Platon nous avait pourtant alertés avec son allégorie de la caverne


Il est troublant de vivre aujourd’hui ce que Platon a décrit il y a 2400 ans dans son allégorie de la caverne. Nous nous querellons, nous nous agitons, nous dépensons un temps précieux pour savoir comment bien réagir à ce que nous percevons de la situation difficile actuelle. Nous cherchons à résoudre des problèmes inexistants tout en refusant de voir ceux qui nous accablent vraiment. C’est ce que Platon explique par l’allégorie de la caverne.

Un dessin trouvé sur internet et discrètement signé IG détaille fort bien l’allégorie de la caverne.

Des hommes enchaînés aux jambes et au cou, croient voir la réalité alors que c’est une lumière artificielle qui leur projette ce qu’ils doivent croire. L’un d’entre eux s’échappe et a du mal à voir la réalité tellement la lumière réelle est éblouissante pour lui. Le dessin n’explique pas que dans l’allégorie il revient tenter de libérer ses codétenus qui le tuent pour ne pas remettre en question leurs certitudes.

Les trois points clés de la caverne sont la fausse lumière qui dispense une fausse vérité, les chaînes qui empêchent de regarder sous un autre angle et qui poussent à prendre pour réel ce qui n’est qu’habitude tout en rendant primordiale cette fausse vérité, et enfin l’origine de cette fausse vérité que l’on doit avaler. Toute discussion et toute réflexion fondées sur une réalité qui n’en est pas une, est pourtant sans intérêt si ce n’est dans l’esprit des détenus. Platon l’explique : « Ils se décernaient entre eux louanges et honneurs, ils avaient des récompenses pour celui qui saisissait de l’œil le plus vif le passage des ombres, qui se rappelait le mieux celles qui avaient coutume de venir les premières ou les dernières, ou de marcher ensemble, et qui par là était le plus habile à deviner leur apparition. » N’est-ce pas là une description réaliste de notre société qui se contente de batailles idéologiques sur des sujets secondaires présentés comme importants, sans réaliser que nous avons quitté le domaine du réel ? Pour Platon son allégorie s’appliquait à la Grèce. Mais avec le formidable essor au XXe siècle de la communication qui submerge presque partout, et surtout en Occident, l’action et la réflexion, l’allégorie s’applique maintenant à quasiment l’ensemble de la Terre avec une même fausse lumière et des chaines nouvellement inventées. Le principe reste le même et vouloir libérer des chaines n’entraîne heureusement plus le meurtre mais est généralement accueilli par le mépris, la dérision ou l’insulte car la réalité est très dérangeante quand on a fondé sa vie sur une simple apparence. La réussite n’étant pas nécessaire à la persévérance,  observons la fausse réalité dans laquelle nous croyons vivre, la cause de notre incapacité à nous en rendre compte et laissons à chacun le soin de chercher qui a intérêt à tout cela.

L’essentiel est d’abord la lumière artificielle médiatico-politico-universitaire qui nous projette la fausse réalité que nous créerions chaque année de la richesse chiffrée par le PIB. Toutes les idéologies actuelles l’accueillent comme une vérité incontournable et l’intègrent dans leurs raisonnements qui deviennent évidemment stériles mais aptes à des joutes sans fin devenant de plus en plus violentes pour continuer à exister.

L’homme sait en effet produire mais c’est le regard de l’autre sur sa production qui en fait une richesse ou un déchet. Un regard ne se crée pas et ne fait que se constater. Un regard ne se chiffre pas non plus et le PIB ne chiffre absolument pas une création de richesse totalement imaginaire mais il chiffre, sans la juger, la circulation monétaire. Il additionne la consommation de drogue et l’achat d’alimentation saine, la réparation d’un accident et la vente d’un avion, la prostitution et l’augmentation des fonctionnaires  en rémunération comme en nombre. Chaque fois que l’argent circule, le PIB augmente. Où est la création de richesse ? Elle n’existe pas mais il est agréable d’y croire.

La circulation monétaire chiffrée par le PIB est un mouvement circulaire allant de la production au revenu puis à la dépense. L’Insee chiffre d’ailleurs le PIB en le mesurant soit par la production, soit par le revenu, soit par la dépense. Mais en ne retenant que le chiffrage par la production, on peut faire croire aux nigauds que cela chiffre la création de richesse.

Ce qui est intéressant et qui nous ramène à Platon, c’est que tout un tas de gens intelligents et honnêtes croient à cette création de richesse en constatant qu’à leurs yeux, nous vivons en moyenne mieux que nos grands-parents, ce qui est à l’évidence vrai. Quelles sont donc ces chaînes qui nous forcent à continuer à prendre pour réel ce qui ne l’est pas ?

Ces chaines sont les multiples dépendances auxquelles nous sommes assujettis, des antidépresseurs aux vacances et aux loisirs, en passant par le confort et la propriété. Toutes ces dépendances que nous appelons progrès et qui sont devenues des addictions, sont toutes dépendantes de la dépendance mère à l’argent dont nous avons volontairement oublié l’origine humaine de la force. Depuis le 15 août 1971, date depuis laquelle, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les monnaies ne sont plus liées à une richesse reconnue, les monnaies sont fabriquées légalement par les banques uniquement pour être prêtées puis détruites, une fois récupérées avec intérêt. Comme les banques en fabriquent légalement beaucoup plus qu’elles n’en détruisent, la dette mondiale explose et finance l’ensemble des chaînes qui nous empêchent de réaliser que notre réalité actuelle n’en est pas une et ne peut en aucun cas perdurer. Toutes les idéologies s’en désintéressent en imaginant que le PIB mondial remboursera la dette.

En octobre 2024 le FMI a estimé que la dette publique mondiale (donc sans compter les dettes privées) devrait dépasser les 100.000 milliards de dollars ou d’euros pour 7 milliards d’humains. Il s’est dit inquiet car cela fait, dit-il, 93% du PIB mondial et pourrait s’élever à 115% du PIB en 2027. Pour la France il voit une dette publique qui dépasserait 124% du PIB en 2029.

Quand on prend la peine de reconnaître que le PIB ne chiffre que la circulation monétaire et donc qu’il croît chaque fois que l’on dépense de la monnaie créée le matin même par la double écriture d’une banque, on réalise que le PIB ne rembourse pas la dette mais l’augmente. Si on prend encore la peine de reconnaître que l’énergie d’une monnaie ne vient que de l’énergie humaine, il faudrait pour rembourser la dette, non pas du PIB qui l’augmente, mais de l’énergie humaine sans contrepartie puisque déjà utilisée. Il n’y a que l’esclavage et le pillage des autres par la guerre ou la ruse qui répond à la question. Chacun peut observer que c’est ce qui est mis en place actuellement pour rester encore un moment dans notre fausse réalité. Dans la vraie réalité il ne faudra rembourser aux « marchés financiers » et aux « investisseurs » que ce qui a été gagné avant d’être prêté et rembourser à la collectivité tout ce qui n’a été créé que pour être prêté et détruit après récupération avec intérêts.

Alors que faire ?

Sûrement arrêter ce que font tous les politiciens, à savoir trouver des solutions aux faux problèmes de la fausse réalité qui nous est présentée. Ne pas chercher des solutions avant d’avoir retrouvé la vraie réalité et en avoir supporté le premier choc aveuglant. Mais une fois le premier choc passé, nous découvrirons la réalité des vrais problèmes qui engendreront une transformation profonde de nos réflexions et de nos comportements. Il faudra savoir ce que nous arrêterons de payer et les politiciens seront à nouveau nécessaires pour éclairer les choix qui seront vraiment très difficiles. Mais la fausse réalité dans laquelle nous vivons est si agréable que le système a fait de nous ses complices et que personne n’a vraiment envie de quitter ses chaînes.

Les quitter ou disparaître est pourtant la seule alternative. Souvenons-nous que Boileau a écrit il y a plus de trois siècles dans son premier chant de l’Art poétique :

Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :

Polissez-le sans cesse et le repolissez ;

Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.

Il a tracé avec Platon notre feuille de route à moins que nous ne préférions l’esclavage et la guerre. L’avenir appartient à ceux qui ouvriront les yeux.