La richesse est avec le progrès un des mots les plus ambigus de la langue française. Non qu’il n’ait pas un sens précis mais le capitalisme s’en est servi pour faire de ses victimes ses complices.
Le mot riche vient du mot franc riki qui veut dire puissance, pouvoir et qui a aussi donné en allemand, le reich.
Tout groupe a dans son lien social et dans ses lois écrites ou coutumières, sa notion du beau, du bien et du vrai comme celle de leurs mélanges deux à deux, le juste qui joint le bien au vrai, le pur qui rassemble le beau et le vrai (il peut y avoir de purs salauds) et le riche qui cumule le beau et le bien ( une riche idée est à la fois une bonne idée et une belle idée). Ces six notions, le beau, le bien, le vrai, le pur, le juste et le riche sont toutes totalement abstraites. Elles ne se chiffrent pas, elles s’apprécient en pourcentage de la perfection vue subjectivement par des regards généralement communs aux membres du groupe. Les regards ne sont d’ailleurs pas toujours communs et les ferrailleurs, les brocanteurs et les antiquaires gagnent leur vie sur des différences de regards. Ce qui est déchet ou embarras pour les uns, peut être richesse pour d’autres. Ces notions varient d’ailleurs de groupe en groupe et Montaigne écrivait : « Quelle est cette vertu qu’un trajet de rivière fait crime ? » et « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà ». Elles se chevauchent aussi. « C’est bel et bien lui » veut dire « c’est vraiment lui ». « Une bonne grippe » et « au beau milieu du discours » ne sont ni dans le beau ni dans le bon mais dans le vrai.
Le pouvoir, quand il a besoin de l’approbation du peuple, utilise volontiers ce qui plait, le beau et le bon, en laissant souvent de côté le vrai qu’il faut affronter et qui est donc nettement moins plaisant. On retrouve donc plus souvent le pouvoir du côté de la richesse que du côté de la justice ou de la pureté. C’est la nature humaine qui sépare si souvent le pouvoir de la vérité. On le comprend mieux si l’on est conscient que la puissance est le sens premier de la richesse. Le pouvoir a toujours du mal à ne voir la richesse que comme un regard et voudrait tout chiffrer. Le peuple en revanche était beaucoup plus sage par ses maximes comme « Le riche est celui qui se contente de ce qu’il a ». Diogène dans son tonneau était riche de son soleil quand il a dit à Alexandre le Grand : « Ôte-toi de mon soleil ».
Pour créer une richesse, il faut simplement changer de regard. Je me souviens étant enfant avoir passé un été sur le plateau d’Emparis que l’on n’atteignait alors qu’à dos de mulet et ou les bergers faisaient sécher les bouses en les retournant au bout de trois jours et en les laissant reposer un an à l’abri pour s’en servir de combustible à cette altitude où il n’y a plus d’arbres. Ils avaient créé des richesses qu’ils utilisaient eux-mêmes mais ces bouses séchées restaient des encombrements et des déchets pour l’enfant que j’étais et qui savait que je ne reviendrais plus.
La création de richesses par les entreprises, qu’elles soient de production ou de service, est particulière car elle se fait en deux temps. Dans un premier temps l’entreprise, qu’elle soit unipersonnelle ou multinationale, fabrique un bien ou propose un service sans avoir généralement la certitude que sa production sera achetée. Elle crée ce qu’elle espère être une richesse en dépensant de l’énergie humaine stockée qu’est l’argent et de l’énergie humaine vive qu’est le travail. Mais sa création n’est qu’une richesse potentielle et peut être un encombrement qu’il faudra mettre en stock ou même un déchet si aucun acheteur ne vient s’appauvrir pour l’acheter. Cette richesse aléatoire ne deviendra vraiment richesse que lorsqu’un acheteur viendra jeter sur elle un regard d’envie et qu’il le concrétisera en s’appauvrissant pour le payer.
L’argent dont le client s’est appauvri pour acheter, servira à payer les fournisseurs, les salariés, les actionnaires et la collectivité sous forme de taxes, d’impôts ou de cotisations, mais surtout cet argent aura transformé une richesse potentielle en une richesse réelle. C’est cet argent et lui seul qui a prouvé que l’on pouvait regarder la production de l’entreprise comme une richesse. Il n’est donc pas possible de dire que l’entreprise crée des richesses sans regarder de près l’origine de l’argent du client qui a réellement créé la richesse en abandonnant son argent. Dans une économie normale l’abandon par l’acheteur de son argent est une vraie preuve que la production de l’entreprise est une richesse à ses yeux car l’argent durement gagné se dépense difficilement.
Mais la mécanisation a amené une production continue qui a souvent dépassé les besoins et créé des produits qui n’étaient plus des richesses mais des encombrements, voire des déchets. C’est là où le capitalisme intervient à grand frais en créant à la fois le désir par la publicité (le sport et les médias ne vivent que par elle) et la possibilité par le prêt bancaire que l’on présente comme indolore puisque remboursé par la création de richesses futures. Non seulement la publicité et l’emprunt coûtent intrinsèquement très cher mais les richesses futures n’étant qu’un mythe, il va falloir, nous dit-on, sauver les banques en prenant au sérieux leurs actifs donc en remboursant les prêts sans création de richesses nouvelles.
Nous sommes donc aujourd’hui dans une arène où les états endettés, les entreprises endettées et les particuliers endettés se mènent un combat à armes de moins en moins mouchetées pour savoir qui va s’appauvrir pour sauver les banques. Il ne faut pas longtemps pour comprendre que les entreprises paieront avec l’argent de leurs clients, les états avec l’argent de leurs contribuables, bref qu’au bout du compte c’est le peuple qui, s’il l’accepte, s’appauvrira pour sauver les banques.
La bataille sur la réalité de la création de richesses futures ne fait que commencer car le capitalisme mourra le jour où il y aura prise de conscience générale que la création de richesse est un leurre. Inutile de dire que la bataille sera rude. Le formatage des esprits est profond pour nous faire croire que nous sommes un pays riche alors que nous ne sommes qu’endettés pour des biens que nous surévaluons,
Le bon sens triomphera-t-il ?
Ping : L’imbroglio grec | Sur La Société
Ping : L’économie virtuelle | Sur La Société
Par rapport au passage ci-dessous
« L’argent dont le client s’est appauvri pour acheter, servira à payer les fournisseurs, les salariés, les actionnaires et la collectivité sous forme de taxes, d’impôts ou de cotisations, mais surtout cet argent aura transformé une richesse potentielle en une richesse réelle. C’est cet argent et lui seul qui a prouvé que l’on pouvait regarder la production de l’entreprise comme une richesse. Il n’est donc pas possible de dire que l’entreprise crée des richesses sans regarder de près l’origine de l’argent du client qui a réellement créé la richesse en abandonnant son argent. Dans une économie normale l’abandon par l’acheteur de son argent est une vraie preuve que la production de l’entreprise est une richesse à ses yeux car l’argent durement gagné se dépense difficilement. »
peut -on en conclure que ce qui a été acheté avec de l’argent non gagné, de la fausse monnaie, ou un crédit, ne peut être considérée comme une vraie richesse? (Je l’exprime mal, mais je crois que l’on peut creuser, en rattachant cela au fait qu’il ne faudrait pas de création monétaire pour un groupe donné de taille stable)
Comment ai-je pu ne pas répondre à cette question ? En fait je ne l’avais pas lue.
Ce qui est acheté avec de la fausse monnaie est évidemment considéré comme une vraie richesse aux niveaux individuel et microéconomique mais cela rompt en macroéconomie la chaîne d’échanges d’énergie humaine entre les membres du groupe qui normalement se fait de façon permanente par du « donner recevoir rendre » aussi bien en travail qu’en monnaie.
Introduire de la fausse monnaie comme le crédit, change la nature de l’énergie de la monnaie. Cette énergie n’est plus seulement de l’énergie humaine directement véhiculée par la monnaie mais une énergie humaine pompée dans la totalité de la monnaie préexistante en la dévaluant. C’est le principe du coucou qui fait donner de l’énergie à ses petits par les autres.
Quelques définitions ou approches possibles de « riche » et/ou de richesse
Point de vue individuel :
1 être riche = être libre (= pouvoir agir comme on le souhaite)
2 être riche = pouvoir posséder ce que l’on veut vraiment (dérive matérialiste)
Même d’un point de vue individuel, cette notion n’est pas absolue, on peut être plus ou moins riche
Point de vue collectif (vis-à-vis d’un groupe ayant des notions voisines ou similaires du bien, du beau, du vrai)
Les premières communautés chrétiennes ont sûrement une autre notion de la richesse que les traders de la city ou des énarques de la promotion de E. Macron.
C’est donc à l’intérieur d’un groupe donné que l’on peut parler de richesse, et je maintiens qu’une communauté donnée peut acquérir de la richesse, sur 30 u 40 ans, sans nécessairement dépouiller ses voisins ou les futures générations (à la question écologique près).
La richesse à l’intérieur d’un groupe est donc relative, on est plus ou moins riche à l’intérieur d’un groupe donné. Parler de la richesse « globale » d’un groupe n’a donc pas de sens absolu, ce ne peut être que relativement à un autre groupe, totalement disjoint, et là encore cela n’a pas de sens.
Comment comparer la richesse des énarques à la richesse d’un groupe de paysans de Madagascar, sauf évidemment en utilisant les mêmes critères, ceux de l’énarchie, ou ceux du groupe de paysans.
L’approche de ceux qui disent que la richesse est un regard est donc fondamentalement vraie, même si elle est assez peu « opérationnelle ». A l’intérieur d’un groupe, ce groupe vous reconnaît comme plus ou moins riche, et les traders jugeront plus riche quelqu’un qui gagne 100 000 euros par semaine que quelqu’un qui se contente de 10 000 euros.
Peut-on parler de hiérarchie dans cette richesse ? Assimiler dans les sociétés occidentales la plus ou moins grande richesse à la possession plus ou moins grande d’argent-monnaie est sans doute un abus, et on oublie aussi la possibilité, le pouvoir, de « se faire » plus ou moins d’argent dans l’avenir.
Subjectivement la richesse se crée, objectivement elle ne se crée pas.
« Une communauté donnée peut acquérir de la richesse, sur 30 ou 40 ans, sans nécessairement dépouiller ses voisins ou les futures générations » est subjectivement parfaitement vrai et c’est l’exemple évident de la création objective d’un village par un groupe qui voit subjectivement cette réalisation comme une richesse.
Mais la tornade ou une autre tribu qui vient annihiler le village qu’elle considère comme un encombrant ou simplement l’abandon du village pour s’installer ailleurs montre bien que cette belle et bonne richesse, tout d’un coup ne l’est plus. Sauf si l’on a trouvé un acheteur pour le village.
Tout est dans la difficulté d’harmoniser le couple objectif production-monnaie au couple subjectif travail-richesse.