Tocqueville annonçait déjà en 1840 les effets dont je ne fais que tenter d’analyser la cause depuis deux quinquennats. Lire, pendant ce mois d’août où tout s’arrête, ce que Tocqueville écrivait il y a bientôt deux siècles, en éveillera peut-être certains qui s’intéresseront enfin à la cause de ce nouveau despotisme incohérent qui génère le populisme.
Tome II, partie IV, chapitre VI :
Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres: ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie.
Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre?
C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre ; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu chaque citoyen jusqu’à l’usage de lui-même. L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses: elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.
Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.
J’ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu’on ne l’imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu’il ne lui serait pas impossible de s’établir à l’ombre même de la souveraineté du peuple.
Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies: ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l’un ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre qu’on l’attache, parce qu’il voit que ce n’est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne. Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent.
Il y a, de nos jours, beaucoup de gens qui s’accommodent très aisément de cette espèce de compromis entre le despotisme administratif et la souveraineté du peuple, et qui pensent avoir assez garanti la liberté des individus, quand c’est au pouvoir national qu’ils la livrent. Cela ne me suffit point. La nature du maître m’importe bien moins que l’obéissance.
Je ne nierai pas cependant qu’une constitution semblable ne soit infiniment préférable à celle qui, après avoir concentré tous les pouvoirs, les déposerait dans les mains d’un homme ou d’un corps irresponsable. De toutes les différentes formes que le despotisme démocratique pourrait prendre, celle-ci serait assurément la pire.
Lorsque le souverain est électif ou surveillé de près par une législature réellement élective et indépendante, l’oppression qu’il fait subir aux individus est quelquefois plus grande ; mais elle est toujours moins dégradante parce que chaque citoyen, alors qu’on le gêne et qu’on le réduit à l’impuissance, peut encore se figurer qu’en obéissant il ne se soumet qu’à lui-même, et que c’est à l’une de ses volontés qu’il sacrifie toutes les autres.
Je comprends également que, quand le souverain représente la nation et dépend d’elle, les forces et les droits qu’on enlève à chaque citoyen ne servent pas seulement au chef de l’Etat, mais profitent à l’Etat lui-même, et que les particuliers retirent quelque fruit du sacrifice qu’ils ont fait au public de leur indépendance.
Créer une représentation nationale dans un pays très centralisé, c’est donc diminuer le mal que l’extrême centralisation peut produire, mais ce n’est pas le détruire. Je vois bien que, de cette manière, on conserve l’intervention individuelle dans les plus importantes affaires; mais on ne la supprime pas moins dans les petites et les particulières. L’on oublie que c’est surtout dans le détail qu’il est dangereux d’asservir les hommes. Je serais, pour ma part, porté à croire la liberté moins nécessaire dans les grandes choses que dans les moindres, si je pensais qu’on put jamais être assuré de l’une sans posséder l’autre.
La sujétion dans les petites affaires se manifeste tous les jours et se fait sentir indistinctement à tous les citoyens. Elle ne les désespère point; mais elle les contrarie sans cesse et elle les porte à renoncer à l’usage de leur volonté. Elle éteint peu à peu leur esprit et énerve leur âme, tandis que l’obéissance, qui n’est due que dans un petit nombre de circonstances très graves, mais très rares, ne montre la servitude que de loin en loin et ne la fait peser que sur certains hommes. En vain chargerez-vous ces mêmes citoyens, que vous avez rendus si dépendants du pouvoir central, de choisir de temps à autre les représentants de ce pouvoir ; cet usage si important, mais si court et si rare, de leur libre arbitre, n’empêchera pas qu’ils ne perdent peu à peu la faculté de penser, de sentir et d’agir par eux-mêmes, et qu’ils ne tombent ainsi graduellement au-dessous du niveau de l’humanité.
J’ajoute qu’ils deviendront bientôt incapables d’exercer le grand et unique privilège qui leur reste. Les peuples démocratiques qui ont introduit la liberté dans la sphère politique, en même temps qu’ils accroissaient le despotisme dans la sphère administrative, ont été conduits à des singularités bien étranges. Faut-il mener les petites affaires où le simple bon sens peut suffire, ils estiment que les citoyens en sont incapables ; s’agit-il du gouvernement de tout l’Etat, ils confient à ces citoyens d’immenses prérogatives; ils en font alternativement les jouets du souverain et ses maîtres, plus que des rois et moins que des hommes. Après avoir épuisé tous les différents systèmes d’élection, sans en trouver un qui leur convienne, ils s’étonnent et cherchent encore ; comme si le mal qu’ils remarquent ne tenait pas a la constitution du pays bien plus qu’a celle du corps électoral.
Il est, en effet, difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l’habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire ; et l’on ne fera point croire qu’un gouvernement libéral, énergique et sage, puisse jamais sortir des suffrages d’un peuple de serviteurs.
Une constitution qui serait républicaine par la tête, et ultra-monarchique dans toutes les autres parties, m’a toujours semblé un monstre éphémère. Les vices des gouvernants et l’imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou retournerait bientôt s’étendre aux pieds d’un seul maître.
N’est-ce pas très exactement ce que nous vivons en Occident et que le vice de nos gouvernants appelle dédaigneusement le populisme qui a tout de même beaucoup tardé ? Ce populisme, ces populismes, ne seraient-ils pas au contraire le bouillon de culture dont nous avons tant besoin après les échecs dramatiques, successifs et parallèles du fascisme, du communisme et du capitalisme ? Ce bouillon de culture est en quête d’une organisation cohérente à développer sur les ruines du capitalisme qui, avec son fantasme de création de richesses, se croit riche avec sa dette mondiale de 247.000 milliards de dollars au premier trimestre 2018 d’après le dernier bilan de l’ « Institute of International Finance » et se croit puissant avec l’Union Européenne, le forum de Davos, Bilderberg et le Siècle.
Les élections européennes doivent être l’an prochain l’expression de ces réflexions populistes, qu’elles soient Debout la France, Rassemblement National ou France Insoumise. Ce qu’il faut éviter ce sont les candidatures de dispersion qui, en voulant profiter de la proportionnelle nationale, négligeraient par orgueil la barre des 5% qu’ils ne franchiront jamais et ne feront qu’affaiblir la représentativité des autres.
Merci pour ce nouveau billet, Marc… un bémol tout de même: ni DLF ni le RN ne sont ni ne revendiquent quelque populisme que ce soit! Ce sont des partis qui excitent les bas instincts (entendre ceux du cerveau reptilien) pour obtenir des voix, mais qui sont en réalité (et particulièrement le petit business des Le Pen) des partis bourgeois, libéraux et capitalistes.
Ce que revendique la FI, c’est un populisme de gauche, socialiste, écologiste, féministe, humaniste et internationaliste.
Mais il faut comprendre « populisme » comme le fait de mettre au centre des préoccupations de la société le Peuple et ses besoins (santé, éducation, sécurité, etc) contre l’oligarchie financière… Le dévoiement péjoratif du terme «populisme» pour désigner les pratiques politiques de l’extrême droite et créer une confusion avec celles de la FI est un tour de passe passe sémantique assez ignoble, qui permet au pouvoir en
place d’agglutiner en une masse informe tout ce qui s’oppose à lui… car il n’y a enfin plus que ces deux seules oppositions, et on pourrait le regretter.
Il permet par ailleurs de faire croire que la FI, c’est un parti « d’extrême gauche » ce qu’il n’est pas. L’extrême gauche existe dans ce pays (LO, NPA,…) et se revendique comme tel. Aucun de ces partis n’envisage à aucun moment de prendre le pouvoir. Ce sont des partis « de témoignage ». La FI, elle, porte un projet « raisonnable » même s’il peut paraître radical aux libéraux. Mais en faire un projet « d’extrême gauche » est une faute, morale et politique.
Je retrouve bien là l’expression d’un militant honnête de la France Insoumise.
Mais pourquoi faudrait-il ne pas voir aussi des militants honnêtes chez Debout la France ou au Rassemblement National ?
C’est peut-être plus chez eux d’ailleurs que l’on dépasse le moins difficilement le clivage de la gauche qui privilégie le mouvement et de la droite qui privilégie l’harmonie.
Pour moi qui cherche à unir le mouvement et l’harmonie, je ne me reconnais ni de droite ni de gauche, comme tant de gens qui, sur ce même constat, ont provisoirement suivi le protecteur de Benalla.
Un « militant honnête de la France Insoumise », qui tue le débat en crachant sur d’autres partis « populistes », parce qu’ils seraient de droite. On n’est pas près de se débarrasser du despote « éclairé » Macron.
Dommage, ce texte de Tocqueville, éclairé par Marc, méritait un meilleur sort que cette critique politicienne. Je préfère ne rien dire sur Mélanchon, cela n’apporterait rien au débat.
C’est bien mon problème : réconcilier des militants honnêtes de la France insoumise et des militants honnêtes du Front National.
Aucun ne semble en avoir très envie et une fois de plus l’union se fera plus par le peuple que par les intellectuels.
Populisme ! C’est un mot inventé par la bourgeoisie, qu’elle se revendique de droite ou de gauche, pour masquer la crainte, la peur et / ou le mépris que leur inspirent ceux que l’on nomme « le peuple » avec cette once de suffisance des lettrés quand ils considèrent ceux qui travaillent dans le concret avec leurs mains autant qu’avec leur tête. La même attitude , soit dit en passant, que l’on retrouve chez les mêmes à l’égard de l’engeance militaire
C’est à peu près ce que j’ai dit voici dix ans peut être à un ancien ministre au caractère affirmé et plusieurs fois démissionnaire dont j’avais soutenu activement la candidature à la présidence de la république et qui condamnait d’un mot, populiste, le FN qui était alors devenu le premier parti ouvrier de France sans que les élites ne se posent véritablement la question du pourquoi de cet état de fait, se contentant d’une opprobre de bon aloi.
Ceci dit nous attendons encore la venue d’un mouvement véritablement populiste qui ne serait ni de gauche ni de droite, ni montagnard ni girondin, mais tout simplement au service de la nation et des Français, et non à celui des intérêts du capital et de la finance.
Je ne peux qu’approuver sans réserves votre conclusion tout en regrettant que les Français soient tentés d’être ce peuple de serviteurs dont parle Alexis de Tocqueville, peuple que les médias façonnent à être satisfait s’il a de quoi survivre et de quoi se distraire, s’il peut profiter de la vie comme ils disent.
Les hommes ne cherchent plus à être utiles aux autres, les femmes ne font plus d’enfants et notre civilisation meurt sous les quolibets de ceux qui disent qu’elle n’a jamais existé.
J’essaie avec un espoir qui se fatigue de faire prendre conscience de la cause première de cet effondrement : l’oubli de l’homme au profit de la production. Mais qui accepte que la création de richesse soit un mythe ?
Merci beaucoup Marc pour ce partage.
Le plus affligeant est de constater que Nicolas Machiavel et Alexis de Tocqueville ont, par leurs analyses pragmatiques et fines, qui est aussi un « diagnostic », donné les « clés du magasin » et « une feuille de route » à cette oligarchie ploutocratique qui est censée nous conduire et nous servir alors qu’elle veut juste nous plaire pour se servir. Nous sommes très loin du village « indien », d’Amérique du Nord, d’Afrique ou d’Asie, qui était « conduit » par les anciens, les sages, qui initiaient et/ou transmettaient aux « jeunes » les repères « utiles » à respecter pour développer ensemble une ambiance harmonieuse… alors qu’aujourd’hui, et depuis trop longtemps, nos « dirigeants » sont chaque jour un peu plus dans le punir et/ou asservir.
Le problème principal auquel nous sommes confronté aujourd’hui est que pour exister « politiquement », il faut être « pour tout ce qui est contre » et « contre tout ce qui est pour », et inversement, selon sa position dans la majorité ou l’opposition, quelle que soit l’assemblée dans laquelle ils siègent. Puis, une fois au « pouvoir », après un formatage de plusieurs dizaines d’années d’humiliations et de frustrations, pour enfin avoir un strapontin, ils ne font que « reproduire » ce qui leur a été « instruit ». Ainsi, l’inéluctable mutation du système ne pourra pas être réalisé par ceux qui ne font que le pérenniser, sinon ils « perdraient » leur place, donc ils se taisent, consciemment ou pas. Ce sont donc la lâcheté et la cupidité qui règnent en maître absolu.
Aussi, il appartient à chacun de nous de s’engager, au plus près de ses possibilités, comme tu le fais à ta manière Marc, avec toute notre gratitude … , pour enrayer les dérives actuelles et puis ouvrir une nouvelle voix, un nouveau sillon, pour construire nos lendemains harmonieux à transmettre aux générations futures.
Enrayer les dérives c’est d’abord prendre conscience et faire prendre conscience qu’une richesse ne se crée pas mais se constate. Aujourd’hui nous nous croyons riches en pensant créer de la richesse et en fait, en la constatant par la dette.
C’est dramatique mais tout le monde s’en moque !
Cher Marc, comme je te l’ai déjà dit une bonne vingtaine de fois, ce que tu dis sur la richesse devient obscur dès que tu veux préciser. C’est sans doute sur les mots « création » et « constatation » que tu butes, ou que je bute. Comment peut on constater quelque chose qui n’existe pas. Que la richesse soit ou non subjective, le fait que la richesse se constate montre au moins qu’elle apparaît.
Cette constatation se fait, effectivement, lors d’un échange, entre le tenant du bien et du service et le tenant de la monnaie, réelle ou fausse.
Je crois que c’est de ce point qu’il faut partir.
Il est clair que l’un de nous deux bute.
Je peux constater qu’il pleut sans avoir créé la pluie. Créer c’est fabriquer et une richesse ne se fabrique pas, c’est une production qui se fabrique. La richesse se constate et peut être éphémère ( un pain, richesse quand je l’achète est encombrant si personne n’a faim et rebut quand il est sec).
C’est le côté faussement objectif de la richesse qui fausse tout car on ose même la quantifier.
La richesse n’est qu’un regard. Je peux voir un objet, un état d’esprit, un sentiment ou un service comme une richesse ou comme un embarras, voire même une agression.
La richesse est subjective quand la production est objective. Sans cette distinction essentielle nous ne pouvons avancer car l’objectif est chiffrable mais pas le subjectif.
Oui, ok sur ce point, c’est la production que l’on fabrique. On va peut être arriver à un accord sémantique
Seulement peut-être ?
Les points d’accord.
La richesse est un regard
Le PIB est la somme de dépenses
On échange un bien ou un service contre autre chose (qui, dans la société marchande, est une somme d’argent, vraie ou fausse monnaie)
Impossible de comparer la richesse d’une époque à celle d’une autre époque
J’attends l’accord de Marc sur notre accord ou désaccord
Je suis entièrement d’accord avec toutes ces affirmations qui sont pour moi l’évidence. Je rajoute que c’est le client qui fait la richesse par l’abandon de son argent.
Si on en croit les medias dominants, le mot ‘populisme’ désigne toute opinion politique contraire auxdits medias. Comme ceux-ci s’arrogent le droit de décider de la vérité et du bien, alors pour eux le populisme désigne le mal, et ceux qui professent ces idées sont désignés à l’opprobre public comme des méchants.
Comme il n’y a pas de définition concrète du populisme, ce mot fonctionne comme la dernière injure à la mode. De la même façon que le mot ‘communisme’ du temps de la guerre froide jusqu’en 1991 et au-delà, rappelez-vous. Comme il fonctionne toujours aux Etats-Unis.
Imaginez un prêtre catholique accusant de péché et menaçant des flammes de l’enfer un athée : sauf un haussement de sourcils et un ricanement poli, quel effet aura la fulmination du prêtre sur le citoyen athée ? Rien, à notre époque et en France ; le seul effet social sensible éventuel sera le regard plus étonné que réprobateur de ses voisins. Le seul effet concret important jadis était la mise sous interdit, qui interdisait tout échange commercial et condamnait à la famine ceux qui en étaient frappés, et bien sûr la confiscation des biens des « mécréants ». C’est-à-dire des punitions bien matérielles.
Revenons à 2018 et à l’accusation de populisme par les medias de la doxa : ils opèrent comme directeurs de conscience, et si on se laisse impressionner ils ont le même pouvoir moral qu’avait l’église catholique : alors pour s’en défaire il faut examiner quels pouvoirs matériels et concrets ils ont, analogues à l’interdit. Du reste, des paroles, on se fiche.
Je dirais que les médias ont plus un pouvoir mental qu’un pouvoir moral et qu’ils l’ont par les paroles dont je ne peux me ficher.
Je suis assez proche de votre analyse mais je ne crois pas inutile de faire circuler une autre parole que la leur.
Merci Isabelle Voltaire pour cette précision du populisme.
En effet, combien en ai-je collé au mur, parmi ceux qui se positionnent du centre droit au centre gauche, les propriétaires de la vérité, etc. … alors qu’ils me disaient que les « extrêmes » étaient des révolutionnaires, aveugles et ignorants, donc des « manipulateurs populistes »… tout en étant incapable de me préciser pourquoi ces mouvements, soit-disant extrêmes, arrivaient à exister et à fédérer un certains nombre grandissant de militants… ni d’expliquer pourquoi ils existaient depuis un bon moment… je leur posai la question ; « et si Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon dit : il faut respirer ! Pendant combien de temps vous mettez-vous en apnée ? car si vous respirez, alors vous êtes lepeniste ou mélenchoniste, n’est-ce pas ! ? donc extrémiste ! donc populiste ! » … La seule réponse systématique obtenue est un haussement d’épaule suivi d’un départ spontané qui interrompt le débat, sans autre mot…
Aussi, tous ceux qui défendent l’intérêt général face au capitalisme, l’humain d’abord face à l’argent, etc., bref des « anti système » qui nous nécrose, ne sont donc que des populistes !
Or, finalement, si la démocratie est le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple, alors la démocratie est populiste ! ? ! non ?
Un peu comme Marc peut-être, je crois plus aux idées qu’aux personnages providentiels, même si j’ai longtemps espéré que quelqu’un pourrait « sauver » la France grâce justement à un corpus d’idées cohérent et concrétisable.
Au Front National depuis 6 ou 7 ans, je ne me sens nullement insulté d’être populiste, au sens où le peuple doit toujours être en position d’avoir son mot à dire, faut-il encore qu’il soit consulté dans de bonnes conditions, sur des sujets clairement définis.
Cela étant, je ne vois personne dans les partis désignés, à tort ou non, comme populistes pour incarner le véritable renouveau nécessaire à la France. Imaginer que nous puissions revenir à un village d’indiens ou de gaulois n’a pas non plus grand sens, c’est toute la question de la subsidiarité qui est d’ailleurs posé: qu’est ce qui peut être local, qu’est ce qui doit être global.
Puisque j’ai conseillé, avec d’autres, pendant 3 ans Marine Le Pen, je pense que son échec est essentiellement du, quels que soient ses défauts ou ses qualités, et la faiblesse de son débat face à Macron, au fait qu’il y avait beaucoup trop d’élements à prendre en compte pour s’opposer à la doxa libérale que le système nous a imposée (souvent avec notre accord implicite) depuis 40 ans. C’est en ce sens que la relecture de Tocqueville est éclairante.
C’est donc une contre doxa que nous devons bâtir, avant de déterminer le ou les personnes qui peuvent l’incarner, si tant est que ces personnes puissent accepter de faire passer leur propre intérêt derrière le bien commun.
Donc merci à Marc de nous secouer, mais c’est bien loin d’être suffisant, même si c’est nécessaire.
Je crois que le rassemblement se fera en effet sur une contre-doxa et non sur des personnes.
Pour moi cette contre-doxa ne peut être fondée que sur la prise conscience que production n’est pas richesse et sur la chaîne travail monnaie richesse, équilibrant nécessaire et pourtant négligé de la chaîne dominante travail production monnaie que j’ai analysée dans mon billet L’offre et la demande.
Une belle analyse et un constat récurrent. Dès l’après guerre les mêmes taxaient le général De Gaulle de fasciste pour empêcher toute audition. Il faut se rappeler qu’il était interdit d’antenne sur la Radio Télévision Française !! Nous sommes nombreux à vouloir réveiller les consciences et je citerai Bernanos qui disait déjà « que l’on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Hélas la liberté n’est pourtant qu’en vous ».