Il y a toujours une cause à un évènement et une cause à cette cause. On peut remonter d’un cran chaque fois pour trouver à chaque niveau la cause de l’évènement qui va devenir lui-même la cause de la suite du phénomène qui engendrera à son tour,… etc.
Dans la confusion actuelle il devient difficile de prendre conscience de la source de tous nos maux tellement elle est submergée par un océan d’explications superficielles et contradictoires, ce qui poussent beaucoup à renoncer à comprendre et à se réfugier dans un corporatisme défensif ou un intellectualisme protecteur.
L’erreur de base est d’avoir oublié qu’une richesse n’est qu’un regard et qu’elle peut être aussi un encombrant ou carrément un déchet. Une maison merveilleuse construite sans permis sur un site corse admirable sera suivant les yeux qui la regarderont une richesse, une gêne ou un édifice à démolir d’urgence. Il est regrettable que la science économique n’ait jamais pris le temps d’étudier la différence entre une richesse, un encombrant et un déchet en considérant très puérilement que tout ce qui est produit est richesse et en s’égarant dans le chiffrage et la mathématique.
Pour s’aveugler elle-même la science économique a inventé la phrase indéfendable qui est pourtant en tête de tous les livres d’économie : « Au début était le troc et un jour c’est devenu trop compliqué et on a inventé la monnaie ». Cette science matérialiste nous a formaté pour que nous soyons convaincus qu’au début est l’échange des avoirs alors que quiconque a fondé une association ou un couple sait bien qu’au début est l’échange des êtres à l’intérieur d’un but commun.
On en arrive à la notion délicate d’enrichissement.
Si l’on regarde une société sans monnaie comme par exemple une tribu où chacun fait sa part, l’enrichissement d’un membre de la tribu n’est pas simple car il fait appel aux multiples motivations qui en poussent d’autres à s’appauvrir. Ces motivations sont souvent du domaine du sacré et s’estompent dès que les équilibres sont menacés.
Dans une tribu, c’est le chamane et le chef qui donnent une impression de richesse puisqu’ils ont le pouvoir et le mot richesse vient du mot franc rikki qui veut dire pouvoir. Chez les autres membres de la tribu il n’y a pas d’enrichissement sauf si certains désirent s’appauvrir pour en honorer un autre. Un individu ne s’enrichit que par l’appauvrissement d’autres et la tribu ne s’enrichit que par ce que donne la nature suivant des cycles qui vont de l’année aux millions d’années (Quand on parle en millions d’années les écologistes rappellent fort justement que cycle ne se met pas au pluriel), ou par le pillage des biens d’une tribu rivale vaincue. Il n’y a pas d’enrichissement sans appauvrissement sauf ce que la nature nous donne et que le travail de l’homme va chercher. Les Physiocrates l’avaient parfaitement vu au XVIIIème siècle et la richesse fournie par la nature est grosso modo consommée pour survivre ce qui n’est donc nullement une richesse stockée. Il n’y a quasiment pas de richesse collective stockée.
Dans une société avec monnaie il faut d’abord accueillir le fait que la monnaie n’arrive que lorsque l’échange des êtres commence à avoir des ratés et que le pouvoir cherche à faire travailler les tire-au-flanc. La monnaie est une invention aussi géniale que la roue. Le pouvoir distribue à chacun une quantité de matière recherchée, rare, pérenne et divisible, en mémoire de son apport passé au groupe. Moneo est en effet une forme causative de la racine grecque men et la cause du monument comme de la monnaie est de se souvenir. Junon Moneta est la déesse qui fait se souvenir. La monnaie comme la roue a été inventée sur tous les continents par quasiment toutes les civilisations et, après que l’on ait chiffré les biens et les services et initié une impression de troc, elle permet de forcer sans contraintes et en douceur chacun à se rendre utile. Si aujourd’hui la monnaie a malheureusement complètement perdu son sens, elle reste de l’énergie humaine stockée et personne ne peut en fabriquer s’il n’y a pas stockage d’une nouvelle énergie humaine. Si l’on en fabrique tout de même, elle s’autodétruit par la dévaluation et la hausse des prix comme on l’a vu au XVIème siècle avec les galions espagnols chargés d’or et d’argent, au XXème siècle avec l’édification sur rien du monde financier et aujourd’hui avec les folies des Politiques qui nous mènent à l’explosion.
Mais l’introduction de la monnaie a eu un effet pervers car le chiffrage des biens et des services n’a bientôt plus été un système à somme nulle remplaçant simplement l’échange des êtres comme dans une tribu mais est devenu une proposition malsaine et mensongère d’enrichissement sans appauvrissement apparent de l’autre En effet dès que quelqu’un reçoit une somme lui permettant d’épargner, il est convaincu de s’enrichir par la bonne gestion de l’argent qu’il reçoit sans appauvrir personne. Malheureusement nous le lui laissons croire car un individu qui croit s’enrichir vote bien et pour cette raison nous rentrons collectivement dans le monde de l’apparence et du faire croire avec une intelligence stupéfiante. Les actions sont tous azimuts.
Le premier abus de confiance a été de faire croire que le Produit Intérieur Brut était comme son nom l’indique un produit. Il n’est en fait qu’une mesure de l’activité faite par tout ce que nous dépensons bêtement ou intelligemment et que l’INSEE chiffre soit par notre appauvrissement soit par les marchandises et services vendus, soit par les transactions effectuées. On trouve évidemment quand on ne se trompe pas la même mesure en euros de notre agitation qui vient de plus en plus de marchandises importées et d’argent prêté qu’il faudra donc payer deux fois. Mais la classe politico médiatique continue à présenter le PIB comme une création annuelle de richesses alors qu’il n’est que dépenses. Tous les médias raisonnent sur des pourcentages de PIB comme si c’était un pourcentage de richesses faussant habilement tous les raisonnements.
Nous justifions l’enrichissement des électeurs de leur logement, de leur voiture et de beaucoup de biens matériels par l’enrichissement du groupe par les entreprises et leurs fameuses valeurs ajoutées. Or les entreprises ne créent aucune valeur. Elles ventilent l’argent de leurs clients à leurs salariés, à leurs actionnaires, à leurs fournisseurs et à la collectivité. Pour capter l’argent de leurs clients les entreprises les séduisent soit par des services immédiatement consommés soit par des objets toujours présentés comme des richesses alors qu’ils deviendront tous à plus ou moins brève échéance, encombrants puis déchets . Les entreprises dépensent beaucoup d’argent pour acheter des machines qui fabriquent en continu d’abord des richesses puis des encombrants
Elles sont obligées alors de faire à nouveau des dépenses énormes publicitaires pour transformer les encombrants souvent inutiles en richesses. Pour faire tourner les machines on féminise les hommes, on virilise les femmes et surtout le système bancaire prête aux clients impécunieux de quoi acheter en leur racontant qu’ils rembourseront les emprunts par leur création future de richesse. Le groupe ne crée pas de richesses mais disperse par les entreprises les richesses inexistantes des banques.
Ainsi les électeurs s’enrichissent individuellement quand collectivement nous ne créons pas de richesses. L’appauvrissement compensatoire s’accumule dans les entreprises et dans les Etats et l’on observe alors une conséquence fantastique et perverse dont nous ne savons pas sortir : pendant que les PME sont condamnées à être hyper performantes ou à déposer le bilan, les grandes entreprises et les Etats accumulent avec les banques les pertes abyssales très bien cachées légalement par la comptabilité et l’appui bancaire. A chaque changement de président on passera quelques milliards d’euros de provision pour continuer à tenir. Les fusions permanentes aideront à cacher provisoirement le désastre.
On assiste alors à deux jeux particulièrement pervers.
Le premier est la bataille permanente pour se refiler la patate chaude de l’appauvrissement, bataille où tous les coups sont permis s’ils ne sont pas trop visibles entre l’Etat, les entreprises et les citoyens qui sont devenus des clients et des contribuables. Observer à distance cette bataille au couteau d’une ingéniosité admirable laisse de l’espoir sur notre capacité énergétique et inventive.
L’autre jeu est l’import-export. Nous avons malheureusement oublié l’esprit de la Charte de La Havane fruit provisoire du bon sens d’après-guerre dans les rapports internationaux comme l’était le programme du Conseil National de la Résistance pour notre organisation interne. La Charte de La Havane votée à l’unanimité par tous les membres de l’ONU disait qu’il ne fallait pas faire payer les autres et que l’on ne pouvait importer que si l’on exportait autant. C’est d’ailleurs normalement par ce biais que les monnaies s’évaluent. Chaque pays paye avec sa propre monnaie et si un pays importe beaucoup et exporte peu, sa monnaie se dévalue. S’il exporte beaucoup et importe peu, sa monnaie se réévalue. Cela doit rester quantitativement faible par rapport à la vie d’un pays qui ne veut pas de la liberté du renard dans le poulailler et qui surtout ne veut pas dépendre des autres. Mais nos grandes entreprises et l’Etat ont voulu avec l’OMC cette liberté qui est l’inverse de la Charte de La Havane que l’on nous a fait oublier. Comme nous sommes un peu hâbleurs le résultat est évidemment catastrophique et nous sommes passés de 14 milliards d’excédent à 60 milliards de déficit.
Nous allons évidemment à l’explosion d’un système impossible où la classe politico médiatique ne sait plus quoi proposer si ce n’est d’aller encore plus vite vers le mondialisme où des milliards d’hommes ayant les mêmes désirs (puisque pour eux la civilisation c’est nous) s’entredéchireront pour avoir ce que la Terre ne peut pas produire pour tant de gens.
Mais les vrais coupables ne sont pas les marionnettes du monde politico médiatique mais nous-mêmes qui sommes si contents de vivre beaucoup mieux que nos grands-parents, d’acheter notre logement, d’avoir 5 semaines de congés payés, de partir en vacances sur la Côte ou au ski et surtout de ne pas nous interroger sur le fait qu’aucune civilisation avant nous n’a fait à ce point semblant d’enrichir son peuple en glissant les appauvrissements compensatoires chez les puissants du moment
Je souhaite ardemment que ce billet soit discuté, disputé et diffusé.