Cher Monsieur,
Depuis quelques mois les élèves des grandes écoles vous réclament tous pour venir leur faire votre cours de l’école des Mines de Paris sur l’énergie. Chacun peut trouver ce cours sur la toile et il est en effet passionnant.
Vous y montrez en images et avec un vocabulaire incisif et vivant que nous sommes tous devenus des « supermen pour de vrai » depuis que, par l’intermédiaire des machines, nous nous sommes créés des « prothèses » pour multiplier notre capacité énergétique par 200 en consommant les énergies fossiles non renouvelables que sont le charbon, le pétrole et le gaz.
Mais vous rappelez que « la physique sera toujours plus forte que les slogans » et vous en déclinez les conséquences.
Vous montrez que l’humanité est passée en deux siècles des énergies renouvelables avec le chauffage au bois, la marine à voile, les moulins à eau et à vent ou la traction animale, aux énergies fossiles qui ont transformé notre façon de vivre de façon pratiquement irréversible. Le retour en arrière et la redécouverte des énergies renouvelables comme source principale vous semble utopique et vous le démontrez fort bien.
Vous montrez encore que nous n’avons jamais remplacé une énergie primaire par une autre sans continuer à l’utiliser toujours davantage. Nous consommons de plus en plus de bois, de plus en plus de charbon, de plus en plus de pétrole, de plus en plus de gaz, de plus en plus de nucléaire, et l’apport des nouvelles énergies renouvelables, solaire ou éolienne, est quasiment ridicule et ne peut en aucun cas remplacer les énergies fossiles. Vous dites : « Nous avons changé d’ordre de grandeur dans la transition énergétique. »
Vous montrez tout de même que depuis 2008 l’humanité est passée par un pic et que nous avons changé d’époque sans en prendre réellement conscience.
Vous dites que « la décroissance n’est pas un souhait, c’est un élément du cahier des charges » et vous fustigez les irresponsables qui veulent continuer à faire croitre le PIB en diminuant l’émission de CO2
Vous expliquez en effet que tous les convertisseurs d’énergie fossile produisent du CO2 par carburation, vous montrez que les courbes du PIB et de l’extraction de pétrole se superposent quasi exactement.
Pourtant après avoir brillamment éclairé tout cela dans nos têtes, vous vous engagez dans la piste du réchauffement climatique lié à l’augmentation de CO2, piste dans laquelle vous êtes moins convaincant car le lien reste à faire entre l’augmentation des gaz à effet de serre (GES) et les mouvements des cyclones et des anticyclones, seuls responsables du climat. Je ne vous ai pas entendu non plus expliquer ce qui augmente ou diminue la vapeur d’eau des nuages qui forme 55% des GES alors que le dioxyde de carbone n’en forme que 39% et le méthane 2%. Si le réchauffement actuel est évident, il n’est pas évident de l’attribuer à l’homme ou aux éruptions solaires mal connues et aux éruptions volcaniques surtout quand elles sont inconnues car sous-marines.
Mais ce n’est pas pour vous parler du doute que l’on peut avoir sur le réchauffement climatique anthropique que je vous écris cette lettre mais pour vous parler d’une piste que vous n’explorez pas et qui est à mon sens beaucoup plus riche d’actions. Cette piste vous a échappé car vous en êtes resté à une définition fort exacte de la monnaie qui est malheureusement fausse depuis plus de 50 ans.
Vous dites « Le capital, c’est la partie de la production qui ne se consomme pas tout de suite et qui est réutilisable pour augmenter la production future.» Quelle belle définition de l’argent et ô combien exacte !
Malheureusement cette définition n’est plus d’actualité depuis que Nixon a été obligé de déconnecter le dollar de l’or en août 1971 après que la FED ait imprimé 5 fois plus de dollars qu’elle n’avait d’or à Fort Knox pour payer le plan Marshall et les guerres de Corée et du Vietnam. Depuis cette date le dollar n’est plus une partie non consommée de la production et toutes les monnaies que les accords de Bretton Woods avaient liées en 1944 au dollar, non plus. L’euro encore moins puisqu’il a été créé sur des monnaies qui avaient été déconnectées de productions non consommées 30 ans auparavant.
En en restant à ce qu’était la monnaie du temps où elle avait un sens, et sans chercher à voir ce qu’elle était devenue, vous vous privez d’un facteur limitant dont il est parfaitement possible de se servir. Je vous rappelle que le PIB n’est pas un produit mais le chiffrage d’une activité de négoce, chiffrage fait par les trois façons possibles qui doivent donner le même résultat et qui sont le chiffrage de ce qui a été vendu, l’argent dépensé pour l’acheter et l’addition des factures. Il suffit de créer de la monnaie-dette, ce que l’on fait depuis 50 ans, pour faire du PIB et croire que l’on crée des richesses puisqu’on crée artificiellement l’argent pour les acheter et faire croire que la production des machines est richesse. Le PIB n’existe que si en face des productions il y a de la monnaie. Les machines produisent en pillant la Terre et les banques fabriquent de la monnaie pour que les productions soient des richesses. C’est insupportable.
Vous n’avez pas une grande admiration pour les économistes et je ne citerai pas vos phrases qui sont malheureusement bien souvent justes. Pourtant c’est par l’économie que nous réglerons notre problème qui est en effet la réalisation d’une nécessité absolue de décroissance. Nous ne limiterons les productions que par la limitation de l’argent et le retour de son vrai sens de titre de créance sur n’importe quel membre du groupe qui l’utilise, titre de créance causé par une production humaine préalable.
Or la décroissance est interdite par la fabrication sans fin par les banques d’une monnaie-dette qui n’est plus une production passée non consommée mais une production future espérée et prédéfinie arbitrairement comme une richesse, ce qu’elle deviendra en effet apparemment lors de son achat stimulé par les médias et financé par encore une nouvelle monnaie créée par les banques. La monnaie a toujours été une énergie au sens très exact que vous donnez à l’énergie en disant « L’énergie est ce qui quantifie le changement d’état d’un système ». Elle quantifie par le prix la production passée utilisée pour la transformer en nourriture, en logement, en transport et en quasiment tout puisque même les âmes s’achètent disait Faust. Vous rappelez que « pour utiliser une énergie, il faut un convertisseur » et ce sont les commerçants qui sont les convertisseurs de l’énergie monétaire. Mais l’énergie monétaire a oublié que son énergie primaire est l’énergie humaine qui la limite énormément. Elle est devenue avec la monnaie-dette une nouvelle énergie sans source primaire et totalement illimitée qui vient se surajouter sans obstacles à toutes les énergies que vous décrivez fort bien. Cette énergie se transforme en machines et en mangeuse d’énergie fossile. Elle transforme les productions en richesses en les finançant puis en les achetant, elle consomme sans frein le stock des matières premières, qu’il soit fossile comme le pétrole ou renouvelable comme les poissons.
Vous dites fort justement qu’il faut « donner espoir aux gens dans un monde où par ailleurs il n’y aura plus de moyens », qu’il faut savoir « comment on fonctionne au mieux dans une société qui est en contraction », que c’est une guerre et que « Les généraux de cette guerre n’existent pas …ou pas encore ». Vous avez encore raison mais ces généraux n’émergeront pas si on reste désarmé devant cette énergie factice qui fait croire que l’impossible est possible.
Vous brocardez les économistes en disant : « Les économistes disent : ce qui est limitant, c’est ce qui dépend des hommes, le reste ce n’est pas la peine de s’en occuper » N’ont-ils pas malgré tout raison ? Est-ce qu’il dépend des hommes d’en empêcher d’autres de piller la Terre ? N’est-il pas plus efficace de rendre à l’argent sa force de facteur limitant en laissant à chacun le soin de gérer librement sa pénurie, seul ou en groupe, que ce soit en humanité, en civilisation, en nation ou en village. Le groupe ne doit-il pas simplement veiller à ce que chacun puisse rendre son énergie personnelle utile sans tout attendre des entreprises ?
Ne faut-il pas revenir à la pénurie d’argent et la gérer, ce qui est l’exact inverse de ce que vous disiez à Sciences-Po « Du pognon il y en a » ? Gérer la pénurie d’argent, n’est-ce pas la guerre à gagner que vous appeliez de vos vœux ?
Pour cela il faut s’attaquer à l’édifice aussi chancelant que l’a été l’URSS et qui est constitué des banques, du FMI, de l’Union Européenne, de l’OTAN, des multinationales et accessoirement des politiques et des médias qui leur appartiennent. Il n’y a que les peuples qui seront des alliés et qui ont tellement plus de bon sens. Mais un combat non mené n’est-il pas perdu d’avance ? Et ce combat-là n’est-il pas, malgré tout, moins compliqué et avec une plus grande chance de succès car moins rêveur, que de se prendre pour Dieu et de décider de baisser la température de l’atmosphère ?