C’est compliqué la haine. Elle s’exprime en violence ou en dérision. Elle n’est pas l’inverse de l’amour, elle est l’inverse du respect et à la fin elle se retourne toujours contre soi. Brasillach et Charlie Hebdo n’ont jamais tué personne mais ils ne respectaient pas ceux qu’ils voyaient en adversaires. Leurs exécutions sont indéfendables mais elles sont pourtant toujours défendues par ceux que leurs plumes ont traumatisés. Ne serait-ce pas manquer de hauteur de vue que de condamner d’un côté et d’approuver de l’autre ? Tous les fanatismes sont dangereux.
Fanum en latin c’est le temple et fanaticus est le serviteur du temple quand le profane reste à l’extérieur. Aujourd’hui le fanatique se barricade dans son idéologie, refuse d’en discuter, refuse même d’envisager de se tromper. Ce fut longtemps le cas des communistes qui ne pouvaient supporter de s’être trompés pendant toute leur vie. Dans l’Histoire récente ce fut évidemment le cas des nazis et de Brasillach, et un très bel exemple de fanatisme est la phrase de Churchill aux Communes, « La démocratie est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres ». Il y a dans cette phrase l’affirmation d’un dogme que l’on sait ne pas être capable de défendre mais dont on refuse la remise en question. Ce sont les idéologies qui créent les fanatiques et défendre une idéologie en condamnant le fanatisme rend pour le moins perplexe. Le fanatisme à la kalachnikov génère beaucoup d’émotion. Il n’est évidemment pas défendable mais il est vite écrasé dans l’œuf en donnant à d’autres fanatismes, d’autres idéologies l’occasion de crier victoire, même en silence. Je suis personnellement plus inquiet d’un autre fanatisme tout aussi méprisant et qui ne tue pas les individus mais les peuples. Pas physiquement bien sûr mais culturellement. Ces fanatiques s’appellent actuellement Hollande, Sarkozy, Bayrou, Juppé, Cohn-Bendit, Attali ou Valls. Ils ont comme journaux Le Figaro, Le Monde, Les Echos et Libération. Ils se regroupent pour mieux résister aux assauts du bon sens.
Le 4 janvier Libération reprenait une étude que Le Point faisait sur Alain Juppé :
Juppé «réfléchit» déjà «évidemment» à ce qu’il ferait. Par exemple, énonce-t-il, «il faudra peut-être songer un jour à couper les deux bouts de l’omelette pour que les gens raisonnables gouvernent ensemble et laissent de côté les deux extrêmes, de droite comme de gauche, qui n’ont rien compris au monde». Le président du Modem, François Bayrou, fan de Juppé, ou Manuel Valls disent la même chose.
Il ne faut en effet pas oublier que les fanatiques ont toujours tout compris au monde. Ils sont les seuls raisonnables et ceux qui n’ont pas la même compréhension qu’eux sont des populistes et des extrémistes qui n’ont accès à la liberté d’expression que lorsque l’on peut retourner contre eux ce qu’ils disent.
Il serait raisonnable d’après eux de croire que le PIB est une richesse annuelle créée pour se la partager ? Il serait raisonnable de dire que la seule façon de lutter contre le chômage c’est que la croissance dépasse 1,5% ou 2% suivant la puérile «loi d’Okun»? Si c’était raisonnable il serait inutile de vouloir aller chercher la croissance avec les dents. Il suffirait d’embaucher des fonctionnaires pour faire du « PIB non marchand » et d’envoyer des pétroliers mazouter nos côtes pour faire du « PIB marchand » avec le nettoyage des plages. D’après ces fanatiques il serait raisonnable de croire s’enrichir chaque fois que nous dépensons de l’argent, quelle qu’en soit la raison et que cet argent ait été gagné ou emprunté. Pour eux dépenser de l’argent c’est créer de la richesse. Ils sont unanimes à ne pas oser dire au peuple qu’il faudrait envisager de se remettre au travail. Dans leur aveuglement ils ont raison. C’est en s’unissant tous qu’ils résisteront le moins mal à la réalité des faits.
Il serait raisonnable d’après eux de garder nos enfants presque le tiers de leur vie entre quatre murs pour marier leur désirs enfantins de liberté et de « vie étudiante » au désir cynique de les formater en complices du système s’ils n’ont pas la force de se rebeller. Il serait raisonnable de voir sortir du moule à 25 ans des garçons et des filles convaincus que le PIB est une richesse créée annuellement qui permet la réalisation de tous leurs rêves. Il serait raisonnable de voir sans en être dérangé la douleur de leur réveil quand ils s’aperçoivent qu’avoir accumulé des connaissances ne les a absolument pas préparés à la vie. Il serait raisonnable de tout mettre sur le dos de la crise. On dirait vraiment qu’ils n’ont pas compris que l’expérience est au moins aussi importante que la connaissance et que le discernement est bancal sans elle. Dans leur aveuglement ils ont raison. C’est en s’unissant tous qu’ils résisteront le moins mal à la réalité des faits.
Il serait raisonnable d’après eux d’appeler démocratie l’avis majoritaire de la foule en refusant de s’intéresser à la liberté et à la compétence des votants de même qu’à l’intérêt réel qu’ils portent au sujet traité. Il serait raisonnable de se voter des lois de financement des partis politiques pour ne plus subtiliser l’argent indispensable à l’achat de l’affect du peuple afin qu’il choisisse le bon bulletin le jour J. Là ils ont vraiment compris qu’il fallait être riche pour être élu et dans leur clairvoyance ils ont raison. C’est en s’unissant tous qu’ils résisteront le mieux à la réalité des faits et qu’ils pourront acheter avec l’argent du peuple, leur propre tranquillité pendant quelques années en mariant parole et illusion.
Alain Juppé a raison. Il y a une omelette dont les bouts sont différents et il n’est pas le premier à prendre cette image. Ils ont raison de vouloir se regrouper dans leur combat perdu d’avance comme les Jedi dans L’attaque des clones. Ils ne ressentent même plus le ridicule de leur appel désespéré à la croissance divine qui n’arrivera malheureusement pas aussi facilement que Yoda et son armée de clones dans Starwars.
Nous sommes tous complices de cet abandon de notre pays aux fanatiques. Séparons en effet dans l’omelette les fanatiques et les profanes, le gros ventre mou crépusculaire et les extrémités balbutiantes.
Un bout de l’omelette veut faire payer les riches, ceux qui se sont scandaleusement enrichis au détriment des entreprises et des Etats qu’ils étaient supposés servir. Ils ont évidemment raison mais si c’est nécessaire, ce n’est clairement pas suffisant.
L’autre bout de l’omelette veut limiter le problème à son rayon d’action, à la nation, à sa capacité à agir et c’est évidemment le bon sens. Mais ce n’est pas seulement en fermant la fenêtre que l’on soigne un malade.
Il y a beaucoup à dire sur les deux bouts de l’omelette mais c’est là où le vrai raisonnable cherche à naitre, en rejetant le fanatisme incroyablement dangereux de tous ceux qui s’autoproclament raisonnables en entrainant leur peuple au désastre et en le formatant par simple intérêt personnel.
Demain, dimanche 11 janvier 2015, manifestons notre rejet de la haine et de tous les fanatismes. Et ayons de l’empathie pour tous les fanatiques en espérant leur résilience.