définitions claires de la richesse et de la monnaie.
La confusion entre production et richesse a fait survaloriser les entreprises que l’on bichonne stupidement depuis un siècle tout en leur demandant de prendre en charge la protection sociale du peuple, ce qui n’est en aucun cas leur raison d’être qui est de produire autre chose que des déchets, des embarras ou des problèmes.
C’est l’absence générale de cohérence qui caractérise actuellement notre civilisation et qui génère des idéologies partisanes incohérentes qui s’affrontent sans aucune chance de se comprendre puisqu’elles sont toutes incompréhensibles. Il ne peut y avoir que des alliances de circonstances façon programme commun, rassemblement des droites ou actuellement macronie.
Essayons d’y voir clair dans ce bourbier.
Tout commence par une absence de définition claire de la monnaie. Depuis Aristote on ne parle de la monnaie que par ses utilités (trois selon lui) ou par sa catégorie (signe, marchandise, symbole, contrat, institution) sur laquelle personne n’est d’accord. Depuis deux millénaires on glose sur quelque chose que l’on a renoncé à définir, ce qui autorise à en dire à peu près n’importe quoi. Tentons une vraie définition. La monnaie est un titre de créance sur n’importe quel membre du peuple qui utilise cette monnaie. Faut-il rappeler que monnaie comme monument vient de moneo forme latine causative de la racine grecque men de la mémoire ? La cause de la monnaie comme du monument est de se souvenir. Ce souvenir, cause de la monnaie, c’est la création de richesse qui a été faite antérieurement et dont la valeur est constatée par la création de monnaie. La monnaie ne peut donc être qu’une richesse reconnue comme l’or ou l’argent ou que le substitut d’une richesse déjà existante. Toute autre monnaie est une fausse monnaie totalement illicite même si elle est légale. L’euro est la première monnaie dans toute l’histoire de l’humanité à avoir été créé hors cette obligation. Il a été créé pour se substituer à des monnaies qui avaient été déconnectées de toute richesse réelle par un président américain trente ans auparavant.
Le problème est encore compliqué par le fait que la richesse est une notion purement culturelle dont la réalité comme la valorisation ne dépend que du regard de chaque culture. Par conséquent une société cohérente multiculturelle ne peut pas avoir une seule monnaie; elle doit en avoir autant que de cultures. Dans notre société qui par idéologie veut à la fois être multiculturelle et avoir une monnaie, deux fausses solutions se font jour sans aucun espoir de réconciliation ni de solution de quoi que ce soit. A un extrême la monnaie mondiale qui se veut unique comme le dollar ou les droits de tirage spéciaux du FMI et qui prône une monoculture anglo-saxonne conquérante quoique moribonde. Et à l’autre extrême l’éparpillement des monnaies conceptuelles ou des Systèmes d’Echange Local qui partent de la vraie richesse d’une culture mais qui laisse tous les problèmes collectifs difficiles à la charge d’un système qu’ils combattent. Au milieu l’euro qui, fondé sur le vide, veut jouer au dollar ou les cryptomonnaies qui tentent sans aucune chance de succès d’être à la fois mondiales et multiculturelles.
Alors que faire ?
Seule la cohérence du groupe et sa culture permettent de définir ce qu’est pour lui une richesse, ce qui est vu comme bien, beau ou bon. La cohérence culturelle est à la base de l’approche de la richesse qui elle-même est le regard qu’un peuple jette sur lui-même. C’est le lien fondamental entre la culture et l’économie.
C’est par l’étude des incohérences actuelles que doit débuter le chemin vers la cohérence, tellement nous avons été formatés à les vivre comme normales et même comme évidentes et non discutables.
L’incohérence de base, mère de toutes les autres, est que les entreprises créent de la richesse.
Une entreprise est un assemblage d’énergies, humaines et monétaires, qui a été constitué pour produire. Mais de même qu’une vache produit du lait, des veaux, des bouses, de l’urine et du méthane, l’entreprise produit des biens ou des services qui peuvent être aussi bien des richesses que des déchets, des embarras ou des problèmes. Ce qu’elle produit est reconnu comme richesse si un client vient s’appauvrir pour l’acheter et donc uniquement si la production peut être transformée en monnaie. C’est en effet le client qui accepte de payer la production plus cher qu’elle n’a couté. Cette différence, appelée comptablement « valeur ajoutée », n’est que la valorisation de l’énergie humaine dépensée pour produire. Le prix de vente de la production est en effet composé de ce qu’il a fallu acheter à l’extérieur pour pouvoir produire, augmenté de la valeur ajoutée, partie qui rémunère l’énergie humaine dépensée à l’intérieur de l’entreprise. Mais cette transformation de la production en richesse n’est vraie que si la monnaie est rare, et elle est actuellement totalement faussée par tous les moyens imaginables.
Pour faire croire que les entreprises créent des richesses, la doxa utilise deux moyens. Le premier est de négliger comptablement ce que l’entreprise produit et ne vend pas ; on ne fait en pratique que de vagues nettoyages des stocks qui sont partout survalorisés. Mais surtout le XXe siècle a inventé la stupidité absolue du prêt sur richesse future et non plus sur gage, sur richesse déjà reconnue comme cela avait toujours été le cas dans toutes les civilisations depuis l’aube de l’humanité. Les banques fabriquent de la fausse monnaie, légale mais illicite, qu’elles prêtent sur richesses futures. La richesse étant constatée par le prix que le client en donne, la monnaie est abandonnée deux fois pour la même production, une première fois par la banque qui crée l’argent sur la future production prédéfinie comme richesse à venir et une deuxième fois par le client qui achète la production et qui la reconnait effectivement comme richesse même s’il l’achète lui-même avec de l’argent emprunté. La banque ne peut récupérer pour la détruire, la fausse monnaie qu’elle a créée, qu’en générant un nouveau prêt au client ou à l’entreprise. C’est la montée sans fin de la dette que nous connaissons si bien.
N’importe qui peut constater que les machines qui ont coûté très cher, produisent en continu ce qu’il faut faire croire être des richesses. Ensuite la publicité et les médias martèlent à grand frais que ce sont des richesses. Enfin le système bancaire fabrique la fausse monnaie légale qui va permettre de payer les machines, de payer la publicité et de mettre de l’argent à disposition pour payer la production et lui donner l’apparence d’une richesse. Ce trépied mortel pour la civilisation, machines publicité banques, fondé exclusivement sur le fantasme d’un lendemain merveilleux, ne fonctionne que par la création de fausse monnaie légale et d’emprunts irremboursables. Il est tout de même présenté comme le trépied du succès et de la prospérité. Pour en convaincre encore davantage les nigauds, on charge les entreprises, réputées riches par idéologie, de fournir du travail au peuple et de payer pour sa protection sociale, ce qui évite aux Politiques de s’y intéresser vraiment et de devenir enfin utiles.
Les autres incohérences découlent de la première car si les entreprises créent de la richesse, il faut à la fois les en remercier et leur en prendre une partie.
Pour les en remercier le quatrième quart du XXe siècle a inventé le système le plus ingénieux et le plus scandaleux qui soit. La valeur ajoutée qui devrait rémunérer le travail, est en grande partie détournée par l’État et par les actionnaires. Les actionnaires considèrent qu’il faut les rémunérer de l’argent qu’ils ont mis même s’il ne provient que d’un emprunt et l’État prélève la protection sociale du peuple qu’il augmente sans arrêt par démagogie. Ce paiement de la protection sociale par les entreprises est confié à l’URSSAF qui a pouvoir de faire condamner pour travail dissimulé toute personne qui en rémunère une autre sans prendre en charge la protection sociale de tous. Le résultat est que le travail est de moins en moins rémunéré et que les classes moyennes s’appauvrissent continuellement. Cerise sur le gâteau, cette ponction des actionnaires et de l’État peut se faire jusqu’à ce que l’entreprise en meure, ses dettes étant alors reprises par la collectivité, ce qui a été sacralisé par la loi Badinter de 1985. Tant que ça marche c’est pour l’État et les actionnaires, mais quand ça ne marche plus, ce qui est inéluctable, c’est pour la collectivité. Le dépôt de bilan qui était une honte, devient un moyen de gestion comme l’a dit Bernard Tapie.
Pour prendre aux entreprises une partie de la richesse qu’elles sont faussement supposées créer, se met en place en plus des actionnaires et de l’État, le fabuleux réseau des conseils, des experts, des observateurs, des commentateurs, de tous ces inutiles qui sont payés très cher pour faire croire que le système aberrant peut tenir et même être amélioré. Ceux qui produisent ce qui est vraiment utile comme les agriculteurs ou les artisans vivent de plus en plus mal et sont de moins en moins nombreux pour que survivent de plus en plus d’inutiles et que vivent de mieux en mieux les prêtres du système.
Sans comprendre l’incohérence générale de la situation, il n’est pas possible d’aborder sérieusement les problèmes de chômage et de retraite. Il faut d’abord alléger le fardeau des entreprises de ce qui ne les concerne pas et l’argent doit revenir aux gens qui y travaillent et qui doivent être infiniment mieux payés. Il faut d’abord décharger les entreprises de la protection sociale et en charger les Politiques qui ont l’impôt à disposition. Il faut d’abord que l’État récupère la création monétaire qu’il est seul à pouvoir créer sur richesse constatée quand les banques ne peuvent la créer que sur richesses futures. Il sera alors possible que chaque municipalité soit chargée de rendre utile tous ses concitoyens en mettant au travail tous ceux qui le souhaitent et qui n’ont pas été appelés par une entreprise. Il sera alors possible que l’État valorise ces richesses nouvellement créées et crée la monnaie constatant ces richesses nouvelles.
Ayant retrouvé le bon sens, l’harmonie commencera à être à nouveau envisageable et il sera alors possible de regarder le problème des retraites qui est très simple quand on ne le complique pas artificiellement en accueillant le chômage comme une fatalité et le formatage étudiant comme une nécessité.
Merci M. Dugois pour cette enrichissante remise en perspective où l’on voit bien qu’une élite pseudo sachante « les prêtres du système » dénature la profondeur d’un système. On a connu cela dans les religions, nous écartant petit à petit des fondamentaux spirituels et en médecine où l’on confond causes et conséquences, oubliant au passage les vertus de la prévention dans laquelle l’injonction « primo non nocere » est aujourd’hui curieusement interprétée !!!
Cher Marc,
Excellente analyse….
J’avais en son temps fait une proposition de transférer totalement la charge sociale de l’entreprise vers la consommation (hors retraite)
La différence entre charge salariale et patronale est particulièrement absurde.
J’avais appelé ça la TSA Transfert de Solidarité Active
le texte doit être actualisé , je te l’envoie en l’état avec tous ses défauts Amitiés
Transfert de Solidarité Active
Cher Jean-Louis,
La protection sociale, quelle qu’en soit la forme, ne peut être financée que par l’impôt et n’a rien à voir avec la vie des entreprises.
Dans mes rêves les plus fous je vois la disparition de tous les impôts fondés sur une assiette de création, de production ou de possession. Je vois un seul impôt sur la consommation. Pourquoi pas une TVA à 50% ? L’impôt sur les sociétés était bien de 50 % jusqu’en 1986, ce qui était une véritable spoliation, au profit des actionnaires et de l’État, des salariés qui y travaillaient.
« Il faut d’abord alléger le fardeau des entreprises de ce qui ne les concerne pas et l’argent doit revenir aux gens qui y travaillent et qui doivent être infiniment mieux payés. »
Alors j’essaie de raisonner à mon petit niveau …. Augmentation des salaires donc augmentation du pouvoir d’achat ? Donc augmentation de la consommation des ménages ? Et donc, on continue à dilapider les ressources naturelles pour produire ? On continue de croire que plus = mieux ? Ou on réfléchit à plus de simplicité et de sobriété ? Bref, un pas vers la Décroissance ? Merci de me donner votre point de vue .. Bien à vous ….
Une augmentation du pouvoir d’achat des ménages ce n’est pas du tout forcément une augmentation de leur consommation. Cela peut être aussi la redécouverte de la coopération du père et de la mère dans une famille et l’arrêt de leur concurrence, de leur compétition tellement à la mode aujourd’hui.
« Redécouverte de la coopération du père et de la mère dans une famille et l’arrêt de leur concurrence. » C‘est à dire ? Un retour de la mère au foyer et du père qui subviendrait aux besoins de la famille ? Et pourquoi pas une inversion des rôles avec le père qui assurerait l’éducation des enfants et la mère qui poursuivrait sa carrière ? Ainsi plus de concurrence …
Et pour le pouvoir d’achat qui ne se traduirait pas par une augmentation de la consommation, comment décoloniser nos imaginaires et « déséconomiser » nos esprits ? Comment faire table rase d’une foule d’idées reçues, revoir les idées que nous avons de la richesse, de l’argent, du bonheur … ?
« Faire table rase d’une foule d’idées reçues » est en effet primordial mais il ne faut pas se tromper d’idées reçues. La carrière est une idée reçue comme la parité que personne n’a jamais vue dans une maternité. Chaque sexe a le devoir de son état puis de s’harmoniser. La continuité de l’espèce et de chaque race à l’intérieur de l’espèce, ne peut appartenir aux hommes. C’est le premier devoir des femmes, le premier devoir des hommes étant de leur faciliter la vie. Que cette évidence devienne un blasphème est une idée reçue qui stérilise notre société.
Mon trés cher Ami.
je suis tout à fait d’accord avec toi.
surtout concennant les banques, qui investissent dans la recherche des entreprises et qui en oublient le développement, qui par la suite sont surprises de l’impossibilité des entreprises à rembouser leurs prêts, car souvent le développement coûte plus cher que la recherche, et lesquelles banques sont étonnées de l’impossibilité d’honnorer le remboursement de leurs prêts par manque; ou perte de fonds propres , car investis dans le developpement.
je te laisse le soin de conclure sagement comme tu sais le faire.
Charley MUSCAT